Transmission et fiscalité – MoneyStore

Transmission et fiscalité

Cette rubrique est animée par Consilium GST

L’habitation familiale en droits de succession : état des lieux

Par Martin Piret Gérard, Associé chez CONSILIUM Gst 

Le 10 mai 2023

L’habitation familiale constitue une part importante du patrimoine du défunt. Dans ce contexte, les héritiers pourraient être contraints de devoir la vendre pour régler les droits de succession. Pour cette raison, les trois régions ont prévu une exemption de droits de succession sur l’habitation familiale en faveur du partenaire survivant. Les règles varient légèrement d’une région à l’autre. Quelles sont-elles ?

Notion d’habitation familiale

Dans les trois régions, l’exemption porte sur l’immeuble qui servait de logement familial au défunt et à son partenaire au jour du décès.

En Région wallonne, le défunt et son partenaire doivent avoir occupé le logement familial de façon ininterrompue depuis au moins cinq années à la date du décès. Cette condition de durée de résidence n’existe pas à Bruxelles et en Flandre.

Dans les trois régions, la preuve résulte d’un extrait du registre de la population ou du registre des étrangers. Le cas échéant, le partenaire survivant peut démontrer qu’un élément a empêché le maintien de l’un des partenaires dans le logement familial (force majeure, raison impérieuse, etc.).

Qui peut bénéficier de l’exemption ?

En Wallonie et à Bruxelles, l’exemption s’applique au conjoint ainsi qu’au cohabitant légal survivant. En Région bruxelloise, le cohabitant légal ne bénéficie pas de l’exemption dans les hypothèses suivantes. S’il est un parent en ligne directe du défunt, un ayant droit qui est assimilé à un parent en ligne directe pour l’application du tarif, un frère ou une sœur, un neveu ou une nièce, ou un oncle ou une tante du défunt. En Région wallonne, le lien de parenté entre le défunt et le cohabitant légal n’a pas d’incidence.

Particularité en Flandre, le cohabitant de fait bénéficie aussi de l’exemption. Pour ce faire, il faut qu’au jour du décès, il forme avec le défunt depuis au moins trois années ininterrompues un ménage commun et qu’il ne soit pas un parent en ligne directe du défunt ou un ayant droit assimilé à un ayant droit en ligne directe. De son côté, le cohabitant légal peut bénéficier du régime sauf s’il est un parent en ligne directe du défunt ou est un ayant droit qui, pour l’application du tarif, est assimilé à un ayant droit en ligne directe.

Quelles sont les formalités ?

Lorsque les données du registre de la population ou du registre des étrangers confirment que les conditions du régime sont remplies, l’exemption est accordée d’office. Dans tous les autres cas, l’application de l’exemption doit être expressément demandée dans la déclaration de succession.

Quel est l’avantage fiscal ?

Dans les trois régions, l’exemption est totale. Elle a pour conséquence d’exclure de la base imposable la part nette recueillie par le partenaire survivant dans l’habitation familiale. Par « part nette », la loi vise la valeur de la part recueillie par le partenaire dans la résidence principale déduction faite des dettes. En étant exclue de la base imposable, cette part n’est pas prise en compte pour déterminer les tarifs applicables au reste de la succession du défunt.

L’exemption sur l’habitation familiale offre de belles opportunités de planification successorale. En fonction de votre situation, rédiger un testament ou modifier votre contrat de mariage pourraient être opportun. De cette manière, vous pourrez profiter de manière optimale de cet avantage fiscal.

Les informations contenues dans le présent document sont fournies à titre purement informatif et ne sauraient être considérées comme un avis juridique ou fiscal, une recommandation ou un conseil en investissement de la part de Consilium Gst SRL. Les informations contenues et mentionnées dans ce document, considérées comme légitimes et correctes le jour de leur publication, conformément à l’environnement juridique, économique et financier en place à cette date, sont susceptibles d’évoluer à tout moment.


