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COP28 : à quoi les investisseurs doivent-ils s’attendre ?

Virginie Derue, Directrice de la recherche ESG, AXA IM

Le 28 novembre 2023

La COP28 intervient au lendemain de la publication du premier bilan mondial des progrès accomplis dans la réalisation des objectifs climatiques, qui révèle de manière criante l’urgence d’une mobilisation bien plus forte.

La présidence de la COP28 a suscité de vives critiques, et l’absence de consensus international sur les priorités freine les initiatives.

Les transferts financiers vers les pays en développement devraient s’accroître à la suite de cette conférence, et les États comme les investisseurs pourraient avoir un rôle fondamental à jouer.

Cette année, la conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP28) marquera à bien des égards une étape importante dans la mesure où elle réagira à la publication du premier « bilan mondial » (Global Stocktake), l’évaluation la plus complète des progrès collectifs accomplis à ce jour par la planète dans la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris de 2015.

Publié le 8 septembre par la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), le bilan mondial est le fruit de deux années d’analyse fondée sur le sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) des Nations unies.

Dès le départ, la COP28 a été entachée de polémiques, notamment en raison de l’insuffisance des progrès enregistrés en matière de réduction des émissions de dioxyde de carbone (qui ont atteint un niveau record en 2022[1]) et de la présidence émiratie de la conférence.

Les conclusions du rapport du GIEC sont alarmantes. Il alerte sur le fait que la direction prise pour maintenir le réchauffement de la planète nettement en deçà de 2°C par rapport à l’ère préindustrielle n’est pas la bonne, et que les risques de déclenchement de points de basculement climatiques sont de plus en plus élevés.[2]

L’étude montre également qu’en ce qui concerne le financement de la lutte contre les changements climatiques, les flux d’investissement destinés à réduire les émissions et à accroître les efforts d’adaptation doivent être trois à six fois supérieurs à leur niveau actuel. Pour ne rien arranger, l’Organisation météorologique mondiale a récemment signalé le retour d’El Niño, un puissant phénomène de dérèglement climatique qui entraîne l’assèchement de certaines régions du globe et la submersion d’autres par des inondations catastrophiques.[3]

La COP des controverses

Parallèlement, l’annonce selon laquelle la COP28 serait présidée par le Sultan Ahmed Al-Jaber, ministre de l’Industrie et des Technologies de pointe des Émirats arabes unis (EAU) et directeur général de l’Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC), a logiquement suscité une vive polémique. Plusieurs membres du Congrès américain et du Parlement européen s’y sont notamment opposés.

De plus, le piètre bilan du pays en matière de sobriété énergétique et sa volonté réaffirmée de poursuivre l’exploitation de ses richesses naturelles en pétrole et en gaz jusqu’en 2030 n’ont pas contribué à apaiser les esprits.[4]

Le fait que les Émirats arabes unis aient invité le président syrien Bachar al-Assad à la COP28, malgré les accusations de crimes de guerre et de violations des droits de l’homme dont il fait l’objet, pourrait être un facteur de controverse supplémentaire.

Le bilan : principaux enseignements

Le bilan mondial de la CCNUCC révèle à quel point les objectifs de l’Accord de Paris sont loin d’être remplis. Il souligne sans équivoque la nécessité impérieuse d’agir davantage, dès maintenant et sur tous les fronts, qu’il s’agisse de réduire les émissions, de freiner la déforestation ou encore de mobiliser davantage de moyens financiers.

Le rapport exhorte tous les acteurs à s’impliquer, non seulement les États dans le cadre de leurs politiques nationales, mais aussi l’ensemble des parties prenantes pour une collaboration internationale et un effort d’innovation plus soutenus. Il décrit également les différents leviers qui doivent être activés, comme les fonds nécessaires pour combler l’écart avec les besoins des pays en développement et atteindre les objectifs d’une transition juste.

Trois points méritent d’être soulignés :

 

  • Le rapport insiste sur la nécessité de transformer les systèmes dans tous les secteurs afin d’introduire des mesures tant au niveau de l’offre que de la demande. Il est important d’insister sur ce point, car l’accent porte trop souvent uniquement sur le secteur du pétrole et du gaz tandis que le tableau d’ensemble (y compris en ce qui concerne la demande) retient trop peu l’attention de la société ou de certains investisseurs.
  • Contrairement à la déforestation, le rapport n’est pas prescriptif quant à l’exigence de réduction de la production de pétrole et de gaz d’ici à 2030[5]. Cela ne signifie pas qu’il faille renoncer aux efforts de réduction ou au moins de stabilisation, mais cela impose implicitement de prendre une certaine distance par rapport aux conséquences du scénario 1,5°C
  • Le captage du carbone est présenté comme une option pertinente à court terme dans les secteurs dont les émissions sont difficiles à réduire, mais pas de manière générale[6].

Une COP plus pragmatique ?

La COP28 devrait être pragmatique face à l’incapacité collective des États à initier et à imposer des changements jusqu’à présent. Des obstacles subsistent bien entendu, notamment liés à des facteurs politiques, financiers et, plus récemment, de sécurité énergétique.

L’autre motif de pragmatisme, certes moins évident mais néanmoins préoccupant, est la multipolarité croissante que l’on observe dans le monde, comme en témoigne l’écart entre l’engagement des pays développés à transférer 100 milliards de dollars par an aux pays en développement et la réalité, même si le fait de combler cet écart ne suffira pas à inverser la tendance. La Chine et l’Inde restent en désaccord, rendant la collaboration internationale avec ces deux pays délicate pour les pays occidentaux désireux d’aider le second tout en préservant des relations déjà délicates avec le premier.

Priorités de la présidence émiratie

Concrètement, les priorités émiraties ne devraient ni perturber, ni bouleverser le cours des choses. Elles se résument à une volonté affirmée d’accroître les solutions d’atténuation et d’adaptation, de renforcer les objectifs relatifs aux capacités de production d’énergie renouvelable, de plaider en faveur d’un accès plus équitable aux financements et d’appeler à la mise en œuvre du Fonds pour pertes et dommages issu de la COP27, qui vise à accorder des financements aux pays vulnérables durement frappés par les catastrophes climatiques.[7] Sans surprise, les Émiratis prônent une transition énergétique globale qui continue d’inclure les hydrocarbures, insistant sur les questions de sécurité énergétique tout en prévoyant plusieurs groupes de travail thématiques axés sur la nature et les océans, l’alimentation et l’agriculture, la santé, l’éducation et les droits de la femme.

Les pays du Golfe ont bien entendu tout intérêt à monétiser au maximum leurs réserves de pétrole et de gaz avant que la demande et les prix ne commencent à décroître. Mais il existe de toute évidence des divergences importantes entre l’augmentation de l’offre d’ici à 2030 et les efforts visant à la stabiliser, voire à la réduire. Les propos du Sultan émirati Al Jaber concernant la transition énergétique et le rôle d’ADNOC laissent peu de doutes quant à sa volonté de poursuivre la production de pétrole et de gaz à moyen terme[8].

 

De manière plus générale, les engagements précis pris lors de la COP28 pourraient permettre de juger si les ambitions ont été revues à la hausse ou si les décisions ont de nouveau été remises à plus tard.

Quelques réserves concernant l’importance accordée à l’hydrogène et au captage du carbone peuvent toutefois être émises. Ici encore, ce sont les détails qui posent problème. Les technologies de l’hydrogène et du captage du carbone ne sont pas des solutions miracles, notamment parce que leur utilisation sera probablement limitée à des secteurs dont les émissions sont difficiles à réduire comme l’acier ou le transport maritime longue distance pour la première, et en raison de la rentabilité douteuse et des exigences en matière d’infrastructure associées à la seconde.[9] Dans la plupart des secteurs industriels, une réduction effective des émissions doit être orchestrée avant tout, contrairement à ce que semble proposer le programme émirati sur le captage du carbone. Le secteur du pétrole et du gaz, en particulier, ne peut pas trop compter sur cette technologie et doit modifier radicalement son modèle économique.

Sur ces questions, il aurait été opportun de voir des objectifs plus ambitieux fixés par la présidence des Émirats arabes unis. Bien qu’elles soient la cible privilégiée des ONG et des activistes de la société civile en Europe, les grandes compagnies pétrolières ne représentent qu’une part marginale de la production mondiale, avec moins de 15 %, contre plus de 40 %[10] pour les compagnies pétrolières nationales comme ADNOC. Ces compagnies pétrolières nationales ont les capacités technologiques et financières nécessaires pour intensifier leurs investissements et susciter le changement, et la présidence émiratie pourrait donner l’exemple dans ce domaine.

De grands espoirs ?

En ce qui concerne les résultats tangibles potentiels de cette COP28, les principales attentes résident dans l’augmentation des transferts financiers vers les pays en développement. La mise en œuvre opérationnelle du Fonds pour pertes et dommages de la COP27 n’est toutefois pas simple, comme en témoignent les obstacles associés au financement mixte.

La mobilisation de financements adéquats pour faciliter l’adaptation représente un énorme défi, mais les États ont également un rôle clé à jouer à cet égard. La réorientation des subventions existantes accordées aux combustibles fossiles, à l’agriculture et à la pêche permettrait de dégager des centaines de milliards de dollars[11], hors subventions essentielles au maintien de prix alimentaires abordables.

Dans le même esprit, une évolution positive en termes de réformes du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale – qui contribuerait à mettre à disposition des fonds supplémentaires pour le financement des pays en développement[12] – serait souhaitable.

Le « quoi qu’il en coûte » des investisseurs

Les attentes concernant la COP28 sont limitées, non pas en raison de la présidence émiratie à proprement parler, mais plus généralement en raison de l’absence de consensus international sur les actions prioritaires à mener et de la multipolarité croissante du monde qui freine le processus de collaboration internationale.

Il reste à espérer que les polémiques liées à la présidence de la COP28 se révéleront infondées et qu’à défaut d’une évolution décisive vers une diminution progressive de la production de combustibles fossiles, cette conférence marquera au moins une avancée majeure vers l’éolien et le solaire au travers d’investissements sous-jacents dans les infrastructures énergétiques.

Ce n’est qu’ainsi que les pays en développement cesseront d’être contraints de trouver un compromis entre la monétisation de leurs ressources naturelles et la lutte contre les facteurs de changement climatique. Les pays africains, par exemple, jouissent d’un immense potentiel en matière d’énergie solaire ou éolienne. Mais à l’heure actuelle, la demande locale est insuffisante pour que les projets éoliens et solaires à grande échelle soient économiquement viables, et il n’existe pas d’infrastructures permettant de stocker et d’exporter l’énergie verte produite.

En tant qu’investisseurs, il n’existe pas de baguette magique susceptible de suppléer l’action des pouvoirs publics. Une pression continuera d’être exercée par le biais d’actions de plaidoyer pour que les États intensifient leurs efforts, tout en dialoguant avec le secteur privé pour qu’il réduise ses émissions et contribue à modifier l’ensemble de l’écosystème et les schémas de demande.

[1] Émissions de CO2 en 2022 – Analyse – Agence Internationale de l’Energie (en anglais)

[2] Le réchauffement de la planète devrait se situer entre 2,4 et 2,6°C, mais pourrait être ramené aux alentours de 1,7 à 2,1°C si tous les objectifs à long terme de zéro émission nette étaient véritablement mis en œuvre

[3] World Meteorological Organization declares onset of El Niño conditions | World Meteorological Organization (wmo.int)

[4] Toutefois, depuis 2020, M. Al-Jaber est également président de Masdar, un leader dans le domaine des énergies renouvelables dans la région du Golfe

[5] « Les systèmes énergétiques zéro émission nette de CO₂ nécessitent l’élimination progressive de tous les combustibles fossiles exploités sans dispositif d’atténuation » ; « le calendrier de retrait variera selon le contexte et le combustible, et le retrait progressif de toutes les centrales à charbon sans dispositif d’atténuation doit être accéléré durant la présente décennie ».

[6] « Les méthodes d’élimination du CO₂ peuvent permettre de réduire encore davantage les émissions nettes de CO₂ ou de GES [gaz à effet de serre] à court terme et de compenser les émissions résiduelles des secteurs dont les émissions sont difficiles à réduire »

[7] COP28 Presidency and Leadership – COP28 UAE / COP28 President-Designate | H.E. Dr. Sultan Al Jaber – Bio (drsultanaljaber.com)

[8] COP28 President-Designate | H.E. Dr. Sultan Al Jaber – Bio (drsultanaljaber.com)

[9] Hydrogen and the energy transition: One molecule to rule them all? | AXA IM Corporate (axa-im.com); Captage et stockage du carbone : Mieux vaut mettre la poussière sous le tapis ou faire le ménage ? | AXA IM Corporate (axa-im.com)

[10] Source : AXA IM / Base de données Urgewald 2022

[11] Banque mondiale : Transforming Trillions: Repurposing Subsidies for Climate Action and Economic Health

[12] Boosting MDBs’ investing capacity: An Independent Review of Multilateral Development Banks’ Capital Adequacy Frameworks, Groupe d’experts du G20, 2022


Technologie : les opportunités de croissance à long terme peuvent-elles permettre de faire face à la volatilité des marchés ?

 

Jeremy Gleeson, Pauline Llandric et Tom Riley, gérants de portefeuille

Le 6 novembre 2023

 

Se concentrer sur les tendances à long terme du secteur technologique peut permettre d’éviter les écueils liés à la volatilité à court terme. La sélection d’entreprises de qualité, dotées de solides fondamentaux et d’un fort potentiel de croissance, devrait constituer le meilleur moyen de viser une surperformance des marchés actions au sens large sur un horizon significatif. Le secteur de la technologie offre aujourd’hui une multitude d’opportunités prometteuses grâce au mouvement d’innovation permanent dans les domaines de la numérisation, de l’automatisation et de l’IA.

Principales sources d’opportunités

La demande de nouvelles technologies de la part des entreprises et des consommateurs devrait continuer de soutenir la croissance dans des secteurs comme l’IA générative, l’automatisation visant à pallier le manque de main-d’œuvre et le développement rapide de la connectivité numérique dans l’ensemble de la société. Chacune de ces opportunités s’inscrit dans nos grands thèmes technologiques : économie digitale, robotique et métavers.

  • L’économie digitale

Deux puissants moteurs alimentent le potentiel de croissance à long terme de l’économie numérique : d’une part la technologie, car les consommateurs sont de plus en plus connectés et de mieux en mieux informés, et de l’autre la démographie, dans la mesure où la génération des « enfants du numérique » n’a pas encore atteint l’âge d’or en termes de pic de dépenses et où, à mesure que son revenu disponible augmentera, une part plus importante sera probablement dépensée par le biais de canaux numériques et de modèles économiques fondés sur l’abonnement.

Par conséquent, les entreprises doivent de plus en plus adopter une approche numérique dans leurs relations avec leurs partenaires, leurs clients et leurs collaborateurs. La numérisation des données, les logiciels en tant que service (SaaS), l’analyse et l’intelligence artificielle, ainsi que la cybersécurité, sont autant d’éléments qui jouent un rôle important dans cette opportunité.

Les résultats sont visibles dans un grand nombre de secteurs. Par exemple, Workday est un éditeur d’applications Cloud professionnelles dans le domaine de la finance et des ressources humaines destinées à répondre aux attentes du marché de l’emploi moderne. La société propose des solutions Cloud de gestion des salaires, de recrutement, de gestion financière et d’analyse pour un grand nombre d’entreprises, d’établissements d’enseignement et d’organismes publics soucieux de moderniser leurs capacités de back-office telles que la gestion du capital humain et les activités adjacentes comme la gestion financière, la planification et la passation de marchés. Parallèlement, une entreprise comme Goodman, qui développe et gère des biens immobiliers industriels (installations logistiques, entrepôts et parcs d’activités), bénéficie du besoin croissant de centres de données pour l’IA.

  • La robotique

Dans le domaine de la robotique et de l’automatisation, les opportunités d’investissement sont liées à des tendances technologiques de rupture et prometteuses, qui vont de l’automatisation des usines à la vision industrielle en passant par les véhicules autonomes. La robotique était traditionnellement perçue comme étant axée sur la construction automobile ou les applications aérospatiales, mais au cours des dix dernières années, elle a connu une croissance considérable dans d’autres domaines. Cette croissance a été alimentée par de nouvelles technologies qui rendent la robotique plus performante, plus souple et plus facile à mettre en œuvre, élargissant ainsi les cas d’utilisation. Cette diversification de la demande émanant des marchés finaux dans des domaines comme la chirurgie robotique, l’assemblage de produits électroniques et l’automatisation des entrepôts a créé de nouvelles opportunités d’investissement et stimulé la croissance.

Au cours des deux dernières années, le thème de la relocalisation s’est imposé dans le secteur de la robotique, en particulier aux États-Unis, mais aussi dans le reste du monde. Aux États-Unis, le soutien important apporté par les pouvoirs publics par le biais de textes législatifs comme l’Infrastructure Investment and Jobs Act, le Chips and Science Act et l’Inflation Reduction Act incite fortement les entreprises à investir dans les capacités de production nationales. Il est important de noter ici que ces dépenses d’investissement bénéficient du soutien de l’État, qu’elles sont donc moins sensibles à la conjoncture et qu’elles concernent également des projets à long terme, ce qui devrait favoriser le caractère pérenne de cette croissance.

Le marché de l’emploi reste tendu dans de nombreuses régions du monde et la pénurie persistante de main-d’œuvre représente un véritable défi pour les entreprises. Confrontées à la hausse des coûts salariaux et aux pénuries de main-d’œuvre, les entreprises intègrent de plus en plus les technologies et l’automatisation dans leurs processus afin d’accroître l’efficacité et la productivité de leurs effectifs existants ou en baisse. Autrement dit, les pénuries de main-d’œuvre et l’inflation des salaires seront en théorie des moteurs importants de la demande d’automatisation au cours des prochaines années. À mesure que le coût de la main-d’œuvre augmente, l’introduction de l’automatisation permet de raccourcir les délais d’amortissement, de sorte qu’un nombre croissant de secteurs sont susceptibles d’y recourir. Par exemple, le Japonais Keyence fournit des capteurs et des systèmes de vision employés dans des applications industrielles à travers le monde pour améliorer la précision, le contrôle et l’efficacité. Parallèlement, une entreprise comme Siemens consacre une part importante de son développement à une activité industrielle numérique associant numérisation et automatisation dans le processus de fabrication.

  • Le métavers

Le métavers est passé du stade de concept émergent à celui d’opportunité d’investissement prometteuse. Il est le fruit des progrès technologiques majeurs et toujours plus spectaculaires proposés aux consommateurs et aux entreprises, un phénomène que l’évolution démographique notable en faveur du divertissement, de la socialisation, du travail et de la communication en ligne ne fait qu’accélérer. Nous devrions être aux prémices d’une tendance à long terme qui ouvre des perspectives dans quasiment tous les aspects de la vie et l’innovation pourrait se poursuivre à un rythme rapide.

Il faut s’attendre à ce qu’un nombre croissant d’entreprises proposent des produits ou des services en lien avec le métavers. Des progrès notables ont récemment été accomplis dans le domaine de l’IA. L’IA générative devrait être un accélérateur clé du développement du métavers. Les espaces virtuels, partagés et immersifs nécessitent de créer un grand nombre de contenus pour permettre aux utilisateurs d’interagir et d’explorer le monde numérique qui les entoure. Cette quantité considérable de contenus entrave fortement l’adoption généralisée du métavers, car leur création est particulièrement chronophage et nécessite de mobiliser une main-d’œuvre importante. L’IA générative, qui offre des solutions prometteuses à ce défi, pourrait permettre à quiconque ayant une idée créative de la réaliser. Un bon nombre d’entreprises du métavers utilisent déjà l’IA au sein de leurs produits et services. Les perspectives sont prometteuses, avec une puissance de traitement accrue, une IA plus puissante et des applications intéressantes pour améliorer les expériences au sein du métavers.

Par exemple, le développeur de moteurs de jeu Unity, dont les logiciels permettent de créer des expériences immersives au sein du métavers à l’aide de la réalité augmentée et de la réalité virtuelle, a annoncé cette année son intention de proposer deux outils d’IA générative à ses développeurs de jeux. De son côté, le fabricant de semi-conducteurs Nvidia a récemment bénéficié de la demande croissante de puces destinées à alimenter l’IA générative et les grands modèles linguistiques. Dans la mesure où les expériences métavers et immersives reposent sur l’accélération Cloud de l’IA qu’elle propose, l’entreprise se positionnera potentiellement à l’avant-garde du développement de la prochaine génération d’Internet.

Perspectives

Souvent considérées comme des investissements à long terme, notamment en raison de leurs cycles de R&D et de leurs besoins en dépenses d’investissement, les valeurs technologiques peuvent être plus sensibles à un contexte de taux élevés. Ce constat n’est pas aussi pertinent dans l’environnement actuel dans la mesure où les entreprises technologiques génèrent aujourd’hui de plus en plus de liquidités, présentent des bilans solides et ont moins besoin d’emprunter. En réalité, les entreprises les plus riches en liquidités pourraient même bénéficier d’un environnement de taux plus élevés.

Les sociétés sont données à titre d’information uniquement et ne constituent pas une recommandation à l’achat ou à la vente.


L’ère de l’IA et son potentiel d’investissement à long terme

Par Chris Iggo, CIO Core Investments, et Jeremy Gleeson, Gérant de portefeuille

Le 3 octobre 2023

 

Les valeurs technologiques dominent à nouveau les places boursières, principalement en raison de l’essor récent de l’intelligence artificielle et du potentiel à long terme qu’elle recèle.

De nombreux observateurs estiment que l’impact de l’IA (intelligence artificielle) sur la planète et l’économie mondiale (et notamment celui de l’IA générative) sera considérable.

Pour les investisseurs en valeurs de croissance, l’IA devrait offrir d’excellentes occasions de bénéficier d’une croissance des bénéfices potentiellement plus élevée

Flambée des valeurs technologiques

La technologie figure une fois de plus au cœur de l’actualité des places boursières. Si le S&P 500 a progressé de quelque 19 % depuis le début de l’année, l’indice Nasdaq, principalement composé de valeurs technologiques, affiche une performance totale spectaculaire de 35 % sous l’effet de la flambée du cours des actions de géants comme Amazon, Alphabet, Microsoft, Apple et Google.[i]

Au cœur de ce rebond, qui fait suite à la période de morosité qu’a connue le secteur en 2022, figurent l’essor récent de l’intelligence artificielle (IA) et le potentiel à long terme qu’elle recèle.

Impossible de passer à côté du sujet en 2023 : 110 entreprises du S&P 500 ont mentionné l’IA lors de leurs conférences de présentation des résultats du premier trimestre, un record depuis plus de dix ans.[ii]

L’omniprésence actuelle de l’IA est liée à ChatGPT. Lancé en novembre 2022, ce moteur d’IA conversationnelle a immédiatement frappé les esprits à travers le monde. Son lancement marque une avancée majeure en termes de mise à disposition d’un aspect pratique et convivial de cette technologie innovante. L’intérêt suscité a été tel qu’il n’a fallu que cinq jours pour que le service atteigne un million d’utilisateurs[iii], avant de franchir la barre des 100 millions d’utilisateurs en janvier 2023.[iv]

Mais en réalité, l’IA est déjà omniprésente, et ce, depuis un certain temps. Les algorithmes dominent notre quotidien, qu’il s’agisse de la musique et des films que l’on diffuse en streaming, des recommandations que l’on reçoit lorsqu’on fait des achats en ligne, et de bien d’autres choses encore. Des opportunités d’investissement considérables se profilent donc à la fois dans la conception et les infrastructures de l’IA, mais aussi dans un grand nombre de secteurs à mesure que les entreprises de différents horizons commenceront à utiliser l’IA pour améliorer leurs propres modèles économiques.

Qu’est-ce que l’IA ?

