Dans ce corner, chaque mois, les analystes de DNCA présentent de façon synthétique leurs attentes et leurs appréhensions sur l’économie et les marchés.
Les publications d’entreprises déçoivent : les petites et moyennes capitalisations creusent leur décote
Par Thomas Planell, Gérant – analyste DNCA Investments.
Le 27 novembre 2023
La corrélation entre les actions et les taux longs ne faiblit pas, bien au contraire.« It’s all about bonds ! » résument à tour de rôle les éditos financiers anglo-saxons. Alors, quand les chiffres économiques augurent du scénario de rêve : une modération désinflationniste de la croissance, c’est l’euphorie. Galvanisés par de tels auspices, les marchés exaltent la même ardeur que leur insufflait autrefois l’évangile d’un nouveau quantitative easing à venir. Rallye combiné de l’obligataire et des actions, resserrement des spreads de crédit, écrasement du VIX, cycliques et défensives fermement ancrée dans le vert et à l’unisson : rien ne manque à la fresque de la révélation.
Des attentes trop élevées
Et puis viennent fatalement les lendemains qui déchantent. Une adjudication délicate, ou plutôt, une indigestion obligataire provoque une poussée bubonique de 20 points de base sur les taux à 30 ans, et c’est la mise au tombeau du S&P500 et du Nasdaq, suivis dans la moiteur des ténèbres le lendemain matin par les indices européens.
On en viendrait presque à oublier le temps fort des résultats d’entreprises, s’ils n’étaient pas autant sanctionnés quand ils déçoivent. La moitié de la capitalisation du STOXX 600 est allée à confesse, mais si péché d’orgueil il y’a, c’est du côté des analystes et des marchés qu’il faut peut-être porter nos regards accusateurs.
Les attentes de chiffres d’affaires, ambitieuses, étaient probablement trop élevées dans le contexte actuel. Car pour la première fois depuis 6 ans, selon Morgan Stanley, il y a davantage de déceptions que de bonnes surprises en termes de croissance en Europe. Les déboires se concentrent dans le secteur des utilities, des matériaux et de la consommation. En cause, la faiblesse des débouchés chinois pour nos entreprises exportatrices (relevée par Nestlé, Carlsberg et Anglo American), la frilosité du consommateur européen (comme en attestent Unilever, Worldline et AB Food) et les effets de déstockage (ressentis par Sandvik, Ametek) : des facteurs qui, en somme, ne datent pas d’hier. Heureusement, les bénéfices par action résistent pour l’instant au repli des volumes d’affaires, notamment du côté des sociétés « value ». 14% d’entre elles, en net, surprennent les attentes contre seulement 8% pour les valeurs « croissance ». En revanche, le chapelet d’avertissements sur résultats se rallonge chaque semaine dans l’industrie.
Chemin de croix des small et mid caps
Dans cet environnement, les petites et moyennes capitalisations n’ont pas fini d’arpenter leur chemin de croix. En net, seulement 5% des midcaps ont battu les attentes en matière de résultat par action, contre 1% seulement pour les small caps. De quoi aggraver la tendance à l’œuvre depuis début 2022 : le Stoxx 600 Mid est en baisse de 13% contre -2% pour le Stoxx Europe 600 (dividende réinvesti). Les carnets d’ordres des valeurs intermédiaires de la cote, moins profonds, sont purgés par la marée descendante des liquidités. Mais cela suffit-il à expliquer l’intégralité de l’écart de performance, particulièrement saisissant aux Etats-Unis : -22% pour le Russel 2000 contre -5,28% pour le S&P500 depuis janvier 2022 ?
Difficulté à imposer des hausses de prix
La marge opérationnelle des petites et moyennes entreprises est, en moyenne, structurellement inférieure à celle des grandes : 3 points d’écart actuellement en Europe. Elles sont pénalisées par des effets d’échelle de moindre envergure et une plus grande difficulté que les grands groupes (qui sont souvent leurs clients…) à imposer des hausses de prix. D’où l’érosion visible de la marge brute depuis la deuxième partie de l’an dernier… Ce poste du compte de résultat est le premier indicateur de profitabilité (chiffre d’affaires auquel on soustrait les coûts des produits vendus) et correspond à ce que le client accepte tout simplement de payer en plus du coût physique de la marchandise. C’est une mesure du pricing power.
Effet ciseaux
Attention à ne pas confondre profitabilité… et rentabilité. Une erreur qui peut coûter cher en matière d’analyse financière. La première est une mesure de la marge, autrement dit, de la capacité à réaliser un bénéfice au cours d’un acte commercial. La rentabilité, en revanche, désigne le taux auquel ce bénéfice rémunère le capital investi par les actionnaires et celui avancé par les créanciers… Et c’est ici que se trouve le talon d’Achille des petites entreprises, notamment américaines : un coût de la dette plus élevé, souvent contractée à taux variable, de plus en plus difficile à refinancer au fur et à mesure que le bilan se fragilise… notamment par le recours fréquent à l’affacturage (également affecté par les taux) qui réduit la qualité de la génération de trésorerie quand les volumes se retournent…Malheureusement, c’est souvent au moment où les marges rétrécissent que les capitaux se renchérissent. Pour les petites et moyennes capitalisations plus que pour les grandes, l’effet ciseaux est sévère sur la rentabilité.
Sévère décote
Sur la base de leur Price to Book Value (ou valeur de marché des capitaux propres), les moyennes capitalisations subissent leur décote la plus sévère depuis cinq ans face aux blue chips. A moyen terme, elles peuvent être celles, comme cela fut souvent le cas, qui profiteront alors le plus de l’entrée de l’économie européenne en mode recovery ou d’un assouplissement des conditions financières. A long terme, constituant le tissu économique domestique, elles pourraient en outre bénéficier tout particulièrement des tendances de relocalisation industrielle ou énergétique (renouvelables). Cependant, le manque de visibilité à court terme ne permet pas de dire si les small et midcapers ont achevé de manger leur pain noir.
Malheureusement comme le note Paul Claudel, « on ne peut manger son pain et le garder »… Une réalité amère pour ces valeurs moins liquides, qui ne peuvent autant compter que les blue chips sur le rendement de leur dividende ou de puissants programmes de rachats d’actions pour ancrer leur cours dans ces phases délicates de marché.
L’intelligence artificielle teste-t-elle l’intelligence collective des investisseurs?
Le 27 septembre 2023
« Pour la première fois, l’humanité pourrait découvrir quelque chose de plus intelligent qu’elle« , s’enthousiasme Masayoshi Son. Non, l’actionnaire majoritaire de SoftBank ne fait pas référence à l’intrigante découverte du télescope James Webb qui, à 120 années-lumière de la terre, pourrait avoir identifié les signes d’une chimie organique propice à des formes de vie carbone.
Plus terre à terre, le 65ème homme le plus riche du monde regarde du côté des mondes minéraux de silicone. Ceux-là abriteraient déjà une intelligence artificielle supérieure à la nôtre, promesse de gains de productivité exceptionnels, de réponses aux problèmes insolubles et d’une croissance à l’infini des ventes pour les sociétés exposées à la thématique.
Après des années de déconvenues financières pour son fonds de venture capital, l’un des plus imposants au monde, l’homme aux 500 participations a de quoi sourire. L’introduction en bourse d’ARM, détenue par Softbank et décidée après l’échec du rapprochement avec Nvidia, est un succès (+25% pour son premier jour de cotation). Les marchés achètent l’optimisme progressiste du fondateur du fonds Global Vision : difficile de trouver meilleure performance que celle du Nasdaq.
10 valeurs !
Il est encore trop tôt pour dire si les estimations de débouchés commerciaux s’avéreront trop optimistes ou au contraire, se montreront supérieures à toutes les attentes…
En attendant, la concentration du marché semble démontrer une chose : l’engouement pour la thématique de l’intelligence artificielle teste l’intelligence collective….
Derrière le rallye du Nasdaq se trouvent 10 valeurs qui expliquent 80% de la performance. 10 valeurs qui pèsent pour plus du tiers de la capitalisation boursière de l’indice S&P500 (contre 26% avant la crise de 2008). C’est un record depuis la bulle des années 2000. 10 valeurs qui capitalisent en moyenne 50 fois les résultats à venir!
Quel impact sur le monde du travail ?
Il est également encore trop tôt pour juger des effets que l’adoption à grande échelle de l’intelligence artificielle produira sur la société. Mais une chose est certaine, à court terme, l’IA risque d’aggraver le sempiternel conflit entre capital et travail.
Les grèves du secteur automobile américain (qui pourraient, coûter quelques points de base à l’économie américaine dans les mois à venir) et le bras de fer entre Elon Musk et le patron du syndicat United Auto Workers (Shawn Fain) offrent à ce titre une intéressante mise en lumière des tensions socio-économiques qui nous attendent.
Pour le second, qui pointe du doigt la rémunération annuelle des dirigeants du secteur (22 millions de dollars chez Ford, 25 millions de dollars chez Stellantis, 29 millions de dollars chez General Motors), nous entrons dans une époque où « la tendance séculaire de croissance des inégalités est terminée ».
Cette époque, fortement inflationniste, où les marges bénéficiaires évoluent à des niveaux records, où le chômage campe sur ses points bas depuis la deuxième moitié du siècle dernier, justifierait une hausse de 40% de la rémunération des salariés syndiqués, soit un coût du travail de 136 dollars contre 66 dollars actuellement en moyenne dans l’industrie automobile américaine, 55 dollars pour les travailleurs asiatiques et … 45 dollars chez Tesla!
Ce à quoi Elon Musk aime répondre par le nombre de salariés devenus millionnaires grâce à leur stock-options dans Tesla…
Difficile pour le travailleur, déjà éprouvé par la digitalisation de l’économie, d’adhérer absolument au progressisme de Masayoti Son, selon lequel, « l’IA nous aidera à résoudre de nombreux problèmes que nous ne pouvions résoudre autrefois »…
Pour l’instant, et pour de nombreuses années encore, il faut le reconnaître : la destinée de long terme des institutions, qu’elles soient publiques ou privées, est très souvent forgée par les décisions qui sont prises dans les moments de crise sévère, par les femmes et hommes qui les dirigent…
Terrain (dé)miné?
Le 2 août 2023
Par Thomas Planell, Gérant – analyste chez DNCA Investments.
Pour la première fois depuis cinq ans, la Chine, détrônée, cède sa place sur le podium des « émergents » qui attirent le plus les flux de capitaux étrangers. Place à Taiwan et la Corée qui profitent des retombées de l’intelligence artificielle… Derrière l’Inde, soutenue par les Etats-Unis ravis de voir certains pans de la chaine de valeur chinoise s’y délocaliser. La consommation d’acier semble confirmer l’accélération du pays sur la voie de l’industrialisation et du déploiement des infrastructures. Déjà deuxième consommateur mondial, l’Inde devrait voir la demande nationale d’acier croitre au rythme le plus élevé sur la planète cette année soit plus de 7%, contre plus de 6% l’an prochain. Les obligations en dollars des aciéristes indiens (Tata, JSW) sont recherchées par les investisseurs. Le réveil de l’Inde annonce-t-il un nouveau super-cycle des matières premières ?
Baisse de la consommation chinoise
En attendant, en repli de près de 11% depuis le début de l’année, elles pâtissent d’une croissance chinoise inférieure aux attentes. Consommant à peu près entre un quart et la moitié de ce que la terre produit, le pays ne croit qu’au rythme de 5,5% cette année. C’est supérieur à la cible officielle du gouvernement, mais c’est un maigre lot de consolation pour une année qu’on attendait sur le terrain de la reprise, après tant de sacrifices sur l’autel de l’ordre sanitaire.
Tant que la croissance ne dérape pas sous les objectifs du gouvernement, la relance budgétaire devrait rester mesurée, assurant un soutien minimum à la politique de prospérité commune de Xi Jinping. Le manque du faste économique d’antan n’est peut-être pas étranger à l’esprit de revanche qui ne se déploie plus seulement entre les eaux taïwanaises et japonaises. Récemment, le ministre chinois des ressources naturelles a décidé de rendre à la ville russe de Vladivostok ou à l’île de Sakhaline leur nom chinois (Haishenwai et Kuyedao)… n’en déplaise à l’apparente alliance que chérit Vladimir Poutine.
Et toujours la guerre
Ce dernier, qui semble avoir contenu les velléités insurrectionnelles de Prigozin parvient également à ralentir la contre-offensive ukrainienne. L’avancée des troupes est sapée par la saturation en mines du glacis protecteur russe.
Le président ukrainien, qui redoute une immobilisation du conflit navigue dans des eaux autrement dangereuses : celles de la diplomatie otanienne… que risque d’envenimer sa surenchère, pour l’instant rhétorique : Volodymyr Zelensky a annoncé prendre pour cible tout cargo russe évoluant vers les ports ennemis en mer Noire…
Au lendemain de trois jours consécutifs de bombardements sur les ports ukrainiens, qui succèdent au retrait de la Russie de l’initiative céréalière en mer Noire, les prix du blé évoluent 20% au-dessus de leur point bas de 2023, atteint lorsque l’Ukraine était encore capable d’exporter jusqu’à 33 millions de tonnes de blé depuis août dernier par la mer.
Et le climat…
Au même moment, les probabilités (90%) de retour d’El Nino au second semestre affolent les compteurs météorologiques. En 1983 et 1998, le phénomène qui sévit principalement dans les régions tropicales a amputé de plusieurs milliers de milliards de dollars le PIB mondial à chaque occurrence, pesant sur la croissance de certains pays jusqu’à cinq ans après son apparition. Bien que la production d’huiles végétales soit généralement la plus touchée, la combinaison d’un niveau déjà élevé de température et de la survenance d’El Nino est susceptible d’affecter l’ensemble du complexe agricole. Si elle affecte moins les ménages d’Europe, l’inflation alimentaire est un drame pour les pays émergents. N’oublions pas les révoltes de la faim entre 2006 et 2008. A côté d’une telle détresse, la flambée des prix du gaz en Europe fait pâle figure…
Et l’Europe ?
Alors que le vieux continent rentre tranquillement dans le temps fort du remplissage des cuves de la « précieuse » substance fossile, les premiers effets du ralentissement économique commencent à se faire sentir dans plusieurs secteurs, au gré des résultats d’entreprises pour le second semestre.
Après la chimie, c’est au tour de la consommation de montrer des signes d’accalmie. Electrolux (-20% en bourse le jour de ses résultats), un des leaders des produits « blancs » électro-ménagers voit toutes les régions (en dehors de l’Amérique du Sud et Latine) ralentir, largement sous les attentes. Face à 8% de baisse des ventes en organique, le groupe est contraint de faire des concessions sur les prix, en sacrifiant les marges. Le secteur du luxe n’est pas totalement épargné : Richemont constate un ralentissement des ventes aux Etats-Unis.
Au moment où les principales banques centrales semblent s’extraire du champ de mine de l’inflation, les investisseurs, après une hausse de +15% sur les indices actions européens, pénètrent peut-être à leur tour en terrain dangereux. Ceux qui ne s’abiment pas dans l’art très délicat du market timing naviguent dans les eaux troubles de la chasse au beta (valeurs massacrées dans la chimie) ou du momentum afin de combler leur retard face à ce marché qui a donné raison à une poignée d’optimistes.
Le plus dur est peut-être désormais devant pour les gérants actions : savoir distinguer le bon grain de l’ivraie, mesurer l’élasticité bénéficiaire des entreprises au ralentissement domestique et chinois (qui pèse sur les révisions de la croissance de la zone euro). Le repli de l’inflation et des volumes risque également de contraindre les entreprises à revoir leurs prix à la baisse, tandis qu’en deçà de l’excédent d’exploitation apparaissent les amortissements des investissements à prix forts des années précédentes…
Vers une transhumance douloureuse pour les marchés et les banques centrales ?
Par Thomas Planell, Gérant – analyste DNCA Investments.
Nous sommes revenus au niveau de la crise bancaire SVB pour les taux à deux ans aux Etats-Unis après les chiffres de l’emploi solides, appuyés par un taux de chômage inférieur aux attentes (3,6%) qui ne militent pas en faveur d’un atterrissage de l’économie (et donc de l’inflation core). Dans sa lutte contre l’inflation sous-jacente, persistante, la Fed compose avec un Inflation Reduction Act qui n’a de désinflationniste que le nom. Elle devra continuer de monter les taux en 2023. Peut-être regrette-t-elle déjà la pause qu’elle a offerte aux marchés et qui n’a pas été étrangère à l’expansion des multiples des actions ?
Course contre la montre
Une course contre la montre s’est peut-être enclenchée. En théorie, Jay Powell est indépendant de la Maison Blanche. Mais peut-t-il laisser le sacrifice qu’il est prêt à faire subir à l’économie déborder sur 2024, année d’élection, pour mener à bien sa mission de restauration de la stabilité des prix ? Ou se trouve-t-il dos au mur en béton armé de la fragilité du système bancaire régional et du calendrier électoral ? Autrement dit, doit-il s’arrêter de monter les taux en décembre et se résigner à accepter 4% d’inflation core ?
Ce sont les questions que se posent les marchés qui propulsent les taux réels au-dessus du plafond artificiel des 1,5% à 10 ans face à cette résilience miraculeuse de la croissance américaine. Ce « problème de riche » que la Chine et l’Europe envient tant.
En Europe et en Chine
Sur notre continent, les indices PMI du secteur de la construction s’écroulent, au plus bas depuis février 2021 tandis que la croissance des promoteurs chinois dérape en juin, entrainant le minerai de fer à la baisse, au grand dam du PDG de BHP qui exhorte le Parti à la relance ! Il est vrai que le colosse aux pieds d’argile chinois halète, compose avec un chômage des jeunes explosif et une activité industrielle qui enchaine les faux départs.
Ce caractère asynchrone de la croissance mondiale intervient au moment où le morcèlement géopolitique et le choc des modèles économiques s’accroit. Au bellicisme technologique et commercial des Etats-Unis répond la doctrine de la guerre des ressources stratégiques de la Chine qui limitera, dès le mois d’aout, ses exportations de terres rares (elle produit 60% du marché mondial). Xi Jinping n’oublie pas les enjeux de puissance et fait de la sécurité énergétique le fer de lance de sa politique. En un an, la Chine va installer plus de panneaux solaires que n’en comptent les Etats-Unis soit 10 à 20 GW de capacité mensuelle additionnelle. Au cours des 4 premiers mois de l’année, la capacité solaire a cru de 190% par rapport à l’an dernier, la capacité éolienne de 50%, les chargeurs de 80%, et les réseaux électriques de 10%! S’il est aujourd’hui un grand bond en avant, c’est bel et bien du côté de la transition.
Pas de trêve estivale
Les investisseurs quant à eux transitent d’un semestre exceptionnel et inattendu pour les actifs risqués (Eurostoxx 50 +12%, S&P + 16%, Nasdaq + 39%, Nikkei + 27%, renaissance du Bitcoin malgré l’effondrement de FTX) vers une deuxième partie d’année qui semble débuter par les mêmes interrogations que l’an dernier. Elle commence sur les chapeaux de roue, avec, outre les publications de résultats (notamment celles des grands gagnants du rallye – Apple, Microsoft, Google -), les indices d’inflation américains mardi, auxquels succèderont un sommet de l’OTAN sous tension, le sempiternel rendez-vous entre les marchés et les banques centrales (BCE le 25 juillet suivi de la FED le 26 et de la BOJ le 27), et enfin, le Politburo chinois pour clore ce premier mois du second semestre. La trêve estivale ne semble pas à l’ordre du jour des banques centrales et des marchés. Ainsi que les bêtes de pâture, ils entament leur transhumance, dans l’espoir quelque peu entamé d’atteindre les terres paisibles d’une inflation stabilisée et de températures obligataires qui s’adoucissent…
Springbreak sur les taux?
Par Thomas Planell, Gérant – analyste chez DNCA
Le 28 juin 2023
Springbreak sur les taux ? Pas en zone euro ! Après 8 hausses consécutives, le programme de hausse des taux de la BCE (3,5%, un plus haut sur deux décennies) continue. Tandis que la Fed marque le pas… Pourquoi Jerome Powell a-t-il donc manqué l’opportunité de relever ses taux alors que les projections terminales des gouverneurs de la Fed passent de 5,1 à 5,6% en 3 trois mois ? Plafond de la dette, fragilité du système bancaire depuis SVB, erreurs de communication interne avant la quiet period… le Président de l’institution financière la plus puissante du monde semble avoir dû, contrairement à Christine Lagarde, retirer temporairement la main de fer de son gant de velours…
Ombre chinoise
Un velours qui se fait or : 50 milliards de dollars de capitalisation boursière offerts aux actionnaires de Nvidia le soir de l’annonce grâce à une hausse de 5% du titre.
Alors, retour de l’esprit FOMO (Fear of missing out) ? Ou bien l’intelligence artificielle, si friande de la capacité de calcul du géant de la carte graphique, est-elle devenue le nouvel actif sans risque dans un monde ou la croissance se raréfie ?
Il est clair qu’à 200 fois les résultats pour Nvidia, il est délicat de répondre par l’affirmative. Néanmoins, le narratif d’une croissance en berne est renforcé par la perception que le stimulus chinois est un aveu clair du ralentissement du pays qui pèse pour 20% du PIB mondial… L’adynamie de la reprise chinoise, la remontée du chômage des jeunes, la crise immobilière peuvent légitimement nourrir le ressentiment social, ennemi public numéro un de Xi…
Quoi de mieux donc que de relâcher les conditions de crédit pour soutenir le grand bond en avant vers le tout électrique que le parti s’efforce d’organiser dans les campagnes ? 69 véhicules à batterie sont donc au catalogue de cette grande offre promotionnelle sponsorisée par l’Etat. Le Japon n’est pas en reste : 120 milliards de yens de subventions ont été promis à Toyota pour la construction de sa gigafactory sur le sol impérial.
Les valeurs européennes cycliques, notamment l’automobile, les minières (et le luxe, qui n’est pas forcément la priorité de la politique de prospérité commune du parti…) reprennent donc des couleurs en bourse, sans pour autant rivaliser avec la performance et la valorisation de Nvidia, sans qui le S&P500 aurait clôturé dans le rouge après son rendez-vous avec la Fed.
Convexité de la Tech
La divergence croissante des politiques monétaires (qui peut s’expliquer par le fait qu’elles n’ont pas toutes le même mandat !) n’est pas la seule source d’irrégularité du paysage qui s’offre aux yeux des investisseurs. Entre récession manufacturière et résilience du consommateur, les marchés balancent… teintés peut-être du même optimisme que les consommateurs américains et européens, peu inquiets de perdre leur emploi ?
Quoiqu’il en soit, au fur et à mesure du renchérissement de leurs multiples, les actions continuent de s’affranchir du ton hawkish qui continue de peser sur les marchés obligataires.
Quoique toujours négatifs en Europe, les taux réels aux Etats-Unis (2,7% à 2 ans, 1,5% à dix ans) n’ont pas empêché Apple de franchir son record historique précédent… 180 dollars fin 2021, quand le 10 ans américain affichait un rendement négatif de -1% en termes réels !
Cette étonnante convexité de la tech américaine (quoique gâchée par la déculottée de 2022) semble trop belle pour être vraie…
Alors, face à l’absence de répit pour les taux, le marché actions aurait-il fêté son springbreak trop tôt ?
Texte achevé de rédiger le 16 juin 2023
Papier – Pierre – Défaut
Par Thomas Planell, Gérant – analyste chez DNCA Finance
Le 25 mai 2023
Lorsqu’il fit la rencontre de Kubilai Khan, Marco Polo ne fut pas seulement abasourdi par l’immensité du palace de Cathay où de prodigieuses quantités d’or ornaient le bâtiment. De l’or, il en avait en effet vu force en Europe et le long de ses voyages au travers des Indes vers l’Extrême-Orient. Et, arrivé en Chine, il avait aussi prêté l’oreille aux marins qui rapportaient la somptueuse richesse du Japon, on y trouvait de l’or « dans des quantités démesurées »…
Ce qui le surprit réellement c’est moins l’abondance d’or que le système financier du grand khagan mongol, sans équivalent dans les voyages de l’explorateur vénitien. Un processus monétaire innovant, inédit, magique… si « organisé qu’il maitrise l’art de l’alchimie » concède le fils de négociant italien.
Car en effet, pour un européen, habitué à ce que la monnaie, instrument d’échange, soit basée sur un métal précieux (la lettre de change en était à ses balbutiements et restait une monnaie « décentralisée »), le fait de découvrir qu’au pays du grand Khan Kubilai, la monnaie-papier domine sans partage les échanges fait l’effet d’un choc.
L’hégémonie des billets de l’empereur, fabriqués en pâte d’écorce de murier releva alors pour Marco Polo de la pierre philosophale qui permet de changer la matière la plus vulgaire en or.
La naissance de la monnaie-papier
La première forme d’utilisation de la monnaie-papier en Chine date du 9ème siècle après JC. D’abord, elle est la conséquence d’un manque de cuivre. Le papier cohabite alors avec le métal.
Mais là où le Khan innove au 13ème siècle, c’est dans l’absolutisme de son approche.
Tout paiement doit être réalisé en billets officiels, sous peine de mort.
Tout étranger, importateur sur le sol mongol d’une marchandise, notamment quand elle est précieuse, doit accepter la monnaie officielle. Contre or, pierres précieuses, perles… le Khan troque son papier, seul moyen d’échange valable dans tout l’empire.
Finalement, ce qui manquait à l’analyse de Marco Polo, c’est qu’en face de sa monnaie « virtuelle », le premier empereur de Chine accumulait en réalité une masse d’actifs exceptionnelle, qui, sans que ce fût à dessein, servait finalement de collatéral à sa masse monétaire !
Roosevelt, Nixon et l’or
700 ans plus tard, l’Executive Order 6102, signé en 1933 par Roosevelt, interdit la détention privée de toute forme d’or monétaire, n’autorisant que la propriété d’or sous forme de bijoux ou d’art. Tout or importé devait être remis au Trésor contre paiement en dollars.
A l’exception de celui détenu par les banques centrales étrangères…
Roosevelt se fit presque aussi Khan que Kubilai, mais pas autant que Nixon…
Ce dernier, le 15 août 1971, décrète la fin de la « Golden Window » (guichet de l’or).
A partir de cette date, il n’est plus possible pour les banques centrales et les gouvernements étrangers d’exiger contre leurs avoirs en dollars une quantité fixe, régulée d’or. Le papier n’est plus métal. Tout détenteur de dollar ne possède désormais rien de plus qu’une simple créance perpétuelle sur le pays.
Vers un retour au métal ?
Cette créance repose sur une dette-record : plus de 31.450 milliards de dollars. Et, à nouveau, le Trésor américain se heurte au plafond de la dette fixé par le Congrès. Janet Yellen prévient qu’en l’absence d’un accord bipartisan, le pays pourrait manquer à ses obligations dès le premier juin. Une affaire récurrente, assez fréquente à Washington, à ceci près qu’à 3%, la probabilité de défaut du Trésor américain induite par les marchés n’a jamais été aussi élevée…
Un accord bipartisan devrait être trouvé, personne n’ayant le courage de porter le blâme d’un défaut et de ses conséquences : arrêt des services publics, fragilisation du dollar…
Néanmoins, certaines propositions moins orthodoxes visant à se prémunir d’un défaut font leur chemin. Parmi elles, un retour au métal !