L’assurance-vie et les héritiers réservataires en droit français

Par Martin Piret Gérard, Associé chez CONSILIUM Gst et Martin Le Breton, Conseiller financier et patrimonial chez CONSILIUM Gst

 

En droit français, l’assurance-vie se situe au carrefour entre le droit civil et le droit des assurances. Analyse et points d’attention.

 

Qui sont les héritiers réservataires ?

 

En droit français, certains héritiers sont protégés par la loi. On les appelle les héritiers réservataires. Cela signifie qu’ils doivent obligatoirement recevoir une quote-part minimale de la succession. Cette quote-part minimale est appelée « réserve héréditaire ». La partie dont le défunt peut librement disposer est appelée « quotité disponible ».

 

Seuls les enfants ont la qualité d’héritiers réservataires. En cas d’atteinte à leur réserve, ces derniers peuvent intenter une action en réduction. La réserve varie selon le nombre d’enfants. Elle est globale et correspond à une fraction de la succession en pleine propriété. A noter qu’en droit successoral belge, la règle diffère. En effet, depuis le 1er septembre 2018, la réserve héréditaire globale des enfants est invariablement fixée à la moitié et ce, quel que soit le nombre d’enfants.

 

Le conjoint survivant n’est pas un héritier réservataire. Il est donc possible de le priver de ses droits légaux. Une exception existe. En effet, la loi française prévoit que le conjoint survivant acquiert la qualité d’héritier réservataire lorsque le défunt décède sans enfant. Dans cette configuration, la réserve du conjoint survivant est fixée à un quart de la succession.

 

L’assurance-vie permet-elle d’échapper à ces règles ?

 

La figure juridique du contrat d’assurance-vie renferme une stipulation pour autrui. Cela explique que les capitaux versés au bénéficiaire n’ont jamais fait partie de la succession du souscripteur défunt. Par conséquent, les règles du rapport et de la réduction ne s’appliquent pas aux capitaux décès et aux primes versées.

 

Le siège de la matière se trouve à l’article 132-13 du Code français des assurances. Il précise ce qui suit : « le capital ou la rente payable au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. Ces règles ne s’appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés. »

 

Compte tenu de ce qui précède, il est possible d’échapper aux règles du rapport et de la réduction sous réserve que les primes versées par le souscripteur ne soient pas manifestement exagérées. Sous cette réserve, tant les capitaux versés au bénéficiaire que les primes versées par le souscripteur dans le contrat d’assurance-vie échappent au mécanisme de protection de la réserve héréditaire.

 

En droit belge, la solution inverse prévaut depuis le 1er septembre 2018. En effet, l’article 188 de la loi relative aux assurances prévoit qu’« en cas de décès du preneur d’assurance, la prestation d’assurance est, conformément au Code civil, sujette à réduction et à rapport ». Par conséquent, le montant des capitaux versés au bénéficiaire est pris en compte pour le calcul de la réserve héréditaire.

 

Primes « manifestement exagérées »

 

En l’absence d’une définition légale du caractère « manifestement exagéré » des primes versées, il faut se référer à la jurisprudence de la Cour de cassation. Pour apprécier le caractère manifestement exagéré des primes, il y a lieu de tenir compte de la situation personnelle et patrimoniale du souscripteur, de son âge, de son état de santé ainsi que des motifs qui l’ont incité à investir dans un contrat d’assurance-vie.

 

Conclusion

 

Le contrat d’assurance-vie est un outil de transmission patrimoniale particulièrement intéressant. En particulier, il permet au parent-souscripteur d’orienter ou cibler sa générosité et ce, même en présence d’héritiers réservataires. Il convient toutefois de manier cet outil avec précaution et ce, afin d’éviter les mauvaises surprises au moment de l’ouverture de la succession.

 


Achat scindé et immobilier : technique de planification successorale

Par Martin Piret Gérard, Associé chez CONSILIUM Gst

Le 9 mars 2023

L’achat scindé est une technique parfaitement licite de planification successorale fréquemment utilisée en Belgique. On y recourt notamment pour acquérir un bien d’investissement ou une seconde résidence avec ses enfants.

