Cette rubrique est animée par BNP Paribas Asset Management
Urgence climatique : pour une transition socialement juste
Le 23 août 2023
Le monde n’est pas égal face au changement climatique, car les effets de ce dernier et les ressources nécessaires pour l’atténuer et s’y adapter sont inégalement répartis. Cependant, selon les investisseurs actifs, les marchés de capitaux pourraient être une force pour la justice climatique.
La 27e Conférence des parties (COP27), qui s’est tenue en décembre dernier, a permis une petite avancée sur la question centrale de la justice climatique, avec un accord sur la création d’un fonds pour les pertes et les dommages, ouvrant ainsi la voie à un soutien des « pays du Nord » aux « pays du Sud » dans la lutte contre le changement climatique et l’atténuation de ses effets. Le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat estime que 3,3 milliards de personnes vivent déjà dans des zones vulnérables sur le plan climatique.
Le secteur privé peut jouer un rôle important dans le financement d’une transition juste et de l’adaptation au climat dans les communautés qui en ont besoin. Pour les investisseurs, cela signifie qu’ils doivent, entre autres, veiller à ce que les facteurs sociaux soient intégrés dans les activités d’allocation et de gestion des capitaux ou investir dans des obligations sociales.
Les énergies renouvelables dans les pays en développement
Si la COP27 n’a pas été à la hauteur des engagements pris en matière d’émissions, la conférence a placé les marchés de capitaux sous les feux de la rampe, en soulignant leur contribution potentielle au financement d’une transition juste favorisant l’adaptation dans les pays en développement. Le financement mixte – un mélange de financement public et philanthropique et de capital privé – pourrait être une solution.
L’Indonésie a signé un accord de 20 milliards de dollars avec les pays développés et les principaux bailleurs de fonds internationaux pour l’aider à abandonner les combustibles fossiles au profit des sources d’énergies renouvelables. Ce partenariat pour une transition énergétique juste (JETP) constitue une étape importante pour le pays, qui est le troisième producteur mondial de charbon.
L’Afrique du Sud, un autre pays en développement qui produit beaucoup de charbon, a été le premier pays à signer un accord JETP, rapidement suivi par le Vietnam. L’Inde, les Philippines et le Sénégal suivront l’évolution de ces partenariats, car ils envisagent de signer des accords similaires.
Les JETP ne visent pas seulement à réduire les émissions du secteur de l’électricité et à accélérer la transition énergétique dans les pays tributaires du charbon. Ils contribuent également à soutenir la croissance économique, à créer de nouveaux emplois qualifiés, à réduire la pollution atmosphérique et à assurer un avenir résilient et prospère.
L’engagement des investisseurs pour la planète et notre santé
Le secteur de l’agriculture et de l’alimentation a été un autre thème majeur abordé lors de la COP27. Plusieurs défis se posent en matière de justice : le système alimentaire actuel génère 37 % des émissions mondiales, alors qu’un tiers de la nourriture est gaspillée, que la faim persiste dans le « Sud » et que l’insécurité alimentaire est répandue même parmi les populations les plus pauvres des pays à revenus moyens et élevés.
Pour assurer la transition mondiale indispensable vers des émissions nettes nulles, les systèmes alimentaires doivent opérer leur propre transition. Cela implique des changements substantiels dans les régimes alimentaires en faveur des protéines végétales et alternatives, des chaînes d’approvisionnement plus efficaces générant moins de méthane et de déchets, et une réduction de la déforestation. Les pratiques alimentaires non durables d’aujourd’hui comportent également des risques financiers, réglementaires ou de réputation croissants.
La réussite de la transition des systèmes d’alimentation et d’utilisation des terres dépend de la collaboration d’un grand nombre d’acteurs, y compris les investisseurs. Nous devons non seulement nous adapter pour vivre dans les limites de la planète, mais aussi corriger les inégalités créées par le système actuel en ce qui concerne l’accès à des régimes alimentaires sains et adéquats.
Les propositions de vote en matière climatique se multiplient dans le monde entier
Des outils apparaissent pour agir sur les priorités climatiques, y compris dans le domaine de la gouvernance d’entreprise traditionnelle. Initialement promue par des organisations non gouvernementales et des investisseurs, la pratique des propositions Say on Climate a gagné en popularité parmi les entreprises au cours des deux dernières années.
Visant à offrir aux actionnaires un vote consultatif sur la stratégie et/ou le rapport climatique de l’entreprise, et à renforcer le dialogue entre actionnaires en matière de climat, ces mesures de vote sont de plus en plus souvent ajoutées volontairement par les entreprises à l’ordre du jour de leurs assemblées générales annuelles.
Toutefois, il n’est pas encore certain que cette pratique se généralise. Certains investisseurs craignent que ces propositions de gestion ne détournent l’attention d’une action climatique efficace.