Partant du principe qu’une loi de 1996 autorise le Trésor à émettre ponctuellement des pièces en platine, l’idée d’émettre une telle « pièce » dont la valeur faciale s’élèverait à un trilliard de dollars refait surface ! Elle pourrait être déposée auprès de la Fed qui créditerait le Trésor d’une telle somme en dollars, ce qui aurait pour effet d’augmenter d’autant l’offre de monnaie…
Selon Paul Krugman, il incomberait alors à Jerome Powell de « stériliser » cette offre de monnaie par une vente équivalente de bons du Trésor détenus par la Fed. Une compensation qui deviendrait impossible si le Trésor s’aventurait à recourir de façon incontrôlable à cette mesure d’exception…
En 1455, c’est pour reprendre la main sur l’offre de monnaie devenue incontrôlable que la Chine décida de revenir au cuivre. Les dirigeants de l’époque découvrirent que les contraintes naturelles de l’offre de métal permettaient de plus facilement gérer la masse monétaire ! En 1149, Ma Twan-lin, historien, prévient : « Le papier ne devrait jamais être monnaie, à moins qu’il ne repose réellement sur la valeur des métaux existants ou en production. Lorsque le gouvernement fait le vœu d’une monnaie papier, il pervertit ce précepte ».
En 1971, lorsque Nixon annonce la fin de la convertibilité à taux fixe du dollar en or, la masse de dollars dans le monde est de 53 milliards de dollars, un montant cinq fois supérieur au stock d’or américain. Si le Trésor américain s’aventure aujourd’hui à faire machine arrière et à recourir au métal pour se financer, il brandit une arme à double tranchant, qui en l’échange d’un financement à court terme peut paraître un aveu de faiblesse. Il intervient au moment où, redoutant la propagation des sanctions que les Etats-Unis sont si prompts à agiter, les banques centrales émergentes continuent d’amasser de l’or, qui s’établit fermement au-dessus des 2.000 dollars. Or, « ce hedge contre le chaos » sera le grand gagnant dussent les Etats-Unis, aussi improbable cela puisse-t-il être, faire défaut sur leur dette…
Texte achevé de rédiger le 12 mai 2023
Les nuages sans pluie de la métallurgie chinoise
Par Thomas Planell, Gérant – analyste DNCA Investments.
Le 26 avril 2023
On dit en Chine que les vagues ne se lèvent pas s’il n’y a pas de vent. Pratiquement homophone avec le terme français qu’il traduit, fēng, en mandarin, désigne autant la brise que la rumeur ou la coutume qui se propage. On le retrouve dans le mot fengshui (vent/eau), qui a donné son nom à cette philosophie de la quête d’harmonie dans l’utilisation et l’aménagement des terrains et constructions en prenant en compte ces deux éléments primordiaux, dont l’un manque cruellement au pays.
Pénurie et sécheresse
Avec seulement 6% des réserves aquifères de la planète, la quantité d’eau disponible par tête en Chine est inférieure à un tiers de la moyenne mondiale (28%). Selon Bank of America, certains des foyers agricoles du pays ont un niveau d’eau par habitant inférieur à celui de l’Irak. Loin de l’équilibre naturel qu’elle a pu connaître autrefois, la province du Yunnan, foyer métallurgique du pays, est actuellement en proie à la sécheresse. Les fleuves Nu, Lancang (ou Haut Mékong) et Lixian, de part en part fendus d’une multitude de barrages, perdent en débit.
Les turbines hydrauliques alimentent la « vallée de l’aluminium chinois » dans laquelle les géants tels que Chinalco transforment la bauxite en alumine, dont on extrait par électrolyse l’aluminium. A elle seule, la province assure 15% de la production nationale, et plus de 7% de la production mondiale…
Les centrales hydroélectriques du Yunnan font également partie du système énergétique Ouest-Est. Ayant la primauté sur les terres et les réserves aquatiques au détriment de l’agriculture ou des projets résidentiels, elles assurent l’alimentation électrique des riches provinces surpeuplées du littoral est.
Le corridor haute tension qui relie au travers des provinces du Yunnan et du Sichuan le barrage de Xiangjiaba à Shanghaï est l’un des plus longs de la planète. Les cours d’eau de la province sont aussi détournés afin d’irriguer le système de transfert d’eau Sud-Nord, projet pharaonique de redéploiement des ressources aquifères vers les provinces les plus sèches du pays.
Le rôle de l’aluminium
A plusieurs reprises depuis l’an dernier, la production de l’aluminium a été réduite en raison du coefficient d’utilisation moindre des centrales hydroélectriques, afin de maintenir l’approvisionnement de la côte est.
Ironie du sort, l’aluminium se substitue de plus en plus au cuivre dans les réseaux électriques chinois, à condition de produire des câbles dont le diamètre est 1,5 fois plus large afin de compenser la moindre conductivité. L’intérêt stratégique du métal aux reflets d’argent réside dans son poids, deux fois moindre que celui du cuivre : une propriété essentielle à la construction de ces suspensions qui s’étendent sur des distances titanesques.
Les coupures électriques de 2021 et 2022 devraient donc se répéter cette année sur l’ensemble du territoire si l’on en croit les conditions actuelles et les prévisions de l’administration météorologique chinoise. A l’heure actuelle, les réserves du barrage des trois gorges campent 20% sous leur moyenne historique.
La production chinoise d’aluminium et de poly silicones devrait donc être fortement perturbée en 2023. Tandis qu’aux antipodes de l’état des fleuves chinois, le métal russe pourrait « inonder » les entrepôts du London Metal Exchange selon Harvey Roy, PDG d’Alcoa, 8ème producteur d’aluminium au monde, derrière le top 3 formé par Chinalco (près de 7 millions de tonnes par an !), Hongqiao, Rusal.
Restrictions et transition
Frappés d’une taxe de 200%, les lingots russes peinent à trouver des acquéreurs. Faute d’échange, ils s’empilent dans les entrepôts des sous-traitants du LME. Il représentent aujourd’hui plus de la moitié des stocks physiques de la place de marché londonienne. La liquidité de l’aluminium coté à Londres pourrait alors se morceler, au prix d’une distorsion du prix de référence.
Au même moment, l’OCDE publie son rapport sur la production, le commerce international et les restrictions à l’export des matières premières critiques. Il souligne que les restrictions ont été multipliées par cinq depuis 2009 et affectent désormais 10% des échanges. La poursuite de cette tendance pourrait mettre en péril la transition énergétique, fortement consommatrice de ces matières. L’organisation constate également que les volumes de production ne suivent pas la trajectoire de la demande induite par la transition.
Baisse des valeurs chinoises
Pendant ce temps, après plusieurs semaines d’un fort rebond nourri par les avancées de chatGPT, les valeurs chinoises opérant plus ou moins dans le secteur de l’intelligence artificielle font face à une vague de prises de bénéfices. Les investisseurs ont eu vent de la rumeur que 40 sociétés du secteur allaient voir certains de leurs principaux actionnaires ou dirigeants céder tout ou partie de leurs participations. En hausse de plus de 50% depuis un mois jusqu’alors, Advanced Micro-Fabrication Equipment, Guangdong Fuxin Technologie ont cédé jusqu’à 7% le 18 avril.
Ainsi que celui des littoraux, l’atmosphère des marchés chinois est particulièrement sujette à la fugacité de vents prompts à s’inverser. Le souffle aride qui assèche la province du Yunnan semble en revanche plus tenace que les bourrasques côtières. Il n’apporte plus avec lui ces cumulus gorgés d’eau et bienfaiteurs qui ont probablement inspiré le nom de la région. Yunnan ne signifie-t-il pas « sud des nuages » en français… ?
Le rebond des valeurs cycliques est-il soutenable ?
Par Thomas Planell, Gérant – analyst chez DNCA
Le 10 mars 2023
La reprise chinoise est plus forte que prévu par le Parti. Consommation, construction (ventes de logements au plus haut depuis 20 mois) et industrie : tous les secteurs participent à l’embellie économique. Le rebond industriel est d’une ampleur inégalée depuis 10 ans (le PMI manufacturier NBS est au plus haut depuis avril 2012). Au point que les autorités pourraient réduire le stimulus initialement envisagé.
La Chine explique ainsi une part conséquente du sursaut du Global PMI index reporté par Deutsche Bank, S&P et Haver Analytics : il repasse au-dessus de 50 pour la première fois depuis août dernier.
Pas de récession imminente
Le rebond des PMI chinois et globaux indique qu’une récession n’est pas imminente. C’est une bonne nouvelle pour la croissance des entreprises européennes, notamment celles qui sont sensibles au cycle chinois. Le remplissage des carnets de commandes à l’export compense le ralentissement de l’activité manufacturière domestique. Les sociétés de consommation discrétionnaire bénéficient en plus de la bonne tenue du consommateur européen et de l’appétit des Chinois pour les biens occidentaux.
Cet effet d’aubaine s’est combiné avec la résilience de la croissance domestique pour soutenir les valeurs cycliques européennes.
Depuis le début de l’année, leur rebond est brutal.
Constructeurs automobiles, banques, retailers et industrielles sont en hausse de 20% et ont mené le rebond des indices actions.
Une performance soutenable ?
La vigueur de l’activité est toutefois un défi de plus pour les banques centrales.
90% des sondés industriels américains admettent que les prix à la production continuent de monter. Les coûts logistiques ou le prix des matières n’est pas le seul problème : au quatrième trimestre, le coût unitaire de la main-d’œuvre s’est renchéri deux fois plus vite que prévu : +3,2% en rythme annualisé.
Le débordement de l’inflation en France, en Espagne, et en Allemagne continue. En février les prix ont progressé de 9,9% en zone euro. Une mauvaise surprise pour la BCE, qui semble disposer le Conseil à maintenir la pression sur les conditions financières. L’effet du resserrement s’infuse très lentement dans l’économie et la dynamique des prix. Peut-être plus difficilement que prévu. Christine Lagarde confirme que la hausse des taux doit continuer (+50 bp en mars) et que toutes les mesures nécessaires doivent être prises pour calmer l’inflation. Même son de cloche plus tonitruant encore aux Etats-Unis où Raphael Bostic de la FED d’Atlanta paraît s’opposer à une baisse des taux avant la deuxième moitié de 2024.
Tous les éléments de langage sont utilisés pour ancrer les anticipations d’inflation autour de 2%.
Hausse des taux : quels effets réels ?
Jusqu’à présent, les banques centrales ont « tiré à blanc ». La remontée des taux s’est faite dans un contexte de tombées obligataires faibles du côté des entreprises qui se sont refinancées en 2020 sur plusieurs années. La hausse du coût de refinancement des sociétés est donc pour l’instant virtuelle. Le resserrement des conditions financières n’a ainsi que modérément pesé sur la croissance économique.
Face au durcissement du discours des banquiers centraux et à une inflation qui reste récalcitrante, les agents économiques devront probablement apprendre à vivre avec des taux plus élevés, pour plus longtemps. Avec le passage des taux allemands à deux ans au-dessus de 3%, au plus haut depuis les prémices de la grande récession, la page du régime de taux bas post crise de 2008 semble définitivement se tourner. Les marchés entrevoient un taux de dépôt de la BCE supérieur à 3,5% avec des swaps portant jusqu’à 4% les anticipations terminales en fin d’année. Outre-Atlantique, le pic des taux FED (5,5% d’après les swaps de maturité septembre 2023) pousse le rendement du 10 ans américain au-dessus de 4%, vers les niveaux de novembre dernier, malgré un début d’année exceptionnel en termes de flux acheteurs (le meilleur depuis 2004, selon Bank of America).
Et dans les placements ?
Ce rebond des rendements a pénalisé les valeurs défensives (dont la croissance des résultats peine à suivre la croissance nominale) et les valeurs à faible rendement du free cash-flow. Avec une rémunération du cash et des taux souverains proche du rendement du dividende (3,5% sur le Stoxx600 Europe), les investisseurs ont pu préférer créer un portefeuille Barbell en privilégiant l’obligataire (moins volatil) et le cash pour la partie défensive de leur stratégie et le beta des valeurs cycliques pour la partie dynamique de l’allocation.
Néanmoins, au terme de deux premiers mois exceptionnels, la revalorisation des valeurs cycliques a peut-être un peu trop anticipé l’embellie économique sous-jacente.
En effet, le niveau de surcote vis-à-vis du reste du marché a parfois été multiplié par deux par rapport à sa moyenne à 10 ans. Les sociétés de consommation discrétionnaire, industrielles ou des matériaux et de la construction se négocient respectivement 80%, 40% et 22% plus cher que le Stoxx Europe 600 (PER Forward). La valeur de marché de leurs capitaux propres (price to book) s’inscrit ainsi à un plus haut de plus de dix ans.
Intégrant dans leur valorisation un scénario économique plus favorable, elles sont désormais moins immunes au risque d’un potentiel ralentissement économique causé par la persistance de taux plus élevés.
Texte achevé de rédiger le 3 mars 2023
Entre pétrole et renouvelables, les cœurs de l’Inde, de BP et des investisseurs balancent…
Par Thomas Planell, Gérant – analyste chez DNCA
Le 17 février 2023
Narendra Modi fit de la lutte pour le suraaj (bonne gouvernance) le fer de lance de sa campagne électorale en 2013. Elle se heurte aujourd’hui au vacillement du colosse aux pieds d’argile Adani…
C’est d’autant plus fâcheux pour le Premier ministre que la filiale Green Energy, partenaire inévitable du gouvernement pour avancer vers la voie du net zéro promis par Modi en 2070, s’avère être le talon d’Achille du géant…
La liquidité de la branche énergies renouvelables est plus fragile que celle des divisions Transmissions & Ports. Les disponibilités (cash & équivalents) couvrent moins de 50% de la dette court terme. Elle est débitrice de 1,25 milliard d’obligations libellées en dollars en 2024, contre un total de 2,260 milliards pour le groupe.
Au total, la dette nette représentait un multiple supérieur à 10 fois l’excédent d’exploitation du dernier exercice… Un endettement difficile à endiguer, même si l’on tire des prévisions de rentabilité optimistes, puisque le groupe a dressé un programme de capex intensif.
Hantise économique en Inde
La transition voulue par le gouvernement nécessite de lourds investissements : 10 milliards de dollars sur 4 ans pour Adani Green. C’est plus du double de l’enveloppe renouvelable du budget de 2023 de Narendra Modi, destinée à financer les efforts de décarbonisation du pays dans lequel il est dur d’imaginer que le groupe n’a pas un rôle à jouer…
La nécessité de réduire le poids du fossile n’est pas qu’un cri du cœur mais aussi, et surtout, une hantise économique. En 2022, selon BNPP, l’Inde aura été importatrice nette de 5,8% de son PIB en énergie… Derrière la Thaïlande et la Corée du Sud… En proportion du capital national, l’Inde se classe à la troisième place des principaux pays émergents pour lesquels la facture énergétique est la plus salée, malgré l’achat de pétrole russe à prix cassés…
Un talon d’Achille pour le premier foyer de peuplement de la planète. Une faiblesse qui rappelle trop celle de l’Europe depuis le conflit en Ukraine alors que, flanquée du Pakistan et de la Chine, le pays connaît ses propres turpitudes géopolitiques.
La dépense énergétique des uns fait le dividende exceptionnel des autres. L’envolée des prix de l’énergie a permis aux exportateurs et aux majors pétroliers de boucler une année 2022 qui restera dans les annales.
Les investisseurs, néanmoins, boudent le secteur depuis le début de l’année, malgré les augmentations de dividendes ou les nouveaux programmes de rachats d’actions, comme celui de Total. L’indice Stoxx 600 Oil & Gas progresse de 1% cette année, contre +8% pour le reste de l’indice, alors que le Brent n’est en baisse que de 2,5%.
Les pétrolières se négocient avec une décote de 50% sur le reste du marché.
Le ton change au siège des mammouths du fossile.
Connu pour son opportunisme et son pragmatisme depuis le virage stratégique qu’il a amorcé, le PDG de British Petroleum est le premier à revoir son angle d’attaque, à mettre de l’eau (salée, comme les romains) dans le vin du banquet renouvelable.
Le forage en eau profonde n’est plus tabou. Et la production fossile baissera moins que prévu. L’objectif de -40% en 2030 (par rapport aux volumes de 2019) est abandonné. Bernard Looney fixe le cap à -25%.
A l’appui de cette phase de décarbonisation plus lente que prévue, le constat est le suivant : une transition sans chaos, sans « casse sociale » requiert, temporairement, plus de pétrole et de gaz !
Et, surtout, une rentabilité des actifs fossiles qui résiste mieux au rebond des taux… 15 à 20% de rendement interne, contre 15% dans les bioénergies et 6 à 8% dans les renouvelables.
Investisseurs vs stratégie des géants
Les investisseurs semblaient saluer cette décision. Néanmoins, malgré leur parcours boursier de l’an dernier, la revalorisation du secteur n’a pas suivi le rebond des bénéfices : à 6x les résultats, il traite avec une décote de près de 50% face aux pétrolières américaines comme Exxon ou Chevron, nettement moins engagées dans les renouvelables.
La baisse de la consommation pétrolière outre-Atlantique pourrait-elle les amener à reconsidérer leur stratégie ? En 2022, les Etats-Unis ont consommé 8,78 millions de barils (soit 1,5 milliard de litres) par jour. C’est une baisse de 6% par rapport en 2021.
En 2023, l’efficience des moteurs, la pénétration du véhicule électrique pourraient retrancher 150.000 et 50.000 barils par jour à l’équation de la demande…
S’agit-t-il d’une vraie bonne nouvelle que l’on doit à l’éco-responsabilité, à la part décroissante du moteur à combustion interne chez les urbains et à l’efficience des nouveaux modèles thermiques ? Ou est-ce simplement le fait du ralentissement économique des derniers mois, que les marchés semblent peu à peu oublier.
Réponse au terme d’une année pour laquelle les probabilités de récession sont revues à la baisse des deux côtés de l’Atlantique !
En attendant le verdict économique final, une chose est certaine, si le fossile est amené à décroitre dans le mix énergétique primaire mondial, (80%) il faudra plus de métaux de l’électrification pour prendre le relais.
Et à ce titre, le partenariat des métaux critiques sur lequel travaillent Etats-Unis et Europe est une nouvelle encourageante après les tensions causées par l’Inflation Reduction Act, au moment où la Commission Européenne réplique par son pacte vert.
Texte achevé de rédiger le 10 février 2023.
Sobriété énergétique, sobriété des rendements ?
Par Thomas Planell, Gérant – analystechez DNCA
Le 17 janvier 2023
Finalement, 2023 commence par les bonnes nouvelles qui se sont fait tant attendre l’an dernier. Analyse.
Le prix du gaz naturel s’effondre en Europe. L’inflation des prix à la consommation ralentit en zone Euro et aux Etats-Unis où Bullard (FED) estime que les taux courts s’approchent du niveau permettant d’endiguer la hausse des prix. Poutine ordonne une trêve surprise.
Marchés timorés
Il y a quelques mois, ces développements encourageants auraient probablement galvanisé les marchés. Et pourtant, malgré leur forte baisse l’an dernier (la plus violente pour les actions mondiales depuis la crise de 2008 avec un repli en dollars de 19,8% pour le MSCI World All Countries), leur réaction est timorée.
Malgré la correction de 4 points de PER du S&P500, la valorisation de l’indice actions le plus suivi de la planète pose problème. Servant seulement 1,8% de dividende pour 5,5% de rendement bénéficiaire, elle est délicate à justifier face à un taux sans risque de 4%.
Le fort degré d’incertitude, la désynchronisation de la croissance économique de la planète, l’endettement des Etats tourmentent les investisseurs et les directions financières.
Inde et Chine en perspective
En 2023, la croissance mondiale reposera vraisemblablement sur les deux principaux foyers de peuplement émergents : l’Inde qui revoit à la hausse sa croissance pour l’année, et la Chine qui se décide enfin à vivre avec la Covid après trois ans d’une politique sanitaire digne d’une dystopie orwellienne.
Face à ces mondes parallèles, la moitié de l’Europe et un tiers des pays de la planète pourraient rentrer dans une récession dont l’intensité dépendra de celle qui se produira aux Etats-Unis, si jamais elle se concrétise…Le taux de chômage américain baissait fortement en décembre, pour revenir à 3,5%. Un pays peut-il être à la fois en plein emploi et en récession marquée ?
Attention au stock de dettes !
Tandis que la croissance mondiale ralentit, le stock de dettes de la planète s’affranchit définitivement du record des 300 billions de dollars atteints en 2021. Au gré des programmes de soutien et de relance qui continuent de se succéder les uns aux autres, la protubérance du passif souverain devrait soutenir les taux d’intérêt.
Après « l’inflation reduction act » (qui n’a de désinflationniste que le nom), le budget du gouvernement fédéral américain a d’ailleurs surpris à la hausse du côté des dépenses.
Sous nos tropiques de moins en moins tempérés, l’Italie (145% de dette en proportion de son PIB) est particulièrement fragile. Elle emprunte à 10 ans à un taux d’intérêt (4,6%) proche de la moyenne des entreprises européennes notées Investment Grade dont la charge de la dette pourrait doubler au gré des refinancements à venir…
Néanmoins, l’Europe (l’Eurostoxx 50 progresse depuis le début de l’année), moins chère et grande oubliée des allocations globales tire timidement son épingle du jeu et se distingue de la timidité des marchés américains. Au terme des 5 premières séances boursières de l’année, moins affectées par une sur-concentration des capitaux sur des actifs à très faible rendement Outre-Atlantique, les bourses européennes surperforment.
La stabilisation de l’euro au-dessus de la parité rassure.Les secteurs les plus fragiles au renchérissement de l’énergie retrouvent des couleurs. L’exposition des entreprises européennes à la Chine est recherchée.
Finalement, la meilleure fortune de la bourse européenne, souvent considérée comme un « marché de reprise », augure-t-elle d’une année finalement moins maussade que prévue ?
Vision à long terme
Ainsi l’acte d’investir, l’espoir, la foi dans le progrès demandent de porter le regard au loin, au-delà de l’horizon que nos seuls sens rendent perceptible. Aujourd’hui, plus que jamais, nos sens nous alarment. Notre environnement immédiat, le théâtre de nos facultés empiriques, déroule, des incendies estivaux aux températures hivernales effroyablement clémentes, le tapis de scène du spectacle accablant d’un temps qui semble désormais jouer contre nous.
Ainsi que le note l’académicien Erik Orsenna, passionné des mers et des rivières, dans son dernier ouvrage, d’ici trente à quarante ans, si le réchauffement climatique ne dépasse pas 2°C, les réserves aquifères du bassin de la Garonne, ne représenteront plus que 50% de sa consommation actuelle. D’ici à ce que la dernière découverte de l’université d’Harvard ne permette de soigner le cancer ou que la fusion nucléaire devienne une réalité, l’eau pourrait devenir une denrée rare en France !
Quant à l’objectif du net zéro en 2050, il présuppose l’extraction, en 30 ans, de plus de métaux que les hommes n’en ont jamais tirés de terre depuis qu’ils ont appris l’alphabet.
En attendant la fusion, combattre le mal climatique passera par un autre mal : celui de la privation. A la sobriété énergétique devrait succéder la sobriété de la consommation… Pour les investisseurs, toute la question est désormais de savoir si cette exhortation à la modération s’applique aussi aux rendements qu’ils tirent de leurs actifs financiers…
Texte achevé de rédiger le 6 janvier 2023 .
Nouveau paradigme financier : quelles répercussions ?
Par Thomas Planell, Gérant – analyste chez DNCA
Le 21 décembre 2022
« Quand j’étais révolution, j’étais l’ami des séismes » écrivait le poète palestinien Mahmoud Darwich. Révolution : les banques centrales l’ont été en 2022, lorsqu’elles ont renversé avec une ardeur historique la course de leur politique monétaire.
La déflagration sismique de la remontée des taux la plus violente de l’histoire a balayé les arbres de la spéculation qui semblaient croître jusqu’au ciel.
Depuis leurs sommets atteints ces deux dernières années, les ETF thématiques (Cannabis, Ark, Meme Stock) cèdent respectivement 84%, 77% et 63% de leur valeur. Le Bitcoin et les valeurs technologiques non profitables reculent de 76% contre 30% pour le Nasdaq.
Destruction de capital
Pour les investisseurs entrés au paroxysme de l’euphorie entre 2020 et 2021, c’est une destruction presque complète du capital investi sur ces actifs !
Ceux qui par prudence ont privilégié la tangibilité des actions défensives et « value » ont mieux protégé leur épargne. Le MSCI Europe Value TR ne cède que 4,7% depuis ses derniers plus hauts de début d’année. Les obligations souveraines livrent l’une des pires performances de leur histoire.
Mais l’année n’est pas encore finie et la prudence semble de mise sur les marchés. Sur une semaine seul l’or collecte avant la trêve de Noël.
Cela augure-t-il d’une année pendant laquelle les actifs réels et notamment les matières premières resteront déterminants pour les investisseurs et les entreprises ?
Oui, car une hausse des matières premières en période de récession (attendue dans les 12 prochains mois avec une probabilité de 62% aux Etats-Unis) peut compromettre le scénario angélique d’un soft landing (une croissance plus ou moins nulle en 2023).
Entre hausse du prix de l’énergie et Chine
En Europe le rebond de l’euro (1,055 dollar) et la baisse du pétrole apportent une bouffée d’oxygène aux ménages et aux entreprises. Mais leur vulnérabilité à la hausse des prix du gaz (et donc de l’électricité) reste entière. D’autant que la majorité des efforts de consommation ont probablement déjà été faits (-24% de la consommation en gaz par les entreprises européennes par rapport à la moyenne sur 5 ans). Aller plus loin est synonyme d’une réduction significative de la production industrielle.
Pendant ce temps la Chine revient du côté des acheteurs. Les importations de gaz, de pétrole et de cuivre en novembre sont au plus haut depuis janvier. Les métaux (nickel, fer) progressent de plus de 20% depuis un mois et le gaz TTF se renchérit de 64% depuis les « points bas » de fin octobre. Le repli des matières premières depuis la fin du premier semestre montre des signes de stabilisation. Leur rebond dépendra de la détermination de la Chine à rouvrir son économie malgré le prix du sang à payer : 1,5 million de morts selon la revue Nature.
Immobilier à surveiller
Outre les matières premières, l’immobilier, actif réel de prédilection du consommateur doit être surveillé. Dans certains pays européens, notamment nordiques, le recours élevé à l’endettement (jusqu’à 194% du revenu brut disponible des ménages danois !) et le poids du crédit taux variable (90% de la dette des ménages finlandais !) crée un cocktail explosif.
S’il a alimenté la hausse spectaculaire des prix (multipliés par 2,1 entre 2010 et 2021 au Luxembourg, 2x en Autriche, 1,8x en Allemagne, Suède, Norvège contre 1,3x en France), il peut aussi la défaire, rendant les « fonds propres » des ménages plus fragiles et le service de la dette potentiellement problématique.
Concentrant 49% de leurs investissements en bureaux et 15% en commerces, les loyers des SCPI conservent une certaine sensibilité au cycle économique. Plus préoccupantes, celles qui ont recours à l’excès d’endettement pour doper les rendements servis risquent de devoir être les premières à liquider des participations. A ce titre, la décision de Blackstone de limiter les retraits sur son Real Estate Income Trust Fund doit rappeler qu’en raison de sa liquidité limitée, cette classe d’actifs n’est pas à l’abri des déséquilibres actif-passif.