 

Comment ça fonctionne ?

 

Au moment d’acheter un immeuble, les parents en acquièrent l’usufruit et les enfants la nue-propriété. De leur vivant, les parents peuvent occuper le bien et en percevoir les éventuels revenus. A leurs décès, les enfants deviennent automatiquement pleins propriétaires du bien et ce, sans devoir payer de droit de succession. En effet, ils deviennent pleins propriétaires du bien suite à l’extinction de l’usufruit et non en leur qualité d’héritier.

 

Bien souvent, les enfants ne disposent pas des fonds nécessaires pour l’achat de la nue-propriété. Au préalable, les parents leur font donc donation de cet argent. La plupart du temps, cette donation prend la forme d’un don bancaire. De cette manière, on évite de devoir payer les droits de donation. Pour rappel, en ligne directe, ceux-ci s’élèvent à 3,3% en Wallonie et à 3% en Flandre et à Bruxelles.

 

Correctement encadré, l’achat scindé permet d’éviter en toute légalité les droits de succession. Pour ce faire, il convient toutefois de respecter certaines règles afin d’éviter tout problème avec l’administration fiscale.

 

Démembrement et fiction fiscale

 

Afin de limiter l’utilisation abusive de cette technique, la loi fiscale a introduit une règle spécifique à l’article 9 du Code des droits de succession (article 2.7.1.0.7. du Code Flamand de la Fiscalité). En vertu de celle-ci, au décès des parents, l’immeuble est considéré comme se trouvant en pleine propriété dans leur succession et comme recueilli à titre de legs par les enfants. Autrement dit, la valeur de la pleine propriété du bien réintègre fictivement la succession des parents et pourra être soumise aux droits de succession à leurs décès.

 

L’objectif poursuivi par le législateur est d’imposer l’immeuble qui ne se retrouve pas dans la succession des parents et qui proviendrait d’une opération déguisant une libéralité. Tel serait par exemple le cas si des parents payaient eux-mêmes la nue-propriété au vendeur.

 

La présomption inscrite à l’article 9 du C. succ. (article 2.7.1.0.7. du CFF) est réfragable. Les enfants peuvent la renverser en prouvant que l’achat scindé ne déguise pas une libéralité à leur profit. Pour ce faire, ils devront pouvoir démontrer qu’ils disposaient des fonds personnels pour acquérir la nue-propriété du bien, qu’ils ont effectivement affecté ces fonds à l’achat de ce bien, et que l’évaluation de l’usufruit a été réalisée correctement.

 

Achat scindé et donation préalable : position de l’administration

 

Depuis 2002, la position de l’administration fiscale en matière d’achat scindé précédé d’une donation préalable a fortement évolué. Les derniers rebondissements datent de 2020. Actuellement, la position de l’administration peut être résumée comme suit.

 

La preuve contraire demandée par l’article 9 du C. succ. (article 2.7.1.0.7. du CFF) pour renverser la présomption de taxation peut être apportée par une donation antérieure des fonds réalisée par les parents à leurs enfants. En d’autres termes, il n’y a pas de libéralité lorsqu’il est démontré qu’il y a eu une donation préalable des fonds avant l’achat scindé.

 

Par ailleurs, il n’est plus exigé que la donation préalable des fonds soit reçue par acte authentique, ni même qu’elle ait été enregistrée. Il est suffisant de prouver que les fonds ont été donnés avant le paiement par les nus-propriétaires de leur part dans le prix du bien.

 

Si un acompte est prévu au moment de la signature du compromis de vente, le montant total à payer par les nus-propriétaires doit avoir été donné par les parents avant la signature du compromis. A noter qu’en Région flamande, c’est la date de l’acte authentique qui est considérée comme le moment de référence. Par conséquent, les nus-propriétaires doivent disposer de la totalité des fonds avant la signature de l’acte authentique.