Dans sa forme la plus élémentaire, l’IA désigne simplement l’apprentissage automatique, c’est-à-dire la capacité d’un ordinateur à réfléchir et à apprendre afin d’accomplir des tâches et de remplir des fonctions cognitives généralement associées à l’être humain. Les programmes d’IA sont capables d’apprendre, grâce à la collecte de données provenant de grands modèles linguistiques et à l’établissement de règles (les algorithmes) qui leur permettent de fonctionner et d’utiliser ces informations pour comprendre comment traiter les données dont ils disposent (par ex. Spotify, Netflix, etc.).  L’IA peut également raisonner – en s’appuyant sur des algorithmes – pour faire des choix et corriger des informations.

L’IA se décline en plusieurs sous-groupes. Par exemple, les assistants virtuels domestiques et portables bien connus comme Alexa d’Amazon ou Siri d’Apple sont des sous-groupes de l’apprentissage automatique, dans lesquels un réseau neuronal tente de simuler l’acquisition de connaissances humaines. Pour cela, on crée des algorithmes qui sont formés pour tirer des enseignements de l’expérience. L’apprentissage profond est un sous-groupe de l’apprentissage automatique, qui consiste à entraîner des réseaux neuronaux imitant les structures du cerveau humain. Les réseaux neuronaux comportent généralement plusieurs couches et peuvent être entraînés à effectuer des tâches spécifiques comme la reconnaissance d’images ou de la parole. Parmi les exemples d’apprentissage profond figurent la reconnaissance faciale ou encore les travaux en cours sur les voitures sans conducteur.[v]

L’IA générative, comme ChatGPT, va beaucoup plus loin. Elle peut créer et produire du texte, des images, des vidéos et de nombreux autres types de contenu. Son potentiel disruptif pour un grand nombre de secteurs d’activité est donc considérable.

Potentiel de croissance

De nombreux observateurs estiment que l’impact de l’IA (en particulier celui de l’IA générative) sur la planète et l’économie mondiale sera considérable. Elle peut en effet contribuer à automatiser certaines tâches comme le traitement des demandes des clients, permettant ainsi aux salariés de réaliser des tâches plus stratégiques et plus complexes, et donc d’accroître considérablement leur productivité. Selon le cabinet de conseil McKinsey & Company, cette évolution pourrait accroître la valeur de l’économie mondiale de plusieurs milliers de milliards de dollars, l’IA générative étant susceptible d’automatiser des activités qui accaparent actuellement entre 60 et 70 % du temps des salariés.[vi]

De son côté, PwC a qualifié l’IA de « plus grande opportunité commerciale dans l’économie d’aujourd’hui en pleine mutation ».[vii] Le groupe estime que l’IA pourrait contribuer à hauteur de 15.700 milliards dollars au PIB mondial d’ici à 2030 et qu’elle pourrait stimuler les économies locales à hauteur de 26 % au cours de la même période, la Chine et les États-Unis étant susceptibles de bénéficier des gains de PIB les plus marqués.[viii]

En ce qui concerne le potentiel de croissance du marché de l’IA, une analyse prévoit que sa valeur actuelle de quelque 100 milliards de dollars pourrait être multipliée par vingt d’ici à 2030 pour atteindre près de 2.000 milliards de dollars.[ix] Mais si le potentiel de l’IA suscite un vif intérêt à court terme, il s’agit avant tout d’une question de productivité à long terme qui concernera vraisemblablement de nombreux secteurs. Avec l’introduction des ordinateurs en général, puis de l’ère d’Internet, la productivité s’est accélérée. L’IA marque un autre tournant décisif dans l’ère numérique.

Compte tenu de son vaste potentiel, l’IA constituera certes un thème d’investissement incontournable au cours des dix prochaines années (et au-delà), néanmoins, son impact se fera progressivement.

Pour l’heure, le Cloud, les centres de données, les serveurs et les capacités de calcul, ainsi que les semi-conducteurs et les fabricants d’équipements pour semi-conducteurs, figurent parmi les gagnants potentiels immédiats du développement de l’IA générative dans la mesure où les processeurs informatiques, les unités de traitement graphique et d’autres équipements spécialisés nécessitent davantage de solutions de calcul, mémoire et réseau.

Le fabricant de puces Nvidia a rejoint le club très restreint des entreprises pesant mille milliards de dollars suite à l’explosion, cette année, de la demande en faveur de ses processeurs graphiques, qui entraînent les systèmes d’IA.[x] Le cours de l’action d’un autre fabricant de puces, Marvell Technology, a lui aussi fortement progressé suite à la publication de résultats positifs liés à l’engouement suscité par le secteur de l’IA.[xi]

Au-delà des infrastructures

De la chaîne d’approvisionnement au marketing en passant par l’analyse, tous les domaines seront concernés par l’IA dans les années à venir. Le secteur bancaire, la haute technologie et les sciences de la vie figurent parmi les secteurs susceptibles de bénéficier de l’impact le plus important lié à l’IA générative en termes de pourcentage du chiffre d’affaires.[xii]

La priorité accordée actuellement aux infrastructures s’étendra au fil du temps aux entreprises créatrices d’applications, et les possibilités dans ce domaine sont sans doute infinies. Cette technologie contribuera à améliorer les soins médicaux, qu’il s’agisse de diagnostiquer des maladies, de mettre au point de nouveaux traitements ou encore d’améliorer les soins prodigués aux patients. L’IA peut améliorer le rendement énergétique et contribuer au développement de nouvelles technologies permettant de fournir une énergie plus durable. Elle peut permettre de renforcer l’efficacité et la sécurité des transports, qu’il s’agisse des véhicules électriques ou de l’amélioration du trafic routier.

Certaines entreprises de CRM, comme Five9 et Salesforce, ont déjà adopté l’IA, tandis que des sociétés de services comme Accenture, Capgemini et Globant participent au développement d’applications autour de l’IA sous l’impulsion de grands acteurs comme Amazon, Microsoft ou encore Alphabet. Parmi les développements récents figurent la série de nouvelles fonctions de Google alimentées par l’IA générative, dont son outil SGE (Search Generative Experience) et un nouveau grand modèle linguistique qui alimente son chatbot.[xiii]

Les entreprises technologiques ne sont pas les seules à vouloir prendre part à l’action. Depuis sa naissance théorique dans les années 1950, plus de 340.000 brevets liés à l’IA ont été déposés. Mais ces dix dernières années, ce phénomène s’est rapidement accéléré, passant de 2.560 brevets en 2010 à plus de 140.000 en 2021.[xiv]

La prudence reste bien entendu de mise, car tous les innovateurs en matière d’IA ne seront pas couronnés de succès et la frénésie qui entoure l’IA ne manquera pas de rappeler la période de flambée, puis d’effondrement de la bulle Internet au tournant du siècle. Mais le secteur technologique au sens large semble aujourd’hui très différent. A l’époque, dans plusieurs cas, les valorisations des entreprises étaient basées sur des aspirations plutôt que sur des éléments tangibles. Aujourd’hui, les entreprises ont des clients, des chiffres d’affaires et des bénéfices bien réels. L’IA fera des gagnants et des perdants, et bien que de nombreuses entreprises récoltent aujourd’hui les fruits de la vague actuelle, il est encore trop tôt pour savoir à quoi ressemblera l’environnement dans cinq ans, et encore moins dans vingt ans.

Perspectives numériques

Des problèmes devront certes être résolus, comme pour toute nouvelle technologie, notamment en matière de sécurité, de précision et de cohérence. La réglementation jouera un rôle clé à cet égard et l’Union européenne élabore déjà une loi sur l’IA afin de « garantir de meilleures conditions de développement et d’utilisation » dans le but de protéger les entreprises et les consommateurs.[xv]

Mais, compte tenu de l’enthousiasme suscité jusqu’à présent, la commercialisation pourrait être rapide, d’autant que de nombreux utilisateurs à travers le monde sont déjà prêts à utiliser ce type de technologie.

Les consommateurs habitués à communiquer avec Alexa, Siri, Google Assistant ou Roku SmartTV sont déjà rompus à l’utilisation d’une interface utilisateur d’IA conversationnelle, ce qui devrait accélérer le processus d’adoption. Cela souligne les changements structurels que l’on observe déjà, changements qui favorisent l’adoption de l’IA et renforcent son potentiel d’investissement à long terme.

Pour les investisseurs, et notamment ceux qui privilégient les valeurs de croissance, l’IA offre de formidables opportunités potentielles de bénéficier d’une croissance des bénéfices plus élevée. Parallèlement, certaines entreprises perdront des parts de marché si elles ne parviennent pas à exploiter pleinement les possibilités offertes par cette puissance de calcul accrue. Dans les pays développés confrontés à des défis démographiques et à des contraintes sur le marché de l’emploi, la possibilité d’automatiser diverses activités économiques et de proposer des services et des biens aux consommateurs grâce aux techniques de l’IA aura des implications révolutionnaires sur le plan économique et social. L’IA devrait plus que jamais être un thème d’investissement dominant au cours des années à venir.

Les entreprises évoquées ne le sont qu’à titre d’illustration et leur mention ne doit pas être considérée comme une recommandation d’investissement.

[i] Données FactSet au 31 août 2023 (en USD) / The Economist 1er juillet 2023

[ii] FactSet. Highest Number of S&P 500 Companies Citing “AI” on Q1 Earnings Calls in Over 10 Years (factset.com)

[iii] Annonce du CEO d’OpenAI – Sam Altman – 05/12/2023

[iv] Reuters.com – 02/02/2023

[v] 20 Deep Learning Applications in 2022 Across Industries | Great Learning (mygreatlearning.com)

[vi] Economic potential of generative AI | McKinsey

[vii] PwC’s Global Artificial Intelligence Study | PwC

[viii] PwC’s Global Artificial Intelligence Study | PwC

[x] Nvidia briefly joins $1 trillion valuation club | Reuters / Chipmaker Nvidia crushes quarterly expectations with $13.5bn in revenue | Quarterly results | The Guardian

[xi] Marvell shares soar 32% after semiconductor firm beats on earnings (cnbc.com)

[xii] Economic potential of generative AI | McKinsey

[xiii] Economic potential of generative AI | McKinsey / Alphabet

[xiv] Deutsche Bank Research, mars 2023

[xv] Loi sur l’IA de l’UE : première réglementation de l’intelligence artificielle | Actualités | Parlement européen (europa.eu)


Pourquoi les obligations indexées sur l’inflation sont-elles attractives sur le long terme ?

Elida Rhenals, Portfolio Manager chez AXA IM

Le 6 septembre 2023

Après le pic de l’année dernière, l’inflation a reculé dans les pays développés, principalement en raison de la baisse des prix du pétrole. Cependant, l’inflation sous-jacente reste résolument supérieure à l’objectif de 2 %, ce qui n’a pas facilité le travail des banquiers centraux et des investisseurs obligataires.

Il ne fait aucun doute que le sentiment de marché a été dominé par deux thèmes différents en 2023 : la persistance de l’inflation d’une part et le timing de la fin du cycle de hausse des taux d’autre part.  Plusieurs phénomènes expliquent la persistance de l’inflation, comme le resserrement des marchés du travail, la résilience des dépenses de consommation, la hausse des déficits budgétaires et les perturbations des chaînes d’approvisionnement.

Hausse à court terme

Aussi, la récente hausse des prix des matières premières renforce les risques de hausse de l’inflation à court terme. Les perspectives restent volatiles, même il ne faut pas tabler sur une nette accélération de l’inflation.

 

 

 

Source: AXA IM, Refinitive Datastream 16/08/2023

Croissance atone

Les banques centrales des pays développés ont donc poursuivi leur lutte contre l’inflation en relevant les taux d’au moins 100 pb supplémentaires cette année.  Ce nouveau resserrement pourrait avoir eu pour effet de rendre les taux d’intérêt plus restrictifs. Les taux réels sont désormais en territoire positif pour la première fois depuis la grande crise financière, et une économie marquée par des taux plus élevés devraient voir une croissance atone au cours des prochains trimestres, comme cela a été le cas ces dernières décennies

 

Source: AXA IM, Refinitive Datastream 16/08/2023

Pourquoi miser sur les obligations indexées sur l’inflation ?

Dans ce contexte, les obligations indexées sur l’inflation devraient offrir une proposition de valeur intéressante pour les investisseurs. Tout d’abord, avec le ralentissement de l’activité économique, les taux réels devraient rebondir car ils sont un indicateur à long terme de la croissance réelle.

Dans le même temps, les points morts d’inflation étant proches de 2 % – 2,5 %, il semble que les valorisations actuelles n’intègrent pas véritablement de prime d’inflation. Ce défaut d’appréciation de l’inflation future par le marché pourrait constituer une opportunité pour profiter de rendements plus élevés à des niveaux attractifs tout en cherchant à se prémunir des risques haussiers liés à l’inflation.

En dépit de la hausse des taux et de la baisse de l’inflation, les obligations indexées ont surperformé leurs homologues nominales depuis le début de l’année1 . Les investisseurs semblent avoir tout intérêt à continuer d’investir dans des obligations indexées à l’inflation et tout particulièrement dans la mesure où ces titres offrent une bonne résilience face à une inflation persistante et alors qu’elles bénéficient également de la décélération de l’activité économique.


Transport et déplacements durables : comment se lancer dans la course en tant qu’investisseur ?

Par Chris Iggo, CIO, AXA IM Core Investments

Le 24 août 2023

 

Les déplacements internationaux retrouvent des niveaux proches de ceux observés avant la pandémie, mettant en évidence les défis en matière de durabilité auxquels le secteur est confronté.

Les responsables politiques prennent des mesures décisives pour réduire les émissions liées aux transports, tandis que les nouvelles technologies donnent naissance à des modes de transport de substitution et contribuent à décarboner les modes de transport existants.

Dès lors, une vague d’opportunités d’investissement à long terme se dessine sous l’effet combiné des nouvelles politiques et de l’innovation technologique

Vague d’innovation

Cette année, le retour attendu du tourisme international à des niveaux proches de ceux observés avant la pandémie[1]constitue un problème épineux. Comment concilier les avantages de la mobilité tant sur le plan économique que d’un point de vue plus général avec la nécessité de plus en plus impérieuse de lutter contre le changement climatique ?

La réponse réside de toute évidence dans la décarbonation des modes de transport et de déplacement. Mais si la réponse est simple, le processus pour y parvenir l’est nettement moins. Cela étant, cette évolution vers le transport bas carbone est en marche et offre de nouvelles opportunités aux investisseurs, tant aujourd’hui qu’à l’avenir.

Des véhicules électriques aux carburants d’aviation durables en passant par les trottinettes, une vague d’innovation a déferlé sur le secteur des transports ces dernières années, les nouvelles technologies contribuant à populariser des modes de transport de substitution et à décarboner les modes existants.

Des mesures radicales aussi

Les pouvoirs publics et les responsables politiques prennent également des mesures radicales pour tenter de réduire les émissions. La France a interdit les vols intérieurs courts lorsqu’il existe une alternative ferroviaire[2], tandis que les Pays-Bas ont limité le nombre de vols autorisés à l’aéroport de Schiphol, une importante plaque tournante du transport aérien.[3]

Pour autant, les autorités ne souhaitent pas entraver les déplacements internationaux et le tourisme, un secteur qui a contribué à hauteur de 7,6 % du PIB mondial l’an passé et créé 22 millions d’emplois.[4]

Dans de nombreux pays, la présence de hordes de touristes étrangers est vitale pour l’économie.

Toutefois, les voyages et le tourisme représentent, selon les estimations, entre 8 et 11 % du total des émissions de CO2 dans le monde, un chiffre qui risque fort d’augmenter puisque l’on prévoit une hausse de 85 % des déplacements entre 2016 et 2030.[5] La plus forte contribution en termes d’émissions dans le secteur des transports revient aux voitures particulières (39 %), suivies des camions moyens et lourds (23 %) et du transport maritime (11 %). Le transport ferroviaire ne représente que 3 % des émissions.[6]

Émissions de CO2 liées aux transports par sous-secteur

 

Source : Statista, sur la base des données de 2021

 

Carburants bas carbone

À kilomètre équivalent, l’avion est le mode de transport qui émet le plus de CO2. On estime à environ 5 % la contribution de l’industrie aéronautique au réchauffement de la planète.[7] Il s’agit donc d’un secteur clé vers lequel les investisseurs peuvent se tourner pour placer leurs capitaux dans des entreprises actrices de progrès. La décarbonation du transport aérien est extrêmement complexe, mais les spécialistes passent en revue tous les aspects, du carburant à la fabrication, en passant par la conception des avions et des aéroports.[8]

De nombreuses compagnies aériennes se sont déjà engagées en faveur du carburant d’aviation durable (Sustainable Aviation Fuel, ou SAF). Ce biocarburant, dont les propriétés chimiques sont similaires à celles du carburant d’aviation conventionnel, affiche des émissions de gaz à effet de serre potentiellement très inférieures, mais il est actuellement coûteux et difficile à trouver.

La situation pourrait changer à l’avenir dans la mesure où la Loi américaine sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act) prévoit des subventions pour la production de SAF, tandis que l’Union européenne envisage de fixer des objectifs d’utilisation de SAF à partir de 2030 pour toute compagnie aérienne soucieuse d’obtenir un label écologique.[9]

L’évolution des préférences des consommateurs peut également peser dans la balance : une enquête récente révèle que 40 % des voyageurs sont prêts à payer au moins 2 % de plus pour des vols à bilan carbone neutre.[10] Une autre solution consisterait à décentraliser les pôles de transport aérien. Par exemple, le fait de privilégier les aéroports régionaux plutôt que centraux contribue à stimuler les économies locales, en favorisant le tourisme et l’emploi dans ces régions, et à réduire la pression exercée sur les grandes métropoles, lesquelles sont parfois très encombrées par la circulation et souffrent de niveaux de pollution plus élevés, notamment de nuisances sonores.

De son côté, le tourisme de croisière est le secteur qui enregistre la croissance la plus rapide et dont le nombre de passagers et les recettes devraient dépasser les niveaux antérieurs à la pandémie d’ici à 2026.[11] Les navires de croisière émettent énormément de CO2, mais le secteur investit dans de nouvelles technologies et réduit ses émissions.[12] Royal Caribbean prévoit de lancer un navire zéro émission d’ici à 2035[13], tandis qu’à l’autre bout de l’échelle, le Thames Clipper, le service londonien de navettes fluviales, se met à l’hybride.[14]

Essor des véhicules électriques

La plus forte contribution aux émissions globales du secteur des transports revient à l’automobile (39 %), en partie à cause du nombre de véhicules en circulation.[15] Les autorités du monde entier définissent de nouvelles politiques et de nouveaux objectifs visant à réduire les émissions, comme l’interdiction de la vente de nouvelles voitures à motorisation essence et diesel dans la zone euro et au Royaume-Uni dans les années à venir[16], tandis que l’Inde vise à ce que tous les véhicules à deux et trois roues, y compris les auto-rickshaws, soient électriques d’ici à 2025[17].

Les ventes de véhicules électriques (VE) devraient augmenter de 35 % cette année[18]. Outre les fabricants de VE eux-mêmes, comme Tesla, il est possible d’investir dans des sociétés qui fabriquent des batteries, des pièces ou encore des équipements de recharge pour véhicules électriques.

Réduire le nombre de véhicules sur les routes est un autre moyen de faire baisser les émissions de CO2. Le covoiturage peut réduire la nécessité de posséder une voiture, notamment en ville, et offre aux investisseurs un nouvel éventail d’entreprises à explorer. Une étude récente suggère toutefois que c’est le tarif qui détermine si le covoiturage réduit ou augmente les émissions polluantes.[19]

Le transport ferroviaire présente l’une des plus faibles empreintes carbone de tous les moyens de transport[20], mais les passagers restent tributaires d’horaires et d’itinéraires établis. Cela étant, les entreprises de ce secteur exploitent les technologies pour améliorer leurs services et attirer davantage les clients, par exemple en proposant des billets électroniques pour réduire les déchets de papier et en rendant les données sur les émissions plus visibles pour permettre aux clients de comprendre l’impact carbone de leur trajet.[21]

Et, bien que l’intelligence artificielle n’ait pas bonne presse ces derniers temps, il est indéniable qu’elle peut être utile dans certains domaines. Dans le secteur des transports par exemple, les entreprises recourent à l’intelligence artificielle et au Cloud computing pour proposer des horaires optimisés afin de répondre à l’évolution de la demande des usagers.[22]

Parallèlement, les trains et tramways électriques qui exploitent les nouvelles technologies, dont l’automatisation, peuvent constituer des alternatives bas carbone dans les villes et les nouveaux centres urbains. Déjà estimé à plus de 92 milliards de dollars, le marché mondial des liaisons ferroviaires connectées devrait atteindre plus de 143 milliards de dollars d’ici à 2030.[23]

À l’extrémité opposée de l’échelle, on observe une montée en puissance de la micro-mobilité, notamment avec les vélos et les trottinettes électriques. La pandémie de Covid-19 a fait exploser la demande en faveur de ce type de deux-roues motorisés qui constituent une alternative aux transports en commun.[24]

Selon McKinsey & Company, la micro-mobilité représente aujourd’hui environ 16 % des déplacements à l’échelle mondiale. Le cabinet estime à quelque 180 milliards de dollars la valeur actuelle du marché, chiffre qui pourrait plus que doubler d’ici à 2030 pour atteindre environ 440 milliards de dollars.[25] Qu’il s’agisse de fabricants de vélos électriques comme Yamaha ou la société taïwanaise Giant Bicycles, ou d’une entreprise comme Bosch, sans doute plus connue pour ses appareils électroménagers mais qui fabrique également des moteurs et des batteries rechargeables pour vélos électriques, une multitude d’opportunités potentielles s’offrent aux investisseurs à mesure que le secteur évolue.

Des opportunités d’investissement

Face au ralentissement économique et à la hausse de l’inflation, les consommateurs sont vraisemblablement plus exigeants lorsqu’il s’agit de dépenser leur argent en voyages d’agrément. Ils sont également plus attentifs à leur impact sur l’environnement et se montrent plus sélectifs quant aux enjeux de durabilité dans le cadre de leurs déplacements.[26]

Les autorités et les responsables politiques déploient des efforts constants qui, selon nous, ne feront que s’intensifier à mesure qu’ils chercheront à atteindre leurs objectifs climatiques, tant pour encourager les modes de déplacement moins émetteurs de CO2 que pour inciter à l’investissement dans la décarbonation.

Partout, les entreprises se fixent des objectifs en matière de durabilité, dont beaucoup incluent les émissions liées aux déplacements professionnels, lesquels représentent près d’un tiers de l’ensemble des dépenses de voyage.[27] Les acteurs les plus en pointe dans la transition vers le transport durable, que ce soit directement ou indirectement (par exemple par le biais des infrastructures nécessaires), bénéficieront probablement de la demande accrue des clients.

À mesure que le marché retrouve progressivement ses niveaux antérieurs à la pandémie, niveaux qu’il finira probablement par dépasser, des opportunités d’investissement potentielles vont s’offrir à celles et ceux qui souhaitent jouer un rôle dans l’évolution vers un transport durable tout en visant des performances financières.