Attention aussi aux valeurs non-cotées
Aussi vrai que le son ne nous parvient pas aussi vite que la lumière, les retentissements financiers du nouveau paradigme d’inflation et de taux d’intérêt ne se révèleront pas simultanément. Si les actifs cotés ont été les premiers à s’ajuster, il convient désormais de se préparer à une réaction plus lente mais non moins importante des actifs non cotés au nouveau paradigme d’inflation et de taux plus élevés.
Au gré de la désintermédiation bancaire des dix dernières années et de la baisse des taux d’intérêts, le risque d’entreprise a, de façon partielle mais croissante, migré des bilans bancaires (publiés tous les trois mois par les entités cotées) vers les fonds de capitaux privés. Un nombre croissant d’entre eux ont récemment eu recours aux Collaterised Fund Obligations permettant de restructurer les fonds propres ou quasi fonds propres de plusieurs centaines de sociétés en participations en un produit obligataire, dont l’actif n’est plus identifiable, servant un rendement croissant du niveau de risque des tranches offertes… Que ce soit leur acronyme (CFO) ou leur fonctionnement, ces produits rappellent tristement les CDO de 2008…
Texte achevé de rédiger le 9 décembre 2022
L’arme du gaz russe s’enraye à court terme : quelles conséquences pour l’Euro ?
Par Thomas Planell, Gérant – analyste chez DNCA
Le 14 novembre 2022
Interdiction de décharger ! Au large des côtes européennes, les méthaniers croisent à vitesse réduite sur ordre de leurs armateurs. Deux milliards d’euros de gaz liquéfié voguent ainsi, presque immobiles, à quelques encablures des terminaux qui parcourent le littoral de la Grèce jusqu’à la Pologne.
Leurs propriétaires temporaires (traders, arbitragistes de matières premières) attendent une remontée des prix pour autoriser le transfert vers les unités de regazéification, les yeux rivés sur la structure des contrats à terme en fort contango (le marché table sur une forte hausse des prix au paroxysme de l’hiver).
Une diversification au-delà de la Russie
En attendant le creux des températures hivernales, les cuves de gaz européennes sont pleines. Le taux de remplissage atteint 94%, 6 points au-dessus de sa moyenne des 7 dernières années. Les réserves de la France (99%) et de la Belgique (100%) sont totalement reconstituées.
L’Europe s’est diversifiée. Ses importations de LNG sont en hausse de 70% tandis que les achats russes ne représentent plus que 7% de l’approvisionnement du continent (contre 40% en janvier).
Outre la diversification de son approvisionnement, l’ajustement de la demande aux prix et aux conditions météorologiques exceptionnelles produit ses effets sur les prix « spot » qui ont baissé de moitié depuis leurs derniers points hauts de septembre.
La demande domestique a ainsi chuté de 12% au cours des derniers mois, emmenée d’abord par le retrait de l’activité industrielle lourde (acier, aluminium). Les conditions climatiques qui n’auraient pas pu être meilleures pour l’Europe cet automne retardent les besoins en chauffage (on estime à 7 milliards de mètres cubes de gaz les économies réalisées pour chaque degré que les températures douces enregistrent au-dessus de leur moyenne historique) tandis que les intempéries succédant à la sécheresse estivale permettent aux capacités hydro-électriques de reprendre leur place dans le mix énergétique. Le redémarrage du terminal américain d’exportation de Freeport et des réacteurs nucléaires japonais augurent également d’un marché international du LNG moins tendu.
Et pour les investisseurs ?
Cependant, pour les investisseurs européens, les conséquences du repli de l’inflation énergétique ne sont pas simples à appréhender. Théoriquement, il devrait permettre à leur devise d’échapper à un scénario d’enfoncement catastrophique de la parité avec le dollar. Au cours des derniers trimestres, le taux de change semble avoir suivi l’écart entre les prix européens et américains du gaz, qui a atteint un point haut début septembre.
Au fur et à mesure de la reconstitution des stocks européens depuis l’été, ce spread a convergé vers ses niveaux de début d’année, ce qui aurait dû permettre à l’euro de repasser durablement au-dessus de la parité.
En réalité, déterminant fondamental du change, le différentiel de taux d’intérêt réel continue de se creuser des deux côtés de l’Atlantique, au détriment de la monnaie unique.
Effet ciseau
Elle souffre d’un effet ciseau doublement défavorable. Il est causé d’une part, par une inflation des prix à la consommation qui continue d’accélérer en Europe (10,7%) quand le contraire se produit aux Etats-Unis. D’autre part, depuis la conférence de presse d’un Jerome Powell plus hawkish que prévu la semaine dernière, les futures sur Fed Funds tablent sur un taux terminal de la FED désormais supérieur à 5% pesant d’autant sur l’attractivité de la rémunération des taux en euro.
Ce sont probablement les raisons pour lesquelles la tentative de l’euro de s’affranchir durablement de la parité a avorté. Son repli s’est d’ailleurs emballé au fur et à mesure que Powell douchait les espoirs d’un pivot imminent de la FED. Et c’est probablement en réaction à la tonalité agressive de son homologue américain que Christine Lagarde est intervenue, contredisant l’intonation plus conciliante de la semaine précédente, avertissant qu’une récession en Europe n’empêcherait pas la BCE de poursuivre son programme de remontée des taux.
A l’approche de cette récession (probablement la plus attendue de l’histoire !) l’euro reste sous pression face au dollar, historiquement cher, qui profite d’un positionnement spéculatif extrême. Les perspectives d’une récession inflationniste sont peu engageantes – mais puisse-t-elle continuer d’échapper aux scénarios-catastrophes qu’on lui prédit – l’Europe pourrait, espérons-le, recueillir à nouveau les faveurs des investisseurs.
Texte achevé de rédiger le 4 novembre 2022
Les raisins de la patience
Par Thomas Planell, Gérant – analyste chez DNCA
Le 25 octobre 2022
Durant un bear market l’effondrement des prix dilapide le capital, le temps éprouve les nerfs et la patience des investisseurs. Neuf mois après cette première semaine de janvier au cours de laquelle Jérôme Powell a décidé d’enterrer l’ère des taux réels négatifs, les portefeuilles continuent de subir l’une des mises à l’épreuve les plus violentes des 120 dernières années.
Il faut remonter à la Grande Dépression des années 30, Pearl Harbour ou au choc pétrolier des années 1970 pour retrouver la mémoire d’un massacre aussi brutal du portefeuille diversifié. En 2022, une allocation 60/40 en actions du S&P500 et en bons du Trésor américain cède plus de 21%. En 2008, 14%. En 1969, 7%. A l’avènement de la guerre du Pacifique, près de 9%. Deux ans après le krach de 1929, 27,5%. Rarement en dehors de ces épisodes extrêmes les actifs à taux fixes et les actions ont été autant corrélés dans leur chute.
Ampleur des corrections encore attendue
Et pourtant, alors que les indices enregistrent de nouveaux points bas, la prime de risque du S&P500 est étonnamment peu rémunératrice. A 2%, elle s’établit plus d’un écart type en deçà de sa moyenne de 20 ans.
Jusqu’en septembre, la compression du rendement bénéficiaire excédentaire des actions découlait principalement de la hausse des taux. A présent que le travail de révisions à la baisse des bénéfices a commencé au gré du chapelet d’avertissements sur résultats des dernières semaines, la dégradation des fondamentaux d’entreprises risque d’apporter de l’eau au moulin des vendeurs. La baisse significative des futures sur dividendes est à ce titre probablement annonciatrice de l’ampleur des corrections que les analystes appliqueront aux résultats escomptés pour les prochains trimestres.
Pessimisme historique
C’est probablement ce constat inquiétant qui a causé la saignée de la semaine qui précédait les chiffres tant attendus de l’inflation américaine en septembre. 89 milliards de dollars d’actifs risqués ont été cédés en faveur d’une reconstitution des liquidités des portefeuilles…
Les indicateurs de positionnement et de sentiment confirment ce pessimisme historique. Pour autant, ces paramètres techniques ne peuvent à eux seuls justifier un retour agressif du risque dans les allocations. Au mieux présagent-ils de bear market rallyes qui doivent permettre, comme en août, de repositionner les portefeuilles plutôt que de céder à l’engouement momentané et dangereux de ces phases de marchés qui exacerbent les biais émotionnels des investisseurs.
Volatilité extrême
La journée du 13 octobre, au cours de laquelle les marchés ont oscillé entre l’euphorie d’un repli des taux britanniques, la terreur d’un chiffre d’inflation supérieur aux attentes avant d’aboutir 4% plus haut suite au fort rebond des indices américains rappelle que la volatilité évolue à des niveaux extrêmes, ce qui ôtent à tout signal d’achat sa robustesse statistique.
Certes, pour les investisseurs les plus optimistes, la question n’est pas de savoir si mais quand l’inflation et la hausse des taux marqueront les premiers signes d’accalmie. Néanmoins, l’attente de ces marqueurs caractéristiques d’un point bas sur les marchés risque d’être plus longue que prévu. Il incombe toujours aux marchés d’abandonner l’idée d’une baisse des taux de la FED dès 2023 pour se purger des chimères qui les hantent depuis trop longtemps… C’est à ce moment d’affliction extrême où le moins de voix optimistes s’élèveront que les fruits de la patience pourront être cueillis.
Texte achevé de rédiger le 14 octobre 2022
Flare me to the moon
Par Thomas Planell, Gérant – analyste, chez DNCA
Le 21 septembre 2022
La mélodie qui se joue sur le marché de l’électricité aujourd’hui rappelle le blocage des marchés interbancaires en 2008. Encore peu visible par les yeux du consommateur final, le centre névralgique du négoce d’énergie européen, le marché de gros, est en épilepsie. La hausse des prix depuis deux ans pousse le prix de l’électricité à un niveau équivalant à 700 dollars sur le baril de pétrole. Les appels de marge totalisent près de 1.500 milliards d’euros, consumant les liquidités des acteurs du secteur aussi sûrement que Gazprom « flare » (brule) la précieuse vapeur inflammable plutôt que de la livrer à l’Europe par Nord Stream 1.
Mode de calcul
Bien qu’en 2021 l’éolien ait manqué à l’appel avant le parc nucléaire français cette année, l’explosion des prix est moins due à un manque de capacités qu’au mode de calcul du prix de gros. S’il monte jusqu’au ciel, voire jusqu’à la lune, c’est qu’il est calculé en fonction du prix du CO2 et des énergies fossiles (le gaz notamment), eux-mêmes corrélés entre eux !
Il faut donc réformer le mécanisme de calcul du prix de l’électricité en permettant de découpler le prix de l’électricité de celui du gaz tout en encourageant les producteurs à investir sans relâche dans les renouvelables.
Cette explosion des prix de l’énergie, principal sujet politique en cette rentrée, dicte à Christine Lagarde et aux investisseurs leurs inquiétudes, à savoir l’intensité de la récession présumée vers laquelle le prix incandescent de l’énergie nous précipite. Selon Goldman Sachs, la facture énergétique européenne pourrait s’élever jusqu’à 2.000 milliards d’euros soit 15% du PIB européen…
Urgence sociale
L’alarme de l’urgence sociale retentit. A commencer par le Royaume-Uni où l’effet de l’inflation sur les ménages y est pour l’instant le plus violent. Tandis qu’elle commence son mandat par les funérailles de la Reine, la nouvelle Première ministre Liz Truss fait ses premières promesses au peuple. Grâce à la main de velours de celle qu’on aime paradoxalement comparer à Thatcher, les ménages britanniques ne paieront que 2.500 livres sterling de facture contre 3.350 livres sterling estimés par l’Ofgem (le régulateur britannique pour les marchés du gaz et l’électricité).
Outre-Manche, on dresse l’inventaire de l’arsenal des contre-mesures possibles : taxes exceptionnelles sur les producteurs d’hydrocarbures, garanties de collatéral sur les marchés dérivés, cap sur les prix d’importations russes, rationnement électrique (10-15% pour les consommateurs auxquels s’ajoutent des incitations à réduire les consommations de 5% en heures pleines). Au total, on vise à réduire de 650 milliards euros la charge de l’énergie… Mais tout comme on ne crée de monnaie sans imprimer de dette, on n’efface pas une dépense sans la porter au bilan ailleurs.
Report sur les dettes publiques
La créance que détient le producteur d’énergie sur le consommateur ou l’entreprise fragiles devient donc une créance d’Etat. Elle s’ajoute à la dette ainsi qu’à la charge d’intérêt publique. La fin du quoi qu’il en coûte n’a donc pas encore sonné ! Et cela tombe au moment où Lagarde abat le couperet de la hausse de taux la plus importante de la BCE depuis fort longtemps. Nous voilà donc rentrés dans la période délicate où politiques monétaire et budgétaire divergent.
C’est dans ces phases assez inconfortables que les taux d’intérêt et les taux de change deviennent les plus délicats à anticiper… Si chacun s’entend à dire que le dollar est trop cher, il est plus dur de s’accorder sur la devise à détenir pour parier sur son repli… A moins que Poutine ne craque où que l’hiver ne nous soit exceptionnellement clément, l’euro ne forme pas encore le candidat idéal face au billet vert…
Texte achevé de rédiger le 9 septembre 2022.
Cet article ne constitue ni une offre de souscription ni un conseil en investissement. Ce document promotionnel est un outil de présentation simplifié et ne constitue ni une offre de souscription ni un conseil en investissement. Ce document ne peut être reproduit, diffusé, communiqué, en tout ou partie, sans autorisation préalable de la société de gestion.
Prédestination et oracle des marchés
Par Thomas Planell, Analyste-Gérant chez DNCA
Le 13 juilllet 2022
Le voyage dans le temps a toujours fasciné. Il commence chez Sophocle. Œdipe rencontre l’Oracle de Delphes qui lui prédit l’avenir. Ayant vu le futur, c’est en tentant de le changer qu’Œdipe réalise son funeste destin : inceste et parricide. La notion de boucle temporelle ou prédestination apparaît : le futur détermine le passé, l’homme, quoi qu’il fasse ne parvient à y échapper. Heureusement, selon Stephen Hawking, « le fait qu’aucun touriste du futur ne soit venu nous visiter nous prouve que le voyage dans le temps n’existe pas ». Nous sommes donc libres… Mais cela ne signifie pas pour autant que le futur n’est pas sans effet sur le présent…
Importance de l’avenir
C’est d’ailleurs l’avenir et non pas l’instant, qui intéresse non seulement les marchés mais aussi les banques centrales. Pourquoi Ben Bernanke concède-t-il : « pour contrôler l’inflation, il faut contrôler les anticipations d’inflation » ?
Parce que l’inflation, premier déterminant de la valeur de tout actif (y compris de la monnaie) est une notion prospective, presque psychologique.
Les agents économiques acceptent de payer demain un prix plus élevé parce qu’ils anticipent un prix supérieur encore le surlendemain. La hausse des prix n’est pas que le pur produit mathématique instantané d’un niveau qui équilibre l’offre et la demande. Elle est aussi, et surtout, une fonction de la vitesse à laquelle la multitude se convainc que les prix vont devenir à l’avenir de plus en plus élevés, de plus en plus vite…
Depuis un an, ce sont les écarts entre cette inflation anticipée et celle, mesurée, calculée ou réalisée qui disloquent les primes de risques, créent la panique et infligent aux indices boursiers leur pire premier semestre depuis les années 1970. Au début du mois encore, un sursaut de l’appétit pour le risque et toutes les classes d’actifs (actions, obligations, or et fonds monétaires) faisaient l’objet de flux vendeurs nets, selon Bank of America…
Frayeurs
Qu’y a-t-il donc de plus effrayant qu’un enchainement sans fin de hausses supérieures aux attentes du prix des biens les plus essentiels ?
La récession ? Pas si l’on en croit les marchés. Au premier trimestre, l’économie américaine s’est contractée de 1,6%. L’indicateur GDP Now publié par la FED d’Atlanta pointe désormais vers une croissance négative (-1%) au second trimestre. Les USA seraient donc déjà rentrés en récession. Et pourtant le dollar, déjà cher, ne résiste pas seulement, il progresse face à un ensemble de devises (DXY +3,3% depuis le 09 juin), et face à l’euro notamment. Euro qui vaut d’ailleurs désormais moins d’un franc suisse.
A la fin de la présidence de l’Union européenne par la France, les vieilles vicissitudes émergent à nouveau dans la zone. Tandis que Mark Rutte, premier ministre des Pays-Bas, réprimande l’Italie quant à la gestion du coût de sa dette sur les marchés, la BCE ressort du placard les classifications de crise qui viendront guider les flux de son programme de rachats d’actifs. La zone euro se décompose désormais officiellement entre pays donneurs, pays receveurs et pays neutres… L’institution semble avoir avancé à grands pas sur la voie de la lutte contre la fragmentation…
Prise d’otage énergétique
Seule nouveauté par rapport à la crise de 2011, l’Allemagne qui vient de passer en phase 2 de son plan d’urgence énergétique devrait se montrer plus silencieuse. Le poumon industriel européen est sous assistance respiratoire. Uniper n’a été livré par Gazprom qu’à hauteur de 40% de ses commandes de gaz en juin. Le groupe énergétique subit une crise de liquidité qui pourrait conduire à une recapitalisation partielle par l’Etat. Elle succéderait à celle de 10 milliards d’euros accordée à Gazprom Germania, passée dans le giron national allemand au lendemain de la guerre. En baisse de 75% depuis un an, les volumes de gaz russes ne sont pas facilement remplaçables. L’Allemagne n’a aujourd’hui aucune installation de regasification permettant d’importer du LNG.
En cas de coupure totale, il est difficile d’imaginer que l’Europe puisse échapper à la récession cet hiver. Plus que les risques sur la croissance économique, c’est cette impasse énergétique dans laquelle se trouve l’Europe qui pèse sur l’Euro. Face à la prise d’otage énergétique du continent par la Russie, la BCE n’a pas les coudées aussi franches que la FED pour lutter contre l’inflation.
Scruter les entrailles des marchés
Néanmoins, tout n’est pas rose pour Jay Powell, qui devant le congrès, admettait à demi-mots que l’hypothèse d’un soft landing prenait du plomb dans l’aile : « la politique monétaire restrictive sera douloureuse, économiquement. Mais laisser ce régime de forte inflation persister est bien plus néfaste encore ».
Tel Œdipe consultant l’oracle de Delphes, les investisseurs scrutent alors les auspices que veut bien leur adresser la courbe des taux américains. Dans les entrailles des marchés obligataires, c’est plus particulièrement l’écart entre les rendements à 3 mois (1,67%) et à 10 ans (désormais sous les 3%) qui les intéressent. Historiquement, c’est lorsque ce spread devient négatif, par le jeu de l’inversion de la courbe des taux, que l’économie rentre en récession, causant ensuite la chute des marchés actions.
Oracle perturbé
Mais aujourd’hui, l’Oracle est perturbé. La boucle temporelle est chamboulée. L’avenir est en avance : l’Eurostoxx 50 et le S&P 500 abandonnent déjà 20% depuis le début de l’année alors que la courbe des taux ne s’est pas encore inversée. L’écart de rendement entre les maturités à 3 mois et à 10 ans se resserre mais demeure encore très nettement positif (1,2%). Les marchés actions, si prompts à corriger, auraient-ils anticipé leur avenir pour s’affranchir des prédictions ? Le risque n’est-il pas au contraire que tel Œdipe, en tentant d’échapper à leur destinée, ils en accélèrent la réalisation ?
Vers la fin des taux négatifs en Europe : Trop peu, trop tard ?
Par Thomas Planell, Gérant-analyste chez DNCA
Le 21 juin 2022
Après une hausse de 25 points de base le 21 juillet, la BCE donnera le coup d’accélérateur à la rentrée : + 0,5%. Au-delà, +0,25% par trimestre. La hausse sera, dans le langage de l’institution, soutenue, mais graduelle. Objectif de moyen terme ? Le taux neutre, 2%, voire au-delà à l’approche de l’été 2024.
Action, réaction
Si Christine Lagarde est toujours celle qui rédige le manuscrit, elle ne semble pas pour autant avoir toutes les cartes en main. Comme harcelée par un éditeur hâtif de mettre sous presse, la BCE réagit plus qu’elle n’agit. Elle est acculée par une inflation plus forte, plus coriace que prévu… (7% attendus en fin d’année) qui écorne déjà la croissance économique.
Ainsi que sur la BOE, l’étau se resserre en zone euro, où la BCE qui a trop tardé à ajuster sa politique est dans la position épineuse du joueur d’échecs qui doit sacrifier sa dame (la croissance) pour sauver son roi (la stabilité des prix), au prix de dommages collatéraux déjà visibles…
Ecarts entre Europe du Nord et du Sud
L’écart entre les rendements du Bund allemand et du BTP italien commençait ainsi à se creuser en réaction à la conférence de presse d’une Lagarde qui s’est montrée moins maternelle. Bien que préoccupée par le risque de « fragmentation » des spreads entre pays, les outils d’endiguement de la dislocation des rendements souverains de la zone n’ont pas été dévoilés, car probablement inexistants en l’absence d’un consensus au sein du conseil.
Une absence de consensus qui se manifeste aussi dans le manque de témérité de la sortie des politiques quantitatives. Contrairement à la FED et à la BOE, la BCE ne va pas activement comprimer son bilan… Si les rachats nets d’actifs cessent bien au 1er juillet, les tombées obligataires continueront d’être réinvesties au travers de l’APP (standard asset purchase programme). Le PEPP (Pandemic Emergency Purchase Programme) est maintenu jusqu’à fin 2024.
En demi-teinte, cet ajustement trop tardif, visant par la répression financière d’une surchauffe économique qui n’existe déjà plus à brider l’inflation ne peut même pas répondre à cet objectif en cela que les prix des matières premières essentielles, plus rares, sont devenus indépendants de la demande…
Quel message ?
Quel agrégat économique de la zone euro reste-t-il à réprimer pour dégonfler cette inflation ? Une inflation qui, rappelons-le, reste hors de la portée des banques centrales car tirée par l’explosion du prix des céréales (météorologie défavorable, guerre en Ukraine), du pétrole (sous-investissement des producteurs) et du gaz qui selon l’agence internationale de l’énergie pourrait être rationné cet hiver en Europe, au plus fort de la remontée des taux de la BCE…
Pourquoi donc ne pas avoir évoqué la valeur de l’euro, historiquement faible qui, à proximité de la parité avec le dollar dans lequel sont libellées ces matières premières, renchérit à chaque centime qu’il perd les prix à la pompe et en rayon ?
Quel message vis-à-vis de sa devise la BCE nous envoie-t-elle ? Quel est, en période de forte inflation, l’intérêt d’un euro faible ? Dans un monde qui ralentit, se déglobalise, face à la concurrence d’un yen historiquement bas, l’argument de la compétitivité à l’export s’entend-il autant qu’auparavant ? Comme souvent depuis le départ de Draghi, c’est à la charge du marché qu’incombe la délicate tâche d’interpréter le manque clarté des conférences de presse de la BCE…
On ne brisera pas l’inflation sans casser la croissance
Par Thomas Planell, Gérant – analyste chez DNCA
20 mai 2022
« Gouverner c’est détruire, détruire les parasites, détruire ses propres troupes, détruire l’ennemi » disait Shang Yang. L’ennemi, c’est la spirale inflationniste. C’est le dentifrice de Karl Otto Pölh, pour reprendre la formule du Président de la Bundesbank, qui, « une fois sorti du tube, ne peut y retourner ». L’arme, c’est la remontée des taux vers leur point neutre. C’est un niveau très théorique auquel l’économie cesse de surchauffer et où plein emploi et stabilité des prix redeviennent compatibles…
Durcissement des conditions financières
Avant de reprendre la présidence des destinées économiques des hommes, les conduire au nirvana de cet état d’harmonie platonique où la politique monétaire n’est ni accommodante, ni restrictive, les banques centrales doivent d’abord passer par la phase douloureuse du durcissement des conditions financières. Comme le dit Janet Yellen : « on ne peut pas casser l’inflation sans récession ». Il faut souffler le froid économique pour combattre l’incendie.
En étanchant les liquidités qu’elles ont si abondamment déversées, les banques centrales commencent par détruire les bulles dont elles ont indirectement favorisé l’émergence.
Massacre en bourse et parasites
Sur les marchés actions, les valeurs les plus chères sont massacrées au travers d’une violente compression de leurs multiples. Les GAFA ont abandonné 1.000 milliards de capitalisation en 3 jours. La destruction des cryptomonnaies, dont la capitalisation de marché s’est effondrée en quelques jours de 60%, n’émeut pas plus la FED.
Qu’importe si 40% des investisseurs sont désormais perdants sur leur actifs digitaux… Ce sont des actifs parasites aux yeux de ceux qui ont le monopole légitime de battre la monnaie officielle ou « fiat ».
La revanche du dollar sur le bitcoin, prophétisée jusqu’en 2021 encore comme l’instrument de protection contre les effets inflationnistes de la politique imprudente de la FED a commencé… Les grandes devises « fiat » (Euro, Sterling, Yen) dévissent aussi et se rapprochent, voire, comme le franc suisse, atteignent la parité avec le billet vert. A 1,04 dollar, l’euro évolue peu ou prou au même niveau que le « cable » (GBP/USD) en 1985. En effet, à cette époque le sterling lui aussi a testé la parité avec le billet vert, loin des 2 dollars qui prévalaient jusqu’à Bretton Wood. A ce moment-là aux Etats-Unis, Volcker dompte l’inflation. La croissance est forte. Les taux servis par les obligations américaines, dans une économie alors florissante, rémunèrent mieux que les Gilts. Une fuite de capitaux saigne la devise du Royaume-Uni en plein marasme économique.
A plusieurs égards, la situation des deux côtés de la Manche rappelle 1985 : l’inflation est plus élevée qu’aux Etats-Unis, la croissance moindre, les rendements obligataires inférieurs aux treasuries. La BOE vient d’admettre qu’à 10%, l’inflation est hors de contrôle et que l’économie britannique s’engage déjà vers la récession. Sa marge de manœuvre est donc limitée. Les taux ne pourront pas monter autant que nécessaire.
Lorsque l’économie s’effondrera, la BOE sera contrainte de lever le pied.
Malheureusement, dans un contexte de pénurie d’énergie, de matières premières agricoles ou de biens semi-finis, rien n’indique que la remontée des taux et la récession puissent avoir un effet sur l’inflation. Le sterling abandonne ainsi 10% face au dollar depuis le début de l’année, l’euro suit, à -9%, et se rapproche de la parité. Sur le vieux continent aussi, les biens de première nécessité commencent à se faire plus rares. Les ruptures de stocks de farine, d’huile, apparaissent dans la grande distribution aux yeux des consommateurs qui ressentent les effets de la hausse des prix.
Pas d’embellie sur le front énergétique
Pour la première fois, la guerre en Ukraine réduit physiquement l’acheminement de gaz vers l’Allemagne. 3% des volumes importés ont disparu.
Après les constructeurs automobiles, Safran, Thalès qui souffrent déjà du manque de titane russe, craignent de devoir bientôt mettre à l’arrêt certaines lignes de production. Les nouvelles commandes à l’industrie se retournent. Les économies européennes, notamment l’Allemagne pourraient subir un coup d’arrêt et rentrer en récession dès le second semestre.
Spectre stagflationniste
C’est ce spectre stagflationniste qui affaiblit l’Euro. Le sentiment que l’inflation importée ne cessera pas avec la récession, la défiance vis-à-vis d’une banque centrale en retard par rapport aux autres. Quand la plupart d’entre elles ont commencé à agir, avec pour certaines l’ambition d’aller plus loin que le taux neutre, la BCE hésite encore.