 

Si les conditions reprises ci-dessus ne sont pas remplies, l’actif immobilier sera réintégré dans la succession des parents et l’administration fiscale pourra réclamer les droits de succession sur le bien immobilier en question.

 

Conserver un dossier de preuves

 

La charge de la preuve incombe aux nus-propriétaires. C’est en effet eux qui sont présumés recevoir une libéralité aux décès de leur parent. En pratique, de nombreuses années peuvent s’écouler entre l’achat scindé et le décès des parents-usufruitiers. Afin de pouvoir renverser la présomption au décès des parents, et éviter les mauvaises surprises, il est important que les nus-propriétaires conservent soigneusement un dossier complet de preuves. Ce dossier contiendra notamment l’acte de donation ou le pacte adjoint, les extraits bancaires et le calcul de valorisation de l’usufruit.


Le legs en duo : toujours aussi intéressant ?

Par Martin Piret Gérard, Associé chez CONSILIUM Gst

Le 1er février 2023

 

Depuis le 1er juillet 2021, la Flandre a supprimé l’avantage fiscal du legs en duo. Pour compenser cette suppression, elle a introduit le régime de l’héritage entre amis. Le taux pour les libéralités faites aux associations caritatives a quant à lui été réduit à 0%. Statu quo en Région de Bruxelles-Capitale et en Région wallonne. Dans ces deux régions, le legs en duo conserve donc toute son utilité. Petit tour d’horizon de cette technique de planification successorale.

 

Une question de taux et de philanthropie

 

Les droits de succession dépendent du lien de parenté entre le défunt et ses héritiers. Plus ce lien est éloigné, plus les taux d’imposition sont élevés.

 

Les héritiers en ligne directe (enfants, petits-enfants, parents, etc.) bénéficient du tarif le plus avantageux. Les mêmes tarifs s’appliquent entre partenaires1. Pour les parents éloignés (frères et sœurs par exemple), les droits de succession sont beaucoup plus élevés (jusqu’à 70% à Bruxelles et en Wallonie). Pour les personnes sans lien de parenté, les taux peuvent grimper jusqu’à 80%.

 

Pour les associations caritatives, les droits de succession sont nettement moins élevés. En Région wallonne et de Bruxelles-Capitale, ils s’élèvent à 7%. En Région flamande, ils sont dorénavant de 0% contre 8,5% auparavant.

 

Legs en duo : qu’est-ce que c’est ?

 

Le legs en duo est une technique de planification successorale, particulièrement utilisée pour une succession sans enfants. Elle permet de réduire significativement les droits de succession en présence d’un parent éloigné ou d’un ami tout en soutenant une bonne cause.

 

Plus précisément, un testateur désigne plusieurs bénéficiaires dans son testament. En plus d’un legs en faveur d’un parent éloigné ou d’un ami (fortement taxé), le testateur reprendra dans son testament un legs en faveur d’une œuvre caritative (faiblement taxée). A charge pour cette dernière de payer les droits de succession qui incomberont en principe au premier légataire.

 

Exemple

 

Jean vit seul et n’a pas d’héritier en ligne directe. Il réside en Région wallonne. Il décède en laissant un patrimoine de 500.000 euros. Durant les dernières années de sa vie, il s’est rapproché de son neveu Éric.

 

Si Jean rédige un testament au terme duquel il lègue l’intégralité de son patrimoine à Éric, ce dernier recueillera un montant de 190.625 euros après avoir payé 309.375 euros de droits de succession.

 

Imaginons maintenant que Jean ait désigné une œuvre caritative comme légataire universel, à charge pour elle de verser un montant net d’impôt à Éric de 250.000 euros. Éric recevra donc un montant de 250.000 euros et ne devra payer aucun droit de succession.

 

Grâce au legs en duo, Éric recueille un montant plus important. De son côté, l’ASBL reçoit un montant net de 98.125 euros, soit presque 20% de la succession totale.