[1] Barometer | UNWTO

[2] France bans short-haul flights to cut carbon emissions – BBC News

[3] Schiphol airport in Amsterdam limits flights to prevent emissions, in world first | Euronews

[4] Travel & Tourism Economic Impact | World Travel & Tourism Council (WTTC)

[5] Accelerating the transition to net-zero travel | McKinsey

[6] Global transport CO2 emissions breakdown 2021 | Statista

[7] Should we give up flying for the sake of the climate? – BBC Future

[8] The future of flying (cam.ac.uk)

[9] ESG Watch: Despite setbacks, green finance ends 2022 in good health | Reuters / EU Plans to Give Parts of Aviation Industry a Green Label – Bloomberg

[10] Accelerating the transition to net-zero travel | McKinsey

[11] Cruise industry faces choppy seas as it tries to clean up its act on climate | Reuters

[12] 2023-clia-state-of-the-cruise-industry-report_low-res.ashx (cruising.org)

[13] https://www.royalcaribbeangroup.com/wp-content/uploads/2022/06/RCG-ESG-Report-2021_06.pdf

[14] Hybrid boats to revolutionise sustainable river travel (thamesclippers.com)

[15] Global transport CO2 emissions breakdown 2021 | Statista

[16] EU ban on sale of new petrol and diesel cars from 2035 explained | News | European Parliament (europa.eu) / The Ten Point Plan for a Green Industrial Revolution (HTML version) – GOV.UK (www.gov.uk)

[17] India turns to electric vehicles to beat pollution – BBC News

[18] Demand for electric cars is booming, with sales expected to leap 35% this year after a record-breaking 2022 – News – IEA

[19] Energy and environmental impacts of shared autonomous vehicles under different pricing strategies | npj Urban Sustainability (nature.com)

[20] Which form of transport has the smallest carbon footprint? – Our World in Data

[21] Environmental Sustainability | Trainline plc (LSE: TRN) (trainlinegroup.com)

[22] Greener Smarter travel – Stagecoach Group

[23] Global Connected Rail Market Size Report, 2022 – 2030 (polarismarketresearch.com)

[24] Sales of electric bicycles are up all over the world | World Economic Forum (weforum.org)

[25] The future of mobility in 2035 | McKinsey

[26] Travel Sustainable | Sustainability at Booking.com

[27] Accelerating the transition to net-zero travel | McKinsey


Les ETF actifs prennent une place grandissante dans le paysage boursier

Le 4 juillet 2023

Les fonds indiciels cotés (ETF) à gestion active sont en train de s’intégrer dans le paysage boursier, une tendance qui pourrait se poursuivre rapidement compte tenu de leurs caractéristiques particulières et de la digitalisation de la gestion d’actifs.

Le marché mondial des ETF suit une trajectoire haussière depuis un certain temps déjà et le cabinet de conseil PwC estime qu’il pourrait dépasser les 20.000 milliards de dollars d’actifs sous gestion d’ici 2026, soit une hausse de 100 % par rapport aux 10.000 milliards enregistrés en 2021. (1)

Mais si la majeure partie de ce marché est actuellement constituée de fonds passifs, le potentiel de croissance des ETF actifs est néanmoins colossal.

Le marché actif

Les ETF actifs visent à générer de la performance à partir d’une sélection active de titres, reflétant un portefeuille modèle plutôt qu’un indice. Ils ne sont pas nouveaux et ont vu le jour aux alentours de 2008, mais ils suscitent désormais un intérêt croissant de la part des investisseurs.

Les fonds actifs représentent aujourd’hui 3 % du marché mondial des ETF, soit environ 300 milliards de dollars.(2) Si ce montant reste relativement faible, il est deux fois supérieur à celui de 2019 et, d’après les analystes Morningstar, même si les ETF actifs représentent 2 % de l’ensemble des fonds de placement actifs, ils représentaient 35 % des flux entrants (souscriptions) en 2021.(3)

Cette croissance est impressionnante et les flux vers les ETF actifs devraient se poursuivre. L’incertitude économique ainsi que la volatilité continuent de perturber les marchés et, dans de telles conditions, les investisseurs sont plus susceptibles de rechercher des fonds actifs pour les aider à faire face à l’environnement difficile.

Accès à la durabilité et aux thématiques

L’un des principaux avantages des ETF actifs est qu’ils permettent aux investisseurs d’accéder à divers thèmes d’investissement clés dans l’univers des ETF. Par exemple, ils apportent une valeur ajoutée en termes de capacités d’investissement responsable, alors qu’ils ne sont limités par aucun indice de référence.

Les ETF actifs axés vers l’investissement durable sont un domaine particulièrement intéressant car les investisseurs accordent (parallèlement à leurs objectifs financiers) une importance croissante à l’investissement responsable.

De même, les ETF thématiques actifs, axés sur des tendances à long terme telles que la digitalisation et la démographie, se multiplient et sont populaires. Une enquête de PwC a révélé que les ETF thématiques, y compris les véhicules axés développement durable, sont classés soit au premier, soit au deuxième rang en fonction de la demande attendue des investisseurs au cours des deux à trois prochaines années sur tous les marchés analysés. (4)

Par ailleurs, les ETF actifs permettent aux investisseurs de s’exposer à une classe d’actifs donnée tout en bénéficiant également d’une gestion active du risque qui vise à surperformer l’indice.

Liquidité et digitalisation

Outre l’innovation dans le secteur, d’autres facteurs sont à l’origine de la croissance du marché des ETF actifs, et ces tendances devraient se poursuivre. Les ETF peuvent offrir plus de flexibilité aux investisseurs qui en ont besoin, en raison de leur liquidité additionnelle et de leur capacité à effectuer des transactions intra-day. Ils sont également transparents, présents sur la plupart des marchés et les positions sont publiées quotidiennement.

Le marché bénéficie également de la tendance à long terme vers une digitalisation accrue telle que nous la connaissons dans presque tous les aspects de notre vie quotidienne et dans le secteur de la gestion d’actifs. L’émergence de plateformes de courtage en ligne ainsi que des technologies de désintermédiation et de blockchain bancaires transforme la distribution des fonds, ce qui mène à penser que l’évolution constante du secteur de la gestion d’actifs est un autre moteur de croissance à ne pas négliger.

Les ETF peuvent répondre aux besoins futurs de nombreux investisseurs. La tendance de marché paraît claire : les ETF actifs devraient représenter une part de plus en plus importante des portefeuilles des investisseurs au cours des années à venir.

Sources 

[1] Source: https://www.pwc.com/gx/en/financial-services/publications/assets/ETF_2026_PwC.pdf

[2] Source: AXA IM Product Intelligence, Morningstar Direct

[3] Source: https://www.morningstar.com/articles/1079775/7-charts-on-the-rapid-ascent-of-active-etfs

[4] Voir source 1


ESG : Le talon d’Achille des gérants d’actifs ?

Par Hans Stoter, Global Head of Core Investments, AXA IM

Le 8 juin 2023

Les craintes soulevées par le greenwashing témoignent du scepticisme ambiant autour des affirmations en matière de durabilité. Les gérants d’actifs doivent alors faire preuve d’une plus grande transparence pour impulser le changement. Une telle démarche contribuera à renforcer l’engagement auprès des sociétés en portefeuille avec, à la clé, une accélération des avancées en faveur des objectifs climatiques.

Transparence et greenwashing

Même si l’admettre leur est difficile, les gérants d’actifs responsables se heurtent parfois à un manque de crédibilité. Parmi les causes de cette défiance à leur égard figure l’idée qu’ils pourraient (et devraient)  se montrer plus transparents. Que font-ils, comment s’y prennent-ils et quels fondements président à leur action ?

C’est justement là que le greenwashing entre en jeu. Bien que cette notion fasse couler beaucoup d’encre, les exemples de greenwashing à l’échelle des entreprises restent relativement rares. Au sein du secteur financier, le problème repose principalement sur la nature subjective des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) et, par conséquent, du flou entourant la notion d’investissement durable.

Il s’agit d’une question épineuse à laquelle il convient d’apporter une réponse. Ce n’est pas sans raison que les régulateurs s’efforcent de faire évoluer la labellisation ainsi que la communication d’informations et de notation afin d’éviter que les investisseurs optent pour des fonds non conformes à leurs attentes. Néanmoins, l’attention que suscite le greenwashing est-elle à la mesure de l’ampleur du problème ? Si la plupart des articles à ce sujet traitent de la crainte de greenwashing, plutôt que de preuves concrètes de son existence, la réponse est « non ».

Alors, pourquoi ce sujet se retrouve-t-il autant sous le feu des projecteurs ? Est-ce simplement en raison de l’effort réglementaire visant à prévenir le risque de greenwashing ? Ou cette attention reflète-t-elle aussi le scepticisme généralisé et croissant vis-à-vis des affirmations des gestionnaires en matière durabilité ?

Cap sur la transparence

La transparence est un atout précieux. Or, les gérants d’actifs doivent admettre que le bilan du secteur en la matière laisse fort à désirer, ce qui a instillé une certaine méfiance. Alors que les problématiques durables façonnent désormais le paysage de l’investissement, les gérants d’actifs doivent faire preuve d’une plus grande ouverture dans leurs efforts en faveur d’un véritable changement. Cela implique de fournir des informations plus complètes aux investisseurs, mais aussi de remédier au décalage qui existe entre les gérants d’actifs responsables et les entreprises qu’ils détiennent en portefeuille.

À l’heure actuelle, la majorité des gérants d’actifs soucieux des enjeux durables attendent des entreprises dans lesquelles ils investissent qu’elles fassent preuve de transparence sur leur stratégie et leur politique ESG. Dans l’ensemble, la plupart d’entre elles subissent les pressions de leurs clients et d’autres parties prenantes les exhortant à communiquer leurs émissions de carbone, et reconnaissent que la marge de progression n’est pas négligeable sur ce volet. Cette impulsion favorise l’engagement.

Néanmoins, il existe une asymétrie pouvant faire obstacle à toute avancée supplémentaire. Si, par exemple, les entreprises ne fixent pas d’objectifs suffisamment ambitieux ou se refusent à intégrer les critères ESG dans leur politique de rémunération, les gérants d’actifs peuvent voter contre l’équipe dirigeante, voire se désengager.

Or le problème est le suivant : d’une manière générale, les gérants semblent avoir deux poids deux mesures. Aucune sanction équivalente n’est imposée en cas de non-réalisation des objectifs. Il s’agit d’un point problématique, étant donné que les investisseurs responsables sont souvent de grandes organisations qui pourvoient de nombreux emplois et affichent une empreinte carbone élevée.

Le changement ne peut plus attendre

La majorité des gérants d’actifs se sont engagés à œuvrer à la réduction des émissions de CO2 et à la réalisation d’autres objectifs liés à la durabilité. Par exemple, la Net Zero Asset Managers Initiative (NZAMI), qui vise à mobiliser le secteur financier en faveur de l’objectif de zéro émission nette, regroupe déjà plus de 300 organisations signataires.

Au titre de cet engagement, les gérants sont tenus de rendre compte de leurs actions et d’actualiser régulièrement leurs objectifs en la matière. Cette démarche garantit également la pleine mise en œuvre de l’actionnariat actif. Toutefois, aucune initiative ne peut à elle seule résorber le décalage entre les gérants d’actifs et les sociétés en portefeuille. Même s’ils s’en défendent, nombre de dirigeants d’entreprise doivent se demander pourquoi leur rémunération suscite révolte et indignation, alors que celles de leurs actionnaires restent relativement épargnées.

Pas de marge d’erreur

La transparence joue un rôle prépondérant à de nombreux égards. Si les gérants d’actifs exposent clairement leur volonté d’atteindre des objectifs spécifiques et rendent compte régulièrement de leurs avancées en matière d’ESG, la qualité de leur engagement n’en sera que renforcée. Par ailleurs, les sociétés en portefeuille n’auront d’autre choix que de tout mettre en œuvre pour répondre à ces exigences.

Et, il s’agit d’un point crucial, à l’heure où le doute sur la situation alarmante de notre monde n’est plus possible. Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat[1] (GIEC) expose l’étendue des transformations subies par la planète sous l’effet des émissions de gaz à effet de serre, avec une trajectoire de réchauffement appelée à franchir le seuil de 1,5 °C entériné dans l’accord de Paris.

Du côté des entreprises, il y a toutefois matière à se réjouir : malgré la flambée de l’inflation et la forte volatilité des marchés, la plupart d’entre elles n’ont pas abandonné leurs initiatives ESG. Aux États-Unis, bien que les préoccupations ESG n’aient pas bénéficié d’un écho favorable, une plus grande adhésion autour de ses valeurs et l’émergence de réglementations en la matière ont un effet positif sur le comportement des entreprises.

Il reste néanmoins beaucoup de chemin à parcourir. António Guterres, le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, a réagi au rapport du GIEC : « Notre monde a besoin d’une action climatique sur tous les fronts : tout, partout, en même temps ». En tant qu’entreprises, mais également dans leur rôle de gestionnaires de capitaux, les gérants d’actifs doivent entendre cet appel et mettre, de leur côté, tout en œuvre pour éviter la catastrophe climatique.

 

[1] IPCC_AR6_SYR_SPM.pdf


Nouveaux experts, nouvelles perspectives : macroéconomie, climat et biodiversité

Par Chris Iggo, CIO Core Investments, AXA Investment Managers

Le 1 er juin 2023

 

L’économie mondiale a dû affronter une inflation galopante, qui commence toutefois à s’atténuer. Les banques centrales se sont engagées à ramener l’inflation à des niveaux plus proches de leurs objectifs, et devraient y parvenir d’ici un an à 18 mois.

Cette inflation a reposé sur deux dynamiques principales : les chocs de prix et les tensions financières. Les premiers ont été provoqués par des ruptures d’approvisionnement, un contexte qui a eu un effet considérable sur l’inflation globale, mais devrait s’avérer temporaire. À l’avenir, il conviendra d’être attentif au marché du travail, en surveillant notamment une éventuelle surchauffe des salaires. Ce phénomène, qui évolue très lentement, peut finir par représenter une pression importante au fil du temps.

Tensions sur les banques

Les signes de surchauffe sont plus nombreux aux États-Unis que de l’autre côté de l’Atlantique, de sorte que la Réserve fédérale pourrait avoir plus de mal à faire passer l’inflation sous la barre des 3 %. En Europe, l’inflation a été principalement propulsée par le coût de l’énergie, mais les pressions inflationnistes sous-jacentes sont moins fortes.

En ce qui concerne les tensions financières, le risque de duration de certaines banques pose problème. Les actifs concernés ne présentent pas de risque particulier s’ils sont conservés jusqu’à l’échéance, mais il en irait tout autrement s’ils devaient être rapidement cédés sur le marché. Une éventuelle défiance des déposants menacerait incontestablement la solvabilité de certains acteurs. La seule façon pour les banques de contrer ce phénomène est d’augmenter les taux des dépôts sur le marché monétaire ou les comptes d’épargne, ce qui pourrait les contraindre à accorder des taux de rémunération plus élevés que le taux de rendement de leurs propres portefeuilles. Cela étant dit, les banques centrales disposent de nombreux outils pour résoudre les problèmes de liquidité sur les marchés bancaires.

Des changements en perspective

La vie dans le monde post-pandémie impose des évolutions majeures dans l’organisation des entreprises et des villes, synonymes de nombreux ajustements. De fait, la pandémie a forcé les gens à réfléchir au statut du travail dans leur vie. Parallèlement, les types d’emplois évoluent : par exemple, le passage aux voitures électriques entraînera une réaffectation de la main-d’œuvre dans le secteur de l’automobile. Par ailleurs, les investissements dans la transition verte sont voués à augmenter considérablement, grâce à des contributions publiques et privées.

Les politiques publiques alimentent ce mouvement, présenté comme une démarche responsable, mais aussi comme une nécessité dans l’optique de soutenir la productivité et la croissance économique. Toutefois, l’un des défis consiste à trouver un équilibre entre la tendance à la démondialisation et la nécessité de collaborer au niveau international pour lutter contre le changement climatique.

Accélérer le mouvement vers un monde « zéro émission nette »

Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) n’a guère surpris. L’organisme scientifique mandaté par les Nations unies s’est montré convaincu que les risques et les effets néfastes du changement climatique s’aggraveraient avec l’augmentation du réchauffement de la planète. Pour rester dans la limite de 1,5 °C, les émissions doivent être réduites d’au moins 43 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2019, et d’au moins 60 % d’ici 2035. Le réchauffement moyen de la planète est estimé à +1,1 °C, mais les données sur lesquelles repose ce chiffre sont anciennes et la hausse moyenne des températures est probablement plus proche de 1,2 °C, voire 1,3 °C[i].

Sur une note plus positive, le GIEC affirme que nous disposons cependant de toutes les technologies nécessaires pour lutter contre le changement climatique. Les chantiers déployés à grande échelle font leurs preuves dans un nombre croissant de domaines : énergie renouvelable, stockage de l’énergie, véhicules électriques (VE) et même hydrogène vert, une solution qui ouvre la voie vers l’ammoniac vert, l’acier vert, le transport maritime vert et plus encore.

La montée en puissance des nouvelles solutions est de plus en plus visible. Par exemple, l’utilisation de carburants durables pour les avions a dépassé les attentes, tandis que la technologie liée à la chimie des batteries améliore rapidement les performances.

En outre, la plupart des modèles de transition énergétique ne tiennent pas compte du phénomène de disruption. Ces modèles ignorent le potentiel de croissance exponentielle de certaines applications et utilisent des hypothèses prudentes concernant la généralisation des nouvelles technologies. Les technologies clés sont clairement identifiées : véhicules électriques, batteries, énergie solaire et éolienne, hydrogène et biocarburants. Au niveau mondial, les ventes de véhicules électriques connaissent une accélération foudroyante et la fin du moteur à combustion se profile à l’horizon.

Des progrès mais aussi des obstacles

En réalité, le progrès technologique n’est pas linéaire : grâce à la baisse des coûts, les technologies émettant peu, voire pas de carbone s’avèrent de plus en plus efficaces et gagnent des parts de marché. La lutte contre le changement climatique se caractérise ainsi par une confiance accrue dans les technologies d’atténuation et de décarbonation, malgré le risque croissant d’atteindre certains points de bascule non linéaires dans l’écosystème terrestre.

Dans cette lutte, les obstacles demeurent la volonté politique, le processus d’autorisation des technologies innovantes, les limites technologiques (sans cesse repoussées) et les infrastructures. Les besoins d’investissement sont considérables, ce qui pourrait amener les investisseurs privés à jouer un rôle encore plus important à l’avenir. Parmi les éléments encourageants, des initiatives politiques telles que la loi CHIPS et la loi sur la réduction de l’inflation aux États-Unis, ou encore le cadre NextGenerationEU de l’Union européenne, stimulent déjà une croissance significative des investissements et devraient continuer à le faire.

La biodiversité au centre des préoccupations

Ces dernières années ont été marquées par une prise de conscience rapide des risques associés au déclin accéléré de la biodiversité. Environ un million d’espèces sont, à l’horizon de quelques décennies pour nombre d’entre elles, menacées d’extinction. La cause principale de cette menace est le réchauffement climatique.[ii] Le rapport « Planète vivante 2022 » du Fonds mondial pour la nature a souligné que les populations mondiales d’espèces sauvages avaient chuté de 69 % en moyenne depuis 1970. Il est donc urgent d’agir si nous voulons inverser la tendance.[iii]

L’expansion croissante des terres agricoles est le principal facteur de déforestation et, par conséquent, de perte de biodiversité. Dans le secteur de la pêche, nous savons qu’environ deux tiers de toutes les espèces capturées sont soit surexploitées, soit pleinement exploitées.[iv] Si nous ne changeons pas nos habitudes de consommation, nous ne pourrons pas atteindre nos objectifs en matière de biodiversité.

Des répercussions sur l’humanité

Alors que le changement climatique et la perte de biodiversité sont étroitement liés, ces deux phénomènes résultent de l’activité humaine. Ils menacent à leur tour l’existence humaine en raison d’éléments tels que la déforestation, la pollution et l’épuisement des ressources en eau, ainsi que la dégradation des rendements agricoles et de la qualité des terres.

En l’absence de mesures ambitieuses, les études montrent que les catastrophes liées au climat pourraient se traduire par un doublement du nombre de personnes nécessitant une aide humanitaire, 200 millions d’humains étant susceptibles d’être concernés chaque année d’ici 2050.[v]

Ces chiffres font aujourd’hui bouger les lignes dans le monde économique. Les entreprises réagissent en identifiant les problèmes, en s’efforçant d’évaluer leur impact et en s’engageant auprès des investisseurs. Les enjeux sont cependant moins clairs que pour le changement climatique, qui se prête à des objectifs précis (intensité carbone), mais des initiatives telles que le Groupe de travail sur la publication d’informations financières relatives à la nature visent à fournir un cadre parallèle pour la communication d’informations sur les impacts en termes de biodiversité.

La COP15 de décembre dernier s’est concentrée sur les objectifs en matière de déforestation, d’empreinte de l’utilisation des sols et d’écosystèmes d’eau douce. Le secteur agricole, qui est l’un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre et qui impacte l’utilisation des terres et l’épuisement des ressources naturelles à tous les stades de la chaîne de valeur, est au centre des préoccupations. Ces efforts changent véritablement la donne, car nous disposons désormais de données macroéconomiques qui peuvent contribuer à préserver et à restaurer la biodiversité et la nature. Mais la question est de savoir comment utiliser au mieux ces données, notamment au niveau des secteurs ou des entreprises.

En tant qu’investisseurs, il convient d’identifier les meilleures pratiques à tous les stades de la chaîne de valeur et soutenir les technologies et innovations, substituts de protéines, alternatives aux pesticides, énergies et transports verts, emballages durables, qui répondent aux objectifs de conservation de la biodiversité.

[i] Le GIEC vient de publier une synthèse de 5 années de rapports ; voici ce qu’il faut savoir – Les champions de l’action climatique (unfccc.int) / https://www.ipcc.ch/

[ii] Communiqué de presse : La nature victime d’un déclin sans précédent ; l’extinction des espèces s’accélère | IPBES secretariat

[iii] Rapport « Planète vivante 2022 » | WWF (panda.org)

[iv] Diminution des ressources halieutiques | WWF (panda.org)

[v] HCR de l’ONU – « Le changement climatique, qui est la grande crise de notre époque, affecte particulièrement les personnes déplacées » / Le coût de l’inaction – Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (ifrc.org)

 

 

 

 


À quoi faut-il s’attendre après le boom du commerce électronique ?

Par Jeremy Gleeson, Gérant de portefeuille Actions chez AXA IM

Le 14 avril 2023

 

Les dépenses des consommateurs ne cessent de se numériser depuis plusieurs dizaines d’années. Il est certain que les choses ont beaucoup évolué depuis le lancement du Boston Computer Exchange en 1982 et les débuts de Book Stacks Unlimited dix ans plus tard. Aujourd’hui, le commerce électronique est omniprésent et les consommateurs dépensent chaque année des milliers de milliards de dollars en ligne[1].

 

Bien qu’il se soit développé au cours des décennies qui ont précédé le Covid-19, le secteur du commerce électronique a connu un véritable boom durant la pandémie mondiale, progressant à un rythme radicalement différent. À partir du moment où les gens sont restés cloîtrés chez eux, les ventes en ligne ont explosé. Maintenant que le pire de la pandémie est passé, la question est de savoir si l’essor du commerce électronique va se poursuivre ou, au contraire, se tasser.

 

Le commerce électronique dans un monde pré et post-pandémie

L’apparition du commerce électronique, sous la forme que nous lui connaissons aujourd’hui, remonte à de nombreuses années (Amazon a ouvert ses portes virtuelles en 1995) et sa présence était déjà bien établie avant que ne frappe la pandémie mondiale. Entre 2015 et 2019, la part du commerce électronique dans le total des ventes au détail réalisées aux États-Unis a augmenté en moyenne de 1,4 % en glissement annuel[2], ce qui semble logique.

 

Pourquoi ? Parce que le commerce électronique, dans sa forme la plus aboutie, produit un résultat mutuellement bénéfique pour le consommateur et le détaillant. Les acheteurs apprécient la facilité que procurent les plateformes de vente en ligne et la possibilité d’effectuer leurs recherches en un seul endroit, tout en restant confortablement installés chez eux et au moment qui leur convient le mieux, même en dehors des horaires d’ouverture habituels des magasins. De leur côté, les détaillants misent souvent sur le commerce électronique pour conquérir des marchés à l’étranger, réduire leurs cycles de vente B2B, collecter des données concernant leurs clients, se développer et faire des économies.

 

Par conséquent, bien que le commerce électronique se soit imposé avant la pandémie de Covid-19, il n’est pas surprenant qu’il ait atteint des sommets encore plus élevés par la suite. Alors que de nombreux magasins physiques ont mis la clé sous la porte en 2020, un nombre croissant de consommateurs ont opté pour Internet pour faire leurs achats. Les grandes enseignes comme Target, Walmart et Amazon ont même gagné en popularité aux premiers jours de la pandémie, s’imposant comme des points de vente incontournables permettant aux clients d’acheter en toute simplicité toutes sortes d’articles.