L’euro souffre donc, sa faiblesse accroit l’inflation importée. Pire, les pénuries d’énergie, le rationnement en cas d’arrêt total des livraisons en gaz peuvent poser la question existentielle de la valeur d’une devise qui ne permet pas d’accéder aux ressources les plus élémentaires.
En 2020, la BCE et les gouvernements ont tout mis en œuvre pour éviter les dommages sur l’emploi des confinements au travers du « quoi qu’il en coûte ».
Cette année, qu’elle agisse ou non, il faut se rendre à l’évidence : la politique de la BCE fera des victimes, parmi ses propres troupes, parmi les Etats du Sud, parmi les entreprises au niveau d’endettement élevé, parmi les consommateurs les plus fragiles, parmi la classe moyenne qui sera probablement prise au piège entre l’érosion de son pouvoir d’achat et la contribution à la solidarité et à la dette publique record.
Christine Lagarde va devoir se faire à l’idée amère que gouverner, c’est parfois détruire.
Texte achevé de rédiger le 13 mai 2022.
Consultez aussi le corner Regards Croisés
Plus que jamais, Prométhée est Européen
Par Thomas Planell, Gérant-analyste chez DNCA
Le 28 avril 2022
La dislocation se poursuit. Tout comme la guerre s’enlise en Ukraine, l’antagonisme entre les actifs financiers s’enracine et disperse les clefs de lecture. Des entrailles fumantes des marchés éprouvés par ce premier trimestre apocalyptique, nul oracle ou shaman ne peut encore lire l’avenir. Aucun auspice ne concorde encore véritablement à prophétiser le crépuscule de notre cycle.
Crédits et change
Les spreads de crédit ne montrent aucunement les stigmates récessifs de la courbe des taux souverains américains. L’apogée de son inversion, à 5 ans, est d’ailleurs très inhabituelle (2% d’occurrence dans l’histoire, en mars 2006, en décembre 1994 & janvier 1995, en septembre 1982) et met en doute la portée eschatologique de son ténébreux présage.
Sur le marché des changes, la faiblesse combinée du Yen et de l’Euro face au dollar surprend les cambistes. Dans leur valorisation relative, les devises tantôt exagèrent, tantôt négligent effrontément les différentiels de taux et d’inflation. Mais ces opportunités de carry se heurtent aux sinistres augures d’un régime de volatilité des devises plus adverse qu’en 2021, capable de défaire avec violence les positions de ces stratégies à levier.
Et marchés actions
Sur les marchés actions, si les écarts de performance entre les valeurs cycliques et défensives s’accentuent, leur valorisation agrégée en tant que classe d’actifs n’intègre plus les risques de guerre ou de récession. Ainsi, leur excès de rendement bénéficiaire disparaît au fur et à mesure qu’elles résistent à la hausse des rendements des actifs obligataires. Depuis mars, la prime de risque des actions fond comme neige au soleil, ainsi que les chances d’une victoire écrasante du oui au plébiscite Macron.
D’ailleurs, ce qui rend dangereuses les actions est aujourd’hui ce qui nuit au candidat sortant : l’inflation. Toujours hors de contrôle, elle compromet le soft-landing économique recherché par les banques centrales et elle entache le bilan gouvernemental économique de manquement à la sauvegarde du pouvoir d’achat.
La France s’est enrichie !
Le ressenti sécuritaire, migratoire et inflationniste ravit aux accomplissements économiques du pays la vedette de la campagne. Et pourtant, que de chemin parcouru afin de rendre au pays son attractivité. Forts d’un retour des capitaux étrangers et d’un déchainement de consommation dans le tertiaire, l’investissement et l’envolée des bénéfices ont dopé le recrutement (sa séquence la plus forte depuis 2001 !). L’emploi culmine au-dessus du pic des années 2000 avec les preuves de nouveaux postes manufacturiers enfantés par le made in France.
En 2021, la France s’est enrichie à un rythme frénétique jamais vu depuis 50 ans. Mais l’indice des prix à la consommation français, au plus haut depuis 1985 est en première page du cahier des doléances et attise l’ébullition des partis non traditionnels de droite.
Selon les marchés, la proposition Macron est celle qui maximise le résultat de l’équation économique française.
Parce qu’il porte un projet de consolidation fiscale modérée, favorisant l’investissement, réduisant les dépenses publiques en contrepartie d’un allégement de la fiscalité des entreprises, le tout dans une perspective d’intégration économique, monétaire, commerciale croissante avec le reste de L’Europe et du monde, Macron offre le plus de croissance par point de PIB investi par le gouvernement. Au contraire, les autres propositions dégradent le profil économique français vers l’angle droit, en bas du cadran, si l’on se figure la croissance en ordonnée et la dépense en abscisse.
Mais les actifs français sont sanctionnés
C’est la raison pour laquelle les actifs français sont sanctionnés. L’écart de rendement entre l’OAT 10 ans et le Bund s’accroît. Les Credit Default Swaps se renchérissent, sans pour autant se rapprocher des niveaux de mars 2020. Mais les investisseurs internationaux qui détiennent la moitié du gisement obligataire souverain de la France voient plus loin que ses frontières.
Avec la potentielle accession au pouvoir des partis non traditionnels de droite s’éloigne la perspective d’un triptyque libéral de l’intégration européenne Macron-Scholtz-Draghi. Cette perspective ravive les craintes récurrentes du jeu politique européen : le souverainisme séparatiste. La possibilité est réelle étant donné que la Constitution de la Cinquième République donne au Président le pouvoir diplomatique et militaire ainsi que celui de dissoudre la chambre basse. Dans ce contexte, le bouclier du remboursement en deutschemarks par une Allemagne fragilisée par la crise énergétique ne profite même plus au Bund dont le rendement approche des 0,70%. L’euro cède et enfonce ses plus bas de l’année. Le roi dollar, à nouveau maître incontesté, culmine.
Dans certaines tribus d’Afrique, on brule et dévore la chair du vautour afin de jouir de l’acuité visuelle prodigieuse du charognard, censée prodiguer clairvoyance et don de divination. Sur les marchés financiers, le carnassier incarne les stratégies d’achats à vils prix d’obligations souveraines, aujourd’hui à l’œuvre en Russie, à la barbe des sanctions internationales, contribuant au rebond du rouble à son niveau d’avant-guerre.
Parce que la prime des CDS s’est ajustée moins vite que les prix des obligations dont ils assurent le défaut de paiement (99% d’ici à un an !), ces fonds ont pu constituer une position spéculative tout en bénéficiant d’une opportunité d’arbitrage presque sans risque…
Tâchons de ne pas leur prêter le même flanc en Europe. « Le héros enchaîné maintient dans la foudre et le tonnerre divins sa foi tranquille en l’homme. C’est ainsi qu’il est plus dur que son rocher et plus patient que son vautour » écrivait Albert Camus, le plus méditerranéen des philosophes français. « Mieux que la révolte contre les dieux, c’est cette longue obstination qui a du sens pour nous. Et cette admirable volonté de ne rien séparer ni exclure qui a toujours réconcilié et réconciliera encore le cœur douloureux des hommes et les printemps du monde ». Au lendemain d’une guerre à nos portes et à l’aube du second tour des élections, efforçons-nous de ne pas nous tromper de Prométhée.
Les bonnes idées sont celles qu’on a en marchant
Par Thomas Planell, Gérant – analyste chez DNCA
Le 31 mas 2022
Les bonnes idées sont celles qu’on a en marchant disait Nietzsche. Pour l’arpenteur du pays niçois, la marche était un exercice salutaire, tant pour le corps que pour l’esprit.
Pour les investisseurs qui avancent sur les chemins tortueux des marchés, l’arrivée du printemps porte les espoirs d’un retour à un tracé moins sinueux.
Les mesures sanitaires, relâchées, présagent d’une reprise des habitudes de consommation qui doivent nous rappeler que 2022 est aussi une année de réouverture des économies.
Changement de saison
La clémence des températures, recherchée par le philosophe allemand dans ses voyages aux creux des alpes maritimes est aussi le synonyme de factures de gaz moins pénalisantes pour le consommateur européen qui tient dans ses mains plus de 60% de la croissance économique du continent.
Ainsi, à la faveur du changement de saison, le marché actions semble avoir franchi son pic de volatilité : Vix et Vstoxx cèdent plus de 40% depuis le 8 mars. Reconstituées, les positions cash des portefeuilles (au plus haut depuis 3 ans) offrent un second souffle aux indices qui s’établissent près de 15% plus haut.
Mais devant le camp de base installé en aval s’étendent à présent les contreforts abrupts du massif de ce premier trimestre violent. La détonation de la première hausse des taux par la FED depuis 2018 y retentit encore, tel un écho. Les prochaines, plus fortes, grondent déjà : Powell semble vouloir accélérer, frapper plus fort contre l’inflation. Lagarde, bien que moins droite dans ses bottes, emprunte ses pas.
Incertitudes et tension
Le ciel n’est pas clair, le dénivelé reste incertain. Nous sommes entrés en 2022 avec un niveau de tension inédit sur les métaux industriels et les matières premières agricoles. La guerre l’aggrave, jetant encore davantage la chaine logistique mondiale dans le désarroi. Il devient ainsi difficile de se fier à quelque boussole en matière d’inflation, la seule certitude étant qu’il nous faudra plus de temps que prévu avant de voir les prix à la production et à la consommation céder du terrain…
Ce qui rend le compas des prévisions de croissance économique plus imprécis encore.
Conséquence : l’aiguille de la volatilité devrait continuer de s’affoler sur la partie longue de la courbe des taux où se forment les anticipations de croissance et d’inflation des investisseurs. Les marchés obligataires globaux clôturent d’ailleurs le pire trimestre de leur histoire contemporaine. Difficile d’envisager que les autres classes d’actifs puissent s’affranchir durablement de cette nervosité…
Texte achevé de rédiger le 25 mars 2022
Les profits du pétrole : Le meilleur ennemi des politiques
Le 18 février 2022
Par Thomas Planell, Gérant – analyste chez DNCA
Ils sont les meilleurs ennemis des médias et d’une certaine partie du paysage politique.
En cette période de flambée des prix de l’énergie (pétrole, gaz, électricité) où les Etats subventionnent les factures des plus démunis, les résultats records des groupes pétroliers sont trop bons, outrageusement trop bons…
Jusqu’en Angleterre, berceau du capitalisme moderne où il n’est plus nécessaire d’écouter Ed Miliband pour se croire à Bruxelles. Pour le leader des libéraux-démocrates, Ed Davey, « il n’est pas normal que ces sociétés fassent de tels profits sans qu’on les taxe de façon exceptionnelle, surtout quand il y a des gens qui sont effrayés à l’idée d’allumer leurs radiateurs »…
Il est vrai que British Petroleum vient de clôturer son meilleur exercice depuis 8 ans. Comme Shell (qui pourrait distribuer aux actionnaires jusqu’à 35% de de son free cash-flow opérationnel) le groupe responsable de l’accident de Deepwater Horizons chérit ses propriétaires. Rien qu’au premier trimestre 2022, il leur rachète 1,5MM de dollars de leurs titres.
Le gaz : le combustible de transition
Mais loin devant, Total est avec Equinor le grand gagnant de la hausse du gaz. Aujourd’hui, 50 pays importent du LNG car, il faut bien se rendre à l’évidence, au sens propre comme au figuré le gaz est pour le moment le « combustible de la transition ». Au cours des dernières années, Total a doublé sa présence dans le gaz européen et le rachat des activités d’import d’Engie lui a donné une sensibilité supplémentaire au prix du spot.
Chaque dollar gagné de plus sur le cours équivaut désormais à près de 300 millions de dollars de cash-flow opérationnel en plus pour le groupe. Alors, lorsque la veille de ses résultats, Total a lancé une campagne promotionnelle coup de poing dans ses stations-services, l’idée a fait son chemin chez certains que le groupe visait à passer un peu de pommade sociale à l’aube d’une publication outrageusement bonne…
Ne pas oublier les vaches maigres
Mais il ne faut pas oublier les années de vaches maigres par lesquelles sont passées ces entreprises.
Comme le rappelle son jeune PDG, Bernard Looney, BP a connu en 2020 la pire année de son histoire de 112 ans. Si Total présente cette résilience dans la crise et cet effet de levier dans le rebond, c’est au prix de restructurations, de discipline dans les investissements, de rationalisation des coûts et d’efforts de productivité à tous les étages sur plusieurs années.
Les fruits de la profitabilité recueillis aujourd’hui procèdent du semis des efforts d’hier : compenser par l’excellence opérationnelle la hausse du coût du capital qu’a fait peser l’exode des capitaux hors du secteur.
Les marchés ont, en réalité, déjà sanctionné la dépendance de ces groupes aux énergies fossiles. Rajouter un faisceau fiscal au bâton de fléau ne ferait qu’aggraver la situation.
Pas de hausse nette des investissments
La véritable leçon de cette saison de publications des résultats des pétrolières, c’est qu’aucun groupe du secteur n’envisage une réelle hausse nette de ses investissements dans les prochaines années. Alors, à l’heure où la sécurité énergétique est plus fragile que jamais, l’aile politique la plus prompte à vouloir taxer les profits devrait réfléchir aux implications d’une telle menace.
Édentée par une inflation qui ne ralentit pas (encore 7,5% en janvier aux Etats-Unis), la consommation des ménages contribuera moins aux 4,4% de croissance du PIB mondial attendu cette année. C’est aux investissements des entreprises de prendre le relais. Pesant seulement 6% du chiffre d’affaires, les CAPEX des entreprises des pays développés sont au plus bas depuis 20 ans. Si les carnets d’ordres des entreprises de biens d’équipements comme Fanuc et Siemens sont remplis et augurent d’un fort rebond de l’investissement, gare à ne pas tuer dans l’œuf le fragile poussin de la réindustrialisation. Les actionnaires ne récompensent pas moins ceux qui rendent que ceux qui investissent !
Texte achevé de rédiger le 11 février 2022
An II : Le sac de la croissance
Par Thomas Planell, Gérant-analyste chez DNCA
Le 21 janvier 2022
Le début d’année est le temps des grandes manœuvres où l’on se prépare aux conflits à venir. Les attentes économiques et financières sont formulées, l’allocation stratégique élaborée. Mais au levant de l’an II post Covid, les combats ont déjà fait rage sans que l’on ait eu le temps de dresser les pavillons des camps de guerre.
Les vaincus
Du coté des vaincus, le S&P500 signe son plus mauvais début d’année depuis 6 ans. Le Nasdaq abandonnait jusqu’à près de 10% depuis ses plus hauts de décembre. En Europe les pépites nordiques qui lui sont corrélées cèdent jusqu’à 25% depuis un mois et les étendards de la croissance valorisés à près de 30 fois le free cash-flow sont brulés comme les armoiries des ennemis défaits. Les premières séances de janvier ressemblent ainsi au sac d’une Constantinople du style croissance, grasse de douze ans de surperformance, par des assaillants affamés, exténués de ce siège interminable, finalement levé par les trompettes de Jéricho d’une hausse des taux plus rapide que prévu…
Hausse des taux en vue
Car c’est bien ce qui effraie le marché, deux ans déjà après « Jahre Null », l’Anno Zero épidémique : trois, voire quatre hausses de taux d’intérêt en 2022 aux Etats-Unis et la réduction du programme de rachat d’actifs. Les marchés monétaires ne doutent plus, ils accordent une probabilité de plus de 80% à une première hausse en mars.
Les marchés obligataires quant à eux n’osent s’opposer au verdict : le rendement à 10 ans américain n’avait jamais progressé aussi vite depuis le « Taper Tantrum » de Ben Bernanke en 2013! Le marché actions quant à lui cherche encore ses repères dans l’ancien testament du prédécesseur de Janet Yellen. A l’époque, le S&P500 avait cédé 6% entre mai et juin 2013, à partir de l’annonce fracassante de la fin des largesses de la Fed, avant de rebondir de 17,5% jusqu’en janvier 2014… A la faveur du boulet de canon des 100 points de base gagnés par le 10 ans américain et du retour en territoire positif des taux réels, les valeurs cycliques européennes et américaines avaient pris le leadership de ce rebond, surperformant de 7 et 10% respectivement les actions défensives…
Allocation diversifiée
Et puis, le 23 janvier 2014, lorsque le tapering commença vraiment, le marché américain abandonna à nouveau 6% jusqu’au point bas du 2 février avant d’entamer un nouveau rallye de 16%, cette fois-ci dirigé par les valeurs défensives. Finalement, au prix d’un double choc relativement contenu et de deux rotations inverses, les marchés actions ont fait mieux que survivre à ces dix mois de transition monétaire, puisqu’ils ont progressé de 30% en 2013 et 16% en 2014 (contre 18% & 1% respectivement en Europe ). Si la croissance économique et bénéficiaire reste au rendez-vous de la hausse des taux (elle est attendue à plus de 4% en zone Euro – davantage qu’aux Etats-Unis – et 5% en Chine), l’an II pourrait être aussi un bon millésime pour les actions, à condition d’avoir une allocation diversifiée entre les styles pour naviguer sur les tumultes des rotations à venir qui risquent de se jouer des portefeuilles.
Il y a plus inquiétant qu’Omicron pour les marchés…
Par Thomas Planell, Gérant – analyste chez DNCA
Le 13 décembre 2021
Seul animal conscient de sa mort, l’homme selon Blaise Pascal est condamné à passer sa vie à tenter de l’oublier en se divertissant. « Faber » puis « Sapiens », l’homo est aussi « Ludens », selon Johan Huizinga théoricien de la fonction sociale du jeu. Forçant l’isolement sanitaire, l’hécatombe pandémique a coupé le « jeu social » et a exhumé une conscience du risque de mort collective, oubliée depuis que la chute de l’URSS a dissipé le risque de guerre nucléaire totale.
Seconde vie digitale
Contraints par l’isolement sanitaire, nous avons à défaut d’interactions physiques, embrassé la possibilité de nous connecter et nous divertir les uns avec les autres dans une seconde vie digitale.
Les réseaux (fibre optique, 5G) et les capacités de calcul graphique permettent aujourd’hui de donner la consistance logicielle qui faisait défaut à la première tentative d’un monde digital parallèle en 2003 : « Second life ». Produit de l’union des réseaux sociaux et des jeux vidéo (dont les ventes ont littéralement explosé durant les confinements), ce nouvel espace immatériel bénéfice également des nouveaux modes de paiement et de la blockchain pour se doter d’un système économique et financier performant.
Metaverse et omniverse
Les marques et les groupes de la « Big Tech » embrassent ce nouveau marché à l’abri des confinements, appelé métaverse. Nike vient d’installer son premier magasin digital dans l’univers parallèle de Roblox (67 milliards de dollars de capitalisation boursière) auquel se connectent 43 millions d’utilisateurs par jour tant joueurs que créateurs de contenus. En se renommant Meta Platforms, Facebook entend devenir le système neural au centre de nos vies jumelles. Nvidia, avec son omniverse, a montré comment la puissance de calcul de ses cartes graphiques peut faire confondre le virtuel et le réel. A son échelle, le Français Atari lance son alphaverse.
Pour autant, il faut une vision de très long terme pour s’attaquer à ce monde évanescent encore balbutiant. C’est probablement la raison pour laquelle Nvidia et Facebook, rares « méga caps » de la « Big Tech » encore dirigées par leurs fondateurs ( cette année, Tim Cook a annoncé refuser un nouveau mandat chez Apple, Jeff Bezos a cédé les rênes d’Amazon, Dorsey abandonne Twitter pour Block!) se veulent les pionniers de cette aventure d’éther.
Hausse des taux
Mais les investisseurs commencent à manquer de temps. Leur horizon est troublé par une force plus percutante encore qu’Omicron. En filigrane, la hausse des taux et la fin des conditions financières (trop) avantageuses se profilent. Valorisée sur la base de projections de croissance très lointaines, et donc incertaines, la « Big Tech », réputée « Covid Proof » ne résiste pas à l’aversion au risque. Meta Platforms, qui se négocie 20% sous son prix de septembre, rentre officiellement en « bear market ».
Historiquement, la fin d’année emporte avec elle la volatilité, accouchant du traditionnel « rallye ». Mais tandis que les illuminations festives succèdent aux soldes décevants du Black Friday (premier repli du volume d’affaires du Cyber Monday), la volatilité du Bund crève de nouveaux records annuels.
Indécis les marchés obligataires hésitent et malgré l’inflation et le « tapering » de la FED, les taux réels allemands enfoncent les -6%. La courbe des taux s’aplatît.
Contamination par le doute
Connectés, les marchés actions sont contaminés par le doute. Les indicateurs de dispersion Vix et Vstoxx, qui s’installent fermement au-dessus de 30, augurent d’un mois de décembre qui s’annonce agité pour les investisseurs, quelle que soit la classe d’actifs.
En 1997, la pépite française Quantic Dreams, éditeur du blockbuster vidéoludique « Detroit, become Human », entame le développement de l’un des tous premiers mondes ouverts en trois dimensions de l’histoire du jeu vidéo. Pour la première fois, le quatrième mur est volontairement rompu, le joueur étant appelé à incarner son propre rôle. Au fur et à mesure de ses pérégrinations, il rencontre une singularité, nom donné à une entité mi-humaine mi-digitale, produit de la fusion de l’homme avec la machine incarnée par David Bowie qui prête ses traits, sa voix et ses talents musicaux au petit studio français… Le but du jeu ? Sauver deux mondes qui se connectent au moment où le CD est inséré : le nôtre et celui, numérique, qui vit de l’autre côté de l’écran. Son nom ? Omikron…
Texte achevé de rédiger le 3 décembre 2021
En attendant Godot…
Par Thomas Planell, Gérant-analyste chez DNCA
Le 22 novembre 2021
En hausse de 6,2% en rythme annualisé, du jamais vu depuis la guerre du Golfe, la hausse de l’inflation aux Etats-Unis n’a probablement pas seulement surpris les marchés : elle pourrait avoir désarçonné quelques membres de la FED.
Plus l’écart se creuse entre hausse des prix et hausse des salaires et plus l’enjeu va devenir politique pour la Maison-Blanche qui commence à s’impatienter et envoyer un message implicite à la banque centrale… Ce qui place Jerome Powell et les marchés dans une position potentiellement délicate pour les prochaines semaines.
Un goût amer
Au plus haut depuis le début de la décennie 2010, les breakevens d’inflation (écart entre les obligations indexées et celles qui ne distribuent qu’un coupon nominal fixe) jouent leur rôle de lanceur d’alertes.
Mais à seulement 1,55% de rendement à 10 ans, les taux nominaux détournent le regard… Au point que les taux réels se rapprochent du seuil psychologique des -5% à 10 ans, aux Etats-Unis et en Allemagne.
Pour les investisseurs allemands, la répression financière laisse un goût particulièrement amer : alors que l’inflation tutoie les 5% à la fin du mandat Merkel il faut remonter la courbe jusqu’à 30 ans pour pouvoir trouver un rendement d’Etat légèrement supérieur à 0%…
Valeurs technologiques
Ce qui permet aux actifs à duration longue comme les valeurs technologiques de progresser de concert avec les breakevens ou de résister mieux qu’on aurait pu le croire à ces publications macroéconomiques.
A l’heure ou le PDG d’Apollo joue les cavaliers de l’apocalypse quant aux multiples acceptés par les dernières opérations de private equity, le Nasdaq se négocie à 34x l’EV/EBITDA. Cela correspond au rendement de l’excédent brut d’exploitation (avant impôt donc !) sur le total du capital employé par l’entreprise de moins de 3% !
Loin de fuir, les fonds affluent sur les introductions en bourse : la capitalisation boursière de Rivian (véhicules électriques) pulvérise celle de Ford pour son premier jour de cotation : 90 milliards.
Cryptomonnaies et spéculation
Hors des marchés réglementés, le bitcoin devient officiellement la huitième merveille du monde financier. Il l pèse 1,3 trilliard de dollars, davantage que Facebook. Le gargantua digital entraine dans son puit de gravité d’autres tokens. Parmi eux, la seconde plus grosse cryptomonnaie canine, le Shiba Inu vaut plus désormais plus Delta Airlines.
L’exubérance décrite par la finance comportementale comme le phénomène de « FOMO » (Fear of missing out ou peur de ne pas participer au rallye) n’est pas moins palpable sur les marchés actions. Les volumes d’options balayent le record de début d’année ! A nouveau, le poids des investisseurs (ou spéculateurs) individuels enfle dans les volumes de leurs valeurs préférées (Palantir, Tesla, AMD… ). Ils peuvent représenter jusqu’à 25% des montants négociés sur des géants de la cote comme Nvidia (750 milliards de capitalisation). Au cours de la seconde semaine de novembre, plus de 27 milliards de primes (une fraction seulement de la valeur notionnelle totale des positions en raison de l’effet de levier intrinsèque aux options) ont été négociés à l’achat en une semaine, un record absolu !
Godot dans les marchés
Dans Godot, les deux personnages victimes de l’absurdité de la vie (ou de la mort) dépeinte par Beckett passent la pièce à attendre quelqu’un ou quelque chose qui ne vient jamais. Cet inconnu qui se fait attendre dans un espace sans indices de chronologie rappelle le temps qui passe comme subjectivité. C’est ce que Bergson appelle la durée, ce que Dali met en matière dans ses horloges dégoulinantes omniprésentes.
Godot peut revêtir bien des formes sur les marchés. Celle, pour les investisseurs restés à l’écart, d’une correction qui ne vient jamais… Sans interruption pendant 8 séances, le S&P500 a inscrit un nouveau record chaque jour. Du jamais vu depuis 1964 ! En progressant 17 fois sur les 19 dernières séances, il ravit un nouveau record statistique datant de plus de 90 ans…
Pour Powell, Bailey ou Lagarde, Godot, c’est la fin de la congestion de la supply chain, le repli des prix de l’énergie après l’hiver, l’ajustement de l’offre de pétrole et de matières premières. C’est, en somme, la fin des causes conjoncturelles qui génèrent cette inflation non permanente, dite transitoire. C’est le pic d’inflation salvateur et tant attendu, quelque part entre décembre et février.
Mais d’ici à ce que Godot arrive, chaque jour risque de paraître plus long que le précédent pour les banquiers centraux. Les chiffres et la pression politique pourraient susciter le doute. Au doute pourraient succéder les aveux. A l’euphorie… la panique… Elle commencera par sévir là où s’est accumulé pendant la phase d’exubérance le levier financier…
L’entropie n’est pas notre alliée
Par Thomas Planell, Gérant-analyste chez DNCA
Le 8 octobre 2021
« Sécuriser leurs approvisionnements à tout prix » : c’est l’ordre donné par le Vice Premier Han Zheng aux producteurs d’énergie chinois au cours d’une convocation d’urgence. Les coupures d’électricité ralentissent dramatiquement l’activité manufacturière du pays.Apple a déjà prévenu que ses fournisseurs chinois ne lui permettraient plus de livrer la nouvelle gamme d’iPhone à temps. Le cas de la Chine n’est pas isolé. Après les pénuries de gaz en Europe et l’assèchement des stations-services britanniques, l’Inde, second foyer de peuplement de la planète, s’inquiète de la baisse à leur niveau le plus faible des stocks de charbon de ses centrales électriques.
Comme dans les années 70 ?
Pour l’instant, les marchés ne tablent pas encore sur une répétition de l’épisode stagflationniste qui avait succédé aux chocs pétroliers des années 1970. Mais face à la persistance des ruptures d’approvisionnement et de la congestion de la chaine logistique, à la remontée des matières premières alimentaires, des métaux ou de l’énergie, les investisseurs commencent à remettre en cause la parole d’évangile des banques centrales selon laquelle l’inflation n’est que transitoire.