 

 

 

Région flamande : nouveautés

 

L’héritage entre amis

 

En Région flamande, le décret du 19 mars 20212 a supprimé l’avantage fiscal3 du legs en duo. Le moment de référence est le 1er juillet 2021.  Les testateurs doivent donc être attentifs à revoir leur testament avec leur notaire pour l’adapter le cas échéant aux nouvelles dispositions. Pour tous décès intervenus avant cette date, l’avantage fiscal est maintenu.

 

Pour compenser cette suppression, un nouveau régime a vu le jour. Il s’agit de l’héritage entre amis (vriendenerfenis). Concrètement, un testateur a dorénavant la possibilité de désigner une ou plusieurs personnes (parents éloignés ou amis) dans son testament afin de leur permettre de bénéficier du taux le plus avantageux de 3% sur une partie limitée de son héritage. Sans cette disposition, ces personnes hériteraient au taux de 25%.

 

Plusieurs conditions limitent l’avantage fiscal du nouveau régime. En effet, la réduction d’impôt n’est accordée qu’aux personnes physiques désignées par le défunt sans équivoque dans son testament comme étant la ou les personnes habilitées à demander l’application de la réduction. L’avantage fiscal n’est donc pas automatique. En outre, la partie de la succession qui revient aux parents éloignés ou amis et qui peut bénéficier du taux avantageux est limitée à 15.000 euros. Il s’agit d’un montant forfaitaire à proratiser le cas échéant lorsque plusieurs personnes ont été désignées dans le testament.

 

Associations caritatives : réduction de taux 0%

 

Dans le même temps, le décret du 19 mars 2021 a réduit le taux des droits de donation et de succession à 0% pour compenser la perte de rentrées financières pour les associations caritatives. Ce taux s’applique aux successions qui se sont ouvertes à partir du 1er juillet 2021 et à toutes les donations qui ont été réalisées à partir de cette date. Les fondations privées sont exclues du bénéfice de ce taux. Celles-ci restent soumise au taux de 5,5% pour les droits de donation et de 8,5% pour les droits de succession.

 

Consultez aussi le corner Transmission et fiscalité

 

(1) En Région de Bruxelles-Capitale et en Région wallonne, le terme « partenaire » vise le conjoint survivant et le cohabitant légal. En Région flamande, ce terme a une portée juridique plus large puisqu’il recouvre non seulement le conjoint survivant et le cohabitant légal, mais également le cohabitant de fait.

 

(2) Décret du 19 mars 2021 modifiant le Code flamand de la Fiscalité du 13 décembre 2013, en ce qui concerne la réduction tarifaire pour les legs et les dons sans but lucratif et l’introduction de l’héritage « d’ami », M.B., 7 avril 2021.

 

(3) Seul l’avantage fiscal a été supprimé. La technique du legs en duo reste donc valable sur le plan civil.


Quelles sont les règles de conversion de l’usufruit du conjoint survivant ?

Par Martin Piret Gérard, Associé chez CONSILIUM Gst

Le 10 janvier 2023

 

Au décès d’une personne, la loi prévoit que son conjoint recueille l’usufruit sur toute la succession. La nue-propriété est quant à elle recueillie par ses enfants. Il se créé alors un démembrement de la propriété sur les biens faisant partie de la succession du défunt. Dans certains cas, une telle situation peut s’avérer problématique et des tensions peuvent apparaitre entre l’usufruitier et le(s) nu(s)-propriétaire(s). Pour remédier à ces difficultés, le législateur a prévu la possibilité de convertir l’usufruit du conjoint survivant. De cette manière, l’usufruit cesse et est converti en des droits en pleine propriété.

 

Qui peut demander la conversion de l’usufruit ?

 

La conversion peut être sollicitée tant par le conjoint survivant (usufruitier) que par les enfants du défunt (nus-propriétaires). A défaut d’accord, c’est le juge qui appréciera s’il convient d’accorder ou non la conversion.