 

Les grands distributeurs, pour la plupart en ligne, se sont retrouvés dans une situation unique leur permettant de répondre à l’essentiel des besoins de leurs clients. Contrairement aux petits détaillants disposant de ressources plus limitées, les poids lourds du secteur étaient mieux armés pour faire face au chaos régnant dans les chaînes d’approvisionnement, contourner les difficultés de livraison et pallier les ruptures de stock.

 

Dans ce contexte, la croissance du commerce électronique en glissement annuel a plus que triplé durant la pandémie, passant de 1,4 % à 4,6 % en 2020[3]. Alors qu’elles représentaient 15 % du total des ventes au détail à l’échelle mondiale en 2019, les ventes en ligne ont atteint 21 % en 2021[4]. Depuis la pandémie, le commerce électronique a maintenu un rythme de croissance deux à trois fois supérieur à celui observé avant le Covid-19, les ventes en ligne étant désormais estimées à 6 500 milliards USD en 2023[5].

 

Une évolution récente plus nuancée

 

Cela étant, l’évolution plus récente du commerce électronique fait apparaître un tableau différent. On observe en effet depuis quelques mois un ralentissement de la croissance de ce secteur par rapport à l’explosion initiale des achats en ligne consécutive au Covid. Aux États-Unis, la croissance des ventes en ligne a fortement chuté, passant de 54,4 % au deuxième trimestre 2020 à 15,4 %[6] au deuxième trimestre 2021. Après ce recul de 40 %, la croissance du commerce électronique a continué à ralentir, quoique de manière moins spectaculaire, entre le deuxième trimestre 2021 et le deuxième trimestre 2022, passant de 15,4 % à 7,3 %.

 

Cette période de ralentissement général des dépenses en ligne est marquée par des variations importantes d’un secteur à l’autre. La croissance du commerce électronique s’est maintenue dans des secteurs comme la santé, l’hôtellerie et certaines catégories du commerce de détail, dont l’électronique, l’habillement et les grands magasins[7]. En outre, au troisième trimestre 2022, la croissance globale du commerce électronique a rebondi pour passer de 7,3 % à 10,8 % et a augmenté d’environ 250 milliards de dollars au troisième trimestre 2022, en partie sous l’effet du déplacement par Amazon de ses ventes Prime Day de juin à juillet[8].

 

La croissance et la pénétration du commerce électronique devraient s’intensifier dans un avenir proche. D’après les experts, la pénétration du commerce électronique aux États-Unis représentera entre 26 % (scénario de référence) et 28 % (scénario optimiste) du total des ventes au détail d’ici à 2024, soit une progression notable par rapport aux estimations de 25 % avant la pandémie.

 

 

Commerce électronique et économie numérique

 

Les investisseurs responsables qui partagent un intérêt pour le commerce électronique durable peuvent envisager de cibler les opportunités que présente l’économie numérique. Concrètement, l’économie numérique fait référence à la manière dont les transformations numériques ont redéfini les activités économiques traditionnelles comme les dépenses de consommation et les échanges B2B.

 

L’avènement et l’adoption d’une multitude de technologies, ainsi que l’influence d’une génération plus jeune et plus technophile, ont conféré à l’économie numérique une plus grande visibilité auprès des investisseurs. Grâce à Internet, au World Wide Web, aux passerelles et processeurs de paiement sécurisés et à d’autres technologies, l’achat en magasin n’est plus l’unique option qui s’offre aux consommateurs. Fondamentalement, l’économie numérique vise à créer des connexions en ligne pertinentes entre les personnes, les équipements, les données et les organisations ou entreprises. Le commerce électronique constitue tout simplement l’une des facettes les plus visibles et les plus fréquemment employées de l’économie numérique à l’heure actuelle.

 

Et pour les investisseurs ?

 

Alors que l’économie numérique continue de se muer en composante incontournable du monde actuel, les investisseurs commencent à y prêter attention et ce, à juste titre. Portée par deux puissants moteurs à long terme, à savoir l’évolution démographique et celle des technologies, l’économie numérique peut offrir des opportunités intéressantes aux investisseurs tournés vers le long terme.

 

En effet, les profils des clients et les caractéristiques démographiques des consommateurs évoluent. Les jeunes générations, rompues aux nouvelles technologies, vont entrer progressivement dans la vie active et disposer d’un plus grand pouvoir d’achat. Dès lors, une part plus importante de leurs dépenses se fera en ligne. Compte tenu de ces tendances démographiques de long terme, les investisseurs qui misent aujourd’hui sur l’économie numérique et le commerce électronique ont toutes les chances d’en récolter les fruits à terme.

 

D’autre part, les progrès technologiques vont continuer à soutenir le commerce en ligne. Les téléphones portables sont devenus très puissants, tandis que les réseaux haut débit se sont perfectionnés. Ils sont désormais plus intelligents et plus facilement accessibles, rendant ainsi les achats en ligne plus transparents et plus aisés. Une corrélation significative conforte cet optimisme : à mesure que les méthodes de paiement et les systèmes de sécurité s’améliorent, la confiance des consommateurs envers les modes de paiement en ligne se renforce, une tendance qui pourrait se maintenir.

Investir dans les prochaines étapes du commerce électronique

 

En cette année 2023, les investisseurs commencent à se préoccuper de l’avenir du commerce électronique.

 

Sa croissance retrouvera-t-elle les sommets atteints au plus fort de la pandémie ? Bien que ces niveaux records soient peu susceptibles d’être atteints à nouveau, les volumes de vente en ligne continueront vraisemblablement à croître dans les années à venir. D’une part, compte tenu des circonstances entourant la pandémie mondiale, les récentes comparaisons de croissance en glissement annuel relatives au commerce électronique ne sont pas très probantes. Après une longue période de confinement privant les consommateurs de toute possibilité d’achat en magasin, les économies ont rouvert. Alors que certains consommateurs ont renoué avec les joies de l’achat physique traditionnel, le commerce électronique a poursuivi sa croissance au lendemain de la pandémie, mais à un rythme moins soutenu.

 

Pour une partie des consommateurs, le retour à la normale s’est traduit par un retour à des habitudes de consommation considérées comme normales avant l’apparition du Covid. En d’autres termes, certaines personnes préfèrent essayer avant d’acheter un vêtement, d’autres aiment se rendre au centre commercial en famille ou entre amis, et d’autres encore aiment fréquenter les cafés et les restaurants de leur quartier. Que faut-il en conclure ? Qu’il y aura toujours des consommateurs qui préféreront vivre, physiquement et socialement, des expériences qu’Internet, du moins jusqu’à présent, peine à reproduire.

 

Pourtant, rien ne permet d’affirmer que la croissance à long terme du commerce électronique est enrayée. Certains consommateurs en quête d’une expérience d’achat physique retourneront sans doute dans les magasins traditionnels, mais l’achat en ligne recèle de nombreux atouts pour le consommateur et ne devrait pas disparaître de sitôt. À l’avenir, il est probable que les détaillants se montreront prudents et investiront dans leurs stratégies numériques, s’ils ne l’ont pas déjà fait, et qu’ils mettront l’accent sur les technologies susceptibles d’améliorer l’expérience client lors d’un achat en ligne.  Compte tenu de ces moteurs de croissance stables et à long terme (comme l’évolution démographique et l’adoption croissante des technologies de pointe), les investisseurs ont tout intérêt à prêter attention aux développements significatifs et à être prêts à saisir les opportunités inexploitées que recèle l’économie numérique.

 

Il y a au sein de l’économie numérique des opportunités potentielles liées à différents aspects du commerce électronique, de l’exécution des commandes à la logistique en passant par la publicité numérique, les paiements sécurisés et bien d’autres encore. En misant sur des entreprises de croissance internationales qui contribuent de manière mesurable à la chaîne de valeur globale de l’économie numérique, les investisseurs sont susceptibles de générer de la valeur à long terme dans l’univers du commerce électronique et de l’économie numérique au sens large.

 

[1] Statista (28/11/2022) : E-commerce worldwide – statistics & facts

[2] McKinsey & Company (05/03/2021) : How e-commerce share of retail soared across the globe: A look at eight countries

[3] McKinsey & Company (05/03/2021) : How e-commerce share of retail soared across the globe: A look at eight countries

[4] Morgan Stanley (14/06/2022) : Here’s Why E-Commerce Growth Can Stay Stronger for Longer

[5] Shopify (24/11/2022) : Global Ecommerce Explained: Stats and Trends to Watch

[6] Digital Commerce 360 (17/02/2023) : US ecommerce Q4 sales hit record high

[7] Fonds monétaire international (17/03/2022) : Pandemic’s E-commerce Surge Proves Less Persistent, More Varied

[8] Digital Commerce 360 (17/02/2023) : US ecommerce Q4 sales hit record high


Les semi-conducteurs, véritable enjeu géopolitique : Quelles conséquences pour les investisseurs ?

Chris Iggo, Chief Investment Officer, AXA IM Core

Tom Riley, Responsable des stratégies actions thématiques, AXA IM Core

 Le 21 mars 2023

Le secteur des semi-conducteurs a été qualifié de « nouvel or noir », reflétant son importance mondiale et son utilisation en tant que levier politique. Selon une estimation, le chiffre d’affaires du secteur des puces électroniques pourrait atteindre 1.000 milliards de dollars d’ici la fin de la décennie dans la mesure où les moteurs de demande structurelle étayent la croissance. Le contexte géopolitique demeure instable, mais les changements technologiques, les mesures politiques et la demande des consommateurs continueront de favoriser le secteur

 

Nouvel or noir stratégique

 

Souvent qualifiés de « nouvel or noir », les semi-conducteurs sont des composants essentiels des objets de la vie quotidienne, du smartphone au réfrigérateur en passant par la robotique et les systèmes industriels avancés. Ils occupent également une place centrale dans les technologies visant à lutter contre le changement climatique, comme les véhicules électriques et les énergies renouvelables.

 

Pour les pays qui sont à l’avant-garde en matière de conception et de fabrication des semi-conducteurs, ces derniers revêtent une importance économique évidente. Toutefois, ils représentent également un enjeu politique mondial, comme en témoignent les récentes mesures prises par les États-Unis pour limiter les exportations de semi-conducteurs et de matériel de fabrication de pointe vers la Chine.[1]

Le marché mondial des semi-conducteurs a affiché un chiffre d’affaires de 600 milliards de dollars en 2021. Selon une étude de McKinsey, son taux de croissance annuel devrait se situer entre 6 et 8 % jusqu’en 2030, ce qui signifie que le secteur pourrait peser 1.000 milliards de dollars d’ici la fin de la décennie.[2]

 

Le poids des pénuries

 

L’importance des puces électroniques a été mise en évidence par les pénuries observées ces dernières années dans les chaînes d’approvisionnement. Bien qu’elles aient été essentiellement provoquées par la pandémie de Covid-19 qui s’est traduite par des fermetures d’usines et des restrictions en matière d’achats et de déplacements, d’autres facteurs, dont les tempêtes hivernales au Texas et le blocage du canal de Suez en 2021, ont également contribué à ces récentes pénuries mondiales de semi-conducteurs.[3]

 

Selon une estimation, le manque à gagner qui en résulte s’élève à plus de 500 milliards de dollars dans le monde entier pour les secteurs qui utilisent des microprocesseurs, et à plus de 210 milliards de dollars en 2021 pour le seul secteur automobile.[4]

Actuellement, les États-Unis dominent le secteur de la conception des puces électroniques, mais ne représentent que 12 % de la fabrication mondiale de semi-conducteurs.[5] Les capacités mondiales de production de puces sont concentrées aux trois quarts en Asie de l’Est. TSMC (Taïwan) et Samsung (Corée du Sud) figurent parmi les principaux acteurs et sont spécialisés dans les puces les plus avancées.[6] [7] La Chine a exprimé sa volonté d’accroître considérablement ses capacités de fabrication de semi-conducteurs au cours des dix prochaines années. Toutefois, sa capacité à acquérir les équipements nécessaires à la fabrication de ces puces pourrait être compromise par les mesures prises par les États-Unis en vue de limiter les exportations de ces technologies.

 

Un écosystème complexe

 

Les semi-conducteurs ont été baptisés « nouvel or noir » en raison de leur importance stratégique en tant que ressource vitale et de la répartition inégale des capacités de conception et de fabrication au niveau mondial. Mais il s’agit d’un écosystème complexe, qui va des logiciels à la fabrication de galettes de silicium (qui servent de base aux puces) et d’autres composants, jusqu’à l’usine appelée « fab » qui associe conception et composants pour fabriquer les puces elles-mêmes.

 

Les pays privilégient de plus en plus les partenariats pour réunir les acteurs clés de cet écosystème. Les États-Unis ont, par exemple, proposé une alliance dite « Chip 4 » avec la Corée du Sud, le Japon et Taïwan.[8] [9] Le rapprochement de pays présentant des avantages comparatifs peut renforcer les chaînes d’approvisionnement, mais il est certain que des alliances politiques sont également en jeu.

 

Face à la montée des tensions géopolitiques, les États cherchent non seulement à consolider leurs chaînes d’approvisionnement pour éviter d’éventuelles perturbations logistiques, mais aussi à protéger leurs intérêts nationaux. Certains craignent, par exemple, que les tensions militaires avec la Chine au sujet de Taïwan ne coupent une partie de l’approvisionnement mondial en puces électroniques.

 

Une priorité stratégique et géopolitique

 

Les États-Unis, l’Union européenne, la Chine, la Corée du Sud et le Japon figurent parmi les acteurs qui ont annoncé soutenir leurs propres secteurs de production de semi-conducteurs ces dernières années, dans un contexte où les régions et les pays jouent des coudes pour maintenir ou renforcer leur position sur ce marché.

 

Le Paquet législatif européen de 2022 sur les semi-conducteurs, qui vise à « remédier aux pénuries de semi-conducteurs et à renforcer l’avance technologique de l’Europe », entend mobiliser plus de 43 milliards d’euros d’investissements publics et privés.[10] L’initiative chinoise Made in China 2025 a érigé les puces électroniques en priorité. En 2021, l’Inde a adopté un plan d’incitation de 10 milliards de dollars visant à attirer les fabricants de semi-conducteurs sur son territoire.[11]

Mais les pouvoirs publics ne se contentent plus de proposer des mesures d’incitation aux entreprises ou d’investir dans la formation des travailleurs. Ils s’aventurent désormais sur le terrain géopolitique.

 

En août, le président américain Joe Biden a promulgué un projet de loi baptisé CHIPS, acronyme de « Creating Helpful Incentives to Produce Semiconductors » (créer des mesures d’incitation utiles à la production de semi-conducteurs). Le CHIPS and Science Act 2022 prévoit 52,7 milliards de dollars de nouveaux financements pour stimuler la recherche et la fabrication de semi-conducteurs aux États-Unis. Il vise à « renforcer l’industrie manufacturière américaine, les chaînes d’approvisionnement et la sécurité nationale » et à aider les États-Unis à « rester compétitifs et à s’imposer à l’avenir ».[12] Ce soutien financier est cependant assorti d’une condition, à savoir « que les bénéficiaires ne construisent pas certaines installations en Chine et dans d’autres pays suscitant des inquiétudes ».

 

Cette initiative a été suivie, en octobre, d’une vague de contrôles des exportations de semi-conducteurs avancés et de pièces destinées à la fabrication des semi-conducteurs. Ces nouvelles mesures exigeaient des entreprises qu’elles sollicitent de nouvelles licences pour exporter certains articles vers la Chine, y compris ceux destinés à être utilisés dans les superordinateurs, des mesures susceptibles de fortement désavantager l’industrie chinoise des puces électroniques[13]. Cette situation engendre des conséquences sur le secteur des semi-conducteurs à l’échelle mondiale et sur les investisseurs dans cet univers.

 

 

Incertitude à court terme mais gain à plus long terme ?

 

À court terme, certaines entreprises américaines pourraient voir leurs ventes baisser, mais elles évoluent dans cet environnement depuis déjà un certain temps. La guerre commerciale sino-américaine qui a précédé la pandémie avait déjà entraîné la mise en place de diverses restrictions, comme l’interdiction pour l’entreprise de télécommunications chinoise Huawei d’acheter des puces fabriquées à partir de technologies américaines.[14]

 

À plus long terme, les restrictions imposées par les États-Unis pourraient peser sur la capacité de la Chine à développer des technologies de pointe dans le domaine des semi-conducteurs. Cette situation pourrait se traduire par l’émergence d’un environnement concurrentiel plus favorable pour les entreprises de semi-conducteurs situées en dehors de la Chine, par exemple aux États-Unis et en Europe. D’autres mesures de soutien de la part des pouvoirs publics, comme le Paquet législatif européen sur les semi-conducteurs, devraient également être bénéfiques pour le secteur.

 

Plus généralement, les perspectives de croissance du secteur des semi-conducteurs restent solides en raison des moteurs de croissance structurelle des industries dans lesquelles ils sont utilisés, de la robotique à l’automatisation des usines en passant par les véhicules électriques.

Si l’on prend l’exemple de l’automobile, le contenu en semi-conducteurs d’un véhicule moyen à moteur thermique représentait 500 dollars en 2021 contre environ 1.000 dollars pour les véhicules électriques (VE), chiffre qui devrait atteindre 1.500 dollars pour les VE d’ici 2027.[15]

Les ventes globales de semi-conducteurs sur le marché de l’automobile devraient augmenter avec l’adoption croissante des véhicules électriques. À la mi-2022, les véhicules électriques représentaient 12,4 % du marché mondial de l’automobile. Leur pénétration devrait atteindre environ 30 % d’ici à 2027.[16]

 

On observe depuis peu une certaine faiblesse des ventes de semi-conducteurs destinés à l’électronique grand public, comme les smartphones et les ordinateurs individuels, dans un contexte de forte inflation et d’incertitude macroéconomique.

 

Pour l’heure, la demande de puces associées à l’automobile, à l’industrie et aux centres de données semble rester soutenue. Toutefois, les cours des actions des fabricants de semi-conducteurs se sont tassés sous l’effet d’un ralentissement général anticipé.

 

Ce repli a rendu les valorisations de certains titres du secteur des semi-conducteurs plus attrayantes et, malgré un environnement macroéconomique difficile, notamment en raison de l’inflation, les entreprises de ce secteur seront en mesure de répercuter une grande partie de ces coûts sur leurs clients.

 

Les bouleversements technologiques continus qui ont un impact sur le marché des semi-conducteurs, comme la demande suscitée par les véhicules électriques et les centres de données, ainsi que les développements continus en matière de connectivité comme la 5G, devraient continuer à soutenir la croissance de cet important marché.

Face à l’imbrication croissante de la politique et de la technologie, les investisseurs actifs ont tout intérêt à suivre de près le contexte géopolitique. Toutefois, ce sera essentiellement la demande, portée par la numérisation continue de l’économie mondiale, plutôt que la politique qui déterminera la voie à suivre et stimulera la croissance du secteur des semi-conducteurs.

 

                       

Les entreprises évoquées ne le sont qu’à titre d’illustration et leur mention ne doit pas être considérée comme une recommandation d’investissement.

 

 

 

 

Avertissement

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[1] U.S. aims to hobble China’s chip industry with sweeping new export rules | Reuters

[2] The semiconductor decade: A trillion-dollar industry | McKinsey

[3] La pénurie mondiale n’empêchera pas la croissance du secteur des semi-conducteurs | AXA IM UK (axa-im.co.uk)

[4] 2022 Semiconductor Industry Outlook | Deloitte US

[5] 2021-SIA-State-of-the-Industry-Report.pdf (semiconductors.org)

[6] In charts: Asia’s manufacturing dominance | Financial Times (ft.com)

[7] Les entreprises évoquées ne le sont qu’à titre d’illustration et leur mention ne doit pas être considérée comme une recommandation d’investissement

[8] Quad leaders summit: US, India, Japan, Australia statement on Indo-Pacific (cnbc.com)

[9] Preliminary ‘Chip 4’ meeting expected next week as China monitors – Asia News NetworkAsia News Network

[10] Paquet législatif sur les semi-conducteurs | Commission européenne (europa.eu)

[11] India outlines $10 bln plan to woo global chip makers | Reuters

[12] FACT SHEET: CHIPS and Science Act Will Lower Costs, Create Jobs, Strengthen Supply Chains, and Counter China | The White House

[13] U.S. aims to hobble China’s chip industry with sweeping new export rules | Reuters

[14] Trump’s China tech war backfires on automakers as chips run short | Reuters

[15] Présentation de la division Automobile, Infineon, octobre 2022

[16] Présentation de la division Automobile, Infineon, octobre 2022


Les gagnants et les perdants de 2023 : Quelles classes d’actifs privilégier ?

Par Mathieu L’Hoir, responsable de la gestion institutionnelle multi classes d’actifs chez AXA IM

Le 14 février 2023

 

En 2022, il n’y avait nulle part où se cacher. L’année de tous les records a été marquée par une vague de réduction du risque massive ainsi qu’un krach obligataire historique. On aborde 2023 avec un optimisme prudent et on privilégie les obligations sur la première partie de l’année, avant de revenir sur les actions lorsque les anticipations de bénéfices reflèteront le risque de récession.  Analysons les classes d’actifs à potentiel en 2023 et celles avec un potentiel limité.

 

Ce qu’il faut retenir de 2022, pour bien aborder 2023

 

En 2022, nous avons vécu des moments historiques. Ce fut notamment la pire année sur le marché obligataire depuis des décennies, à l’instar les bons du Trésor américains à 10 ans qui, à fin juin, connaissaient leur plus forte baisse sur un semestre depuis la fin du XVIIIᵉ siècle1. Autre surprise, nous sommes passés d’un montant de dette en taux négatif sur les marchés équivalent à 18 trillions de dollars en juillet 2021 à… plus aucune dette à taux négatif début janvier 2023. Un revirement de situation brutal.

 

 

 

 

Coté actions, le premier semestre 2022 a été l’un des pires premiers semestres jamais enregistrés sur les marchés financiers depuis des décennies, à l’instar du S&P 500 qui enregistrait ses pires performances depuis 1962. Les actions ont souffert en 2022, avec beaucoup de dispersion sectorielle et géographique, notamment la Tech et plus largement la gestion de croissance. Toutefois, phénomène rare, l’Europe fait, en relatif, nettement mieux que les Etats-Unis.

 

2022 fut également l’année d’un changement de paradigme majeur, avec une forte corrélation entre les différentes classes d’actifs et une inflation historiquement élevée.

Dans le tableau ci-dessous, souvent utilisé pour illustrer les bienfaits de la diversification, on peut voir que les classes d’actifs affichent des performances très variables sur les différentes années, mais en 2022, elles évoluent globalement toutes dans le même sens, à l’exception des matières premières.

 

 

 

Source : AXA IM au 31 décembre 2022

 

En 2023, la situation devrait être très différente en raison (i) de la fin du cycle de remontée des taux attendu dans la première partie de l’année aux Etats-Unis et en milieu d’année en Europe ; et (ii) de la récession légère attendue des deux côtés de l’Atlantique. Cet environnement sera sans doute propice à de fortes décorrélations, et donc au retour des bienfaits de la diversification dans les portefeuilles multi classes d’actifs, et aussi l’occasion pour les gérants actifs de faire la différence sur la sélection de valeurs.

 

 

 

 

Source : Deutsche Bank

 

Pour la première partie de 2023, on peut privilégier les actions et la dette émergentes, le crédit à duration courte et au sein des devises, le yen.

 

Le vent pourrait vite tourner au cours de l’année, et les investisseurs seront sans doute amenés à faire évoluer l’allocation mise en place aujourd’hui sur le premier trimestre de l’année, avec potentiellement une inversion de tendance entre le deuxième trimestre et le second semestre.

 

 

Les actions et la dette émergentes

 

On s’attend à plus de résilience de la croissance dans les pays émergents. La fin de la politique zéro covid et le redémarrage massif de l’économie chinoise devraient alimenter la croissance mondiale. Aussi, le choc inflationniste est relativement moins fort dans les pays émergents que dans les pays développés car qui ils affichent de facto une inflation structurellement plus élevée. Aussi, on peut penser que l’inflation devrait baisser et se situer en-dessous de la cible à la fin de l’année 2023 dans un certain nombre de pays. A ce titre, les banques centrales émergentes ont remonté leurs taux avec une longueur d’avance sur celles des pays développés, et certaines pourraient même commencer à baisser leur taux cette année. Par ailleurs, les niveaux de valorisations sont particulièrement attractifs.