Cette défiance intervenue au moment où la FED actait la fin de sa politique monétaire accommodante a entrainé le mouvement de rebond des taux nominaux et réels le plus violent depuis mars 2021. Au Royaume Uni, où la progression des taux est la plus forte, trois hausses de taux directeurs sont déjà attendues l’an prochain. C’est un risque pour les marchés actions. En l’espace de trois séances, les valeurs technologiques ont perdu 85 milliards d’euros de capitalisation boursière. Au contraire, les valeurs bancaires et pétrolières étaient recherchées pour protéger les portefeuilles de la crainte de voir l’inflation échapper au contrôle des banquiers centraux.
Marges des entreprises
Cependant, ce troisième épisode de rotation, plus hétérogène, révèle des faiblesses. La participation des valeurs réputées cycliques ou value n’est plus totale. Les sociétés de matériaux de construction ou les sidérurgistes qui souffrent du poids de l’énergie dans leur structure de coûts en sont exclues. La hausse des prix à la production commence à éroder les marges des entreprises. Le levier opérationnel commence à pâtir du manque de volumes causé par les délais de livraison. Enfin, avec une hausse des prix alimentaires ou de l’énergie supérieure aux salaires, la confiance des consommateurs, jusque-là le bastion des optimistes, s’affiche en berne en Europe et aux Etats-Unis.
Inconnu et chaos
Ce mois de septembre n’est pas anodin pour les marchés financiers. En livrant sa pire performance mensuelle depuis mars 2020, le benchmark mondial des actifs risqués (le S&P500) nous indique peut-être que la disparition d’un régime à faible entropie, celui d’un équilibre entre croissance et inflation est à l’œuvre. Dans la thermodynamique des fluides, l’entropie désigne la tendance irrésistible d’un état d’ordre à s’étendre irréfragablement vers le chaos. Pour l’homme, la valeur présente du chaos est l’inconnu. Pour les marchés, l’inconnu est générateur de volatilité. Alors, comme le rappelle Elon Musk, dont la société qu’il dirige, Tesla, est aussi frappée par la pénurie de composants fabriqués en Asie : «n’oubliez pas, l’entropie n’est pas votre alliée ».
Ne pas oublier le bêta !
Par Thomas Planell, Gérant, analyste chez DNCA
Le 15 septembre 2021
Ayant passé l’échéance de Jackson Hole sans heurts, les indices européens n’ont toutefois pas réussi à s’établir durablement au-dessus des records enregistrés à la mi-août. Les résultats d’entreprises pour le second semestre étaient pourtant excellents. Seulement 15% des sociétés n’ont pas battu les attentes, près des deux tiers les ont dépassées, confirmant qu’une croissance des BPA en 2021 de plus de 60% semble atteignable ! Mais la crainte d’approcher du pic de la reprise questionne la soutenabilité des performances opérationnelles des entreprises.
Ralentissement en Europe
Après la Chine et les Etats-Unis, c’est en effet au tour de l’Europe de ralentir. En août, les indicateurs manufacturiers faiblissent pour la première fois depuis janvier. Sans augurer d’un coup d’arrêt porté à la croissance bénéficiaire, ce fléchissement peut suffire à affadir l’élan des révisions haussières et à peser sur le potentiel d’appréciation des marchés.
La question de la soutenabilité des excellentes performances des trois derniers trimestres au-delà de l’exercice 2021 n’est pas nouvelle. Elle pèse déjà sur les valeurs cycliques depuis mai, et plus particulièrement sur celles qui ont bénéficié du renchérissement des matières premières (aciéristes, chimistes ou pétroliers). Certaines valeurs minières qui clôturent un semestre historique en termes de profitabilité illustrent le paroxysme de la défiance des investisseurs avec des rendements exigés du free cash-flow allant jusqu’à près de 40% (soit un remboursement de la capitalisation boursière en moins de 3 ans).
Menace et scepticisme
Cependant, avec la perte de célérité de la reprise, la menace grandit de voir ce scepticisme se propager à d’autres secteurs non moins cycliques et toutefois plus fortement valorisés sous prétexte qu’ils bénéficient de tendances de croissance séculaire sur tout ou partie de leurs marchés finaux. Pourtant très sensibles au retournement de l’économie en raison de la nature de leur activité et de leur structure de coûts fixes, de nombreux groupes de semi-conducteurs ou de biens d’équipements industriels sont désormais valorisés à des niveaux de rendement des flux de trésorerie qui n’intègrent plus leur risque de cyclicité.
Xi Jinping
Les débouclages peuvent alors s’avérer très violents lorsque les investisseurs retrouvent la mémoire de l’aléa. La chute de plus de 10% du secteur du luxe à partir du 17 août en est une illustration.
Quoique imprécise et difficilement quantifiable, la doctrine de la « prospérité commune » de Xi Jinping a rappelé les campagnes anticorruptions de 2012 qui avaient pesé sur la croissance du secteur. L’évocation de ce souvenir douloureux a suffi à faire basculer, au moins temporairement, la prépondérance du consommateur chinois pour le secteur (35% en 2020, 48% à partir de 2025 selon certaines études !) du statut d’opportunité vers celui de risque dans l’esprit des investisseurs.
Alors, à l’approche du pic probable de la reprise et d’une possible sortie des politiques monétaires accommodantes, il devient peut-être urgent de se rappeler que le bêta (qui mesure implicitement la cyclicité du modèle de l’entreprise) et le taux d’intérêt restent les déterminants clefs du modèle de valorisation des actifs financiers, le Capital Asset Pricing Model (CPAM) !
Texte achevé de rédiger le 10 septembre 2021
SPAC(E) : Quelle nouvelle frontière ?
Par Thomas Planell, Gérant – analyste chez DNCA
Le 4 août 2021
A partir de 1960, la conquête spatiale est une ambition présidentielle. de Gaulle charge Debré de poser les bases d’une dissuasion nucléaire et d’un programme spatial français indépendants à partir de 1958, date à laquelle Eisenhower crée la NASA. Kennedy franchit ensuite la « Nouvelle Frontière » avec Apollo. Reagan s’embourbera plus tard dans l’initiative de défense stratégique.
Oubliée du débat Trump-Biden, la course aux étoiles est devenue une affaire de milliardaires. Jeff Bezos, l’homme le plus riche du monde est devenu l’homme le plus riche dans l’espace. Blue Origin qu’il dote sur ses deniers personnels de plusieurs milliards de dollars par an devient la troisième société privée à franchir la ligne de Karman dans la thermosphère après Virgin Galactic et Space X. Plus bas, dans la troposphère, plusieurs projets d’avions de ligne supersoniques sont de nouveau à l’étude.
Du space aux SPAC
Mais tandis que certains dépensent sans compter dans la chasse aux records d’altitude ou de vitesse, d’autres promettent les étoiles sans quitter la terre. Avec près de 400 introductions en bourse cette année aux Etats-Unis, la vague de lancements de SPACs prend des airs de course à l’espace. En France, en 2021, quatre de ces véhicules d’investissement dont l’unique objet social est l’acquisition d’une entreprise ont été cotés à la bourse de Paris après que Mediawan, en 2017, a ouvert le bal.
A la manière de nombreux fonds de private equity, un SPAC va mobiliser le capital de ses investisseurs (limited partners) en acquérant une cible qu’il va chercher à valoriser significativement plus cher au moment de son introduction en bourse.
Différents des fonds private equity
Mais à la différence d’un fonds de private equity, la totalité du capital souscrit est immédiatement appelée par le sponsor du SPAC puis cotée et échangeable en bourse. Un SPAC n’est donc guère plus qu’une masse de monnaie cotée en bourse jusqu’à ce qu’il achète sa cible.
Par ailleurs, le SPAC n’acquiert qu’une seule et unique société en portefeuille. Enfin, un SPAC réalise automatiquement l’introduction en bourse de cette dernière en fusionnant avec elle. Un SPAC, c’est donc une introduction en bourse qui valorise déjà, sans qu’elles n’aient eu lieu, ces 5 à 7 années de conseil, restructuration, accompagnement et création de valeur qui séparent habituellement l’acquisition par un fonds de private equity d’une société de son introduction en bourse.
Enfin, le carried interest (alignement des intérêts) au travers de warrants détenus par le General Partner se fait au travers d’une dilution massive pour les porteurs de parts. En n’investissant qu’une poignée de points de pourcentages des capitaux levés, le sponsor (qui vient de trouver une solution particulièrement intéressante pour financer son levier financier) peut aisément détenir 15 à 25% de l’entité en cas de succès.
Signes de faiblesse
Depuis le début de l’année, les premiers signes de faiblesse du modèle apparaissent. Du coté des performances, l’indice IPOX SPAC est en baisse de 6% depuis le début de l’année. Le temps et les taux bas produisent également leur effet adverse. La liste des véhicules ne parvenant pas à assurer le 1% de rémunération des liquidités ciblé (afin de compenser les taux de loyer négatif de l’argent) s’allonge. L’absence d’acquisition érode ainsi peu à peu la valeur du SPAC. En France, 2MXORGANIC qui n’a pas finalisé d’acquisition capitalise aujourd’hui 291 millions d’euros contre 300 millions levés en fin d’année dernière. Il n’est donc pas étonnant de voir les gérants d’actifs français hésiter à souscrire au capital de ces véhicules spéciaux à l’issue du processus de recrutement volontairement très court. Il s’agit de quelques jours avant la cotation du véhicule afin de susciter l’excitation, électriser les candidat. Au cours de ce délai, un quatuor de dirigeants stars expose les fondamentaux du marché dans lequel il envisage de dénicher la pépite cachée. Mais le parcours et les qualités exceptionnelles des managers couplées au soutien d’hommes d’affaires et investisseurs de renom peuvent suffire à convaincre.
LVMH innove
A elle seule, la présence de Bernard Arnault a probablement dû considérablement contribuer au succès de la levée de fond de Pegasus (500 millions d’euros). Alors qu’il organise sa succession, le PDG de LVMH n’a rien perdu de sa capacité à « sortir de sa zone de confort » et innover.
C’est l’invitation qu’il a d’ailleurs lancée à ses collaborateurs au moment de l’acquisition de 60% de la première marque de mode non européenne du groupe, OFF WHITE et de la nomination de son designer, Virgil Abloh au poste de « chief disruptive officer ». Prolifique et touche-à-tout, cet artiste de l’Illinois qui révolutionne la haute couture autant que le design des bagages Rimowa, des sneakers Nike ou des bouteilles Evian aura pour mission de casser la structure en silo du groupe et libérer l’inter pénétration des marques et maisons entre les divisions mode et maroquinerie, l’hôtellerie et les vins et spiritueux.
« Sortir de sa zone de confort », c’est donc la recette du leader mondial du luxe pour croître et croire en l’avenir. Et à ce niveau de valorisation, tout comme les étoiles requièrent hélium et hydrogène, les valeurs du luxe ont besoin de croissance, beaucoup de croissance pour continuer à briller…
Texte achevé de rédiger le 23 juillet 2021
La bourse de Shanghai boude le 100ème anniversaire du Parti communiste chinois
Par Thomas Planell, Gérant-Analyste chez DNCA
Le 7 juillet 2021
Entre 1980 et 2019 en Chine, 770 millions de personnes ont franchi le seuil de pauvreté. En joignant ses mains, cette farandole de vivants et de morts libérés de la misère pourrait ceindre vingt fois la Terre au niveau de l’équateur ! Au matin du deuxième siècle de son histoire, le Parti Communiste chinois, fort de 90 millions de membres peut contempler quarante ans de succès économique.
Rotation de la terre
La richesse créée est colossale. Durant cet âge d’or, le PIB par habitant a été multiplié par soixante. Aussi fort qu’Atlas portant le globe, le titan chinois détermine la course économique et astronomique du monde. Herculéen, le réservoir du barrage des Trois Gorges est tel qu’il ralentit de 0,06 microseconde la durée de rotation de la Terre. Cependant, malgré l’essor économique du pays, le Parti ne desserre pas l’étau de son emprise sur les organes économiques et financiers de l’Empire du milieu.
Toujours le contrôle
Le mouvement de libéralisation tant attendu par l’Ouest n’est pas arrivé. Après son industrialisation, les deux grandes phases de modernisation du pays (financiarisation puis digitalisation) ont été exécutées sous le contrôle manifeste de l’Etat. Gare aux entrepreneurs influents comme Jack Ma qui osent tenter d’échapper à son joug ! En contrecarrant l’expansion dans le domaine bancaire du fondateur d’Alibaba ou foudroyant les cryptomonnaies, le Parti a récemment rappelé qu’il contrôle toujours les fonctions financières du pays. Outre le maintien de la primauté de la devise officielle et de sa version digitale, l’e-yuan, le blâme des monnaies alternatives vise à éviter une nouvelle forme de « shadow banking » décentralisé. En effet, la multiplication des opérations de prêt-emprunt en cryptomonnaies au travers de comptes dits d’épargne ou de rendement rend incontrôlables, car anonymes, la demande et l’offre de crédit.
Limiter les négociations
Enfin, l’Etat chinois n’hésite pas à utiliser ses réserves nationales ou à limiter les volumes de négociations pour punir la spéculation sur les matières premières et contenir l’inflation. Une telle mesure est d’ailleurs intervenue quelques jours après l’annonce le 21 mai des restrictions pesant sur l’extraction et la négociation des tokens. Portées par un retour des flux sur les actifs plus traditionnels, les actions chinoises ont alors enregistré leur meilleure séance depuis février. L’enthousiasme fût cependant de courte durée. Conscients du ralentissement de la reprise économique, les marchés actions boudent la passion populaire exaltée par la cérémonie d’anniversaire du Parti.
Le pic aurait été atteint en fin d’année 2020 tant du côté de la croissance du crédit au secteur privé que du côté des profits des entreprises tandis que les champions de l’internet pâtissent des mesures anti-trust. La publication cette semaine d’un indice PMI manufacturier nettement sous les attentes a d’ailleurs fait basculer la performance de la bourse chinoise en territoire négatif.
Chine vs Europe
Au contraire, l’Europe continue de s’arroger le monopole de l’optimisme : la confiance des consommateurs progresse significativement depuis cinq mois et s’établit à son niveau le plus élevé en vingt ans, portée par la baisse des contaminations, la levée des restrictions et la reprise des affaires. Convaincus que l’essentiel de la reprise domestique est encore devant eux, les investisseurs privilégient le vieux continent. Le Stoxx Europe 600 a ainsi livré sa meilleure performance semestrielle depuis 1998 tandis que les banques (+30%) bouclent une première moitié d’année à contrepied de leur tendance historique. Il faut à présent espérer que le variant delta et la persévérance à la hausse de certaines matières premières (pétrole, céréales, viande) ne viennent pas faire ombrage au scénario probable quoique fragile de poursuite de la reprise au second semestre…
Texte achevé de rédiger le 2 juillet 2021
Suivez le Move
Par Thomas Planell, Gérant-Analyste chez DNCA
Le 4 juin 2021
Hausse des matières premières métalliques ou agricoles, hausse du fret maritime ou des coûts logistiques sur terre, hausse du prix du pétrole, ruptures d’approvisionnement dans les semi-conducteurs, les composés chimiques, les plastiques, les emballages : « citez n’importe quel produit et vous avez avec un problème d’approvisionnement » fulminait le PDG de Cummins, Tom Linebarger, au moment des résultats du premier trimestre du fabricant américain de générateurs.
Hausse des salaires
A la hausse des coûts de fabrication des produits vendus s’ajoutent des charges que l’on retrouve un peu plus bas dans les comptes de résultats, dans les coûts fixes des entreprises, parmi lesquels la hausse des salaires, qui semble pour l’instant n’affecter que les Etats-Unis où les difficultés à embaucher persistent malgré un taux de chômage en hausse depuis la pandémie. Les grandes icônes de l’emploi local des bas salaires comme Olive Tree, Chipotle, Wal Mart ou plus récemment McDonald’s n’y échappent plus.
Malgré l’annonce d’une hausse moyenne de 10% du salaire versé par le groupe de restauration qui vise 15 dollars de l’heure en moyenne par salarié d’ici 2024 l’assemblée générale s’est déroulée dans un climat de tensions sociales critiques en raison de grèves essaimant dans pas moins de 15 grandes villes américaines servies par la chaine.
Inflation transitoire
Si, au premier trimestre 2021, les managements des sociétés européennes se sont voulus pour la plupart rassurants quant à l’effet sur leur marge de la hausse des coûts, le terme inflation était bel et bien de toutes les discussions au cours des présentations de résultats, puisqu’il a n’a jamais été autant évoqué depuis 20 ans. Le message, calé sur celui de la FED et de la BCE reste pour l’instant celui d’une inflation transitoire, impropre à changer durablement le régime de prix, vouée à se normaliser dès que les ruptures d’approvisionnement auront cessé. Mais n’y a-t-il pas dans cette présomption consensuelle, propre à rassurer les investisseurs, l’expression d’un aléa moral entretenu par le message contre inflationniste tenu régulièrement par les banques centrales ?
Coûts de la décarbonisation
Il est parfois utile de se pencher du côté des sociétés cotées en bourse dont l’actionnaire majoritaire reste familial : elles offrent un regard parfois plus prudent et moins partial sur l’avenir. C’est par exemple le cas du cimentier italien Buzzi, présent en Europe et aux Etats-Unis. Il est l’un des rares à prévenir, entre autres, que la hausse des coûts et des investissements nécessaires à la décarbonisation de ses procédés pourrait peser durablement sur le profil de rentabilité et le besoin en capital de l’entreprise. A près de 60 euros par tonne, le prix du carbone en Europe devient une charge financière potentiellement sérieuse pour les entreprises.
Au-delà, il commence à rendre intéressants pour les directions financières les premiers projets de capture des émissions de CO2 en sortie d’usine. Dans les deux cas, c’est un poids potentiel pour la profitabilité ou l’amélioration des retours sur capitaux investis. A présent que l’agence internationale de l’énergie estime que ses nouveaux objectifs 2050 ne peuvent être réalisés qu’avec un gel de tout nouveau projet d’exploration pétrolière, est-il raisonnable de penser que la transition écologique pourra se faire sans coûts pour les entreprises et les consommateurs ? Ces coûts ne sont-ils que temporaires ou au contraire structurels ?
Politique budgétaire
A la transition écologique s’ajoute l’effet inflationniste d’une politique budgétaire globalement expansionniste sur l’ensemble de la planète. Au travers des plans de relance, le politique a clairement levé le cran de sureté du fusil à inflation. Les élections détermineront à quelle vitesse il appuiera sur la détente. Car, après un an de repli forcé sur soi, en Europe, l’heure est au sursaut nationaliste. Malgré la rapidité avec laquelle les vaccins ont été élaborés, et cela dans le cadre de partenariats internationaux (entre l’allemand BioNtech et l’américain Pfizer par exemple) puis distribués, sans embargo majeur, le concept de globalisation pourrait être finalement la victime philosophique la plus évidente de la pandémie.
Nationalisme et protectionnisme
De part et d’autre on évoque la relocalisation des capacités de production, le raccourcissement des cycles produits, le prérequis d’une présence industrielle locale pour avoir accès à un marché, avec à la clef, la création d’emplois. Le nationalisme, le protectionnisme, ne sont plus l’apanage des démocraties turbulentes d’Europe de l’Est. Dans les « Frugal Four » comme en Italie, le paysage politique perd de sa faune libérale. A Rome, la droite populiste de Salvini prend des airs de centre droit face à la montée du parti Fratelli d’Italia, emmené par la présumée descendante de Benito Mussolini, qui dépasse déjà le parti démocrate dans les suffrages. En Espagne, l’opposition s’allie le parti d’extrême droite Vox.
Et en France, les premiers sondages annoncent déjà au second tour un duel similaire à celui des précédentes élections au point qu’on évoque déjà l’émergence d’une prime de risque sur l’OAT. D’un point de vue philosophique, la prise de pouvoir par un parti nationaliste non libéral équivaut au repli sur soi. D’un point de vue économique, il se traduit par une circulation moins libre des biens, des personnes et des capitaux, la baisse des opportunités d’arbitrage géographique des coûts de production et du travail, et donc de l’inflation. Ce phénomène a, en réalité, déjà commencé et s’accélère depuis la pandémie.
Nervosité sur les marchés
Aujourd’hui, 60% des opérations des fusions-acquisitions internationales sont désormais soumises au contrôle des Etats. D’un point de vue financier, la contrepartie d’une telle orientation politique se traduit en général par l’apparition d’une prime de risque qui reflète l’exigence d’un rendement supplémentaire exigé par les capitaux internationaux. Il n’y a donc pas que chez les chefs d’entreprise que le sujet de l’inflation préoccupe, les investisseurs en font, après la pandémie, leur premier sujet de tourments.
C’est du moins le résultat de la récente enquête de Bank of America. Si la courbe des taux reflète les anticipations de croissance et d’inflation, les options qui permettent de plus ou moins s’y sensibiliser reflètent quant à elles la volatilité autour de ces anticipations. Plus nous progressons dans ce cycle économique, plus la nervosité quant au risque de surchauffe se fait sentir. Incertains, les marchés obligataires oscillent donc, sans grande tendance, mais sous le calme apparent des dernières semaines, cette volatilité implicite, mesurée par l’indice « Merril Lynch Options Volatility Estimate » reste tendue. Elle pourrait mieux que le VIX (qui mesure celle des actions) présager des inquiétudes des investisseurs au cours des prochains mois. En effet, en dehors d’un scénario d’hyperinflation, les actions offrent théoriquement plus de convexité que les obligations dans une configuration de remontée généralisée des prix à la production et à la consommation.
Alors, afin de mesurer ce qui effraie les marchés, laissez pour l’instant de côté le VIX et suivez donc le « Move »…
Texte achevé de rédiger le 28 mai 2021
Une année record pour les rachats d’actions en Europe ?
Par Thomas Planell, Gérant-analyste chez DNCA
Le 7 mai 2021
Si le rythme des bonnes surprises se maintient, les publications des entreprises européennes pourraient entériner la meilleure saison de résultats jamais enregistrée depuis 2007.
Pour les entreprises exposées à l’international ou celles dont la rotation de l’actif n’est pas bridée par les restrictions sanitaires, les volumes d’affaires confirment que l’optimisme induit par les indicateurs macroéconomiques notamment dans le secteur manufacturier était de bon aloi.
Faiblesse des services
Ces excellentes performances contrastent avec l’activité dans les services. Malgré des signes de redressement, le secteur tertiaire a tout de même souffert du retour en confinement. C’est particulièrement vrai en Allemagne et en Italie où le PIB recule de 1,5% et 0,5% respectivement. Grâce à une gestion plus adaptative de l’épidémie, la France échappe de justesse au sort de ses voisins mais n’enregistre finalement qu’une croissance nulle. Toutefois, grâce à la traction de son industrie, une épargne disponible abondante et la montée en cadence des campagnes de vaccination, l’économie européenne pourrait être sur le point de dévoiler toute l’étendue de son potentiel au cours des prochains mois.
Bilans gorgés de cash
Pour les grands groupes qui bénéficient déjà de cette reprise, les tensions financières ont presque déjà disparu. Quelques mois seulement après la crise, les bilans sont gorgés de cash. Les liquidités disponibles représentent près de 15% des actifs des entreprises du Stoxx Europe 600, du jamais vu depuis 2002. Pour certaines directions financières, la situation est donc suffisamment porteuse pour accélérer les investissements dans l’innovation. Après BMW, Daimler a annoncé vouloir créer des milliers d’emplois afin de déployer non plus une offre automobile mais une véritable plateforme logicielle avec chaque véhicule vendu. C’est aussi le sens donné par Volkswagen à sa stratégie en internalisant le design de ses puces de haute performance comme l’ont fait Apple et Tesla.
Opportunités de croissance externe
Pour d’autres, cette surface de disponibilités offre l’occasion de saisir des opportunités de croissance externe ou d’optimiser leur bilan : reprise des dividendes, rachats de minoritaires, renforcement des parts de marché au travers d’acquisitions. Les directions financières pourraient également débloquer 150 milliards d’euros pour réduire le nombre de leurs actions en circulation. Cela fait certes pâle figure face au gigantisme des programmes de rachats d’actions auxquels nous habituent les Etats-Unis, où à lui seul, le Groupe Alphabet s’apprête à racheter 50 milliards de dollars de ses propres titres…
Mais en représentant un montant 25% supérieur à la moyenne des cinq années qui ont précédé la crise, ces options de rachat offrent une bouffée d’air frais aux marchés européens qui persévérèrent dans leur revalorisation depuis le début de l’année, malgré un premier trimestre difficile sur le front économique. « Persévérance », c’est aussi le nom du rover de la NASA qui vient d’accomplir la prouesse de synthétiser de l’oxygène à partir du CO2 de l’atmosphère martienne !
Texte achevé de rédiger le 30 avril 2021
Des giboulées en avril ?
Par Thomas Planell, Gérant-analyste chez DNCA
Le 23 avril 2021
Historiquement, l’arrivée du printemps est propice aux nouvelles entreprises, et particulièrement à celles qui touchent à l’exercice de la guerre. A la faveur de conditions météorologiques plus clémentes, les guerriers francs avaient pour usage depuis les temps mérovingiens de se réunir au champ de mars, qui, se couvrant du vert des pousses nouvelles, s’offrait comme lieu d’assemblée où l’on convenait des prochaines campagnes militaires. Sous la « Cinquième », c’est le temps fort, autrement belliqueux, des « prises de distance » dans le camp de la majorité, des déclarations de « disponibilité » dans l’opposition, à quelques mois des traditionnelles universités d’été. En cette période particulière, celle du premier anniversaire du krach financier qui suivit la pandémie, les parades se font sous l’étendard de la relance, les grandes manœuvres sont budgétaires, les doctrines sont industrielles.
Pénurie technologique
Le 11 mars, Joe Biden signait son « Pandemic Relief Bill » de 1.900 milliards de dollars, puis vingt jours plus tard, son plan infrastructures, fort de 2.250 milliards de dollars.
Pour sa part, la Chine intronisait son 14ème plan quinquennal au son du clairon de la modernisation industrielle et du soutien à la consommation domestique à laquelle le Parti souhaite donner davantage de prépondérance. Des deux côtés, le rythme de la reprise est soutenu. Au point que l’inflation des prix à la production en Chine progresse en mars à son rythme le plus élevé depuis 2018. Elle est tirée par le prix des plastiques, des produits pétroliers, chimiques et des semi-conducteurs. La résolution de la pénurie dans le secteur devient un enjeu de puissance nationale. Après le rebond en juillet dernier et le retour à un rythme normalisé de 16 millions de véhicules par an en sortie d’usine, l’industrie automobile américaine (3% du PIB américain) est à nouveau contrainte de réduire sa production par manque de composants. Certains biens technologiques et électroniques restent introuvables.