Il est admis que le prémourant peut limiter le droit de demander la conversion. Par testament, ce dernier pourrait ainsi interdire au conjoint survivant et/ou à ses enfants de solliciter la conversion. Cette interdiction pourrait porter sur tous les biens démembrés ou une partie d’entre eux (à l’exception des biens dits « préférentiels » – voir ci-dessous).

 

Il existe une exception importante. En présence du conjoint survivant, les enfants d’une précédente union du prémourant ne peuvent être privés du droit de demander la conversion.

La loi du 31 juillet 2017 a introduit un régime particulier dans le cadre des familles recomposées. Ce régime s’applique à toute succession ouverte à partir du 1er septembre 2018. Dans un certain délai, tant les enfants du défunt que leur beau-parent survivant peuvent exiger la conversion de l’usufruit. Contrairement au régime général, le juge ne dispose ici d’aucun pouvoir d’appréciation. Il s’agit d’un « droit absolu » à la conversion dans le chef du beau-parent survivant et dans celui des enfants non communs.

 

Pour les biens préférentiels, et quelle que soit la situation de concours, le conjoint survivant dispose d’un droit de veto. Cela signifie que son accord est toujours requis lorsque la demande de conversion porte sur l’immeuble affecté au jour de l’ouverture de la succession au logement principal de la famille et sur les meubles meublants qui le garnissent. Même en présence d’enfants non communs, le conjoint survivant peut s’opposer à la conversion de l’usufruit qui grèvent ces biens préférentiels.

 

Comment convertir l’usufruit ?

 

Il existe différentes méthodes pour convertir l’usufruit du conjoint survivant. La conversion en une somme d’argent est la plus répandue. Dans ce cas, l’usufruit du conjoint survivant est converti en capital, lequel est payable par le nu-propriétaire. Les biens démembrés peuvent également être vendus. Dans ce cas, l’usufruitier percevra également une somme d’argent. Le conjoint survivant peut également décider de racheter la nue-propriété et ainsi devenir plein propriétaire des biens démembrés. Une autre méthode consiste à convertir l’usufruit en une rente indexée et garantie.

 

Il est également admis que le prémourant puisse aménager les modalités de conversion de l’usufruit. Il pourrait ainsi prévoir par testament que tel bien démembré devra être converti selon telle méthode.

 

Une nouvelle fois, la loi du 31 juillet 2017 a prévu un régime particulier pour les familles recomposées. Sauf si les nus-propriétaires et le conjoint survivant en disposent autrement, l’usufruit doit être converti en une part indivise de la succession en pleine propriété. A défaut, cette méthode de conversion est donc obligatoire. Cette part est déterminée sur la base des tables légales de conversion, et de l’âge de l’usufruitier à la date de la demande. Toutefois, lorsqu’en raison de l’état de santé de l’usufruitier, sa durée de vie probable est manifestement inférieure à celle des tables légales, le juge peut, sur la demande d’un nu-propriétaire ou du conjoint survivant, écarter les tables de conversion et fixer d’autres conditions de conversion.

 

Comment valoriser l’usufruit à convertir ?

 

Dans cette matière, l’autonomie des parties prévaut. Pour valoriser l’usufruit, celles-ci s’appuieront généralement, et suivant les circonstances, sur la valeur des biens, de leurs revenus, des dettes et charges qui les grèvent et de la durée de vie probable de l’usufruitier. Pour s’aider, les parties pourront également recourir aux tables élaborées par des actuaires (table Ledoux, par exemple). Ces tables permettent de valoriser forfaitairement la valeur de l’usufruit.

 

En cas d’absence d’accord des parties, ces dernières pourront soumettre leur demande au juge. Ce dernier devra alors obligatoirement appliquer l’évaluation forfaitaire fixée par les deux tables de conversion établies, au 1er juillet de chaque année, par le ministre de la Justice. L’une pour les hommes et l’autre pour les femmes. Lorsqu’en raison de l’état de santé de l’usufruitier, sa durée de vie probable est manifestement inférieure à celle des tables légales, le juge peut écarter les tables légales et fixer d’autres conditions de conversion. Il pourrait également refuser la conversion.