Enfin, la perspective d’affaiblissement du dollar devrait permettre aux pays émergents qui empruntent en dollar de rembourser leurs dettes avec un coût moindre.

 

Le crédit à duration courte

 

Deux composantes expliquent les vues favorables sur cette classe d’actifs. Le portage, qui correspond au rendement brut d’une obligation, et le prix. A l’heure d’écrire ces lignes, le portage se situe autour de 6,5% sur le crédit à haut rendement et 3% sur le crédit investment grade 5 ans en euro. L’avantage de la duration courte réside dans sa moindre sensibilité du cours de l’obligation aux évolutions des taux. Malgré la récession vers laquelle nous nous dirigeons, l’augmentation probable des taux de défaut ne constitue pas un frein à la classe d’actifs. En effet, cette hausse attendue est déjà reflétée dans le niveau des spreads de crédit et le portage corrigé des défauts restera intéressant.

 

Le yen japonais

 

La banque du Japon reste la dernière grande banque centrale des économies développées à ne pas avoir augmenté ses taux d’intérêt. Cette divergence par rapport aux autres banques centrales a fortement pesé sur le yen qui a atteint des niveaux de valorisation extrêmes en octobre dernier, avec un plus bas depuis 1990 face au dollar. C’est de nature à changer cette année. L’inflation accélère au Japon et surprend à la hausse, ce qui devrait amener la Banque du Japon à sortir de son isolement et à graduellement durcir sa politique monétaire, d’autant que l’emblématique gouverneur de la Banque du Japon, Kuroda-san, passera la main cette année.

 

Les actions américaines

 

Les actions trouvent généralement leur point bas au cours de la récession. Pas au début, pas à la fin, mais pendant la récession (graphique ci-dessous). Aussi, elles n’atteignent pas leur point bas avant la dernière hausse de taux de la FED. A ce jour, ces deux conditions ne sont pas encore vérifiées alors que les Etats-Unis ne sont pas encore entrés en récession, d’autant que l’inflation reste difficile à juguler. Le point bas est à venir, en toute vraisemblance, dans les prochains mois.

 

 

Source : Deutsche Bank

 

On estime que le marché américain reste cher et il faudrait que les niveaux de valorisation baissent davantage pour devenir attractifs. Les bénéficies vont aussi devoir s’ajuster à la baisse à l’aube de la récession. A ce jour, les anticipations de bénéfices sur 2023 ont été revues à la baisse, mais les bénéfices des entreprises n’ont pas encore reculé.

 

Le dollar

 

Sensible aux évolutions de taux, le dollar devrait s’affaiblir en 2023. En effet, nous nous approchons du moment où la FED va arrêter de monter ses taux directeurs (premier pivot), alors que le Banque Centrale Européenne devrait continuer à les remonter plus longtemps, favorisant ainsi l’euro. Par ailleurs, les Etats-Unis devraient rentrer en récession au moment où l’Europe pourrait aller mieux, aidée notamment par la réouverture de l’économie chinoise et la modération des prix des matières premières. De plus, le billet vert paraît cher aujourd’hui.

 

Consultez aussi le corner Marchés

           

 

 

 

Sources

1 AXA IM, décembre 2022

2 Bloomberg, 17 janvier 2023

 

 

 


Les entreprises devraient-elles agir davantage pour atténuer la hausse du coût de la vie ?

Hans Stoter, Global Head of AXA IM Core, AXA Investment Managers

Le 24 Janvier 2023

 

La crise du coût de la vie ne semble pas près de s’atténuer. L’inflation se maintient à un niveau inconfortable et continue de surprendre à la hausse. La pénurie d’énergie persiste de manière alarmante alors que les pays de l’OPEP+ sont bien décidés à maintenir les prix du pétrole à un niveau élevé tout en réduisant leur production.

 

Sur les marchés domestiques de l’énergie, les pouvoirs publics sont intervenus pour protéger les consommateurs contre certaines des conséquences de la hausse des prix en prenant des mesures telles que le plafonnement des coûts unitaires de l’énergie et la nationalisation des énergéticiens, comme EDF en France, par exemple.

 

Préserver les marges

 

Le cas de l’énergie est toutefois exceptionnel. Les États sont intervenus car les entreprises du secteur de l’énergie jouissent d’une demande irrépressible qui leur permet de répercuter la hausse des coûts de gros sur le consommateur. Protéger les ménages contre ce comportement monopolistique est devenu une priorité nationale. Pourtant, de nombreuses entreprises extérieures au secteur de l’énergie continuent de répercuter la hausse des coûts pour préserver leurs marges, contribuant ainsi à l’environnement inflationniste et accentuant le préjudice social subi par les personnes les plus touchées. Nul ne souhaite voir les gens peiner à acheter des produits alimentaires ou à se procurer d’autres articles ou services de première nécessité, mais les chefs d’entreprise savent qu’une baisse des marges entraîne une baisse des bénéfices et, inévitablement, une baisse du cours de l’action.

 

Alors pourquoi ne pas envisager, à l’instar des prêteurs immobiliers qui font preuve d’indulgence à l’égard des emprunteurs en période d’adversité économique, une démarche plus souple à l’égard des entreprises soucieuses d’adopter une approche plus sociale ? Privilégier les enjeux sociaux pourrait se révéler plus avantageux pour la société en faisant baisser l’inflation plus rapidement et en accélérant l’émergence d’un contexte économique plus stable et normalisé.

 

Passer à l’action

 

Si les entreprises étaient libres d’agir de manière socialement responsable et y étaient incitées, que pourraient-elles faire ? Les postes les plus importants dans le budget des ménages sont ceux qui répondent aux besoins fondamentaux, à savoir l’énergie, le logement et l’alimentation. Si les autorités sont intervenues pour atténuer les tensions dans le premier secteur, c’est dans le dernier, l’alimentation, que des mesures efficaces pourraient être prises assez rapidement.

 

Les supermarchés pourraient s’investir davantage en procédant à un subventionnement des produits de base et des articles essentiels afin de venir en aide à leurs clients les plus vulnérables. Certains supermarchés ont déjà gelé ou baissé leurs prix dans certains pays. Mais, face à l’ampleur du problème que pose l’inflation, ne pourraient-ils pas aller plus loin et consentir à enregistrer des pertes sur certains produits de base (le lait et le pain, par exemple) afin d’aider les plus démunis à joindre les deux bouts ?

 

De nombreux supermarchés comptent une clientèle plus privilégiée qui reste disposée à maintenir son niveau de dépenses pour des produits relativement coûteux comme le vin et les produits alimentaires plus « haut de gamme ». Les bénéfices réalisés sur ces articles pourraient venir compenser le coût lié au subventionnement des prix dans d’autres catégories.

 

Cette démarche peut ne pas être entièrement altruiste. De telles mesures sont susceptibles non seulement de susciter une plus grande fidélité de la part des clients, mais aussi de renforcer la réputation de l’entreprise et d’accroître sa part de marché à long terme.

 

Risque de comportement irresponsable

 

Malheureusement, certaines entreprises semblent invoquer l’inflation pour justifier des prix exorbitants ou adopter un comportement visant à préserver les marges sans se soucier du risque de réaction du consommateur. Dans la mesure où le consommateur pourrait finir par se rebeller contre cette pratique (et contre le professionnel qui y recourt), il serait, à long terme, économiquement judicieux pour les entreprises de résister à la tentation de s’y adonner. Pourtant, cette tendance semble se développer.

 

En outre, les entreprises qui considèrent l’inflation comme un moyen opportun de réaliser des bénéfices hors normes pourraient risquer bien plus qu’une simple entaille à leur réputation et à leur santé économique à long terme. Certains secteurs monopolistiques, comme les télécommunications, se sont déjà retrouvés dans le collimateur des autorités de réglementation par le passé et risquent de renouveler l’expérience. Certains opérateurs de téléphonie mobile britanniques comptent introduire prochainement des hausses de prix égales au taux d’inflation (qui se situe actuellement autour de 10 % selon l’indice des prix à la consommation) majoré de près de 4 %. Rien ne justifie une hausse de 14 % du coût de transmission des données au motif que l’inflation globale est de 10 %. En termes de réputation, le risque pour les entreprises est manifeste, mais les autorités de réglementation pourraient elles aussi voir d’un mauvais œil ces hausses de prix arbitraires dans un contexte de crise du coût de la vie.

 

Le dilemme pour l’investisseur

 

Face à l’avalanche de questions auxquelles les investisseurs sont aujourd’hui confrontés, il n’est pas toujours facile de mesurer les conséquences sociales des actions engagées par les entreprises. La plupart des portefeuilles qui intègrent les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) disposent d’un grand nombre d’indicateurs et d’informations pour mesurer les risques « G » et « E » associés aux activités d’une entreprise.

 

En revanche, les risques sociaux et leurs coûts financiers potentiels sont plus difficiles à identifier et à mesurer. Pourtant, dans la mesure où le bien-être des populations figure au cœur de la plupart des enjeux, qu’il s’agisse par exemple de l’activité économique ou de la lutte contre le changement climatique, le « S » devrait peut-être être considéré comme la composante la plus importante de l’acronyme ESG plutôt que comme un élément secondaire.

 

Les difficultés que rencontrent aujourd’hui tant de personnes contribuent sans doute à mettre en évidence le bien-fondé de cette démarche. Mais la tension qui existe à court terme entre la recherche du profit et le bien-être social demeure. Est-il préférable pour les entreprises de faire des choix sociaux explicites dès maintenant, et pour les actionnaires de concilier l’impact positif de ces choix avec leur devoir fiduciaire, que de laisser l’inflation s’emballer plus longtemps ?

 

La solution à ce dilemme n’est hélas pas simple. Mais c’est assurément une question à laquelle nous devrions tous réfléchir à l’heure où la pire crise inflationniste depuis une génération continue de sévir.

 


Quel est le juste équilibre entre paris tactiques et stratégies long terme ?

Mark Hargraves, Global Head of Equity, AXA IM

Le 7 décembre 2022

 

  • En Europe, la situation macroéconomique à court terme est difficile, mais les valorisations semblent avoir atteint un point bas
  • Les valorisations des actions chinoises ont été durement touchées, mais elles pourraient se redresser si la politique zéro Covid menée par Pékin vient à s’assouplir
  • Les tendances long terme restent d’actualité à l’échelle mondiale

 

L’année 2022 s’est avérée difficile pour les actifs risqués, à commencer par les actions internationales qui ont cédé quelque 17 % depuis le début de l’année.[i]

Cette année a été marquée par de puissants vents contraires : montée en flèche de l’inflation et resserrement des politiques monétaires au lendemain de la pandémie, le tout dans le sillage de la crise ukrainienne qui a fait exploser les prix de l’énergie (et les cours des valeurs énergétiques).

 

Sur les places boursières, les cours des actions du secteur de l’énergie ont bondi d’environ 64 % depuis le début de l’année, tandis que ceux des technologies de l’information et des services de communication ont plongé de 32 % et 44 % respectivement.[ii] Cette divergence est symptomatique du contexte géopolitique et économique actuel. Les prix de l’énergie sont élevés en raison de la demande, tandis que le besoin de technologie s’est atténué à la suite du ralentissement de la croissance du PIB.

 

La surperformance des valeurs énergétiques traditionnelles observée cette année ne devrait pas se poursuivre indéfiniment, tandis que le scénario de croissance à long terme des technologies et des énergies propres, par exemple, reste solide. Historiquement, les données relatives au bénéfice par action dans le secteur des TI ont connu une croissance régulière, tandis que celles de l’énergie ont été beaucoup plus volatiles, reflétant l’évolution en dents de scie des prix du pétrole.[iii]

 

À armes inégales

 

Les bénéfices des entreprises ont remarquablement bien résisté cette année. Ils devraient néanmoins subir une certaine pression à la baisse compte tenu de la dégradation des indicateurs macroéconomiques. La question est de savoir sous quel aspect cette pression s’exercera : sera-t-elle brève, mais brutale, ou plus longue, mais moins prononcée ? Les indices penchent plutôt en faveur de cette dernière hypothèse.

À l’heure actuelle, on constate de nombreuses disparités sur les marchés boursiers internationaux.

 

En Chine, en Asie, en Europe et au Royaume-Uni, il semble que les mauvaises nouvelles soient en grande partie prises en compte, et ces marchés se négocient avec une décote du ratio cours/bénéfice de 6 à 30 % par rapport à leurs moyennes historiques à long terme. Aux États-Unis en revanche, les marchés continuent de se négocier légèrement au-dessus de leur Price Earning ratio moyen à long terme.[iv]

 

Toute nouvelle positive concernant la crise ukrainienne sera vraisemblablement très bénéfique à court terme pour les marchés boursiers européens. Une surperformance tactique pourrait en résulter. Mais tous les moteurs de croissance à long terme restent d’actualité et, sur ce point, il semble que les États-Unis, par opposition à l’Europe, sont à privilégier sur le long terme.

 

Des opportunités se présenteront, comme c’est le cas lors de toute correction des marchés, mais il reste une multitude de défis à relever. Toutefois, malgré le déluge de mauvaises nouvelles, des motifs d’optimisme subsistent à l’approche de 2023, même si, pour les investisseurs, il s’agira de trouver le juste équilibre entre paris tactiques à court terme et stratégies à plus long terme.

 

Les paris tactiques

 

L’Europe a été durement touchée par la crise énergétique. Depuis le début de l’année, les actions ont reculé de 18 %, l’inflation a atteint un nouveau sommet de 10,7 % en octobre et les perspectives économiques vont rester incertaines au cours des prochains trimestres.[v] Pour contrer cette envolée inflationniste, la Banque centrale européenne (BCE) a relevé ses taux d’intérêt de 75 points de base pour le deuxième mois consécutif en octobre, portant le taux de dépôt de référence à 1,5 %, son niveau le plus élevé depuis 2009. Toutefois, cette décision reflète la priorité que la BCE continue d’accorder à la lutte contre l’inflation.

 

La croissance du PIB de la zone euro a ralenti pour tomber à 0,2 % au troisième trimestre (T3), contre 0,8 % au trimestre précédent. De manière générale, les bonnes nouvelles se font rares et on anticipe actuellement une contraction globale de -0,5 % en 2023.[vi] Cela étant, il est important de noter que les marchés ont intégré ce flux d’informations négatives. De même, les quatre plus grandes économies de la zone euro ainsi que le Royaume-Uni ont tous adopté des mesures pour faire face au contexte inflationniste et d’autres devraient être annoncées dans les mois à venir.[vii] En consentant des efforts pour mutualiser la crise énergétique, les pouvoirs publics ont considérablement réduit son impact potentiel sur l’économie.

 

Dans l’ensemble, le climat est morose, les investisseurs ont liquidé leurs positions, les valorisations ont chuté pour atteindre des niveaux proches de leurs planchers, et le contexte macroéconomique est extrêmement instable, mais c’est souvent dans un tel environnement que les investisseurs à long terme choisissent d’acheter. Il est certain qu’en cas de désescalade de la crise ukrainienne, les marchés européens pourraient bénéficier d’une reprise significative, du moins à court terme, les secteurs cycliques, notamment les valeurs bancaires et industrielles, ainsi que les secteurs plus énergivores, comme la chimie et l’automobile, en étant très probablement les premiers bénéficiaires.

 

De son côté, la Chine a le potentiel de se redresser. Les valorisations ont atteint des niveaux historiquement bas et le pays est confronté à plusieurs difficultés de taille, notamment l’impact de sa politique « zéro Covid », la crise de son secteur de l’immobilier et les problèmes liés aux mesures prises par les pouvoirs publics pour contrôler le secteur privé.Mais il est probable que l’économie chinoise commencera à redémarrer au premier semestre 2023 à mesure que les restrictions liées au Covid-19 seront assouplies, ce qui devrait favoriser la reprise de la demande des consommateurs et des entreprises. Les autorités feront quelques concessions dans la mesure où elles ont fait preuve d’une certaine dureté à l’égard du secteur privé. Si tout cela se réalise, le marché chinois devrait enregistrer un rebond appréciable. Il s’est récemment redressé à la faveur des attentes d’un assouplissement des restrictions liées à la politique zéro Covid, et certains avancent qu’il pourrait rebondir de 20 % en cas de réouverture totale de la Chine, même s’il s’agit là d’un pari tactique.[viii]

 

La stratégie à long terme

 

Par rapport à l’Europe et à la Chine, les États-Unis semblent se porter relativement mieux. Au troisième trimestre, la croissance économique américaine a affiché un taux annualisé de 2,6 %, un chiffre supérieur aux attentes qui marque un rebond important par rapport au repli de 0,6 % du PIB enregistré au second trimestre.[ix]

 

En outre, le haut du cycle des taux d’intérêt semble être en vue. De son côté, l’inflation commence déjà à baisser. Sur le plan politique, à la suite des élections de mi-mandat aux États-Unis, on anticipe un certain statu quo pour les deux années à venir, c’est-à-dire une période durant laquelle rien de particulièrement négatif, ni à vrai dire de particulièrement positif, ne devrait se produire.

 

Plus généralement, les États-Unis sont très diversifiés sur le plan économique, ils bénéficient d’une plus grande sécurité énergétique, leur situation démographique est plus favorable, les chiffres de l’emploi sont solides et l’esprit entrepreneurial y est très développé. Tous les moteurs de croissance à long terme de la planète, à savoir les technologies propres, l’automatisation, la digitalisation et les biotechnologies, y sont très actifs.

Le pays bénéficie également de deux dispositions législatives récentes qui devraient lui donner une impulsion considérable, à savoir les lois dites « CHIPS and Science Act » et « Inflation Reduction Act ».

 

Le CHIPS Act, promulgué par le président Joe Biden en août 2022, prévoit un investissement de 280 milliards de dollars pour accélérer et « relocaliser » aux États-Unis la production de technologies telles que les semi-conducteurs. D’après la Maison-Blanche, il permettra de « renforcer l’industrie manufacturière américaine, les chaînes d’approvisionnement et la sécurité nationale, et d’investir dans la recherche et le développement, la science et la technologie » afin que les États-Unis conservent leur place de « leader dans les secteurs d’avenir, notamment les nanotechnologies, les énergies propres, l’informatique quantique et l’intelligence artificielle ». Tout cela est de bon augure pour les tendances structurelles déjà en place.[x]

 

Par ailleurs, l’introduction de l’Inflation Reduction Act (IRA), qui est également entré en vigueur en août dernier, marque un véritable tournant aux États-Unis. La Banque mondiale estime que cette loi modifiera radicalement l’économie de la décarbonation industrielle.[xi]

La loi IRA a été adoptée essentiellement pour inciter le secteur privé à décarboner les secteurs dont les émissions sont difficiles à réduire. Quelque 500 milliards de dollars de nouvelles dépenses et d’allégements fiscaux ont été alloués pour soutenir les investissements dans les énergies propres, réduire le coût des soins médicaux et accroître les recettes fiscales.

Cette loi a accéléré le développement de secteurs dont on n’aurait jamais pensé que les États-Unis pourraient devenir leaders. Après avoir été considéré comme très en retard, le pays pourrait devenir un acteur majeur de la décarbonation sous l’impulsion de la politique du gouvernement et des opportunités économiques.

 

Joe Biden s’est fixé pour objectif d’employer des dizaines de milliers de travailleurs pour fournir 30 gigawatts d’électricité éolienne offshore d’ici à 2030, soit suffisamment pour alimenter 10 millions de foyers en énergie propre tout en créant de nouveaux emplois.[xii]

Mais si l’avenir semble radieux pour la première économie mondiale, le marché est loin d’avoir brillé cette année, l’indice S&P 500 ayant reculé de 16 % depuis le début de l’année.[xiii] Toutefois, la valorisation de certains de ces secteurs de croissance structurelle a fait l’objet d’un solide réajustement et, surtout, les tendances fondamentales à long terme restent inchangées : la transition vers le cloud se poursuit, la révolution logicielle est en marche et l’automatisation va continuer à évoluer et à se développer. Sans pour autant être bon marché, les valorisations des entreprises considérées comme étant de qualité se situent au moins à des niveaux plus attrayants. En outre, la confiance des investisseurs en actions internationales serait ravivée en cas d’arrêt des mesures de resserrement monétaire et de ralentissement de l’inflation.

 

Un optimisme prudent

 

Pour l’heure, l’Europe est plongée au cœur de la crise énergétique. La situation macroéconomique à court terme est difficile, mais les valorisations semblent avoir touché un point bas, du moins c’est ce que l’on espère.

 

En cas de résolution de la situation en Ukraine, les retombées positives seraient considérables, tant dans le secteur de la consommation que dans celui de l’industrie. De même, tout nouvel assouplissement significatif de la politique zéro Covid en Chine et tout regain d’activité dans ce pays seraient bénéfiques pour l’Europe du point de vue des exportations. Plusieurs facteurs sont susceptibles de favoriser une éventuelle reprise.

 

À plus long terme, les États-Unis semblent solides, et les tendances à long terme (digitalisation, automatisation et technologies propres) restent d’actualité à l’échelle mondiale. Dans le domaine où ils étaient considérés comme très en retard, la décarbonation, les États-Unis émergent désormais comme un leader mondial.

 

Consultez

[i] MSCI World NR FactSet, chiffres au 10 novembre 2022

[ii] Costs of old, growth of new | AXA IM Core (axa-im.com)

[iii] Costs of old, growth of new | AXA IM Core (axa-im.com)

[iv] Données consensuelles I/B/E/S fondées sur les ratios cours/bénéfices à 12 mois des 25 dernières années jusqu’au 10 novembre 2022

[v] 9a37ec66-2f69-5b3c-a791-662cec2f439b (europa.eu) / MSCI Europe Factset, chiffres au 10 novembre, 2022

[vi] 1420dd25-a69f-4489-a684-76fab0bdba6f (europa.eu)

[vii] The unequal impact of inflation: How governments are responding | AXA IM Core (axa-im.com)

[viii] China Stocks Head for Best Week in Two Years on Easing Covid Zero Speculation – Bloomberg / China Stock Markets May Rally 20% on a Full Reopening, Goldman Says – Bloomberg / Tencent, JD.com power Hong Kong stocks amid signs China is preparing to exit zero-Covid as Goldman predicts reopening boost | South China Morning Post (scmp.com)

[ix] Produit intérieur brut | U.S. Bureau of Economic Analysis (BEA)

[x] FACT SHEET: CHIPS and Science Act Will Lower Costs, Create Jobs, Strengthen Supply Chains, and Counter China | The White House

[xi] How the US Inflation Reduction Act will impact the economy | Forum économique mondial (weforum.org)

[xii] FACT SHEET: Biden Administration Jumpstarts Offshore Wind Energy Projects to Create Jobs | The White House

[xiii] S&P 500 FactSet, chiffres au 10 novembre 2022

 

 

 


Quels sont les différents scénarios d’inflation et quel est leur impact ?

 

Par Jonathan Baltora, Head of Sovereign, Inflation and FX, Fixed Income chez AXA Investment Managers

Le 24 novembre 2022

 

Le moment auquel l’inflation atteindra son pic devrait rester un sujet de débat jusqu’à la fin de l’année 2022. Les investisseurs pourraient être amenés à réfléchir à la nécessité d’adapter leur stratégie d’inflation à l’évolution des conditions de marché.

 

L’été dernier, deux situations ont prévalu. En Europe, une crise énergétique et les craintes d’un ralentissement économique ont dominé l’actualité, tandis qu’aux États-Unis, le rebond du marché et la confiance des consommateurs ont laissé entrevoir la possibilité d’un atterrissage en douceur.

Deux scénarios sont susceptibles de se produire d’ici la fin de l’année et jusqu’en 2023 : ralentissement de la croissance et hausse de l’inflation (stagflation) ou ralentissement de la croissance, avec une baisse de l’inflation qui reste toutefois élevée (désinflation).