Reprise inégale et incomplète
Le 12 avril, le Président américain a reçu les PDG de plusieurs multinationales des semi-conducteurs. Le trio Biden Yellen Powell est sur tous les fronts, prêt à colmater les brèches pouvant peser sur la reprise. Bien que l’activité du consommateur américain, dopée par les « stimulus checks » évolue déjà au-dessus de ses niveaux pré-crise, que l’emploi s’améliore très nettement avec un ratio de demandes sur offres de seulement 1,1 et près des deux tiers des postes perdus déjà retrouvés, Jerome Powell, juge que la reprise reste « inégale » et « incomplète », répétant son engagement à soutenir l’emploi et la croissance au prix de l’inflation. Parallèlement, l’hostilité renaissait sensiblement entre les deux puissances. Biden semble hériter bien volontiers de la fermeté de son prédécesseur à l’égard de la Chine que ce soit en prenant, aux côtés de l’Europe, la défense des Ouïghours ou en renforçant les mesures coercitives à l’égard des groupes technologiques chinois cotés aux Etats-Unis. La Chine, en contrepartie, prévient que le pays ne s’agenouillera plus, comme ce fut le cas il y a 120 ans, devant les armées étrangères qui pressaient alors la dernière dynastie à s’ouvrir au monde extérieur. Elle appelle au boycott des marques se retirant du marché au coton du Xinjiang et répond par des sanctions à l’égard des diplomates et politiques occidentaux, notamment européens.
Europe dépendante
A cet égard, Bruxelles qui se félicitait d’avoir abouti avec Beijing après 6 ans de négociations à un premier accord de principe sur les investissements pourrait donc se montrer réticente à ratifier le projet. Après le retard pris par la campagne de vaccination puis le veto de la cour constitutionnelle allemande au plan de sauvetage communautaire, c’est un revers de plus pour le continent, dont l’industrie est très dépendante à la Chine. Mais, pour l’instant, la bonne tenue de l’activité de leur premier partenaire commercial continue de soutenir les exportateurs européens. Les indicateurs PMI manufacturiers en Europe s’affolent, à l’appui de la revalorisation des valeurs cycliques et value.
Bourses et canal
Pour les investisseurs, le mois de mars a été mouvementé malgré les records franchis par les indices américains et le retour de l’Eurostoxx 50 à quelques encablures seulement de ses plus hauts historiques. La chute de Greensill et Archegos, entrainant des flux vendeurs de plusieurs dizaines de milliards de dollars concentrés sur quelques valeurs américaines a rappelé que la liste des fonds tombés au champ d’honneur de la gestion alternative n’est pas close.
Le blocage du canal de Suez a rappelé la fragilité de la chaine logistique mondiale, la volatilité du dollar et la hausse des taux d’intérêt en Turquie et au Brésil ont suscité davantage de nervosité sur les marchés émergents. Les mouvements de rotation de styles sont devenus plus erratiques, s’inversant parfois au cours d’une même séance, au détriment des valeurs matières premières notamment, tandis que du côté des actifs alternatifs, le bitcoin semblait ravir à l’or son rôle de protection contre l’inflation.
Focus sur les performances opérationnelles
A l’approche des publications des résultats financiers du premier trimestre, les investisseurs devraient désormais se focaliser sur les performances opérationnelles des entreprises. La croissance bénéficiaire attendue en 2021 (environ 35% pour les entreprises du Stoxx Europe 600) a été continuellement révisée à la hausse depuis le début de l’année (+5%) à l’appui d’un scénario macro-économique qui pourrait s’avérer meilleur que prévu. Le FMI table désormais sur une croissance mondiale de 6% en 2021, contre 5,5% il y a trois mois. Contrairement à 2020, l’intégration de cet optimisme dans les cours s’est faite de façon plus homogène, en atteste la réduction des écarts de valorisation entre les styles. Le marché pourrait donc se montrer plus exigeant au moment de vérifier la résilience opérationnelle des sociétés dans un contexte de renforcement des restrictions sanitaires au cours du trimestre écoulé.
Texte achevé de rédiger le 9 avril 2021
L’inflation, ce chat de Schrödinger
Par Thomas Planell, Gérant-analyste chez DNCA
Le 12 mars 2021
« Il n’y a pas un sujet aussi préoccupant dans l’esprit d’un citoyen américain que l’inflation » écrivait le journaliste Theodore H. White en 1979. En 1980, c’est en frappant sur le terrain de la hausse des prix que Reagan a affronté le Président sortant Jimmy Carter. Six ans auparavant, en France, c’était l’obsession du candidat Mitterrand face à Giscard d’Estaing. Pour le Président de la Fed, à la même époque, Paul Volcker, il fallait « combattre l’inflation, quel que soit le prix à payer sur le front de l’emploi ». C’est une doctrine à l’opposé de celle de Jérome Powell aujourd’hui.
Une arme politique
L’inflation est une arme dans le débat politique car elle contraint le pouvoir d’achat, érode la valeur de l’épargne, influe sur la valeur d’une devise par rapport à une autre. Comme la TVA, elle s’impose universellement à tous. Mais elle frappe davantage les foyers les plus modestes en raison du poids plus important dans leurs dépenses des achats les plus sensibles à la hausse des prix (alimentation, essence, électricité). Depuis le début du XXIème siècle, la notion d’inflation devient plus diffuse. Chez les banquiers centraux et économistes, l’inflation anticipée n’est plus un point solitaire estampillé comme une gommette sur une frise chronologique. Elle tient davantage du Chat de Schrödinger[1]. Les projections des banquiers centraux et des économistes incorporent désormais un « degré d’incertitude » et une « asymétrie de risques ». L’inflation future cumule plusieurs états possibles. Tel le sujet du physicien viennois : elle est à la fois vivante et morte.
Un corps organique microscopique
Mais quelque chose a fondamentalement changé en 2020. Le détecteur de radioactivité ne s’est pas déclenché. L’interrupteur provoquant la chute du marteau sur la fiole de poison n’a pas été actionné. Le chat de l’inflation semble être bien plus vivant que mort lorsque l’on ouvre la boite de Schrödinger. Et c’est un corps organique microscopique qui pourrait être la cause du plus grand changement de régime de ces quarante dernières années, frappées du sceau de la désinflation et du rallye obligataire généralisé. Car en réponse au COVID-19, Jerome Powell a mis en œuvre, en moins de quatre mois, un stimulus supérieur à 10 ans de politique monétaire majoritairement accommodante sous Ben Bernanke et Janet Yellen.
Envolée des matières premières
La relance budgétaire américaine pourrait représenter 15% du PIB du pays en 2021. De l’autre côté de l’Atlantique et du Pacifique, l’Europe et la Chine lancent des projets d’infrastructures qui renchérissent les prix des matières premières comme l’acier. Le minerai de fer, qui a doublé depuis mars, pourrait plafonner. Mais qu’à cela ne tienne : les contrats sur l’acier en Chine retrouvent leurs plus hauts niveaux à dix ans. L’écart entre la matière première ferreuse et le prix du produit fini s’envole, bénéficiant aux aciéristes. Arcelor, Alcoa flambent quand les géants de l’éolien offshore (Orsted, Vestas) perdent un quart de leur capitalisation boursière. Selon la revue Cyclope, les matières premières pourraient continuer de progresser de 19% en 2021 après une hausse de 20% en 2020 ! Du coté des indicateurs d’activité, les indices des directeurs d’achats aux Etats-Unis témoignent d’une progression des prix à leur plus haut niveau depuis 12 ans que ce soit dans les services ou dans le secteur manufacturier. Historiquement, ces statistiques ont offert une prédictibilité robuste de l’inflation par le passé.
Courbe de Philips
Mais cela suffira-t-il à redresser la fameuse courbe de Philips, celle qui mesure l’élasticité (inopérante jusqu’à aujourd’hui) de l’inflation à la baisse du chômage et à l’utilisation des capacités ? Cela suffira-t-il enfin à compenser l’effet que l’automatisation et la digitalisation peuvent avoir sur le coût final des biens et des services ? Cela suffira-t-il encore à contrebalancer la perte du « dividende démographique » ? Déjà en Chine, la pyramide des âges de type pagode et la forte baisse de la natalité entrainée par la pandémie pourrait amener la proportion de la population en âge de travailler à reculer d’ici dix ans.
La remontée trop abrupte des taux longs pourrait-elle créer un contre-choc déflationniste sur le parc immobilier mondial auquel, contrairement aux actions, de très nombreux foyers sont exposés, et dont la valeur de marché, estimée à près de 300.000 milliards de dollars (un an de PIB mondial…) est sans commune mesure avec la capitalisation boursière mondiale (90.000 milliards) ? En ce début d’année, le scénario de la reflation pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses.
Comme la théorie de la relativité, et la physique quantique par rapport à la mécanique newtonienne, les forces inflationnistes à l’œuvre pourraient préfigurer une rupture essentielle par rapport au passé. Les conséquences en termes de comportement des acteurs économiques et des investisseurs sont inconnues : après tout, plusieurs générations d’entre eux se succèdent sans avoir jamais connu d’inflation !
Texte achevé de rédiger le 5 mars 2021
Consultez aussi le corner Regards croisés
[1] Erwin Schrödinger est un pilier de la physique quantique. Il a imaginé une expérience de pensée à base d’une boîte et d’un chat mort-vivant. Une expérience de pensée, c’est tenter de résoudre un problème en utilisant uniquement son imagination. C’est se poser la question : “que se passerait-il si….. ?”. Erwin Schrödinger a donc imaginé l’expérience suivante. Il enferme un chat dans une boite close, contenant un dispositif qui tue l’animal dès qu’il détecte la désintégration d’un atome d’un corps radioactif. De l’extérieur, on ne peut pas savoir ce qui se passe dans la boite. En clair : le chat dans la boîte peut vivre ou mourir, sans qu’on sache ce qui se passe depuis l’extérieur. Source : https://www.institut-pandore.com/physique-quantique/chat-schrodinger-superposition-quantique/
Ventes à découvert : Un effet domino à double tranchant
Par Thomas Planell, Gérant-analyste chez DNCA
Le 4 février 2021
L’activité économique s’est montrée finalement plus résiliente que prévu en France au quatrième trimestre. Malgré un deuxième confinement, le secteur manufacturier a poursuivi sa reprise. L’industrie a su s’adapter aux conditions sanitaires. Si l’activité des services de restauration et d’hôtellerie reste en berne (40% sous ses niveaux pré-crise), la consommation des ménages a néanmoins montré une élasticité très positive à la levée des restrictions au moment des fêtes de fin d’année. Pour autant c’est moins la bonne tenue de l’économie au quatrième trimestre que les incertitudes des prochains mois qui occupent l’esprit des investisseurs.
Erosion du sentiment d’euphorie
En France, si l’on sait déjà que le couvre-feu pourrait coûter 1% de croissance au premier trimestre, on s’inquiète surtout de l’obsolescence du scénario de croissance du PIB de 6% en 2021 en cas de troisième confinement. Le risque est d’autant plus grand que les écueils logistiques entourant la distribution des vaccins se font plus nombreux qu’escomptés. Par ailleurs, l’émergence des variants sud-africain et britannique met en péril les projections des taux d’immunité collective.
Aux Etats-Unis, elle ne pourrait atteindre que 38% de la population en mai alors que le niveau nécessaire à l’éradication des contaminations serait plutôt compris entre 55 et 82%. La largeur de l’estimation témoigne, malgré la mise au point des vaccins, de notre difficulté à envisager le monde d’après. Cette prise de conscience explique en partie l’érosion du sentiment d’euphorie qui enveloppait les marchés, et plus particulièrement les indices américains. La façon dont les actifs financiers ont intégré ce risque s’est pourtant montrée contradictoire.
Short sellers
En Asie, comme aux Etats-Unis, les rendements exigés sur les obligations d’Etat n’ont pas baissé. L’or ne protégeait pas les portefeuilles. Les tensions constatées sur les marchés interbancaires en Chine ont accru la nervosité, quand bien même il est d’usage pour la PBOC de réduire ses injections de liquidités en amont de la célébration du nouvel an chinois. Mais à la surprise générale, c’est le contrepied pris par les investisseurs individuels américains sur les valeurs les plus vendues à découvert par les grands hedge funds institutionnels qui semble avoir été la cause principale du sursaut de la volatilité. Au cœur des stratégies de ces « shorts sellers » institutionnels figure ce que le plus célèbre d’entre eux, Carson Block, fondateur de « Muddy Waters » appelle « l’effet domino ». Il se produit lorsque la mise en évidence d’une seule irrégularité suffit pour convaincre le marché de remettre en cause l’ensemble des activités de la société, de l’authenticité de sa comptabilité à la probité de ses dirigeants, précipitant la chute du titre et les gains des vendeurs à découvert qui, de plus en plus nombreux, rejoignent le raid.
Double tranchant
Mais cette réaction en chaine est à double tranchant. A la faveur des subventions versées par les plans de soutien à l’économie, d’effets de levier et de frais de transactions proches de ceux des professionnels, les investisseurs individuels américains ont organisé par le truchement des plateformes communautaires de véritables raids à l’achat contre les positions les plus consensuelles des hedge funds. Avec la progression à trois chiffres de certaines actions, l’effet domino s’est alors inversé, au détriment des fonds vendeurs à découvert. Afin de reconstituer les marges de sécurité et réduire le risque des engagements causés par des pertes potentiellement illimitées, les positions vendeuses ont été débouclées, entretenant encore davantage la hausse des cours. Ce phénomène connu sous le nom de « short squeeze » a alimenté l’un des mouvements les plus violents jamais observés.
Plus de 23 milliards d’actions ont été échangées le mercredi 27 janvier 2021 à Wall Street. C’est bien au-delà du précédent record du krach d’octobre 2008 alors que quelques jours avant, la recapitalisation de Melvin Capital rappelait les heures sombres de la Grande crise financière ou de la chute du fonds LTCM. Il serait de la part des intéressés bien malhabile de blâmer l’afflux de liquidités… car comme l’écrit Bossuet : « Dieu rit de ceux qui maudissent les conséquences des causes qu’ils chérissent ».
Texte achevé de rédiger le 29 janvier 2021.
Stratégie d’investissement sous le signe d’un avertissement
Par Thomas Planell, Gérant-analyste chez DNCA
Le 15 janvier 2021
Malgré le risque posé par une reprise des contaminations et une nouvelle variante du virus, l’activité manufacturière en Asie continue de gagner en cadence en décembre. Taïwan, capitale mondiale de l’industrie des semi-conducteurs se distingue avec un indice des directeurs d’achats à son plus haut niveau depuis 10 ans. De plus, les actions chinoises retrouvent les sommets de 2015, faisant fi du « baroud d’honneur » du Président américain sortant qui continue de s’acharner contre les sociétés chinoises cotées aux Etats-Unis. En 2021, l’Asie (plus d’un tiers du PIB mondial) devrait être la zone la plus dynamique. La croissance économique de la Chine et de l’Inde pourrait s’établir au-dessus de 8%. L’attractivité des actifs risqués continue de se diffuser sur l’ensemble des places financières et au sein des nouveaux actifs alternatifs comme les cryptomonnaies.
Cycliques et value
Des deux côtés de l’Atlantique, les marchés actions entament la nouvelle année comme ils ont terminé la précédente : en grande pompe et sous les auspices d’une poursuite de la rotation vers les valeurs cycliques et value. La bonne tenue des matières premières et les perspectives de convalescence économique renchérissent les taux et notamment l’indicateur de référence mondial : les bons du Trésor américain à 10 ans dont le rendement exigé s’affranchit du seuil symbolique de 1%. Cela n’entame en rien l’appétit des investisseurs pour les actifs durables, malgré leur duration longue. L’investissement socialement responsable continue de recueillir les faveurs des investisseurs. Hank Paulson, ancien secrétaire au Trésor américain et ex-PDG de Goldman Sachs renoue avec la finance en acceptant l’offre faite par la Rockstar Bono de gérer un fonds de lutte contre le réchauffement climatique.
Investissements durables
La BCE de son côté souffle dans les voiles de l’investissement responsable. Elle envisage de réduire le montant de rachats alloués aux obligations de sociétés émettant un certain niveau de CO2. Christine Lagarde pourrait introduire de façon tangible l’impératif écologique dans son mandat et contribuer, à la manière des Etats, à orienter les capitaux vers les actifs durables. Orienter, diriger ses pas, son esprit ou ceux d’autrui vers quelque chose, telle est l’une des multiples significations d’advertere, verbe à tout faire chez le poète latin Virgile, auteur de l’Enéide, et qui constitue également l’étymologie du mot « avertissement »…
Un avertissement, c’est un peu l’effet de la première séance de l’année au cours de laquelle, ce lundi 4 janvier, l’indice VIX, baromètre de la nervosité des marchés américains a alors progressé de 30%. Sans empêcher cette semaine initiale de se conclure positivement, en Europe notamment, cette première séance rappelle que de l’autre côté du Styx, le Cerbère de la volatilité n’est jamais qu’endormi…
Texte achevé de rédiger le 8 janvier 2021 par Thomas Planell, Gérant-analyste.
Le Léviathan et l’inflation
Par Thomas Planell, Gérant-analyste chez DNCA
Le 10 décembre 2020
10 mai 1974 : la France subit le choc pétrolier. Ce soir-là, Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand, désormais tous deux au Panthéon de nos Présidents disparus, s’affrontent sur le plateau de l’ORTF. La lutte contre l’inflation qui progresse alors en mars de 12,2% en rythme annualisé est présentée comme le fer de lance du programme du candidat Mitterrand. Face aux propositions d’endettement et de nationalisation de la gauche, le Président Giscard d’Estaing tempère la fougue volontariste du programme socialiste : « les nationalisations ne font pas avancer l’économie » ; « la hausse des prix de l’arachide, nous n’y pouvons rien, elle est entièrement importée » répond-il à son adversaire.
Keynésianisme du XXIème siècle
Près de cinquante ans plus tard, le débat reste plus que jamais d’actualité. L’épidémie a ouvert la voie à une nouvelle ère de politiques économiques et monétaires autant axées sur la stabilité financière que sur l’urgence sociale au travers de potentielles politiques de redistribution (augmentation des salaires administrés, report de la réforme de l’assurance-chômage et des retraites). Le keynésianisme du XXIème siècle s’appelle plan de relance, plan de modernisation de l’outil productif privé, plan hydrogène… Il est directement financé par les banques centrales. L’Etat, ce Léviathan donné tantôt pour mort ne prône plus le retrait libéral ni l’austérité mais la providence. En échange de son soutien, il administre. Les sociétés ayant bénéficié de garanties d’emprunt étatiques sont priées de suspendre le versement de dividendes. De façon endogène, les politiques de redistribution et les exigences environnementales auxquelles nous assistons sont génératrices d’inflation. L’accroissement des revenus des ménages les moins fortunés pour qui les dépenses alimentaires et énergétiques représentent le plus en proportion de leurs revenus peut rapidement stimuler la demande de matières premières. Les politiques environnementales, contraignantes, exigeantes en investissements, renchérissent les coûts de mise à disposition de l’énergie, des biens et des services.
Retour de l’inflation
Enfin, la façon dont la Chine a très rapidement rebondi économiquement avec une gestion très dynamique de ses stocks de matières premières a contribué à la hausse spectaculaire du prix des métaux industriels qui nourrit de façon exogène l’inflation constatée sur nos économies. Dans ce contexte, le risque inflationniste renaît. Les anticipations d’inflation exprimées par les points morts (ou « breakeven ») rebondissent en Europe comme aux Etats-Unis, où ils s’établissent à leur plus haut niveau depuis un an, à proximité de la cible d’inflation de la FED. Avec le creusement des déficits jumeaux aux Etats-Unis, cette tendance pèse très fortement sur le dollar qui évolue à un plus bas de 30 mois. C’est une bouffée d’air pour les pays émergents mais aussi un effet mécanique supplémentaire de renchérissement du prix des matières premières. Portant le prix du pétrole près de 50$, la hausse de près 30% du baril depuis début novembre ne nous rapproche en rien de la crise qui animait le débat présidentiel de 1974. Mais le retour de l’inflation au niveau cible des banques centrales a un effet majeur sur la gestion des portefeuilles d’actifs financiers.
Si les vaccins parviennent à être déployés, le retour de l’inflation pourrait être le thème dominant de l’année à venir.
La guerre des écrans
Par Thomas Planell, Gérant-analyste chez DNCA
Le 2 novembre 2020
« La compétition pour le temps et la fidélité des utilisateurs reste rude » commentait Netflix : outre ses concurrents naturels (Disney, AT&T), le géant aux 195 millions d’utilisateurs est attaqué par Youtube, TikTok ou les conglomérats asiatiques comme Tencent. Formidables machines à monétiser notre temps libre, de plus en plus passé devant les écrans, les plateformes multimédia (vidéo à la demande, jeux vidéo) ont bénéficié d’une disponibilité record de nos pupilles pendant le confinement.
La bataille a commencé
Mais dans les régions matures (Etats-Unis) les effets exceptionnels de l’épidémie commencent à disparaître. Netflix a ainsi recueilli 2,2 millions de nouveaux utilisateurs seulement contre près de 27 millions au cours des deux premiers trimestres. L’âpre bataille pour la conservation des parts de marché commence. De même, les fournisseurs de logiciels d’entreprise et de services de digitalisation des processus ont tiré profit de la nécessité de numériser de bout en bout l’activité, de la gestion des achats, jusqu’aux ventes, de plus en plus réalisées sur internet. Mais le risque de tarissement de ces effets d’aubaine a commencé à se faire sentir sur ces valeurs technologiques, dont le niveau de valorisation élevé laisse peu de place à l’erreur.
Tendances structurelles
A bien des égards cependant, la crise a accéléré des tendances visiblement structurelles. Le PDG de l’Oréal s’apprête ainsi à prendre sa retraite d’un groupe dont le quart de la croissance procède désormais du commerce en ligne. Ce commerce est notamment tiré par la Chine, dont la vigueur de la reprise aide aussi bien les géants du luxe et des cosmétiques que les exportateurs de biens et services industriels. En effet, l’industrie exportatrice européenne, notamment allemande, qui a su rapidement adapter son outil aux contraintes sanitaires profite de la bonne tenue des marchés finaux asiatiques. Les valeurs cycliques recouvrent ainsi du terrain, également aidées par la poussée des taux longs aux Etats-Unis et la remontée des anticipations d’inflation.
En Europe
D’un point de vue domestique, la situation européenne est au contraire de plus en plus fragile. Après une nette reprise à partir de mai, l’apparition de nouveaux foyers infectieux a cassé la dynamique de la consommation dont les économies espagnoles et françaises dépendent tant. La vision très stratégique de la relance française, majoritairement tournée vers l’investissement et la modernisation des secteurs industriels d’avenir est louable. Cependant, le plan ne pourra pas produire assez vite ses effets sur l’économie. A court terme, un soutien tactique à la consommation pourrait être nécessaire pour consolider le terrain gagné depuis le grand confinement. A condition que les consommateurs ne soient pas à nouveau contraints de passer le plus clair de leur temps libre devant les écrans…
40 ans pour sauver la planète
Par Thomas Planell, Gérant-analyste chez DNCA
Le 6 octobre 2020
Devant les Nations Unies, Xi Jinping a récemment créé la surprise en révélant pour la première fois les objectifs de la Chine en matière de réduction des émissions de CO2.
Le principal émetteur de carbone atteindra son pic d’émissions en 2030. À partir de là, le pays inversera la tendance afin de devenir « carbone neutre » en 2060. Les modalités du nouveau plan sont inconnues. L’horizon de temps est lointain. L’objectif est ambitieux, mais le signal politique est fort. Les engagements chinois en matière d’écologie deviennent une arme géopolitique, une monnaie d’échange.
Des concessions accordées en la matière peuvent atténuer certains griefs européens relevant du traitement des questions hong-kongaise et taïwanaise, de l’expansionnisme de la Chine en mer du sud, ou de son attitude à l’égard de certaines communautés. L’alignement de la Chine sur un objectif aussi vital pour la Commission européenne permet de renforcer des alliances. Il permet surtout d’isoler l’administration Trump, désormais solitaire dans son approche insoucieuse du réchauffement climatique.
Coopération commerciale renforcée
Enfin, ce nouvel axe de la politique de Xi Jinping renforcera la coopération commerciale et technologique entre la Chine et l’Europe. Pour de nombreux secteurs industriels européens : éolien, bio-raffinage, capture du carbone, hydrogène, recyclage mais aussi matériaux de construction innovants, chimie, automobile… les débouchés commerciaux, déjà réels, devraient être conséquents sur le long terme. Dans ce contexte, l’allocation de capitaux sur la thématique ESG devrait encore croître. Le vieux continent recueille aujourd’hui près des trois quarts de ces flux en raison de la prépondérance de son industrie verte mais également grâce à la capacité de son industrie à se métamorphoser. L’annonce de la reconversion de la raffinerie de Grandpuits (France) en bioraffinerie en est un exemple supplémentaire. 500 millions d’euros d’investissements seront alloués à ce projet par Total. Cette société vient également d’annoncer ses objectifs pour le milieu du XXIème siècle : générer 40% de sa production à partir des renouvelables d’ici à 2050 contre 5% aujourd’hui et figurer ainsi parmi les cinq plus grands producteurs mondiaux d’énergie verte.
Valeurs technologiques : Un avertissement de rentrée !
Le 8 septembre 2020
219 milliards de dollars de capitalisation boursière : c’est la perte de valeur d’Apple entre mardi et jeudi soir la semaine dernière. Durant ces trois jours de baisse du Nasdaq, la volatilité de l’indice a finalement convergé vers les anticipations induites par les options depuis plusieurs semaines.
Symbolique, cette baisse de plus de 10% en quarante-huit heures du cours du champion technologique équivaut à plus de la totalité de la valeur de marché du géant pétrolier Exxon Mobil, longtemps considéré comme l’un des plus grands groupes industriels au monde. Ce rapport de force illustre l’écart de valorisation entre les valeurs technologiques et les composants plus traditionnels du S&P500. Le différentiel atteint en 2020 est désormais supérieur à celui qui précéda l’éclatement de la bulle des années 2000 et nourrit les craintes d’un destin similaire.
A l’époque, les valeurs technologiques avaient bénéficié de l’injection de liquidités orchestrée par une Fed qui luttait contre les conséquences systémiques de la chute du mastodonte LTCM. Le retrait de liquidités qui s’en suivit précipita l’éclatement de la bulle technologique. Aujourd’hui, le risque d’un retour des politiques monétaires restrictives est faible. Surtout, la profitabilité et la génération de flux de trésorerie des grandes valeurs technologiques sont à un niveau auquel nul n’aurait pu rêver en 2000. Microsoft rejoint Apple en intégrant pour la première fois en 2020 la liste des 10 plus grands payeurs de dividendes au monde.
Mais le fabuleux destin de ces grands leaders n’est pas l’apanage de l’ensemble des constituants des indices technologiques. De nombreuses licornes demeurent encore endettées. Elles consomment plus de trésorerie qu’elles n’en génèrent. Les investisseurs, charmés par les mêmes effets séduisants de réseaux et d’échelle qui ont constitué les principaux déterminants de la viabilité économique d’Alphabet, Facebook, Amazon, peuvent se laisser enjôler. « La seule façon de résister à la tentation est d’y céder » écrivait Oscar Wilde. A la rentrée, cet avertissement du marché nous invite à relativiser certains axiomes littéraires ou financiers.
Qu’est-ce que l’ESG ?
Le 18 août 2020
Dans l’univers des placements, le terme ESG est de plus en plus souvent utilisé. Quelle est sa signification ? Quelle différence avec les placements ISR ? La réponse dans cette vidéo.
Surfer sur les vagues
Par Igor de Maack, Gérant et porte parole de la Gestion chez DNCA
Le 1er juillet 2020.
Ce très beau livre illustré d’AD Djungo qui relate l’histoire du surf pourrait servir de préambule à ce que les marchés et les économies vont connaitre.
La première vague à affronter est sanitaire car les États du Sud des États-Unis connaissent une recrudescence des cas de contamination au Covid-19. Deux régions allemandes ont par ailleurs reconfiné. Il semble donc que la planète ne soit pas débarrassée de cette pandémie et que des mesures de confinement ciblées sur des clusters identifiés continueront d’être appliquées. L’Europe, dans son ensemble, reste pourtant le continent qui retrouve un rythme d’activité normale avec une reprise de la consommation dopée par les mécanismes de protection du revenu disponible.
Encore deux vagues
La deuxième vague est bien sûr économique. Le FMI a annoncé que le PIB mondial régresserait de 4,9% en 2020, soit un niveau presque proche de la récession de 2009. La France fait figure de très mauvais élève comme l’Italie et l’Espagne au niveau de la croissance et du déficit public. Le plan de relance actuellement en discussion est de nature à soutenir ces économies percluses de rigidités et de dettes publiques et sociales.
Enfin la dernière vague est commerciale car la tension entre les deux grandes puissances économiques continuent à la suite des déclarations contradictoires de Peter Navarro sur l’accord avec la Chine.
Et les marchés ?
Où en sont les marchés dans cet océan agité ? Lorsqu’il y a une bonne nouvelle économique (indices de confiance favorables en Europe), l’appétit pour le risque revient. Lorsque la situation sanitaire se dégrade, les marchés corrigent et les indices de volatilité s’envolent. Il faut toutefois noter que les corrections sont limitées dans leur ampleur et dans leur durée. Tant que les taux d’intérêt sont bas, les actifs risqués seront d’une certaine mesure « protégés ».
Mais comme le surfeur qui doit passer la barre avant de prendre la vague au pic, l’économie mondiale doit encore traverser quelques déferlantes pour retrouver un fonctionnement normal. Le Covid transformera les modèles économiques en profondeur en accélérant la digitalisation et en modulant les cycles d’investissement qui deviendront moins lourds et moins dépendants du facteur humain. La trésorerie restera, comme à chaque crise, la véritable mesure de résistance des entreprises et des consommateurs.
Texte achevé de rédiger le 26 juin 2020
Le retour du Royaume des Francs ?
Par Igor de Maack, Gérant et porte-parole de la Gestion, DNCA Investments
Le 2 juin 2020
En l’an 800, Charlemagne régnait sur un territoire qui recouvrait notamment la France et l’Allemagne. Unifiant un nombre important de pays au sein de cet empire. Il lui avait même donné une monnaie unique (le denier d’argent). L’initiative d’Angela Merkel et d’Emmanuel Macron pour créer un fonds de soutien à la zone euro résonne comme une réminiscence de l’histoire.
Réponse budgétaire
Le Recovery Fund représentera 3,6% du PIB de la zone et malgré l’absence de détails précis, on comprend que son utilisation ne sera pas sous conditions. Les règles budgétaires internes de la zone euro doivent évoluer pour permettre à ce nouvel outil de se déployer mais son fonctionnement nécessitera l’accord à l’unanimité des États membres. On estime son montant à 500 milliards d’euros. Cette réponse budgétaire commune doit permettre de relancer la zone économique après cet arrêt brutal. Les marchés financiers ont accueilli la nouvelle avec circonspection même s’ils avaient peut-être déjà en tête la nécessité d’un nouveau mécanisme d’aide.
Résistance des marchés
Le déconfinement des populations n’éloigne pas encore totalement le virus (certains pays comme Singapour et la Chine annoncent encore des mesures de reconfinement) et le redémarrage des économies est lent. Les problématiques de fermeture de sites industriels (ex : Renault) et de hausse du chômage (le vrai pas le chômage partiel) vont s’inviter dans le discours des décideurs. Pour autant, les marchés financiers ont montré leur volonté de résister sans pour autant pouvoir bien estimer les dégâts sur la profitabilité des entreprises et les pressions futures sur leurs marges. Le dollar et l’or affichent eux aussi leur solidité tout comme les marchés actions américains.
Pas d’optimisme
Les réponses budgétaires et monétaires sont en place. On peut souligner la certaine rapidité des autorités à les imaginer et à les annoncer. La comparaison avec 2008, de ce point de vue, donne plutôt du crédit aux banques centrales et aux gouvernements.
Il est pourtant difficile d’être très optimiste sur les semestres à venir. Les coûts sociaux d’une telle baisse d’activité sont inévitables. Le rythme de croissance ne peut qu’être ralenti durablement surtout dans des économies rigidifiées par les normes et par les déficiences structurelles.
Reprise et risque
Par Igor de Maack, Gérant et porte-parole de la Gestion, DNCA Investments
Le 7 mai 2020
Il est difficile de se réjouir en ce début du mois de mai, de la situation économique à l’heure où tant d’employés sont encore en chômage partiel. Les marchés actions ont décidé que la crise économique ne ferait pas dérailler le système financier international. En effet, les liquidités injectées par des banques centrales tenues par leur mandat de protection de l’écosystème monétaire et par des gouvernements aux abois agissent comme une perfusion propre à entretenir le malade dans l’illusion d’une santé recouvrée.
Vers le déconfinement
La volatilité baisse et les entreprises recommencent à échafauder des prévisions chiffrées certes parfois très sibyllines. La situation sur le pétrole américain essaie de se normaliser. L’Europe, comme d’habitude, se retrouve au cœur de la tornade des doutes et des risques comme prisonnière éternelle de l’incurie de son fonctionnement institutionnel. Le déconfinement progressif va offrir les premières informations sur les changements de comportement des consommateurs et des entreprises. L’épargne constituée par les individus pendant ces deux mois d’arrêt risque d’être encore conservée quelque temps. L’accumulation de déficits budgétaires n’augure pas de moments agréables sur le plan fiscal.
Quid de l’inflation ?
Il y a beaucoup de thèses qui circulent sur le type de reprise économique, sur l’évolution du prix de certaines classes d’actifs (immobilier…) et sur le régime d’inflation. Sur ce dernier point, on comprend que les chaînes logistiques étant plus complexes, un surcoût est à prévoir pour les industries dont les chaînes de production sont complexes, délocalisées avec des bases de consommation mondialisées. Ce serait donc un indicateur inflationniste. Pourtant, certaines entreprises vont sûrement devoir baisser les prix de leurs biens et services pour appâter le chaland. Ce serait dans ce cas un puissant facteur déflationniste.
Les grands gagnants
Certains secteurs continuent d’être les grands gagnants de cette crise (pharmacie et technologie). Ce n’est pas étonnant finalement car cette crise n’a pu être vécue par des milliards d’individus confinés que grâce aux outils technologiques. Quant à la pharmacie, c’est elle qui est censée nous sauver avec des traitements ou un vaccin. Dans une reprise, le réflexe naturel de l’investisseur consiste à reprendre du risque. Mais dans cette forme si inédite, ne faut-il pas encore attendre encore un peu…? L’incertitude est encore forte quoiqu’on puisse penser à la lumière de la forte progression des indices actions américains depuis le point bas. En témoignent les prévisions des économistes de la BCE qui tablent sur une baisse de PIB pour la zone euro variant entre 5% et 12%.
Faire preuve de résilience
Par Igor de Maack, Gérant et porte-parole de la Gestion, DNCA Investments
Le 2 avril 2020
Emmy Werner, psychologue américaine a, pour la première fois, utilisé le terme de résilience pour définir la capacité d’un individu à rebondir après un choc. Cette théorie reprise par le neuropsychiatre français Boris Cyrulnik pourrait décrire ce qui est demandé aux économies après l’arrêt brutal imposé par la crise sanitaire actuelle. Ce terme a, d’ailleurs, donné son nom à l’opération militaire destinée à aider les hôpitaux en France.
La capacité à traverser ce cataclysme inédit et la vigueur de la reprise dépendront de la vélocité et de la masse de liquidités apportées aux agents économiques : 750 milliards d’euros pour le plan de la BCE, 300 milliards d’euros de prêts garantis par l’État français, 2 000 milliards de dollars pour le plan de stimulus budgétaire américain, 5 000 milliards de dollars annoncés pour les pays du G20.
L’impact sur l’économie
Les marchés saluent chaque oscillation négative de la courbe des infections et des décès, chaque intervention financière musclée mâtinée d’un discours martial bien trempé. Pourtant, il est aujourd’hui difficile de quantifier l’impact réel sur l’économie. Après les aides, les reports d’échéances de prêts et les dispositifs de chômage partiel/technique, beaucoup d’entreprises vont tout de même devoir licencier notamment dans les secteurs cycliques longs (aéronautique). Le nombre d’inscriptions au chômage aux États-Unis a littéralement explosé (près de 3,3 millions soit presque 2% de la force de travail totale) et pulvérisé le chiffre de 2008.
On essaie de trouver des points de comparaison pour analyser cette crise :
- certains comparent la situation à une économie de guerre mais dans une économie de guerre l’appareil productif n’est pas stoppé. Il est réorienté. Ainsi, même l’industrie soviétique avait réussi à produire les fameux chars T34 en pleine opération Barbarossa pour venir à bout de la Wehrmacht.
- la crise de 2008 est une bonne approximation en termes de baisse du PIB (-5% sur quelques trimestres) mais c’est la finance qui avait fait basculer l’économie réelle dans le rouge et non l’inverse.
- enfin les épisodes d’agitation sociale de mai 1968 en France avait aussi mis la production industrielle à l’arrêt pendant plusieurs mois. Aucun de ces scénarios ne colle à la crise actuelle. Et c’est pour cela qu’il est ardu de donner un jugement documenté sur l’avenir à moyen terme.
L’impact sur les marchés
Les marchés actions représentent des opportunités mais les entreprises vont devoir réduire les coûts, amasser plus de capital et supprimer les dividendes. Certaines entreprises et secteurs seront nationalisés. La rentabilité du capital risque d’être altérée pendant quelques temps. Personne ne peut donc estimer l’atterrissage des résultats avant le deuxième semestre 2020. Les conséquences fiscales de cette manne publique sont, elles aussi, imprévisibles. Il ne faut pas non plus oublier que le virus n’est pas encore vaincu. Singapour a refermé ses bars en annonçant de nouvelles mesures de restriction et une deuxième vague de cas est redoutée à Hong Kong. La Chine a, par ailleurs, temporairement fermé en partie ses frontières aux étrangers (limitation des vols internationaux).
Plus philosophiquement on peut s’interroger sur l’évolution de l’échelle de valeurs des sociétés car, comme le rappelle le philosophe André Comte-Sponville, si la santé est un bien très précieux, des valeurs comme la liberté (de circulation des biens et des personnes) et la justice/l’égalité entre individus paraissent aussi déterminantes pour assurer la survie des économies et donc celle des communautés humaines. Ce n’est évidemment pas un débat simple mais un sujet d’interrogation auquel chaque citoyen confiné a l’occasion et un peu plus de temps de penser.
Paralysie et supplice de Tantale
Par Par Igor de Maack, Gérant et porte-parole de la Gestion, DNCA Investments
Le 3 mars 2020
La correction des marchés commence à prendre une tournure beaucoup plus agressive. Le S&P 500 a perdu 12% en six séances. Source de multiples craintes et incertitudes, le coronavirus a aussi entamé et contaminé la confiance des investisseurs. Les journées de bourse commencent à ressembler à certaines époques noires des marchés. Le VIX a bondi à presque 40 contre 17 la semaine dernière. La crise sanitaire qui se mondialise (Europe, Amérique du Nord, Moyen-Orient…) met au défi les gouvernements et les entreprises pour parvenir à maintenir l’activité économique et quotidienne des collectivités et des individus.
Globalisation
La globalisation des économies demeure le vecteur principal de cette pandémie. La place de la Chine comme plateforme de production mondiale pour certaines industries (l’industrie pharmaceutique par exemple) doit être repensée. Ainsi, le groupe Sanofi a-t-il récemment annoncé vouloir rapatrier ses centres de production en France. Le coronavirus éclipse les résultats annuels des entreprises qui sont aujourd’hui obligées de communiquer sur son impact. Le groupe Suez Environnement a ainsi prévenu les investisseurs que ses comptes seront amputés de 30-40 millions d’euros sur le premier trimestre 2020 si les usines en Chine étaient rouvertes (comme cela semble le cas actuellement).
Tantale
Les investisseurs subissent un véritable supplice de Tantale. Dans la mythologie grecque, Tantale, ayant offensé les dieux, est condamné à mourir de faim et de soif et à ne jamais obtenir ce qu’il désire. C’est ce qu’il est en train de se passer notamment aux Etats-Unis où, après des années de performance positive, les investisseurs ne vont peut-être pas obtenir ce qu’ils désirent (une année supplémentaire de performance positive). Ainsi, ils ont retiré près de 18 milliards de dollars des fonds actions, soit le montant le plus important des neuf dernières semaines. Le COVID-19 est un signal du pic de la globalisation mais pas un risque structurel en lui-même. Il faut souhaiter, même si personne ne le sait, que sa propagation s’arrête dans les mois prochains. La maîtrise de la chaine de production des biens doit être repensée.
Croissance revue
L’équilibre géographique sera le maître mot. Si les pays et les économies sont de plus en plus interdépendantes, le constat « trumpien » prend toute sa mesure aujourd’hui : les gouvernements doivent d’abord s’occuper de leur propre population. Cela passe donc par plus de production nationale et un protectionnisme assumé ou subi (le protectionnisme entraînant le protectionnisme) même au prix d’une croissance globale atrophiée. Les estimations de la croissance globale pour 2020 vont être revues en baisse (probablement sous les 3%) et l’impact sur les profits des entreprises sera visible et sensible selon les industries. La baisse des marchés actions n’est donc pas incohérente même si elle paraît violente et un peu tardive. Les marchés ajustent le prix des actifs en fonction du risque anticipé sur le cycle économique d’autant que les performances des indices actions évoluaient entre 35 et 45% depuis début 2019.
Le mouton et le chameau
Par Par Igor de Maack, Gérant et porte-parole de la Gestion, DNCA Investments
Le 17 février 2020
Les comparaisons animalières constituent une source inépuisable d’inspiration. Depuis dix ans, le marché, comme la politique, s’est littéralement polarisé entre un certain type d’investisseurs (les moutons) et un autre (les chameaux). Ces deux animaux ont la particularité d’être des herbivores vivant dans des milieux naturels différents. Là où le mouton a besoin d’herbe grasse (argent facile et peu cher) et de ses congénères, le chameau, lui, est solitaire voire taiseux (pour ne pas dire désagréable) dans un environnement désertique dépourvu d’eau et d’aliments comestibles.
Les moutons
Depuis 2009 (mise à part l’année 2016, année de l’élection de Donald Trump), la plupart des investisseurs ont en effet adopté un comportement assez moutonnier. La dernière décennie a vu un courant acheteur extrêmement fort sur les valeurs technologiques (les cours respectifs d’Apple et de Tesla ont récemment franchi respectivement la barre des 300 dollars et 500 dollars). Par ailleurs, la domination de la gestion passive et indicielle est sans partage pour l’instant. BlackRock a collecté 1milliard de dollars par jour en 2019. Le propre du mouton, quand il prend peur, est la fuite collective. Tout comme la masse des fonds investis sur des supports obligataires souverains, ces flux sur les valeurs technologiques, sur les valeurs américaines et plus généralement sur les valeurs de croissance risquent de partir très vite en cas de scénario adverse. C’est généralement l’esprit grégaire qui entraîne d’ailleurs les moutons à sauter ensemble dans le précipice en haute montagne. L’éclatement des bulles technologiques y ressemblerait certainement à l’instar de ce qui s’était passé dans les années 2000.
Les chameaux
La gestion active, européenne et value ressemble plutôt à un chameau qui erre depuis (trop ?) longtemps dans les dunes ensablées de performances médianes. Pourtant, le camélidé a une grande capacité de résistance. Les actions décotées présentent l’avantage de pouvoir offrir un potentiel de revalorisation sur la prochaine décennie notamment si cette dernière est marquée par une hausse progressive des taux d’intérêt et par une pression inflationniste. Cela n’empêche pas, en ce début d’année, les émissions obligataires de rencontrer une vive demande de la part des investisseurs et d’atteindre des records journaliers en montant. L’environnement porteur en raison de bonnes nouvelles économiques (signature de l’accord commercial sino-américain, croissance mondiale autour de 3% en 2020) incite les émetteurs à profiter de conditions de taux attractives pour solliciter le marché. Ensuite, les premiers retours des managements de sociétés rencontrés lors de récents séminaires confirment le scénario d’une stabilisation voire d’une reprise notamment en Europe. Cette opinion positive commence à prendre la forme d’un consensus. Il faut rester vigilant. En effet, le consensus s’avère aussi un trait de caractère du mouton. Le chameau peut, certes, vivre une traversée du désert au sens propre comme au sens figuré. Mais à la fin, il finit toujours par trouver une oasis pour se désaltérer et se rassasier.
Les Big Five pour 2020
Par Igor de Maack, Gérant et porte-parole de la Gestion, DNCA Investments
Le 8 janvier 2020
Dans la « savane » financière, les investisseurs ont aussi à surveiller et observer leur « Big Five », terme qu’on utilise, en paraphrasant Ernest Hemingway dans sa nouvelle « Les neiges du Kilimandjaro » pour désigner les cinq animaux les plus symboliques et majestueux d’Afrique (éléphant, buffle, rhinocéros, léopard et lion). Ces cinq « animaux » sont essentiels pour un investisseur afin de construire un portefeuille ou une allocation une fois que le scénario macro-économique aura été dessiné.
Pour 2020, les prévisionnistes s’accordent sur une croissance qui se normalise par le haut avec un risque de récession quasi-nulle aux États-Unis comme ailleurs (zone euro et Chine). Les taux d’intérêt sont le premier Big Five par la taille de pachyderme de leur marché. Bouée de sauvetage en cas de retraite vers la sécurité (fly to quality), tous les investisseurs sont aujourd’hui confrontés à des taux d’intérêt trop bas et une inflation qui tarde à se réveiller même si le volcan qui dort pourrait donner des signes d’éruption en 2020. Il semble aujourd’hui difficile de penser à une baisse des taux mais aussi osé de penser à une rapide hausse des taux.
Le deuxième Big Five est le crédit. Plus petit comme le buffle, le crédit n’est en effet pas une classe d’actifs profonde mais elle est cruciale pour l’écosystème financier car elle donne des niveaux d’indication du levier des agents économiques et de son pricing. Là aussi, le parcours positif vertigineux du crédit invite à la prudence car à la moindre volte-face économique, les spreads vont s’écarter violemment. Le crédit est toutefois assez varié dans sa composition pour toujours offrir quelques belles performances.
Le marché des changes pourrait être le rhinocéros de ce safari financier. Très gros et très rapide dans ses changements d’humeur et de réaction, les changes constituent la bascule de valeurs macro-économiques entre plusieurs zones. Très impactée par les décisions politiques et monétaires (les banques centrales), c’est sûrement la classe d’actifs la plus imprévisible mais la plus puissante lorsqu’elle change de direction. En 2020, le dollar devrait s’affaiblir mais c’était déjà le scénario en 2019.
La volatilité constitue elle aussi la classe d’actifs la plus difficile à prévoir et aussi la plus dangereuse. Comme le léopard qu’il est ardu d’apercevoir et d’admirer, le changement de régime de volatilité soudain ou durable provoque des dégâts dans les portefeuilles comme le félin prédateur dans les troupeaux de bovidés. La fin d’année 2019 a montré une baisse de la volatilité à des niveaux insoutenables sur le long terme. Le début d’année 2020 pourrait voir cette volatilité remonter drastiquement à la faveur de nouvelles en apparence moins bonnes qu’attendu.
Enfin, les actions constituent le dernier Big five et pourraient être symbolisées par le lion. En haut de l’échelle de risque et la chaîne financière, les actions sont un condensées de l’écosystème financier. Elles sont aussi la classe d’actifs à pouvoir survivre à presque tous les scénarii car ce sont des actifs réels et puissants dans leur composition : croissance, dividende, technologie, industrie… Les actions sont si diversifiées qu’elles peuvent et doivent toujours faire partie d’une allocation.
Bien sûr, il existe plein d’autres « animaux » ou paramètres (commodities, immobilier…) mais sans bonne observation et vision des Big Five il n’y a pas de « safari » financier réussi.
Actions : Sommes-nous à la veille d’un changement de cycle ?
Par Damien Lanterner, gérant du fonds DNCA Invest Centifolia et co gérant de la partie actions de DNCA Invest Eurose, DNCA Investments
Le 4 décembre 2019
Depuis la crise financière de 2008, les actions « value » affichent un niveau de sous-performance historique par rapport aux actions « croissance ». L’incertitude géopolitique, une croissance économique molle et des rendements obligataires réels devenus négatifs expliquent en grande partie cette sousperformance. Pour autant, le long cycle « croissance» initié en 2007 n’a-t-il pas atteint un sommet ?
La différence de valorisation entre les actions « croissance » et « value » est historiquement élevée. Elle est proche du pic atteint lors de la bulle Internet de 2000 et présente un potentiel de rattrapage important.
L’évolution relative des bénéfices par actions (BPA) affichent déjà une dynamique favorable au style « value », les BPA des titres « croissance » ayant été significativement révisés à la baisse pour rattraper ceux de la « value ».
Les valeurs de « croissance » se traitent aujourd’hui à des multiples historiquement élevés malgré un ralentissement de leur croissance bénéficiaire. Les investisseurs semblent donc payer cher des valeurs de « croissance » pour leur statut de valeur refuge plus que pour la croissance escomptée de leurs bénéfices futurs.
Rebond du cycle value à moyen terme
Même si les actions « value » sont aujourd’hui fortement sous-valorisées et affichent des P/E relativement bas et des rendements élevés, il est difficile de se prononcer sur l’émergence à court terme d’un nouveau cycle « value ». En revanche un certain nombre d’indicateurs militent en faveur d’un rebond à moyen terme de cette thématique.
- Au niveau macro-économique, la conjoncture semble moins dégradée que ne le laisse supposer le pessimisme des investisseurs. La croissance de la zone euro se stabilise proche de son potentiel de long terme malgré une dynamique internationale il est vrai moins porteuse.
- Sur le front de l’emploi, les données sont également rassurantes et ne corroborent pas un scénario de récession prochaine. Cette bonne santé du marché du travail pourrait amener à plus long terme un phénomène de retour de l’inflation pouvant avoir un impact négatif sur les valeurs de croissance et donc in fine participer au retour en grâce du style « value ».
- L’indicateur de surprise économique pour la zone euroqui compare les statistiques macroéconomiques aux anticipations des investisseurs montre un pessimisme sans réel fondement. Les indicateurs économiques révèlent plutôt une conjoncture en zone euro meilleure que celle anticipée par les investisseurs. Un « retour à la moyenne » pourrait être favorable au style « value ».
Catalyseurs du rebond d’une action
Un investisseur « value » recherche avant tout des entreprises jugées sous-évaluées par le marché et dont le cours de bourse ne reflète pas leur valeur intrinsèque i.e. leur valeur réelle. Les raisons de cette sousvalorisation peuvent être multiples : controverses, résultats décevants, restructurations, environnement difficile, faible croissance…
Les catalyseurs comme un changement du management, une réorganisation, un nouveau plan stratégique, l’entrée de nouveaux actionnaires au capital, pourront entraîner à terme le rebond de l’action.
Les entreprises « value » sont des entreprises généralement « établies » distribuant des dividendes généreux et réguliers ce qui est particulièrement appréciable dans les périodes de taux d’intérêt faibles voire négatifs. On les trouve dans les secteurs comme la finance, l’énergie, les matières premières, les télécoms, l’industrie et plus généralement dans les situations boursières caractérisées par des prix nettement inférieurs aux valeurs.
« Value » et « Croissance », une question de cycle ?
Le style « Croissance » surperforme quand la croissance économique est faible, quand les taux d’intérêt sont bas et durant des périodes de forte innovation. Dans les phases de hausse des marchés actions, les valeurs de croissance ont tendance à amplifier la hausse des marchés.
Le style « Value » surperforme quand la croissance économique est forte et la progression des bénéfices importante, quand l’inflation redémarre (reflation) et quand les taux réels remontent. Dans les phases de hausse des marchés actions, les valeurs « value » ont tendance à profiter de la hausse mais moins que d’autres catégories d’actions. En revanche dans les phases de baisse, compte tenu de la décote, elles offrent le plus souvent un effet d’amortisseur.
Le retour des morts-vivants
Par Igor de Maack, gérant porte-parole de la Gestion chez DNCA Investments
Le 4 novembre 2019
Les premiers jours de novembre sont généralement consacrés à la célébration des défunts dans le monde occidental. Les marchés financiers ont, quant à eux, une fâcheuse tendance à réveiller les morts…vivants à cette période de l’année.
L’échec patent de l’introduction en bourse de WeWork (et la polémique du départ de son dirigeant) ou le scandale Bio On en Italie rappellent à l’investisseur que certains modèles économiques ne sont ni viables ni dignes de confiance.
Certaines entreprises (Wirecard, Eurofins, Solution 30) sont désormais cataloguées comme «zombies » par des fonds activistes de plus en plus puissants. Ces croque-morts financiers sont probablement utiles pour peu que leurs informations soient fiables et vérifiables et sans stratégie déguisée de vente à découvert massive.
Dans cette ambiance de chambre mortuaire, l’investisseur orienté value doit se délecter de secteurs considérés comme des cadavres exquis (télécoms, médias et retail). Pénitent, il gravit le mont Golgotha à chaque publication décevante (TF1, Orange) en espérant une résurrection aussi incertaine que prochaine.
Quelques publications de bonne facture (BNP Paribas, Sanofi..) fleurissent toutefois cet environnement funeste et macabre. L’investisseur orienté growth, lui, prospère sur des publications trimestrielles divines (LVMH, L’Oréal, Airbus…). Si la gestion value doit souvent se rendre au cimetière depuis quelques années pour y déposer des chrysanthèmes, la gestion growth, elle, continue de se réjouir en allumant des bougies à l’instar de la tradition hindoue qui fut célébrée la semaine dernière lors de la fête des lumières (Diwali).
L’année 2019 continue de plébisciter donc les véhicules d’investissement les plus chers et qui sont favorisés par une politique monétaire morbide (obligations, actions de secteurs en super croissance…). Les taux d’intérêt réels négatifs s’avèrent aujourd’hui inutilement accommodants et structurellement déséquilibrants. La nouvelle Présidente de la BCE (Christine Lagarde) semble concentrer son discours sur l’arme budgétaire plus que sur l’arme monétaire, bien qu’elle répète l’utilité de cette dernière. Elle le fait peut-être par pur respect de façade pour son prédécesseur auréolé de son succès pour avoir réanimé la zone euro plongée dans un coma plus qu’artificiel. Cette permanence de la performance des actifs les plus onéreux est particulièrement rageante car un début de rotation sectorielle avait été entraperçu ces dernières semaines. En cette période d’Halloween, il faudra tout de même se méfier que les carrosses rutilants qui scintillent de mille feux de Bengale ne se transforment en citrouilles dans les portefeuilles.
Tout se complique !
Par Igor de Maack, gérant porte-parole de la Gestion chez DNCA Investments
Le 1eroctobre 2019
La publication des indices PMI européens en début de semaine a subitement refroidi les marchés qui s’étaient décidés à repartir de l’avant notamment grâce au sursaut de secteurs jusqu’alors malaimés tels que les banques en Europe.