 

La croissance va-t-elle ralentir ?

 

Bien que le distributeur américain Walmart ait annoncé en août que les dépenses des ménages avaient augmenté[1], cet optimisme ne concerne pas tous les secteurs. En juillet, l’inflation sous-jacente aux États-Unis est restée nettement supérieure à l’objectif de 2 % de la Réserve fédérale (Fed) et la composante services de l’indice des directeurs d’achat américain est tombée en deçà du seuil d’expansion.

 

Dans la zone euro, le secteur manufacturier a connu le plus fort recul, tandis qu’en Chine, la reprise économique liée aux mesures de confinement liées à la COVID-19 est toujours en cours. Parallèlement, l’inflation dans la zone euro a grimpé jusqu’au niveau record de 10,7 % en octobre et l’inflation au Royaume-Uni a atteint 10,1 % en septembre.

 

Les États-Unis ont apporté une lueur d’espoir aux optimistes, l’inflation officielle ayant légèrement reculé par rapport à son plus haut de novembre 1981. Toutefois, même avec ce chiffre légèrement plus faible pour les États-Unis, il n’y a aucune certitude quant à la vitesse de la décélération de l’inflation et la situation semble être similaire à l’année dernière lorsque certains parlaient d’inflation « transitoire » et suggéraient qu’un pic avait été atteint en juillet 2021.

 

Dans ce contexte, il n’est guère surprenant que les rendements réels se situent à des niveaux que l’on n’a pas observés hors des périodes où le monde s’inquiétait de la déflation (en 2010 lorsque la Fed anticipait une inflation de 1 % ou moins, en 2014-15 quand la faiblesse des taux de croissance sur l’ensemble des marchés a déclenché des craintes de déflation, en 2018 lorsque les prix ont chuté de plus de 1 % par rapport au même mois l’année précédente).

 

Un environnement de stagflation

 

La stagflation, qui se caractérise par une inflation forte et persistante, mais aussi par un chômage élevé et une faible demande des consommateurs, est un scénario que de nombreux économistes anticipent dans leurs perspectives. En effet, l’inflation élevée et persistante que nous observons aura un impact sur le pouvoir d’achat et la confiance des consommateurs, alors que les pressions sur les prix des produits alimentaires et de l’énergie pourraient se traduire par une inflation toujours forte, malgré la baisse des dépenses des ménages.

 

Dans ce scénario, la détermination des banques centrales à poursuivre le cycle de hausse des taux pourrait faiblir à un moment donné, par crainte de causer davantage de difficultés aux ménages endettés. Cette incertitude sur les taux d’intérêt reste néanmoins un argument fort pour les stratégies à duration courte, leurs sensibilités étant plus alignées sur l’inflation que sur les taux d’intérêt.

 

Les points morts d’inflation, qui ont été porteurs plus tôt dans l’année, pourraient l’être moins à l’avenir car, même si l’inflation continue de progresser, le rythme a ralenti par rapport au début de 2022. Dans la mesure où les points morts d’inflation ont tendance à suivre les anticipations d’inflation, les stratégies exposées à ces points morts pourraient donc être moins performantes que d’autres stratégies dans ce scénario de stagflation.

 

Et si les taux d’inflation commencent à baisser

 

Malgré quelques signes laissant présager un atterrissage en douceur aux États-Unis, rien ne prouve pour le moment que les niveaux d’inflation diminueront rapidement. L’opinion longtemps défendue selon laquelle cette situation est transitoire est remise en cause en raison de la persistance de l’inflation et des facteurs sous-jacents qui y contribuent.

 

Même si l’inflation commençait à décélérer, compte tenu de la lenteur de la Fed à réagir à l’environnement inflationniste, on peut penser qu’elle ne serait pas en mesure d’opérer un revirement rapide. Si l’inflation venait à baisser tout en restant élevée, les banques centrales seraient poussées à trouver un équilibre entre le relèvement des taux d’intérêt et la crainte que, si la récession se concrétise, la population, durement éprouvée, se montre moins favorable à des taux d’intérêt plus élevés.

 

Dans ce contexte, le maintien d’une stratégie de duration courte pourrait être privilégié par certains investisseurs, car l’indexation de l’inflation devrait rester généreuse et l’évolution de la position des banques centrales est encore incertaine.

 

Cela étant dit, si les banques centrales provoquent une récession, comme certains pensent qu’elles y seront contraintes afin de juguler l’inflation, les obligations indexées sur l’inflation de maturité longue pourraient s’avérer intéressantes. Si, à un moment donné, les taux d’inflation annuels finissent par ralentir, les chiffres mensuels pourront rester élevés, en particulier dans la zone euro et au Royaume-Uni. Par conséquent, les obligations indexées sur l’inflation couvertes en euros, toutes maturités confondues, pourraient bénéficier d’un revenu supérieur à 5 % au cours de l’année à venir en raison des rendements plus élevés observés actuellement.

 

Pour les investisseurs désireux d’accepter un peu plus de volatilité potentielle, les obligations indexées sur l’inflation, toutes maturités confondues, pourraient constituer une option intéressante dans ce contexte

 

Perspectives mondiales

 

Parallèlement au type de stratégie, les investisseurs doivent également réfléchir à la manière dont ils parviennent à cette exposition. L’environnement inflationniste est très différent d’un pays à l’autre et ses conséquences peuvent l’être également. Aux États-Unis l’inflation est largement causée par la surchauffe de l’économie, contrairement à un pays comme l’Allemagne, qui est davantage impacté par la hausse des prix des produits alimentaires et de l’énergie. De même, les anticipations de hausse des taux au Royaume-Uni sont beaucoup plus élevées qu’au Japon.

 

La nature mondiale des chaînes d’approvisionnement signifie que les facteurs intérieurs d’un pays peuvent se répercuter au-delà du marché local. C’est pourquoi il est important d’adopter une perspective mondiale en matière d’investissement dans l’inflation.

 

Tous les indicateurs suggèrent que nous sommes confrontés à un environnement de récession, mais reste à savoir si cela se traduira par un scénario de désinflation ou de stagflation, qui peut varier selon les pays. À l’heure actuelle, les rendements réels positionnent les obligations dans la « zone achat », même si les obligations indexées sur l’inflation à duration courte verront probablement les rendements réels rester dans cette catégorie plus longtemps. Pour les investisseurs mieux à même de résister à la volatilité, les obligations indexées sur l’inflation à duration longue pourraient représenter davantage un choix d’investissement « buy and hold ».

Date de publication initiale : 5 septembre 2022

 

Qu’est-ce que l’inflation, la déflation, la désinflation, la reflation, la stagflation ?

 

[1] Source : The Economist, 20 août 2022


ETF actif : un acteur de plus en plus présent dans le paysage de l’investissement

 

Le 12 octobre 2022

 

Les fonds indiciels cotés (ETF) à gestion active continuent de s’imposer dans le paysage de l’investissement, une tendance qui devrait se poursuivre à un rythme soutenu compte tenu de leurs caractéristiques particulières et de la numérisation progressive du secteur de la gestion d’actifs.

 

Le marché mondial des ETF est en progression depuis un certain temps et le cabinet de conseil PwC estime qu’il pourrait représenter 20.000 milliards de dollars d’actifs sous gestion d’ici à 2026, soit le double de l’encours enregistré en 2021.[1]

Mais, bien que la majeure partie de ce marché soit actuellement constituée de fonds passifs, le potentiel de croissance des ETF actifs est considérable.

 

Le marché de la gestion active

 

Les ETF actifs ont pour objectif de surperformer un indice de référence au sein d’une « enveloppe » qu’est l’ETF, reflétant un portefeuille modèle plutôt qu’un indice. Ces ETF ne sont pas nouveaux. Ils existent en fait depuis 2008, mais ils suscitent aujourd’hui un intérêt croissant auprès des investisseurs.

 

Les fonds à gestion active représentent aujourd’hui 3 % du marché mondial des ETF, soit environ 300 milliards de dollars. [2] Bien qu’encore relativement faible, ce chiffre est deux fois plus élevé que celui de 2019 et, selon le cabinet d’analyse Morningstar, bien que les ETF actifs ne représentent que 2 % de l’ensemble des fonds d’investissement à gestion active, ils se sont adjugés 35 % des afflux de capitaux dans les fonds actifs en 2021.[3]

 

Cette progression est impressionnante et les flux en faveur des ETF actifs devraient se poursuivre. Dans un contexte d’incertitude économique et de volatilité qui continue de perturber les marchés, les investisseurs sont plus susceptibles de rechercher des fonds actifs qui les aideront à naviguer dans cet environnement délicat.

 

Accès aux facteurs de durabilité et thématiques

 

L’un des principaux attraits des ETF actifs est qu’ils peuvent permettre aux investisseurs d’accéder à un large éventail de thèmes d’investissement clés au sein d’une structure ETF, par exemple, en apportant une valeur ajoutée en termes de capacités d’investissement responsable, sans être limités par un indice de référence.

 

Les ETF actifs axés sur la durabilité constituent un segment particulièrement attrayant dans la mesure où, parallèlement à leurs objectifs financiers, les investisseurs accordent de plus en plus d’importance à l’investissement responsable.

 

De même, les ETF actifs thématiques, qui privilégient les tendances à long terme comme la numérisation et la démographie, se multiplient et gagnent en popularité. Une enquête menée par PwC a révélé que les ETF thématiques, y compris les véhicules axés sur la durabilité, se classent au premier ou au deuxième rang en termes de demande attendue des investisseurs au cours des deux ou trois prochaines années sur tous les marchés analysés.[4]

 

Liquidité et numérisation

 

Outre l’innovation au sein du secteur, d’autres facteurs stimulent la croissance du marché des ETF actifs, des tendances qui devraient se maintenir.

 

Grâce à leur liquidité supplémentaire et à leur capacité de négociation intrajournalière, les ETF peuvent offrir une plus grande souplesse aux investisseurs qui en ont besoin. Ils sont également transparents dans la mesure où, sur la plupart des marchés, les positions sont publiées quotidiennement.

 

Le marché bénéficie également de la montée en puissance de la numérisation, une tendance à long terme que l’on retrouve dans presque tous les aspects du quotidien, et notamment dans le secteur de la gestion d’actifs. L’émergence des plateformes de courtage en ligne, du phénomène de désintermédiation bancaire et de la technologie de la blockchain transforme la façon dont les fonds sont distribués. L’évolution numérique progressive du secteur de la gestion d’actifs est un autre moteur de croissance majeur.

 

Les ETF sont susceptibles de répondre aux besoins futurs de nombreux investisseurs, et la tendance qui se dessine sur le marché est claire : les ETF à gestion active sont appelés à occuper une place de plus en plus importante dans les portefeuilles des investisseurs au cours des prochaines années.

 

Les ETF peuvent aussi être actifs

[1] ETF_2026_PwC.pdf

[2] AXA IM Product Intelligence, Morningstar Direct

[3] 7 Charts on the Rapid Ascent of Active ETFs | Morningstar

[4] ETF_2026_PwC.pdf


Comment nourrir la population mondiale tout en préservant la planète ?

Par Tu Quynh Ly, Spécialiste en investissement dans les énergies propres, AXA IM

Le 29 août 2022

La population mondiale devrait passer de 8 milliards d’habitants en 2022 à 8,5 milliards en 2030. Tandis qu’il s’avère indispensable de nourrir davantage de personnes, il est essentiel de le faire de manière durable pour préserver notre planète. Or, le secteur agricole est extrêmement vulnérable face aux défis environnementaux imposés par le changement climatique, notamment les sécheresses sévères, les espèces envahissantes et les parasites, qui se traduisent par de mauvaises récoltes et des céréales moins nutritives.

 

Effets négatifs

 

Les effets négatifs se font déjà sentir. En Europe, les températures record enregistrées au mois de juillet ont affecté les récoltes. Dans le secteur des graines de moutarde, une grave sécheresse au Canada (premier producteur mondial) a pesé sur la production et entraîné des pénuries. Parallèlement, les mauvaises récoltes dues à la chaleur et à la sécheresse en Amérique du Sud, associées au manque de personnel lié à la COVID-19, ont entraîné une pénurie mondiale d’huiles comestibles.

 

Si le secteur de la production d’énergie représente la principale contribution aux émissions globales de gaz à effet de serre (GES), le secteur alimentaire arrive en deuxième position. En effet, il est à l’origine d’un tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Cela est dû à la production et l’utilisation d’engrais à l’élevage et aux déchets alimentaires. L’agriculture et l’industrie agroalimentaire, à l’origine de 70 % des prélèvements d’eau douce, sont également responsables du stress hydrique.

 

De nombreuses entreprises du secteur introduisent toutefois de nouvelles approches, en proposant des solutions innovantes, économiquement viables et évolutives. Ces efforts se traduiront par des opportunités de croissance sur plusieurs décennies.

 

Source : Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Citi, juillet 2022[1]

 

 

Élevage de bétail

17 % des émissions de gaz à effet de serre liées à l’alimentation proviennent de l’élevage, deuxième source d’émissions après l’exploitation des sols en raison de la fermentation entérique. Bien que l’élevage ait un impact très négatif sur l’environnement, une réduction drastique de la consommation de viande et de produits laitiers semble peu probable à court ou moyen terme. On estime même qu’au cours de la prochaine décennie, la consommation mondiale de protéines carnées devrait augmenter de 14 %. Cela est particulièrement vrai dans les pays en développement, où la richesse augmente.

 

À ce titre, les solutions améliorant l’efficacité de l’élevage, telles que les enzymes, les microbes et les eubiotiques qui combattent les mycotoxines, optimisent la santé intestinale ou réduisent les émissions de méthane des ruminants, devraient avoir un impact positif sur l’environnement. L’entreprise scientifique néerlandaise qui fabrique des produits de nutrition et de santé animale, DSM, est un acteur de premier plan dans ce domaine. Son additif alimentaire pour les ruminants, y compris les vaches, contribue à réduire d’environ 30 % les émissions de méthane entérique. Parmi les autres pistes envisagées, on peut citer l’élevage sélectif, qui consiste à sélectionner les animaux d’élevage sur la base de leur ADN. Cette approche permet d’augmenter l’efficacité alimentaire et possède des avantages en termes sanitaires, car un nombre moins important d’animaux permet de produire la même quantité de protéines.

 

Production et utilisation d’engrais

 

Le processus de fabrication d’engrais, qui utilise des combustibles et de l’électricité, représente 9 % des émissions de gaz à effet de serre du système alimentaire mondial. Il existe de nombreuses façons de diminuer ces émissions, en utilisant des énergies renouvelables ou en réduisant la demande d’engrais.

 

Des solutions économiquement viables existent déjà. On peut citer le cas de l’agriculture de précision, qui aide les agriculteurs à améliorer le rendement, la vitesse de plantation et la rentabilité tout en réduisant l’utilisation des sols, des engrais et de l’eau. Ce type d’agriculture s’appuie sur des logiciels ou des systèmes qui améliorent la prise de décision des clients et l’exécution des tâches, en augmentant l’efficacité des ressources. Par exemple, des analyses fines permettent aux agriculteurs de prendre des décisions éclairées sur les quantités d’herbicides et d’eau nécessaires, ce qui limite les volumes et les cas d’utilisation excessive.

 

L’entreprise américaine John Deere est particulièrement active dans ce domaine. Plus de 315 millions d’hectares de terres agricoles sont exploités à l’aide des technologies John Deere, qui a fourni et installé plus de 44.000 machines connectées dans le monde entier.

 

Déchets alimentaires

 

Alors que 600 millions de personnes n’ont pas assez à manger, on estime qu’un tiers de la nourriture produite est perdue ou gaspillée. Chaque année, cela représente environ deux milliards de tonnes de nourriture produites, mais jamais consommées. Cette situation a un impact considérable sur l’environnement. Si le gaspillage alimentaire était un pays, il serait le troisième contributeur aux émissions mondiales de gaz à effet de serre, juste après la Chine et les États-Unis.

 

Les émissions de GES dues au gaspillage alimentaire sont mises en perspective avec les volumes d’émissions nationaux dans le graphique ci-dessous :

Source : World Resource Institute (WRI) 2019, FAO, Citi Global Insights

 

Au sein de la chaîne de valeur, la plupart des déchets alimentaires sont générés au niveau de la vente de détail et du consommateur final. Des solutions telles que l’allongement de la durée de conservation des produits, la réduction des contaminations microbiennes ou la conservation des aliments sont essentielles pour réduire le gaspillage alimentaire.

 

Corbion, une entreprise chimique néerlandaise spécialisée dans les ingrédients biosourcés pour l’industrie agroalimentaire, fait partie des acteurs présents sur ces segments. L’entreprise est déterminée à offrir des solutions qui réduisent le gaspillage alimentaire et améliorent la santé, tout en préservant la planète.

 

Les problèmes et les solutions sont dispersés tout au long de la chaîne de valeur et cette réalité est tout aussi encourageante que complexe pour les investisseurs. Alors que le monde se prépare à l’avenir sans émissions tracé par les pouvoirs publics et que nous nous efforçons progressivement de maîtriser l’impact climatique du système alimentaire dont nous dépendons tous, les opportunités d’investissement sont nombreuses.

 

Les entreprises évoquées ne le sont qu’à titre d’illustration et leur mention ne doit pas être considérée comme une recommandation d’investissement.

[1] Food and Climate Change (« Alimentation et changement climatique ») – CitiGPS (citivelocity.com)


Sommes-nous à un point d’entrée sur la robotique et l’économie digitale ?

Par Mark Hargraves, Head of Framlington Global Equities

Le 20 juillet 2022

 

Les valorisations n’ont jamais été aussi attrayantes depuis de nombreuses années. À la suite du repli du marché, les valorisations se sont fortement contractées. On obsèrve à présent des points d’entrée que l’on peut juger particulièrement attrayants dans les domaines de l’économie digitale et de la robotique, compte tenu du profil de croissance à long terme, notamment.

 

Perspectives de croissance des bénéfices

 

En effet, le ratio cours/bénéfice de ces entreprises est historiquement bas, entre 22 et 26. Même si ce ratio reste plus élevé que l’ensemble du marché des actions internationales, la prime de risque par rapport au marché se justifie car les perspectives de croissance sont fortes, les bilans des entreprises restent solides, et leur rentabilité maintenue.

 

Aussi, bien que les prévisions de croissance à long terme du bénéfice par action de ces sociétés aient été affectées par les contraintes pesant sur les chaînes d’approvisionnement et par la dégradation des perspectives de consommation, on continue de voir des perspectives de croissance du bénéfice par action de l’ordre de 17-18% au cours des trois à cinq prochaines années, supérieures à celle du marché mondial des actions représenté par l’indice MSCI ACWI (prévision de croissance du BPA de 12 %).

 

Meilleure capacité à traverser les zones de turbulence

 

La qualité de ces entreprises reste stable malgré la dégradation de l’environnement macroéconomique. En période de ralentissement économique, la faiblesse de la croissance devrait soutenir les valorisations des entreprises qui affichent une croissance du BPA plus élevée et des marges stables. C’est pourquoi la sélection de valeurs de grande qualité axées sur les opportunités de croissance structurelle, avec des niveaux d’endettement nettement plus faibles que celui du marché est importante.

 

Les atouts de la gestion « Growth »

 

Bien que les hausses de taux d’intérêt soient très surveillées et qu’elles suscitent la nervosité des investisseurs, cela ne signifie pas nécessairement que le processus de normalisation sera corrélé à une faible performance du marché sur la durée.

 

Si l’on examine les marchés actions et technologiques au sens large au cours d’un cycle complet de hausse de taux (de juin 2015 à juin 2019), on constate que le secteur technologique enregistre des performances positives et supérieures.

 

 

 

Bien que le début du processus de hausse de taux ait été marqué par une grande volatilité, le potentiel de croissance des bénéfices est apparu clairement au fil des ans et a contribué à stimuler la performance.

 

Tous les cycles ne sont pas identiques et des facteurs macroéconomiques importants entrent en ligne de compte, mais il serait mal avisé de penser que les valeurs de croissance ne peuvent pas être performantes dans un cycle de hausse des taux.

Des tendances à long terme inchangées pour la robotique et l’automatisation

 

  • L’automatisation peut constituer une réponse à l’inflation et aux pénuries de main-d’œuvre. Lorsque les coûts de la main-d’œuvre augmentent, l’automatisation devient plus avantageuse. Et lorsque la main-d’œuvre vient à manquer, il est nécessaire d’introduire davantage de machines dans le processus de fabrication.
  • L’automatisation des entrepôts joue un rôle de plus en plus important pour assurer la livraison des commandes en ligne. Les consommateurs sont de plus en plus exigeants et réclament une livraison rapide et fiable, laquelle nécessite une assistance technologique considérable.
  • L’importance de la santé. L’analyse des dispositifs de prestations de soins à l’issue de la pandémie sera essentiellement axée sur la technologie et l’efficacité. Les vents seront favorables à la chirurgie robotique et la santé numérique.
  • Les semi-conducteurs sont de plus en plus intégrés de manière généralisée dans les équipements d’automatisation de nouvelle génération. Alors que la 4G était une technologie réellement bénéfique pour les particuliers, la technologie 5G est celle qui va commencer à relier les machines industrielles et les usines.
  • Les véhicules électriques et les batteries exigent des dépenses en investissement. Ce qui est en revanche moins bien compris par les investisseurs, ce sont les investissements considérables nécessaires à la fabrication de ces véhicules et de leurs batteries. L’une des principales caractéristiques des programmes de relance économique liés au Covid à travers le monde est l’investissement dans les technologies environnementales. Il y a là une occasion significative pour la robotique de fabriquer ces nouvelles technologies à l’avenir.

 

Des tendances à long terme inchangées dans l’économie digitale

 

  • La pénétration de l’e-commerce est en passe de s’accroître pour atteindre 20 %. Les transactions en ligne ont fortement augmenté pendant la pandémie. Mais les taux de croissance se sont tassés avec la réouverture des économies. Néanmoins, une fois que l’économie sera stabilisée, la pénétration de l’e-commerce devrait continuer à augmenter progressivement, portée par des facteurs catalyseurs comme l’adoption des technologies et l’évolution démographique.
  • Pouvoir d’achat de la « génération Z ». Le recours au numérique est généralisé au sein de la jeune génération. Ils sont enthousiastes face au commerce social et peuvent accéder facilement à une grande variété de sources d’information concernant les produits. Mais, surtout, cette génération de natifs du numérique atteint aujourd’hui l’âge adulte et son pouvoir d’achat « numérique » s’accroît à mesure de son développement.
  • Le paiement numérique n’en est encore qu’à ses débuts. Alors que le nombre de personnes ayant recours aux paiements numériques est plus élevé qu’avant la crise, les préférences évoluent vers une société sans numéraire. Les moteurs de croissance à long terme de ces entreprises sont inchangés et leurs perspectives restent extrêmement attrayantes.
  • Des livraisons express. La pénétration croissante de l’e-commerce stimule la demande en matière de logistique et d’entreposage, les options de livraison « le lendemain » et « le jour même » devenant la norme pour les clients. Certaines entreprises s’empressent de collaborer avec des experts en logistique et en entreposage afin de pouvoir assurer des livraisons rapides.
  • Vers la normalisation. Si l’expérience en ligne vécue par un consommateur a été positive, ou si un service technologique a montré qu’il apportait de la valeur ajoutée à l’activité d’une entreprise, il y a moins de raisons pour que cette expérience ou ce service disparaisse. Les récents changements observés dans les comportements de chacun devraient se maintenir et il reste encore beaucoup à faire à mesure que les entreprises adopteront de nouvelles façons d’accompagner leurs collaborateurs et leurs clients.

 

Investir dans le métavers

 

L’envergure du métavers est déjà considérable. C’est un domaine qui se développe très rapidement. Selon les études, ce marché pesait quelque 500 milliards USD en 2020, pourrait atteindre 685 milliards USD en 2022, et le secteur dans son ensemble près de 800 milliards USD en 20241 , soit un taux de croissance annuel composé d’environ 13 %. Pour appréhender les subtilités et l’ampleur du Métavers, on peut se concentrer sur quatre sous-thèmes clés : le jeu, la socialisation, le travail et les facilitateurs technologiques. Le métavers représente une opportunité d’investissement tangible, soutenue par des sociétés qui affichent un potentiel de croissance à deux chiffres chaque année au cours de la prochaine décennie.


Comment l’IA et la blockchain peuvent pallier les perturbations des chaînes perturbées par la Covid-19

Par Andreea Minca, lauréate du fonds AXA pour la recherche à l’Université de Cornell

Le 23 juin 2022

 

À mesure que les chaînes logistiques mondiales s’allongent pour devenir plus rentables, elles deviennent aussi plus vulnérables. Un risque non assuré sur une chaine de valeur peut fortement perturber le commerce. Or, l’IA (intelligence artificielle) et la blockchain pourraient aider à identifier les vulnérabilités. Ce serait une aide pour concevoir d’excellentes solutions d’assurance en crédit commercial.

 

Des pénuries

 

Lorsque la crise de coronavirus a éclaté en 2020, l’urgence médicale s’accompagnait d’importantes pénuries, en particulier pour certains dispositifs médicaux.

Le phénomène s’est d’abord observé pour les ventilateurs. La demande a bondi de toutes parts et a provoqué des perturbations sur la chaîne logistique. En effet, la production des ventilateurs s’étale sur plusieurs pays, chaque pièce dans un endroit dépendant d’autres pièces fabriquées ailleurs. Plus la chaîne est longue, plus la dépendance est complexe et plus un point de la chaîne est exposé à la perturbation d’un autre point et aux fermetures des sites ordonnées par les gouvernements.

 

Aujourd’hui, deux ans après le début de la pandémie, ce phénomène a touché presque tous les secteurs de l’économie mondiale. Les « problèmes de chaîne logistique » sont si courants à présent que cette expression  précédemment considérée comme du jargon est maintenant familière à tout le monde et qu’ils concernent presque toutes les marchandises, des meubles jusqu’aux articles d’épicerie.

 

Quelles en sont les causes ?

 

Mais pourquoi la Covid a-t-elle autant impacté la manière dont nous recevons nos produits et marchandises ?

Ces dernières décennies, les chaînes logistiques se sont allongées à mesure qu’elles devenaient plus rentables. De plus en plus d’étapes ont été ajoutées dans la fabrication et le transport de tous les produits, au nom de la rapidité et du coût. Cela signifie qu’il y a de plus en plus d’endroits où un problème peut se produire entre le moment où vous passez commande en ligne et le moment où le colis arrive sur le pas votre porte.

Aujourd’hui, les fournisseurs en aval (par exemple ceux qui fournissent à un constructeur automobile des systèmes de commande) dépendent des fournisseurs en amont (les fabricants de puces, par exemple) pour livrer en temps et en heure au constructeur qui à son tour doit vous livrer le véhicule, en temps et en heure. Avec des chaînes longues, les risques sont désormais partagés entre des entités plus nombreuses aux quatre coins du monde.

 

Utiliser l’IA et la blockchain pour protéger le commerce

 

Les problèmes de chaîne logistique ont une répercussion financière : la contagion aux crédits commerciaux. Les entreprises ne paient plus leurs fournisseurs à temps parce que leurs propres clients ne les paient pas à temps. Le modèle du paiement à la livraison peut entraîner l’annulation ou le retard de cargaisons qui, à leur tour, peuvent entraîner des faillites.

Si une grande part de ces risques reste non assurée à l’heure actuelle, il est possible que, dans un monde post-Covid, les compagnies d’assurance et de réassurance se chargent d’y remédier.

 

Les chercheurs tentent de mettre au point des méthodes pour identifier les vulnérabilités dans les chaînes logistiques mondiales et pour comprendre les risques de contagion aux  crédits commerciaux. L’objectif est de rendre les systèmes globalement plus robustes.

Comment concevoir les contrats d’assurance et de réassurance de manière à répartir les risques et atténuer les vulnérabilités ? En quoi un crédit commercial fiable peut-il limiter les retards dans les chaînes logistiques et mettre fin à la situation délicate que nous connaissons tous aujourd’hui, à savoir payer à l’avance sans connaître la date de livraison du produit ?

 

L’intelligence artificielle et la théorie du réseau complexe sont utiles pour identifier les structures qui présentent des risques systémiques. Elles nous aident à poser la question : quels schémas de chaînes sont susceptibles d’occasionner des retards et une contagion aux crédits commerciaux, et lesquels sont plus robustes ?

 

À l’aide de ces outils, on peut créer des simulateurs à grande échelle pour simuler des chaînes logistiques mondiales face à une grande variété de chocs, puis utiliser le machine learning afin de détecter les portions problématiques des chaînes. Les connaissances ainsi obtenues peuvent ensuite être intégrées en amont et dans le but de renforcer le système avant qu’une autre pandémie ou un autre désastre survienne.

 

D’autres technologies novatrices comme la blockchain offrent la promesse de données de haute qualité permettant d’analyser les dépendances au sein de la chaîne logistique. La blockchain s’appuie sur les données en temps réel ainsi que sur des vérifications transparentes menées par des acteurs multiples. Associée à d’autres éléments tels que des contrats intelligents, elle pourrait permettre de résoudre de manière opportune des litiges sur l’ensemble de la chaîne logistique.

 

« My research » met à profit la blockchain pour rationaliser l’enregistrement des données et les paiements. Cette opportunité pose question car l’adoption de la blockchain dépend à la fois des spécificités, de la technologie et du coût.

Le problème d’adopter une technologie en présence d’externalités positives (cas dans lequel les entreprises améliorent, ce faisant, les opérations de parties prenantes externes) n’est pas nouveau en économie. Cependant, aujourd’hui, ces externalités sont systémiques par nature. Les effets se propagent dans toute la chaîne logistique. Le coût d’une technologie dépend du nombre d’entreprises qui l’adoptent, et chaque entreprise assume des coûts spécifiques à ses activités qui sont basés sur sa position dans la chaîne logistique, sa tolérance au risque et les coûts d’assurance des risques.

 

L’enregistrement des données en temps réel, la traçabilité des transactions et l’immuabilité de la blockchain peuvent aider les chaînes logistiques à gagner en efficacité. Cela est d’autant plus vrai si l’on considère la chaîne dans toute sa longueur, car les transactions sont alors vérifiées par plusieurs parties : les participants à la chaîne, les compagnies d’assurance et les compagnies de réassurance.

 

L’avenir des chaînes logistiques

 

Il y a fort à parier que l’assurance des crédits commerciaux se développera après la pandémie. Elle pourrait bien reposer sur des partenariats privé-public, la crise sanitaire ayant montré que les gouvernements étaient d’importants acteurs lorsqu’ils ont imposé des fermetures dans certains domaines.

 

Ces fonds peuvent servir à compenser les retards de paiement, à limiter les pertes et à forcer le redémarrage des productions critiques si nécessaire. Cependant, tous les liens d’une chaîne ne peuvent pas être assurés. Il s’agit alors d’identifier les étapes les plus importantes dans différents scénarios de chocs.

 

Les chaînes logistiques peuvent aussi être réorganisées, grâce à des algorithmes à grande échelle capables d’identifier quels fournisseurs sont à remplacer et quels nouveaux fournisseurs sont à privilégier.

 

Dans quelques années, elles pourraient bien avoir changé. L’objectif n’est plus de réduire les coûts comme ce fut le cas avant la pandémie, mais de réduire les retards et les risques des crédits commerciaux. Les consommateurs finaux, en faisant évoluer la demande, dicteront le besoin de réorganiser le réseau. En définitive, c’est la flexibilité du client qui détermine la solidité de la chaîne logistique.

 

 

Source : Article en anglais : The Conversation, en partenariat avec le Fonds AXA pour la recherche


Guerre en Ukraine : vers un accroissement des efforts pour atteindre la neutralité carbone ?

Par Chris Iggo, CIO Core Investments d’AXA IM

Le 12 mai 2022

 

Publié seulement quelques mois après la COP26, le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) n’est guère réjouissant. Cet organe des Nations Unies a averti que le monde risque de connaître « plusieurs catastrophes climatiques qui ne pourront être évitées lors des 20 prochaines années », et ce, même si le réchauffement climatique reste limité à 1,5 °C.1

 

Il a ajouté que même le fait de dépasser provisoirement ce niveau aurait « de lourdes conséquences supplémentaires, dont certaines seraient irréversibles. Les risques pour la société augmenteront, y compris pour les infrastructures et les agglomérations côtières de basse altitude ». Cette analyse est un rappel opportun de l’urgence derrière les efforts visant à atteindre la neutralité carbone, à un moment où la pandémie de Covid-19, dans un premier temps, et maintenant la guerre en Ukraine ont bouleversé les priorités géopolitiques et de politique monétaire.

 

Craintes en matière d’approvisionnement

 

Bien que le GIEC mette en avant le fait que les vagues de chaleur, les sécheresses et les inondations sont déjà à l’origine d’une mortalité de masse chez certaines espèces et exposent des millions de personnes à une insécurité alimentaire et hydrique extrême, les discussions portent actuellement sur la façon de soutenir durablement une reprise post-Covid-19, tout en tenant compte de l’impact de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

 

Les prix de l’énergie augmentaient déjà à mesure que les économies rouvraient, poussant l’inflation à des niveaux inédits depuis plusieurs dizaines d’années, ce qui a entraîné un resserrement particulièrement prononcé des attentes en matière de taux d’intérêt en Europe et aux États-Unis. La guerre a toutefois suscité de nouvelles craintes à l’égard de la sécurité et de l’approvisionnement énergétique.

 

De nouveaux défis

 

Pour la première fois en sept ans, l’escalade des tensions politiques en conflit militaire a été à l’origine d’une correction des marchés mondiaux des actions et de l’envolée des prix du pétrole au-delà des 100 dollars le baril. Cet acte d’agression a déjà un énorme coût sur le plan humain, les pays occidentaux n’ayant d’autre choix que d’imposer de lourdes sanctions à l’encontre des dirigeants russes, mais également de certaines banques et de quelques oligarques. L’impact économique dans son ensemble sera toutefois ressenti de façon bien plus large.

 

Le rôle de la Russie en tant que principal fournisseur d’énergie est un élément crucial de ce conflit. À l’heure actuelle, l’Union européenne (UE) importe 90 % de sa consommation de gaz, dont environ 45 % sont fournis par la Russie. La Russie représente aussi environ 25 % des importations de pétrole et 45 % de celles de charbon.2

 

Par ailleurs, les investissements dans la production d’électricité à base de combustibles fossiles ont diminué, alors que les capitaux sont désormais alloués à des modèles énergétiques plus durables. Un argument subsiste pour dire que cela limite la capacité du secteur de l’énergie à répondre à une hausse soudaine de la demande, alors que les sources d’énergie renouvelables ne sont pas encore en mesure de couvrir une éventuelle insuffisance et que des technologies comme l’énergie éolienne ou solaire ne permettent pas d’accroître rapidement les capacités de production.

 

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a affirmé que l’Europe devait agir rapidement et qu’elle devait se préparer à faire face à d’importantes incertitudes quant à l’approvisionnement en gaz russe l’hiver prochain.3 La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a adopté un ton similaire, encourageant vivement à ce que l’UE ne soit plus dépendante du pétrole, du charbon et du gaz russes et déclarant qu’elle ne pouvait pas être tributaire d’un fournisseur qui la menace explicitement.4

 

Une transition qui ne tient qu’à un fil

 

Les actions du président russe Vladimir Poutine ont mis le monde au bord d’un gouffre en matière de transition énergétique. Des réductions volontaires ou forcées de la consommation d’énergie provenant de Russie feront basculer la demande vers d’autres sources et fournisseurs d’énergie, ce qui continuera de soutenir les prix élevés à court terme. Cette volonté de trouver la réponse la plus adéquate possible à l’augmentation des prix et des pénuries semble susceptible d’accroître l’utilisation de charbon, de pétrole et de gaz autres que ceux produits par la Russie à un niveau incompatible avec une baisse des émissions et la poursuite de l’objectif de neutralité carbone.

 

Le développement de capacités dans les sources d’énergie renouvelables ou alternatives, comme le nucléaire, prend du temps et ne permettra pas de résoudre la crise actuelle des prix de l’énergie. De nombreuses personnalités politiques appellent déjà à la réouverture de centrales de charbon ayant été démantelées afin d’essayer de contourner la dépendance de l’Union européenne à la Russie en ce qui concerne son approvisionnement en énergie.

 

Au Royaume-Uni, la reprise de la fracturation hydraulique (ou « fracking »), auparavant utilisée dans le cadre de l’extraction du gaz de schiste, est demandée par certains afin de stimuler la production et de baisser les prix du carburant.5

 

Ne pas prendre de raccourcis

 

Ce sentiment d’urgence est compréhensible, voire même nécessaire au vu de la gravité de la situation, mais les conséquences pour l’environnement pourraient être tout simplement catastrophiques si les actions de la Russie venaient à forcer la réouverture de centrales alimentées par des combustibles fossiles. Cela menacerait alors le rythme et la qualité de notre transition vers une économie mondiale durable. L’argumentaire en faveur de la transition énergétique n’a jamais été aussi fort et chaque proposition individuelle, qui sert à repousser l’abandon des combustibles fossiles, devrait être étudiée avec la plus grande rigueur.

 

Prendre des raccourcis aujourd’hui ne nous aidera probablement pas demain. Une étude réalisée au Royaume-Uni a montré que les factures énergétiques au début de cette année étaient plus chères de près de 2,5 milliards de livres sterling qu’elles ne l’auraient été si un certain nombre de politiques favorables au climat n’avaient pas été abandonnées lors des dix dernières années.6 Des raccourcis ne doivent donc pas être pris. Alors que notre dépendance aux combustibles fossiles n’a jamais été aussi chère et dangereuse, là n’est pas le moment de la renforcer.

 

Une émancipation nécessaire

 

C’est pourquoi l’Europe doit s’émanciper des combustibles fossiles russes. Ursula von der Leyen a appelé à prendre des mesures d’urgence pour limiter l’impact de la hausse des prix de l’énergie, diversifier l’approvisionnement en gaz et accélérer la transition vers une énergie propre.7 La Commission européenne a proposé un plan visant à atteindre tous ces objectifs et prévoit que l’Europe ne dépende plus des combustibles fossiles russes bien avant 2030.

 

Appelée REPowerEU, la stratégie cherchera à diversifier l’approvisionnement en gaz, à accélérer l’introduction de gaz renouvelables et à remplacer le gaz dans le chauffage et la production d’électricité. L’Union européenne estime qu’elle peut réduire sa demande en gaz russe de deux tiers d’ici la fin de l’année.8

 

Les prochaines mesures à prendre

 

La période actuelle pourrait être le moment idéal pour accélérer la transition de façon à protéger les pays – et les investisseurs – contre d’éventuelles sources de tensions similaires à l’avenir. Le monde reste trop dépendant des combustibles fossiles pour réduire de façon significative les émissions de dioxyde de carbone (CO2) à court terme. Les prix élevés actuels pour les sources d’énergie à forte intensité carbone devraient davantage contribuer à la transition en faveur des sources d’énergie renouvelables à un moment où celles-ci bénéficient d’un repli de la courbe des coûts à long terme en raison des avancées technologiques. Nous devons toutefois être conscients du fait que les événements récents auront des conséquences à court terme.

 

Les émissions de CO2 seront probablement supérieures aux estimations de l’année dernière ou d’il y a deux ans, car, au vu du contexte actuel, la transition en faveur des sources d’énergie renouvelables devrait être plus difficile. Cela devrait repousser le pic de la courbe des émissions qui, à son tour, se traduirait par une augmentation des investissements publics et privés dans l’énergie verte et les technologies qui y sont liées pour compenser.

 

L’objectif final serait d’observer une baisse bien plus prononcée de la courbe des émissions, qui permettrait d’avoir une sécurité énergétique plus forte. L’hydrogène et le nucléaire pourraient en tirer parti, à l’instar de l’énergie solaire et éolienne, et des efforts pourraient être consentis pour accroître l’efficacité énergétique.

 

Conclusion

 

Un choc énergétique s’inscrivant dans la durée, et suralimenté par la guerre en Ukraine, a remis sur le devant de la scène les questions de l’urgence et des implications sociales de la sécurité énergétique. Les combustibles fossiles ont été à l’origine de problèmes considérables sur le plan politique au fil des années et la dépendance énergétique de l’Europe vis-à-vis d’une Russie agressive ne sera pas le dernier. Le changement climatique constitue lui aussi une menace géopolitique fondamentale, alors que son impact pourrait mettre en péril notre mode de vie. Nous ne pouvons lutter contre le premier sans tenir absolument compte de ce dernier. Si nous ne parvenons pas à réaliser la transition vers une économie à faible émission de CO2, il n’y aura pas de croissance économique durable, et notre avenir sera compromis.

 

  • [1] https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg2/resources/press/press-release/
  • [2] https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_22_1511
  • [3] https://www.iea.org/news/how-europe-can-cut-natural-gas-imports-from-russia-significantly-within-a-year
  • [4] https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_22_1511
  • [5] https://www.theguardian.com/commentisfree/2022/mar/06/observer-view-on-ukraine-and-climate-emergency
  • [6] https://www.carbonbrief.org/analysis-cutting-the-green-crap-has-added-2-5bn-to-uk-energy-bills
  • [7] https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_22_1511
  • [8] https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_22_1511

 


Le gaspillage alimentaire : une cible mouvante dans la lutte contre le changement climatique

Par Amanda O’Toole, gérante de portefeuille, AXA IM

Le 13 avril 2022

 

De nombreuses sociétés se sont habituées à des approvisionnement à flux tendus. Une production et une distribution alimentaire en flux « juste suffisants » seraient peut-être moins alléchantes. Les consommateurs se sont habitués à cette impression d’abondance et, comme l’ont montré les perturbations des chaînes d’approvisionnement en 2021, il est facile de prendre peur face à des rayons vides dans les supermarchés.

 

Surproduction et gaspillage

 

La surproduction est par conséquent ancrée dans le système, si bien qu’une alternative semble impensable. Cependant, les conséquences de ce phénomène n’ont pas été suffisamment prises en compte. Les données montrent clairement qu’il s’agit là d’un problème majeur alors que la planète s’efforce d’opérer une transition vers l’objectif de zéro émission nette au cours des prochaines décennies.

 

Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le monde gaspille environ un tiers de la production totale de denrées alimentaires destinée à la consommation humaine1. Ce gaspillage se produit tout au long de la chaîne d’approvisionnement, du champ à la décharge publique.

 

Selon l’ONU, les pertes de fruits et légumes représentent à elles seules près de la moitié de la production totale2. Chaque produit gaspillé implique un gaspillage d’eau, de terre et de carburant, et laisse supposer un déboisement et l’emploi de pesticides inutiles.

 

Au total, l’empreinte carbone du gaspillage alimentaire a été estimée à l’équivalent d’environ 3,3 gigatonnes de CO2 par an. S’il s’agissait d’un pays, le gaspillage alimentaire se classerait au troisième rang des émetteurs mondiaux, derrière les États-Unis et la Chine.3

 

Un problème pluridimensionnel

 

Mais ces chiffres globaux masquent le caractère fragmenté et pluridimensionnel du problème. Lorsqu’il s’agit de lutter contre le gaspillage alimentaire, ce ne sont pas des centrales électriques géantes qui émettent des gaz à effet de serre auxquelles il faut faire face, mais plutôt des millions de situations et de transactions dans les exploitations agricoles, les supermarchés, les maisons et les restaurants. Et alors que les sources d’énergie renouvelables réduisent progressivement notre dépendance vis-à-vis du pétrole et du gaz, il n’existe actuellement aucune alternative viable aux denrées alimentaires qui nous maintiennent en vie, ni même aux réseaux de production et de distribution qui nous permettent de remplir nos assiettes.

 

Des solutions fragmentées

 

En l’absence de solution de remplacement optimale prête à être déployée, il est probable que les solutions seront elles aussi fragmentées. Dans un rapport publié en 2014, la FAO l’a clairement indiqué : les six méthodes d’atténuation qu’elle a choisi de mettre en avant vont des refroidisseurs de lait au Kenya à l’amélioration du tri des carottes en Suisse, en passant par l’alimentation des porcs en Australie.4

 

Toutefois, ces solutions partielles potentielles existent bel et bien. Pour les investisseurs en quête de croissance et de décarbonation, cette variété pourrait offrir un vivier d’opportunités.

 

Des impacts inégaux

 

Le gaspillage alimentaire est un phénomène mondial qui prend des formes parfois très différentes. Dans les pays plus riches, la production a progressivement gagné en efficacité grâce à la mécanisation et à l’amélioration des pratiques agricoles. Le gaspillage a donc tendance à se produire en fin de chaîne d’approvisionnement, où les excédents sont souvent mis en décharge et contribuent aux émissions de méthane, un gaz à effet de serre nettement plus nuisible (sous sa forme non comburée) que le dioxyde de carbone.

 

Si nous acceptons la surproduction comme la seule réalité politiquement plausible pour une nation avancée (et acceptons que la surconsommation est indésirable pour des raisons sanitaires et sociales), une partie de la solution doit se trouver dans ce que nous faisons des denrées alimentaires une fois qu’elles sont tombées du mauvais côté de la dynamique offre/demande.

 

Un certain nombre d’entreprises proposent des applications qui visent à rapprocher les excédents alimentaires des consommateurs potentiels. Ces dispositifs fonctionnent souvent à l’échelle de la collectivité, entre particuliers, mais même ceux qui visent à reproduire l’idée au niveau des restaurants et des traiteurs peinent à atteindre l’envergure nécessaire pour que des acteurs économiques plus importants puissent y investir.

 

Les entreprises qui cherchent à produire de l’énergie en collectant et en distribuant les huiles de cuisson usagées comme carburant pour les grandes entreprises de transport ou qui utilisent les déchets générés par la production de viande pour fabriquer des engrais sont peut-être plus viables.5

 

D’autres entreprises sont axées sur la digestion anaérobie, un processus vieux de plusieurs siècles qui consiste à transformer les déchets alimentaires de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement en biogaz. La combustion du biogaz pour produire de l’électricité génère beaucoup moins d’émissions dangereuses que si nous le laissions se décomposer. Le biogaz est également considéré comme neutre en carbone car le dioxyde de carbone a lui-même d’abord été extrait de l’atmosphère par des plantes cultivées et récoltées dans un passé récent, contrairement au CO2 stocké pendant des millénaires et rejeté par la combustion de combustibles fossiles. 6

 

Au Royaume-Uni, où l’énergie produite par digestion anaérobie a augmenté de près de 60 % entre 2015 et 2020, les déchets alimentaires représentent environ un tiers des matières utilisées et les cultures un autre tiers.7 Selon la dernière étude de marché menée par la filière britannique de la digestion anaérobie et du compostage, 3,2 millions de tonnes de déchets alimentaires ont été valorisées en 2018, contribuant à générer 1,2 milliard de mètres cubes de biogaz (ainsi que d’autres produits comme les engrais). Un quart de ce volume a été injecté dans le réseau électrique du pays.8

 

Conservation longue

 

Les innovations qui permettent d’allonger la durée de conservation des produits constituent une autre solution possible dont l’envergure est désormais suffisante pour susciter des investissements.

 

Les aliments frais peuvent se gâter facilement en raison de l’attrait qu’ils présentent pour les micro-organismes, mais les emballages antimicrobiens peuvent remédier à ce problème, de même que les gaz antimicrobiens placés dans les poches d’air qui entourent des produits comme la viande ou le fromage. La réduction de la dépendance à l’égard des systèmes de réfrigération énergivores au sein de la chaîne logistique peut également avoir un effet secondaire.