Alors que les investisseurs pariaient sur un scénario de ralentissement économique avec des soubresauts, les risques de récession, même technique, même limitée géographiquement, s’avèrent de plus en plus prégnants. Si la croissance mondiale frise encore les 3%, des zones de fragilités sont apparues en Allemagne, au Royaume-Uni, en Chine et aux Etats-Unis. Si l’incertitude commerciale demeure difficile à quantifier, la plupart des économistes affirment qu’elle est responsable du ralentissement actuel et particulièrement du ralentissement industriel.
Comme la remise en cause du multilatéralisme et de la globalisation constitue un événement inédit et inconnu, il est impossible de lui appliquer une matrice usuelle des risques. Dans l’incertitude et l’impossibilité d’appliquer un coût à un risque, l’industriel et le consommateur auront tendance à se retenir dans leurs investissements ou dans leurs dépenses. C’est aujourd’hui peut-être la plus grande menace sur l’économie mondiale.
La politique commerciale américaine ne produit pas les fruits escomptés pour l’instant sur le plan économique. Tout au plus, elle confirme que les deux plus grandes puissances n’ont plus les mêmes intérêts. Ce qui est finalement logique au vu de la divergence idéologique de leur système politique propre.
Si les Chinois intéressent beaucoup Donald Trump, cette semaine aura confirmé qu’il est aussi assez proche de l’ex-Union Soviétique. Il aura en effet traversé son mandat de Président en compagnie des deux peuples slaves « ennemis » bien que l’Histoire confonde leurs origines communes. D’abord soupçonné de collusion avec la Russie et son dirigeant Vladimir Poutine, il est désormais accusé de subornation et de pression diplomatique avec l’Ukraine et son dirigeant Volodymir Zelensky. Sans rentrer dans les subtilités des deux langues cousines slaves, on doit aujourd’hui s’interroger sur les conséquences de la procédure d’impeachment lancée par la cheffe de file des Démocrates (Nancy Pelosi). Si les chances d’aboutir juridiquement et institutionnellement sont minces, il faudra, pour Donald Trump, vivre avec cette nouvelle enquête jusqu’à sa campagne et son éventuelle réélection. Cependant, dans l’histoire des Etats-Unis, aucune procédure d’impeachement n’a abouti : Andrew Johnson en 1868 a été sauvé d’une voix au Sénat. Richard Nixon lors du Watergate en 1974 a préféré démissionner avant que la procédure n’aille à son terme. Bill Clinton y a aussi échappé pour des frasques plus personnelles en 1998. Par ailleurs, ces procédures de destitution ne sont pas toujours appréciées du grand public car elles ternissent l’image de l’Amérique à l’extérieur. Au vu du comportement outrancier et provocateur du Président actuel, il était cependant presque étonnant que les Démocrates n’aient pas encore déclenché cette procédure auparavant.
Regards croisés sur l’économie et les marchés. Juillet 2019
Par Igor de Maack, gérant porte-parole de la Gestion chez DNCA Investments
Le 10 juillet 2019
Comme chaque mois, nous vous présentons en un coup d’œil les risques et opportunités sur les marchés et dans l’économie.
Les plus
- Le G20 marque une trêve dans la guerre commerciale qui oppose les Etats-Unis et la Chine.
- Les investisseurs anticipent une baisse des taux d’intérêt de la Réserve Fédérale américaine de 25 points de base fin juillet.
- Les taux bas attisent l’appétit des prédateurs et soutiennent les opérations de fusions-acquisitions.
Les moins
- La croissance américaine reste fragile et de nombreux désaccords persistent entre la Chine et les Etats–Unis.
- La BCE est sous pression et pourrait emboiter le pas à la Fed et baisser ses taux.
En bref. Chercher l’erreur…
Les politiques monétaires rendent complexe voire impossible la lecture du cycle économique actuel. Alors que la croissance mondiale frôle le niveau des 3%, elles ne cessent de vanter la baisse des taux directeurs pour maintenir la croissance et stimuler l’inflation.
Ces taux d’intérêt bas ne semblent réellement remplir aucun des deux objectifs. Ce n’est certainement pas le cas en Europe. Sans hausse salariale marquée et sauf tension sur le prix du pétrole, l’inflation demeure faible et rend inopérantes les politiques monétaires. Sur les marchés financiers, on retrouve des thèses contradictoires qui s’affrontent.
Les investisseurs obligataires, par nature plus prudents, parient sur un ralentissement de la croissance globale et font baisser toujours plus vite les taux longs. De l’autre côté du spectre, les investisseurs proches de la micro-économie, continuent d’acheter des actions d’entreprises créatrices de valeur.
Petit signe d’espoir, les actions européennes retrouvent un peu la faveur des investisseurs puisque c’est enfin une semaine de collecte (100 M$), la première sur les vingt dernières semaines.
Texte achevé de rédiger le 4 juillet 2019 par Igor de Maack, Gérant et porte-parole de la Gestion.
Consultez aussi la vidéo avec la vision de Igor de Maack sur les marchés (source BFM TV).
Regards croisés sur l’économie et les marchés. Juin 2019
Par Igor de Maack, gérant porte-parole de la Gestion chez DNCA Investments
Le 14 juin 2019
Comme chaque mois, nous vous présentons en un coup d’œil les risques et opportunités sur les marchés et dans l’économie.
Les plus
- La Réserve Fédérale américaine ouvre la voie vers une possible baisse de ses taux directeurs en septembre prochain.
- Les FANGMAN (Facebook, Apple, Netflix, Google, Microsoft, Amazon, Nvidia), sont sur-représentées dans les indices boursiers (3.000 milliards de dollars de capitalisation boursière). Or, elles sont sous pression à la suite de possibles enquêtes anti-trust américaines. C’est donc une opportunité pour que cette bulle se dégonfle un peu et profite ainsi à d’autres secteurs.
Les moins
- Après la Chine, le Mexique se voit reprocher sa politique de contrôle de ses frontières. Ce pays demeure sous le coup d’une hausse de tarifs douaniers américains.
- La situation inédite des taux d’intérêt prend à revers les investisseurs. Elle inquiète car elle signale une nouvelle fois l’anticipation d’une récession ou tout au moins un ralentissement de la croissance mondiale.
En bref. Keep America Great and Europe Small
A force d’endosser le rôle de douanier en chef (« Tariff Man »), Donald Trump risque de créer des turbulences sur l’économie mondiale qui n’en a pas vraiment besoin puisqu’elle oscille toujours autour du rythme de 3%. L’Europe, elle, rétrécit à vue d’œil. Les marchés actions européens enchaînent ainsi une 63ème semaine de décollecte sur les 65 dernières.
Texte achevé de rédiger le 11 juin 2019 par Igor de Maack, Gérant et porte-parole de la Gestion.
Consultez aussi la vidéo avec la vision de Igor de Maack sur les marchés (source BFM TV).
Regards croisés sur l’économie et les marchés. Mai 2019
Par Igor de Maack, gérant porte-parole de la Gestion chez DNCA Investments
Comme chaque mois, nous vous présentons en un coup d’œil les risques et opportunités sur les marchés et dans l’économie.
Les plus
- Les publications des résultats montrent, globalement des deux côtés de l’Atlantique, un nombre assez élevé de bonnes surprises.
- Après la hausse à deux chiffres enregistrée sur les marchés depuis de le début d’année, la correction de la semaine dernière offre de nouveaux points d’entrée aux investisseurs audacieux qui croient encore courageusement à l’Europe.
Les moins
- Les désaccords entre les Etats-Unis et la Chine sur les discussions douanières et l’ultimatum du 10 mai ont effrayé les marchés.
- Les marchés européens continuent de souffrir du désintérêt des investisseurs. Les actions européennes enchaînent leur 59ème semaine de sortie de flux.
En bref. Le doigt de Dieu
Après la hausse à deux chiffres enregistrée sur les places financières depuis de le début d’année, Donald Trump n’en finit pas de faire trembler les marchés. Nul autre Président n’avait auparavant autant « assouvi » les marchés financiers par sa stratégie de reconquête des échanges commerciaux mondiaux et sa volonté ferme de captation des flux de capitaux internationaux. Les investisseurs s’en remettent au « doigt de Donald » qu’on pourrait qualifier de « doigt de Dieu » si l’on se réfère aux performances quasi célestes ou divines de la bourse et de l’économie américaines qui ont, toutes les deux, atteint un pic historique. Il est probable que, avec des faibles volumes (le mois de mai est un mois à faible volume en général) et avant les élections européennes, peu d’investisseurs prendront le risque d’investir dans des actifs risqués sauf accord définitif sur la guerre commerciale.
Texte achevé de rédiger le 13 mai 2019 par Igor de Maack, Gérant et porte-parole de la Gestion.
Consultez aussi la vidéo avec la vision de Igor de Maack sur les marchés (source BFM TV)
Regards croisés sur l’économie et les marchés. Avril 2019
Par Igor de Maack, gérant porte-parole de la Gestion chez DNCA Investments
Le 15 avril 2019
Comme chaque mois, nous vous présentons en un coup d’œil les risques et opportunités sur les marchés et dans l’économie.
Les plus
- Les marchés ont touché leur plus haut niveau annuel et ont ainsi corrigé leurs excès de 2018.
- La récession n’est pas pour demain et les Banques Centrales restent accommodantes.
- L’épilogue du Brexit pèse sur les marchés européens et sur la confiance des investisseurs.
Les moins
- Les marchés européens sont sous-valorisés et souffrent du désintérêt des investisseurs. Les actions européennes enchaînent leur 54ème semaine de sorties de flux.
- L’inversion de la courbe des taux indique un ralentissement économique d’ici à deux ans.
En bref : Harmonie et Paix
Les marchés ont touché leur plus haut niveau annuel et ont ainsi effacé les pertes de l’année dernière. Les investisseurs continuent de voir dans la sous-valorisation des marchés d’actions européens des opportunités d’investissement. L’Europe souffre d’une sous-valorisation et d’un désintérêt manifeste et les actions européennes enchaînent leur 54ème semaine de sortie de flux sur les 56 dernières semaines. L’épilogue du Brexit pourrait ramener une certaine dynamique sur les flux domestiques. Les marchés de taux, après avoir anticipé une récession, se réalignent sur un scénario de potentielle fin de cycle d’ici deux ans.
Texte achevé de rédiger le 9 avril 2019 par Igor de Maack, Gérant et porte-parole de la Gestion.
Consultez aussi la vidéo avec la vision de Igor de Maack sur les marchés (source BFM TV)
Regards croisés sur l’économie et les marchés. Mars 2019
Par Igor de Maack, gérant porte-parole de la Gestion chez DNCA Investments
Le 18 mars 2019
Comme chaque mois, nous vous présentons en un coup d’œil les risques et opportunités sur les marchés et dans l’économie.
Les plus
- En ce début d’année, les marchés ont rebondi et ont corrigé une partie des excès à la baisse de l’année dernière.
- La Banque Centrale Européenne (BCE) prend acte du ralentissement et soutient massivement l’économie avec la mise en place d’un troisième TLTRO.
Les moins
- La croissance européenne ralentit plus que prévu (1,1% vs 1,7%) et les craintes de « japonisation » de l’économie pèsent sur les marchés.
- En absence de catalyseurs et après deux mois de hausse, les marchés marquent une pause.
En bref : Ralentissement et attentisme
Après un début d’année haussier, les marchés européens manquent de carburant macro-économique et marquent le pas. Le ralentissement de la croissance acté par la Banque Centrale Européenne et la mise en place d’un troisième TLTRO inquiète plus que ne rassure. En l’absence de catalyseurs macroéconomiques solides, l’actualité, faite de tensions commerciales, du Brexit, et d’élections européennes à venir, devrait rythmer les prochaines semaines.
Texte achevé de rédiger le 11 mars 2019 par Igor de Maack, Gérant et porte-parole de la Gestion.
Consultez aussi la vidéo avec la vision de Igor de Maack sur les marchés (source BFM TV)
Regards croisés sur l’économie et les marchés
le 8 février 2019
Par Igor de Maack, gérant porte-parole de la Gestion chez DNCA Investments
Comme chaque mois, nous vous présentons en un coup d’œil les risques et opportunités sur les marchés et dans l’économie.
Les plus
- La Réserve Fédérale américaine (FED) rassure les marchés et infléchit sa politique de hausse des taux d’intérêt et de réduction de la taille de son bilan. Son objectif est de protéger la croissance et éviter une récession.
- Les révisions à la baisse des bénéfices des entreprises semblent déjà bien intégrées par les investisseurs.
- Le S&P500 vient de boucler son meilleur mois depuis 2015 et son meilleur mois de janvier depuis 1987.
Les moins
- Les publications des résultats des entreprises témoignent du ralentissement de l’activité amorcé au cours du deuxième semestre 2018.
- L’économie chinoise ralentit vers un rythme de croissance entre 6 et 6,5% mais piloté par les autorités.
- La guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis vont continuer à peser sur la tendance des marchés financiers.
En bref. Patience, Persévérance et Pénitence
Patience, voici le mot employé par la Réserve Fédérale américaine qui a récemment enchanté les marchés. Jérôme Powell,Président du Conseil des gouverneurs de la Réserve fédéralea aussi un peu capitulé devant Donald Trump mais surtout beaucoup devant les marchés financiers. Le brouillard économique caractérisant l’économie américaine s’est épaissi en raison du manque de statistiques fédérales lié au shutdown. Les publications des résultats des entreprises témoignent bien du ralentissement global mais sans affolement non plus. Même si la Chine ralentit vers un rythme de croissance piloté autour de 6-6,5%, des entreprises exposées au consommateur chinois comme LVMH ont publié des chiffres excellents. Il faut donc être mesuré sur les prévisions catastrophistes de récession américaine, chinoise ou mondiale pour 2019-2020. Les relations commerciales sino-américaines constitueront cependant le prochain métronome des marchés financiers.
Texte achevé de rédiger le 5 février 2019 par Igor de Maack, Gérant et porte-parole de la Gestion.
Consultez aussi la vidéo avec la vision de Igor de Maack sur les marchés (source BFM TV)
Regards croisés sur l’économie et les marchés. Janvier 2019
Par Igor de Maack, gérant porte parole de la Gestion chez DNCA Investments
Le 17 janvier 2019
Comme chaque mois, nous vous présentons en un coup d’œil les risques et opportunités sur les marchés et dans l’économie.
Les plus
- Pas de risque de récession aux Etats-Unis. Après le pic de croissance atteint en 2018 grâce à l’impact positif des réformes fiscales, l’économie américaine devrait rester vigoureuse en 2019.
- Les Banques Centrales, préoccupées par le décrochage des marchés, veulent éviter une erreur de politique monétaire et suspendent leur politique de normalisation.
- Les relations Chine-Etats-Unis semblent se détendre et laissent entrevoir un espoir d’accord dans la guerre économique qui les oppose.
Les moins
- Les risques identifiés en 2018 sont toujours présents en 2019 : guerres commerciale Etats-Unis-Chine, Brexit, protectionnisme,…
- Les investisseurs continuent de douter du cycle économique.
En bref : Pause et correction des excès
Le début d’année ressemble à s’y méprendre à une correction des excès du dernier trimestre. 2018 s’était terminée sur fond de pessimisme généralisé et d’angoisse de récession. Mais Donald Trump et ses tweets encourageants sur les négociations commerciales avec les Chinois ont redonné de l’espoir concernant le plus grand risque pour l’année 2019. Parallèlement, la Fed a balisé le chemin pour 2019 en annonçant une pause dans sa hausse des taux d’intérêt et a ainsi rassuré les investisseurs. La BCE, aussi, s’est mise au diapason des demandes des Etats en maintenant des taux très bas.
Texte achevé de rédiger le 14 janvier 2019 par Igor de Maack, Gérant et porte parole de la Gestion.
Consultez aussi la vidéo avec la vision de Igor de Maack sur les marchés (source BFM TV)
Regards croisés sur l’économie et les marchés
Par Igor de Maack, gérant et porte parole de la gestion chez DNCA Investments
Le 19 décembre 2018
Comme chaque mois, nous vous présentons en un coup d’œil les risques et opportunités sur les marchés et dans l’économie.
Les plus
- Les actions des gilets jaunes n’ont pas d’impact réel sur les marchés. Les mouvements des marchés sont essentiellement dus à d’autres facteurs plus internationaux et géopolitiques. L’écart de rendement (le « spread») entre le taux à 10 ans allemand et le taux à 10 ans français reste stable.
- Nous n’observons aucun signal de récession et la baisse des prix du pétrole devrait redonner du pouvoir d’achat aux ménages.
Les moins
- Les opérations des gilets jaunes vont peser sur la croissance française du quatrième trimestre. Certains secteurs comme l’hôtellerie, les transports ou encore la distribution seront plus durement impactés sur leurs chiffres d’affaires et donc sur leurs cours de bourse.
- La croissance économique mondiale reste à un niveau élevé mais elle ralentit.
- La guerre sino-américaine concernant les échanges commerciaux et le leadership mondiale pèse durablement sur les marchés.
En bref :
- Malgré une croissance mondiale qui reste soutenue, les risques géopolitiques liés à la guerre commerciale sino-américaine, le Brexit et l’Italie pèsent sur les marchés et hypothèquent un rallye boursier de fin d’année.
Consultez aussi la vidéo avec la vision d’Igor de Maack sur les marchés (source BFM TV).
Regards croisés sur l’économie et les marchés
Par Igor de Maack, gérant et porte parole de la gestion chez DNCA Investments
Le 19 novembre 2018
Comme chaque mois, nous vous présentons en un coup d’œil les risques et opportunités sur les marchés et dans l’économie.
Les plus
- Les incertitudes qui planaient sur les élections américaines de mi-mandat est levée. Le scrutin a abouti à une forme de cohabitation. La Chambre des Représentants à majorité démocrate devrait rééquilibrer le débat politique sur la dérive du déficit public.
- Après un mois d’octobre noir, novembre démarre sous de meilleurs auspices avec, en moyenne, des prévisions de croissance des bénéfices des entreprises globalement maintenues tant aux Etats-Unis qu’en Europe.
- Les taux d’intérêt sont toujours à des niveaux bas aux Etats Unis et également en Europe malgré la politique de normalisation de la FED. Ces taux d’intérêt soutiennent la croissance économique.
Les moins
- Des risques singuliers et bien identifiés subsistent encore en Europe (fonctionnement des budgets dans l’UE avec l’Italie, Brexit…) et limitent le retour des investisseurs sur les marchés.
- Nous vivons un moment historique singulier avec des gouvernances et des mandatures uniques notamment en Italie, en Allemagne et aux Etats-Unis qui favorisent l’incertitude.
- L’écart important entre les taux d’intérêt longs américains et européens peut entrainer des corrections de valorisation.
En bref :
- Les marchés saluent le résultat des élections américaines de mi-mandat après un mois d’octobre noir.
Malgré l’incertitude politique, le momentum macroéconomique n’est pas si pire
Texte achevé de rédiger le 12 novembre 2018 par Igor de Maack, Gérant et Porte Parole de la Gestion.
Consultez aussi la vidéo avec la vision d’Igor de Maack sur les marchés (source BFM TV).
Regards croisés sur l’économie et les marchés en octobre
Par François Collet, Gérant, chez DNCA Investments
Le 16 octobre 2018
Comme chaque mois, nous vous présentons en un coup d’œil les risques et opportunités sur les marchés et dans l’économie.
Les plus
- L’économie américaine semble en pleine forme avec un rythme de croissance record (4% attendu en 2018) et des indicateurs positifs grâce notamment au dumping fiscal.
- Les turbulences sur les marchés actions ont fait rebaisser les taux d’intérêt américains, les investisseurs venant se réfugier sur les US Treasuries.
- Les marchés européens résistent mieux que les marchés émergents et américains.
Les moins
- Les craintes resurgissent concernant un durcissement attendu de la politique monétaire de la FED en réponse à une économie américaine jugée en surchauffe et qui pourrait aller au-delà du taux neutre ( de 3%) sur un horizon de 12 mois.
- On peut s’attendre à une révision à la baisse des perspectives de la croissance mondiale par le FMI pour 2018, principalement dans les pays émergents qui font face à une hausse du dollar, des taux d’intérêt et du prix des matières premières.
- Un signal négatif est envoyé par l’Italie sur le budget et sur son objectif de déficit public. Une dégradation de la note de l’Italie par les agences de notation est attendue.
En bref :
- Un risque de surchauffe de l’économie aux Etats-Unis.
- Une croissance soutenable et équilibrée en Zone Euro.
- La réapparition de contraintes externes fragilisent les économies émergentes.
Consultez aussi la vidéo avec la vision de François Collet sur les marchés (source BFM TV)
Regards croisés sur l’économie et les marchés en septembre
Par François Collet, gérant chez DNCA Investments
Le 11 septembre 2018
Comme chaque mois, nous vous présentons en un coup d’œil les risques et opportunités sur les marchés et dans l’économie.
Les plus
Les Banques Centrales sont probablement prêtes à tolérer temporairement un niveau d’inflation supérieur aux objectifs et, de ce fait, à rester accommodantes. Les actions et les titres « value » en particulier devraient bénéficier du retour de l’inflation.
La dynamique de flux de capitaux vers les marchés européens semble redevenir favorable et les indicateurs économiques s’annoncent meilleurs qu’attendus.
L’Italie change de discours et devrait respecter ses objectifs de déficit public à 2.5%.
Les moins
L’inflation accélère un peu partout dans le Monde. Elle est au plus haut depuis quasiment dix ans notamment en France (+2.3%) et ce, principalement sous l’effet de la hausse des prix du pétrole. Les tensions sur le marché du travail aux Etats Unis, en Europe et au Japon et l’instauration de nouvelles barrières douanières vont peser sur les prix et maintenir un risque inflationniste important dans les prochains mois.
On assiste à un écart important entre le S&P 500 et l’Eurostoxx 50 qui s’explique, d’une part, par une divergence du « momentum » macroéconomique entre les Etats Unis et la zone Euro, et, d’autre part, par la surpondération des valeurs « value » et des actions bancaires dans l’Eurostoxx. Le rachat d’actions mis en place par les entreprises américaines (800 milliards de dollars depuis le début 2018) explique aussi cet écart entre les deux indices.
En bref : Vers un rattrapage de la Zone Euro ?
Le risque inflationniste va perdurer dans les prochains mois alimenté par les tensions sur le marché du travail et la mise en place des barrières douanières. Les Banques Centrales devraient néanmoins rester conciliantes et maintenir une politique monétaire accommodante. Les marchés de la zone euro, qui accusent aujourd’hui un retard important, devraient bénéficier d’indicateurs économiques meilleurs qu’attendus et de la normalisation de la politique budgétaire italienne.
Consultez aussi la vidéo avec la vision de François Collet sur les marchés (source BFM TV)
Regards croisés sur l’économie et les marchés en juillet
Par François Collet, gérant obligataire chez DNCA Investments
Le 12 juillet 2018
Comme chaque mois, nous vous présentons en un coup d’œil les risques et opportunités sur les marchés et dans l’économie.
Les plus :
- Les mesures protectionnistes ont été assez contenues pour l’instant. Elles n’auront pas d’impact sur les résultats des entreprises au second trimestre même si certaines sociétés pourraient revoir leurs perspectives d’activité.
- Depuis un peu plus d’un mois, le dollar s’apprécie davantage que le yuan ne se déprécie. Personne n’a intérêt à une dépréciation rapide du yuan. La légère dépréciation de la devise chinoise depuis le début de l’année est d’ailleurs plutôt dictée par les fondamentaux de l’économie chinoise.
- Sur le moyen terme, ce sont les fondamentaux qui vont dicter les marchés. Les données macroéconomiques qui vont être publiées peuvent rassurer les marchés après le léger trou d’air que la zone euro a connu en début d’année. On s’attend à des publications plutôt bonnes avec des effets de change qui vont maintenant jouer positivement.
Les moins :
- L’année avait très bien commencé, avec une croissance globale synchronisée. Mais, finalement, les États-Unis accélèrent et l’Europe a plutôt tendance à ralentir. Le différentiel de momentum économique se traduit par une appréciation du dollar, par une remontée des taux d’intérêt américains plus importante que celle des taux européens et par une légère surperformance des actions américaines.
- Ce que les marchés craignent, c’est le risque d’escalade de la guerre commerciale. Donald Trump a déjà évoqué qu’il pourrait remonter ses barrières douanières jusqu’à 200 milliards de dollars. Mais, aujourd’hui, l’impact est encore limité.
En bref :
Notre scénario est celui d’une guerre commerciale qui restera raisonnée. Personne n’a intérêt à un dérapage. Les mesures que Donald Trump annoncera (probablement par tweets) dans le courant de l’été ne seront d’ailleurs pas mises en place avant mi-mandat. Les Italiens n’ont pas intérêt, non plus, à un dérapage trop important de leur déficit budgétaire.
La croissance reste largement au-dessus du potentiel en zone euro. Il y a des risques, des nuages à l’horizon, mais le ciel est toujours bleu.
Consultez aussi la vidéo avec la vision de François Collet sur les marchés (source BFM TV) ici
Regards croisés sur l’économie et les marchés en juin
Par Igor de Maack, gérant et porte parole de la gestion chez DNCA Investments
Le 12 juin 2018
Comme chaque mois, nous vous présentons en un coup d’œil les risques et opportunités sur les marchés et dans l’économie.
Les plus :
- Après de nombreuses péripéties, l’Italie a finalement un nouveau gouvernement. Cette annonce est de nature à rassurer les marchés à court terme même si le risque de nouvelles élections va perdurer. Mais la situation économique de ce pays est meilleure que dans les années 2011-2013 avec un taux de croissance du PIB de 1,5 %. Par ailleurs, le bilan des banques italiennes est en partie nettoyé.
- L’Europe s’adaptera à la guerre commerciale avec les Etats-Unis. Le cours du dollar et le renchérissement du prix du baril de pétrole ont aujourd’hui plus d’impact sur les marchés que les mesures protectionnistes décidées par Donald Trump. Les effets induits par la robustesse du dollar aboutissent à une faiblesse de l’euro qui est très favorable aux exportations européennes.
- Les marchés réagissent à la dynamique favorable de l’économie américaine et à la suprématie du dollar. Tant qu’il n’y a pas de ralentissement de l’économie américaine – le point de démarrage de toutes les récessions mondiales – les marchés resteront à peu près sereins.
Les moins :
- Le risque d’une nouvelle crise souveraine et financière en Europe perdure. Outre la gestion du Brexit, une nouvelle page s’ouvre en Espagne et le déficit public et de la balance courante en France créent des déséquilibres.
- Le mandat de Trump à la présidence des Etats-Unis va continuer à déstabiliser le monde. Chaque mesure protectionniste vient grignoter un peu de croissance mondiale.
- Les investisseurs se réfugient dans les zones de sécurité, c’est-à-dire les États-Unis, le Bund (obligation souveraine allemande) et les actions solides (style croissance).
En bref : Vers un ralentissement généralisé de la croissance mondiale ?
Si l’on additionne les difficultés chroniques de certains pays émergents (Argentine, Turquie et Brésil), les menaces protectionnistes de l’administration Trump, la suprématie du dollar et le coût global de la facture pétrolière pour l’économie mondiale, il est légitime de se poser la question d’un possible ralentissement généralisé de la croissance mondiale.
L’Europe, potentiellement engluée dans une nouvelle crise souveraine et financière (venant d’Italie voire d’Espagne), en serait une nouvelle fois la grande perdante. Les décideurs politiques sont désormais prévenus des risques potentiels.
Texte achevé de rédiger le 1er juin 2018 par Igor de Maack, Gérant et porte-parole de la Gestion.
Consultez aussi la vidéo avec la vision d’Igor de Maack sur les marchés (source BFM TV)