 

En remontant au début de cette chaîne, hors de l’univers investissable, jusqu’aux agriculteurs qui produisent les denrées alimentaires, on observe des innovations encourageantes comme celles du Farmers Business Network aux États-Unis.9 Lancée en 2014 pour permettre à un petit nombre de producteurs de partager des informations, cette organisation compte aujourd’hui 25.000 membres et vise, par la collecte et le partage de données, à améliorer l’efficacité et la durabilité de l’agriculture. Née de la volonté de lutter contre les pratiques abusives en matière de prix, elle aide désormais les agriculteurs à prendre des décisions plus pertinentes en matière de culture afin de rendre l’utilisation des terres plus productive.

 

Les discussions sur le gaspillage alimentaire ont tendance à tourner en rond. Les problèmes et les solutions sont dispersés tout au long de la chaîne de valeur et cette réalité est tout aussi encourageante que complexe pour les investisseurs.

 

Les opportunités d’investissement sont nombreuses dans un monde qui cherche à tendre vers le net zero, à l’instar des actions menées par les pouvoirs publics et alors que nous nous efforçons progressivement de maîtriser l’impact climatique du système alimentaire dont nous dépendons.

 

Consultez aussi le corner Marchés

 

1] Source : Stop the waste: UN food agencies call for action to reduce global hunger | | UN News

[2] Source : https://www.unep.org/thinkeatsave/get-informed/worldwide-food-waste

[3] Source : UN FAO 2013. http://www.fao.org/3/i3347e/i3347e.pdf

[4] Source : UN FAO 2014. https://www.fao.org/publications/card/en/c/a530f2ad-499c-400f-b9c0-6c8988f2ee9d/

[5] Bio-based fertilizers: A practical approach towards circular economy. Chojnaka, Moustakas, Witek-Krowiak. Janvier 2020

[6] Université de Floride : Biogas – A renewable biofuel

[7] La production totale d’énergie par digestion anaérobie s’élevait à 606 000 tonnes d’équivalent pétrole en 2015. En 2020, elle a atteint plus d’un million de tonnes. Source : UK Department for Environment, Food and Rural Affairs.

[8] Anaerobic Digestion and Composting Industry Market Survey Report 2020

[9] https://www.fbn.com/about

 

 


COP27 : Voir plus loin que le carbone !

Par Hans Stoter, Responsable mondial AXA IM Core

Le 17 mars 2022

 

La COP26 a permis de réaliser des progrès évidents. Nombre des engagements pris ont été significatifs, et la promesse d’une politique de mesures plus vigoureuses a été encourageante.

La réduction des émissions de carbone étant fermement intégrée à la politique de nombre de gouvernements, il est désormais temps pour la COP d’aborder de manière plus globale les problématiques environnementales et de les gérer au sens large. La décarbonation est essentielle, sans aucun doute, mais faut-il vraiment se demander quel type de planète nous voulons préserver ?

 

Décarbonation

 

Le Pacte de Glasgow pour le climat dans sa version finale a été signé par près de 200 pays, et devrait permettre d’accélérer le rythme des mesures contre le changement climatique. En effet, d’ici la prochaine COP qui se tiendra à Charm el-Cheikh en novembre de cette année, les gouvernements devront avoir proposé de nouvelles Contributions déterminées au niveau national (NDC) en faveur de la décarbonation, à l’horizon 2030. Le délai a été rallongé de cinq ans, puisque 2025 était auparavant envisagé.

 

Pour la première fois, l’accord intègre également un plan de limitation du recours aux énergies fossiles, bien que la formulation finale ait été regrettablement édulcorée en un engagement à « réduire » la production d’énergie alimentée au charbon, et non à y mettre fin.

D’autres éléments ont été source de frustration, tels que le manque d’engagement officiel envers le net zéro d’ici 2050 par les plus grands pollueurs mondiaux, mais, un problème criant s’est manifesté d’emblée.

 

Et la biodiversité ?

 

Concernant les principaux objectifs annoncés lors de la COP26, il s’agissait de l’engagement à atteindre des chiffres plus ambitieux de réduction de gaz à effet de serre d’ici 2030, de débattre de mesures d’adaptation face aux conséquences inévitables du changement climatique, et d’augmenter les financements pour la lutte contre le réchauffement climatique. Et il est vrai que de réelles avancées ont été réalisées dans ces domaines.

 

Cela étant, il semble que les problématiques environnementales au sens large n’ont été que survolées, signe que la COP26 n’a généré aucun engagement international en matière de biodiversité. Mettre fin à la déforestation d’ici 2030 est un objectif noble, mais préserver les habitats naturels de façon plus générale, y compris les océans, est crucial pour contenir les taux de carbone dans l’atmosphère.

 

Et la pollution plastique ?

 

Le manque de progrès sur ces questions a été source d’une immense déception. Le gaspillage alimentaire (qui à terme, consume les réserves d’eau, le sol et l’énergie, en plus de favoriser l’utilisation superflue de pesticides), mais aussi la pollution plastique et la gestion des déchets sont autant de thèmes particulièrement préoccupants.

Le constat est morne. D’ici 2050, il y aura davantage de plastique que de poissons dans les océans.[1] La masse de plastique totale est deux fois plus élevée que celle de tous les mammifères vivants, 80 % de tous les plastiques jamais produits demeurant encore dans la nature.[2] La pollution plastique n’est pas seulement ingérée par les poissons ou la faune marine en général. Une personne consomme en moyenne cinq grammes de plastique par semaine, soit l’équivalent d’une carte de crédit.[3] Au total, la pollution plastique tue jusqu’à un million de personnes par an.[4]

 

Il n’est pas excessif d’affirmer que la pollution plastique pourrait devenir aussi importante que les émissions de carbone. Cependant, elle est loin d’attirer le même niveau d’attention.

Le problème est en partie dû au fait qu’elle est perçue comme un lointain fléau, similaire au réchauffement climatique sur certains aspects, mais en beaucoup moins urgent. Il n’y a pas de consensus sur la question. Essayez de vous rappeler la dernière fois que vous avez entendu un politicien ou une politicienne parler de la pollution marine. Ce devait probablement être à propos d’une marée noire, en commentaire à des images de plages souillées et d’une faune en détresse, imprégnée de pétrole. La nécessité d’agir était alors évidente, urgente et dans la ligne de mire des médias.

 

De telles incidences idiosyncrasiques ne révèlent pas vraiment la véritable ampleur du problème. Chaque année, le plastique provoque 13 milliards d’euros de dommages aux écosystèmes marins de la planète, et 630 millions d’euros de pertes annuelles estimées pour le tourisme les communautés côtières d’Europe.[5]

 

Une approche plus globale nécessaire

 

Et cela ne va faire qu’empirer. La Banque mondiale prévoit que la production mondiale de déchets sera multipliée par deux en 15 ans avec l’utilisation des plastiques à usage unique tels que les bouteilles, les ballons, les sacs et les emballages (le pire de tous).

 

Il est temps pour la COP d’adopter une approche plus globale et de chercher à s’attaquer comme il se doit à ces problèmes environnementaux plus vastes. Est-il souhaitable de voir la planète, y compris ses habitants, humains ou marins, s’étouffer avec des déchets plastiques ? Si nous ignorons ces problématiques, nous réussirons tout de même à limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C, mais nous regardons la Terre devenir une véritable décharge.

 

Il devient essentiel d’élargir le périmètre d’action et d’obtenir des engagements pour préserver la biodiversité et limiter la production de déchets (engrais, produits chimiques toxiques, plastique…). Cela ne peut plus être qu’une question abordée dans des conférences lointaines. La COP est le seul organisme qui possède l’envergure, le poids et la vision à long terme pour réaliser des progrès sur une question qui a bien trop longtemps été considérée comme un problème latent par les gouvernements. À nous de faire couler de l’encre sur le sujet, autrement nous risquons de perdre encore une année, encore une COP, à voir les « soupes plastiques » remplacer peu à peu nos océans et nos cours d’eau, qui sont de plus en plus contaminés et dangereux pour toute forme de vie sur Terre.

 

 

Consultez aussi le

[1] Parlement européen – Pollution marine : données, conséquences et nouvelles règles européennes | Actualités | Parlement européen (europa.eu)

[2] Stockholm Resilience Center – Safe planetary boundary for pollutants, including plastics, exceeded, say researchers (article en anglais) – Stockholm Resilience Centre

[3] WWF – Revealed: plastic ingestion by people could be equating to a credit card a week – (article en anglais) WWF-Australia

[4] No Time to Waste: Tackling the plastic pollution crisis before it’s too late – Tearfund, Fauna & Flora International, WasteAid, and the Institute of Development Studies (page en anglais)

[5] Commission européenne – Lutter contre les plastiques à usage unique – Office des publications de l’Union européenne (europa.eu)


Crise du Covid 19 : quel est le coût de la normalisation ?

 

Par Gilles Moëc, Chef économiste du groupe AXA et Head of Research chez AXA IM

Le 23 février 2022

 

Depuis le début de la pandémie, chaque vague a été moins coûteuse que la précédente en termes d’impact sur l’activité économique. Cela reflète à la fois une meilleure adaptation des entreprises et des consommateurs et la montée progressive de restrictions sanitaires dépendantes du statut vaccinal des individus qui a permis d’éviter la fermeture totale de secteurs entiers. Omicron s’est inscrit dans cette tendance, et les prévisions de croissance n’ont pas été revues à la baisse : on attend 3.9% en 2022 dans la zone euro et 3.5% aux États-Unis.

 

Politiques moins accommodantes

 

Un corollaire de cette résilience de l’activité économique est que les politiques économiques n’ont plus à être aussi accommodantes que lors du pic pandémique. Parmi les grandes banques centrales du monde développé, la Fed a été la première à donner le signal de la normalisation dès l’automne dernier. Son discours s’est durci à mesure que les nouvelles sur le front de l’inflation se dégradaient. Elle a décidé d’accélérer son rythme de réduction de ses achats nets (qui s’arrêteront en mars) et mentionne même ouvertement la possibilité de réduire les stocks d’actifs qu’elle détient.   On attend également 4 hausses de taux directeurs pour cette année pour un total de 100 points de base.

 

La BCE était plus prudente, avant de changer elle aussi de discours assez brutalement à l’occasion de la réunion de son Conseil des Gouverneurs du 4 février. La Présidente de la BCE ne considère plus comme en décembre qu’une hausse des taux en 2022 est « improbable » et a exprimé « l’inquiétude unanime du Conseil des Gouverneurs » au sujet de l’inflation. On s’attend donc à une première hausse de taux de la BCE en décembre de cette année, après un arrêt des achats nets de titres à la fin du troisième trimestre.

 

Et l’inflation ?

 

Aux États-Unis, l’inflation n’est plus seulement le reflet d’un choc exogène, la libération rapide de la demande globale lors de la réouverture des économies rencontrant une offre encore contrainte. La « surstimulation » budgétaire mise en œuvre par Donald Trump puis par Jo Biden s’est traduite par l’apparition d’une demande excessive aux Etats-Unis. Cela a engendré un rebond spectaculaire de l’emploi, alors que le taux de participation au marché du travail (la part des individus en âge de travailler qui soit occupent un emploi soit en recherchent un activement) a baissé depuis le début de la pandémie.

 

Sans surprise, ce déséquilibre se résout par une accélération tout aussi spectaculaire des salaires (5.7% sur un an en janvier 2022) qui, à leur tour, poussent les prix à la consommation à la hausse. Dans un tel contexte, il est logique que la banque centrale relève ses taux pour ramener la demande vers un rythme plus soutenable.

 

Il est difficile d’appliquer le même raisonnement à l’Europe. Certes, l’inflation est élevée dans la zone euro, à 5.1% sur un an en janvier 2022, mais à la différence des États-Unis, l’essentiel de l’accélération y est encore imputable à des facteurs exogènes. Hors énergie et produits alimentaires, l’inflation s’établissait à 2.3% sur un an en janvier. Les salaires n’ont pas encore accéléré. Il n’y a pour l’instant pas de mise en place d’une inflation auto-entretenue. C’est la grande différence avec les États-Unis. Alors que le PIB de la zone euro vient à peine de revenir à son niveau d’avant crise, il est difficile de parler d’une « demande excessive » qu’il conviendrait de corriger. Pourtant, la BCE ne veut pas prendre de risque et se met déjà en position de durcir sa politique monétaire, pour se prémunir contre le risque que les anticipations d’inflation se mettent à déraper. C’est une approche maximaliste, en rupture profonde avec le changement culturel imposé par Mario Draghi.

 

Dans les pays émergents aussi

 

A ce durcissement général des conditions monétaires dans le monde développé (la Banque d’Angleterre a déjà relevé ses taux directeurs deux fois en pleine vague « Omicron ») s’ajoutent les relèvements de taux dans le monde émergent. Ces pays sont plus sensibles aux hausses des prix de l’alimentation et de l’énergie qui représentent souvent un poids particulièrement élevé dans les indices. La crédibilité des banques centrales y est également moindre, ce qui les oblige à réagir plus rapidement aux signaux inflationnistes.

 

La seule grande exception dans ce paysage est la Chine où la politique monétaire s’est faite plus accommodante ces derniers mois. A la différence des pays occidentaux, la Chine a opté pour un stimulus minimal au début de la crise pandémique. Le redémarrage de l’économie y a été rendu possible par le succès rapide de mesures sanitaires drastiques, mais il n’y a pas eu de soutien massif au revenu des ménages, et la consommation a marqué un retard certain.

 

A ce choix initial s’est ajouté celui d’une action robuste pour réduire la spéculation immobilière et les risques de stabilité financière qu’elle implique, ce qui a également freiné la demande intérieure. L’inflation est restée faible en Chine, et les dernières enquêtes de conjoncture disponibles suggèrent que l’activité est stagnante (pour les standards chinois). Si une croissance de 5% est sans doute un minimum pour 2022, nous sommes très loin des rythmes proches de 10% de la dernière décennie, et la banque centrale chinoise doit maintenant consentir à des baisses de taux d’intérêt, au rebours de la tendance mondiale.

 

Et sur les marchés ?

 

Depuis le début de l’année, le durcissement effectif ou attendu des politiques monétaires a entamé significativement la performance des marchés actions, tandis que les taux d’intérêt à long terme ont commencé leur remontée. La réduction du bilan de la Fed en particulier est un facteur important à prendre en compte, puisqu’elle revient dans les faits à une contraction de la liquidité globale.

 

Ce qui peut toutefois venir limiter la correction de ces actifs c’est que la croissance mondiale reste suffisamment robuste pour permettre aux profits de se maintenir sur des niveaux décents. La politique budgétaire n’est certes plus aussi expansionniste qu’en 2020 et 2021, mais 2022 n’est pas l’année du retour à l’austérité. Ceci devrait permettre de maintenir la demande intérieure sur un rythme de croissance décent.

 

Dans la même veine, l’inflation vient bien sûr éroder le pouvoir d’achat des ménages, mais ces derniers (en tout cas dans les pays développés) ont accumulé une épargne excédentaire importante pendant la pandémie qui constitue une « réserve de consommation » pour cette année. Enfin, la contribution des éléments « exogènes » à la poussée inflationniste devrait progressivement se réduire dans l’année. Les enquêtes font déjà ressortir une détente des contraintes d’offre (par exemple les délais de livraison) et le prix du fret maritime s’est déjà réduit notablement par rapport au pic de l’été 2021. Ceci devrait permettre de limiter l’ampleur du durcissement des conditions monétaires.

 

Et qu’en est-il des risques ?

 

Quels sont les risques autour de cette trajectoire somme toute « décente » ? La tension avec la Russie autour de la question ukrainienne est bien sûr une source d’incertitude forte. Par rapport à 2014 (le précédent épisode de tension autour de la Crimée), la Russie est dans une position financière qui lui permet de résister plus longtemps à des sanctions occidentales. Sa dette extérieure s’est réduite et sa banque centrale a accumulé des réserves de change importantes.

 

Une escalade de la tension se traduirait par une poursuite de la hausse des prix de l’énergie qui viendrait prolonger l’épisode inflationniste, particulièrement en Europe, avec un impact immédiat sur la consommation, en plus de la dégradation générale de la confiance qui pèserait sur les décisions d’investissement.

 

Il ne faut pas oublier bien sûr la tension toujours forte entre la Chine et les États-Unis autour de Taiwan. Dans les risques « intra-européens », signalons la possibilité d’un « emballement » des taux d’intérêt de long terme en Italie et le reste de la périphérie sous l’effet de l’arrêt des achats de titres par la BCE. La poursuite de « l’expérience Draghi » (à priori jusqu’aux prochaines élections législatives qui doivent se produire d’ici à juin 2023) qui se matérialise par des réformes structurelles bienvenues et des financements européens conséquents permet toutefois de limiter ce risque.

 


Quel bilan pour l’année 2021 ?

Le 18  janvier 2022

La pandémie de la COVID-19 est restée un sujet dominant en 2021. Les campagnes de vaccination ont permis de sortir du « stop-and-go » des confinements au 2ème trimestre, malgré l’apparition du variant Delta, et d’autoriser une reprise plus large de l’activité économique. Toutefois, la pandémie ressurgissait à l’automne et le risque s’accentuait fin novembre avec l’émergence du variant Omicron, doté d’une capacité de transmission bien plus élevée. En fin d’année, nombre de pays avaient mis en place des restrictions pour contrer cette nouvelle flambée du virus, sans atteindre globalement tout de même le niveau de contrainte des premières vagues.

 

Bilan économique

 

Au total, comparée à 2020 qui avait été une année de compression de l’activité, 2021 aura été une année de nette reprise économique, même si celle-ci a été sujette aux freins décrits ci-dessous et à une certaine volatilité. La croissance mondiale pourrait s’élever à 5,7% en 2021 (Etats-Unis 5,5% ; zone euro 5% ; Royaume-Uni 6,8% ; Japon 1,9% ; économies émergentes 6,2%, dont Chine 7,9%).

 

Au-delà des confinements, la perturbation du marché du travail a été une des conséquences majeures de la pandémie, notamment aux Etats-Unis. Départs en retraite précoces, retours sur le marché tardifs et désintérêt pour certains secteurs d’activité ont conduit à une raréfaction de l’offre, tandis la demande reprenait avec vigueur avec la réouverture.

 

La production et la distribution des biens manufacturés ont globalement été perturbées, désorganisées, tandis que la demande pour ces biens reprenait fortement. Des goulets d’étranglement se sont alors créés dans les chaines d’approvisionnement. La forte tension induite sur les prix, apparue dès le 2ème trimestre et renforcée par un effet de base sur les prix des matières premières, pétrole et gaz en premier lieu, a tout d’abord été jugée comme étant un phénomène temporaire. L’inflation, plus durable qu’anticipée et atteignant des niveaux plus connus depuis des décennies, est devenue le sujet de toutes les attentions. Pour l’ensemble de l’année 2021 on prévoit des chiffres d’inflation de +4,7% aux Etats-Unis, +2,6% en zone euro, +2,4% au Royaume-Unis et -0,2% au Japon.

 

Qu’ont fait les Banques centrales ?

 

Dans ce contexte, presque toutes les banques centrales ont entamé un resserrement de leur politique monétaire, avec d’autant plus de motivation que la tension observée sur leur marché du travail était forte. Ainsi, la Réserve Fédérale a annoncé une réduction de son programme d’achat d’actifs en novembre, puis une accélération de cette réduction en décembre, des hausses de taux étant envisagées dès la mi-2022. La Banque d’Angleterre a procédé à une première hausse des taux directeurs en décembre, de 0,15% à 0,25%. En zone euro, où le marché du travail est moins tendu, une hausse des taux de la BCE semblait peu probable avant 2023. La BCE annonçait la fin du programme d’urgence PEPP fin mars, mais maintenait une certaine flexibilité par ailleurs, avec une augmentation du programme d’achat d’actifs APP dès le 2ème trimestre 2022.

 

Bilan politique

 

Sur le plan politique, la première année du mandat de Joe Biden aura été compliquée, avec de nombreux retards et révisions en baisse de ses divers plans d’investissement. A cela s’ajoute le risque d’une impasse budgétaire (« shutdown ») au second semestre et finalement l’effritement de sa cote de popularité qui laissait présager des élections difficiles à mi-mandat au Congrès fin 2022.

 

En Allemagne, les élections ont marqué la fin de l’ère Merkel et l’arrivée au pouvoir d’une alliance des Sociaux-Démocrates, des Libéraux et des Verts, avec une ambition pro-européenne plus marquée. Au Japon, le premier ministre Suga a cédé la place à Fumio Kishida, assurant une continuité de la politique conduite.

 

La Chine a encore montré sa singularité, tout d’abord avec sa stratégie du « zéro COVID » qui a coûté très cher à son économie. Elle a connu par ailleurs une pénurie d’électricité, temporaire grâce à l’augmentation de sa production de charbon. En revanche, le risque systémique que représente le financement du secteur immobilier, qui s’est manifesté par le risque de défaut de la société Evergrande, semblait plus durable. Les autorités chinoises, qui doivent mettre en balance la gestion de ce risque systémique et le soutien de l’activité, ont finalement fait le choix tardif d’un assouplissement de la politique monétaire (baisse de 0,5% du taux RRR mi-décembre).

 

Au niveau géopolitique, si elle a changé dans sa forme, la relation entre les Etats-Unis et la Chine est demeurée tendue, l’enjeu du leadership économique et politique restant entier. La tension entre la Russie et l’Ukraine est allée grandissante, l’armée russe se massant à la frontière ukrainienne, conduisant à un échange d’avertissements entre Vladimir Poutine et les gouvernements occidentaux.

 

Thèmes en 2022

 

Parmi les thèmes qui marqueront l’actualité de 2022, la COVID-19 et l’inflation devraient rester en bonne place. La réussite de la recherche médicale dans son développement de vaccins peut entretenir les espoirs, mais le chemin reste tout de même pavé d’incertitudes. Certains des éléments qui ont poussé l’inflation à la hausse devraient s’estomper, mécaniquement ou grâce à l’adaptation des acteurs économiques, mais il conviendra de surveiller le marché du travail et l’évolution des salaires. Enfin, citons la transition nécessaire pour minimiser les changements climatiques, devenue un sujet fondamental de long terme.

 

Revue des marchés

 

  1. Actions

 

En 2021, les marchés actions affichent pour la plupart des zones des performances très élevées avec une hausse de +24,2% pour l’indice global en devises locales, équivalente à +29,3% en euros. Parmi les pays développés, les Etats-Unis affichent une des meilleures performances (+26,5%) suivis par le Canada (+24,9%), la Suisse (+23,0%), la zone euro (+22,1%).

 

Le Royaume-Uni (+19,6%) est également est forte hausse tandis que la zone Pacifique hors Japon (+12,6% en euros) et le Japon (+13,4%) enregistrent des performances un peu plus modestes.

Les pays émergents déçoivent (+4,9% en € et -2,5% en $) ; (indices MSCI, dividendes réinvestis en devises locales).

 

Sur la période, les meilleures performances proviennent des secteurs de l’énergie (+40,3%), de la technologie (+29,8%), des financières (+27,9%) et de l’immobilier (+27,8%). Enfin, les petites capitalisations enregistrent des performances légèrement inférieures à celles des grandes capitalisations, ainsi le MSCI Europe Small Caps en € progresse de +23,8% contre +25,1% pour l’indice MSCI Europe.

 

  1. Obligations d’État

 

Au 1er trimestre 2021, les taux à long terme ont amorcé un mouvement de hausse et ont ensuite évolué au gré des anticipations d’inflation et des politiques des banques centrales ainsi que des craintes sur la croissance et l’évolution de l’épidémie.

 

Aux Etats-Unis, les taux à 10 ans sont à 1,51% après avoir atteint un plus haut à 1,77% fin mars 2021. La même tendance s’observe en zone Euro et sur les pays périphériques.

 

  1. Obligations d’entreprises

 

Sur les marchés des obligations d’entreprises, les « spreads » se sont sensiblement resserrés sur la catégorie Investment Grade et plus encore sur le haut-rendement. L’indice Bloomberg Barclays Global Aggregate, représentatif du marché obligataire mondial pour la catégorie Investment Grade, recule de 2,5% (performance couverte en euro). Enfin, les obligations indexées sur l’inflation affichent des performances très supérieures à celles des obligations nominales (+4.5% pour l’indice Bloomberg Global Inflation couvert en euro).

 

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