Malgré des points de vue divergents, et compte tenu de la multitude actuelle d’approches des entreprises, un cadre commun est nécessaire pour faciliter la compréhension globale et l’alignement des propositions Say on Climate.
Pour l’instant, la participation au programme Say on Climate est volontaire. Les entreprises sont donc libres de choisir la meilleure stratégie. En fin de compte, cela pourrait être réglementé, tout comme la divulgation des informations relatives au climat.
Les marchés ont besoin de transparence, les investisseurs ont besoin de clarté
La COP27 a annoncé des normes de transparence et de reporting de plus en plus strictes, notamment le lancement cette année du référentiel Net-Zero Data Public Utility et l’intégration prévue par le CDP des normes IFRS 2 en 2024.
Bien qu’il puisse être difficile de s’y retrouver dans la multitude de réglementations, celles-ci vont dans la bonne direction. La période d’ajustement sera difficile à court terme pour les marchés de capitaux, car diverses dispositions du règlement sur la divulgation des informations relatives à la finance durable (SFDR), de la taxonomie de l’Union européenne et de la MIF2 (directive sur les marchés d’instruments financiers) entreront en vigueur avant d’être totalement alignées.
Au quatrième trimestre 2022, les fonds Article 8 et Article 9 ont collecté 15,8 milliards d’euros, tandis que les actifs des fonds Article 6 ont baissé de 3,3 milliards d’euros (source : Morningstar Direct). Cela montre que l’appétit du marché reste fort. Les gestionnaires d’actifs ont un rôle clé à jouer en apportant de la clarté à leurs clients, afin que leurs préférences se traduisent par des résultats concrets qui contribuent à une économie mondiale plus juste et plus durable.
La réglementation évolue encore, mais le principe directeur reste celui d’une plus grande transparence, qui est essentielle pour renforcer la confiance des investisseurs.
Montée des eaux : l’impact sur le risque de crédit souverain
Par Malika Takhtayeva
Le 5 juillet 2023
Alors que le niveau des mers continue d’augmenter, les inondations côtières constituent déjà une menace économique considérable et croissante pour les régions de basse altitude. Une recherche universitaire récente présentée lors de la dernière conférence de la Global Research Alliance for Sustainable Finance and Investment (« GRASFI ») cherche à savoir si les investisseurs tiennent compte de ce danger et le couvrent en utilisant l’exposition des pays à de telles inondations.
Risque crédit et inondations côtières
En utilisant les spreads des swaps de défaut de crédit (CDS) souverains comme primes intégrant des informations sur la qualité du crédit et la demande d’assurance, l’auteur[1] de l’étude « Surging sovereign spreads: The impact of coastal flooding on sovereign risk » conclut que les fortes ondes de tempête augmentent le risque de crédit des pays touchés sur l’ensemble des échéances contractuelles.
En examinant les pays les plus vulnérables aux inondations côtières à court terme, l’étude montre une relation positive et significative entre le risque de crédit souverain et l’attention mondiale et locale portée aux risques physiques et d’adaptation. En revanche, les investisseurs ne tiennent pas compte des tendances négatives futures des inondations dans le cadre des projections des modèles climatiques concernant le niveau de la mer, l’affaissement des sols ou la croissance démographique.
Selon l’étude, les pays qui ont mis en place une protection contre les inondations centennales ne voient pas leur risque souverain augmenter pendant les périodes d’attention accrue portée au risque d’adaptation. D’autres tests démontrent une relation positive et significative entre le trading de CDS souverains et l’attention, montrant clairement que les investisseurs s’assurent contre les pays déjà exposés aux inondations. Les résultats semblent indiquer que le risque de crédit souverain augmentera avec la conscience des inondations côtières, ce qui entraînera des pressions financières accrues pour les pays exposés.
Les inondations côtières ont des effets désastreux sur la vie des personnes et l’économie des pays. Ce fut notamment le cas des inondations de 2011 en Thaïlande, qui ont fait plus de 800 morts et causé des pertes économiques de 40 milliards de dollars[2].
Des facteurs aggravants
Divers facteurs accroissent la probabilité de graves dommages causés par de futures ondes de tempête, parmi lesquels :
- L’augmentation du niveau moyen des océans à l’échelle mondiale, qui devrait s’établir à 1,3 mètre d’ici 2100 ;
- Le nombre de personnes vivant dans des zones côtières de basse altitude devrait passer de 625 millions en 2000 à 1,4 milliard en 2060[3] ;
- L’affaissement des terres côtières.
Bien que ces facteurs risquent d’accroître la gravité et la fréquence des catastrophes liées à la montée des eaux dans les pays côtiers, il existe des disparités importantes entre les régions.
Risque démographique actuel et risque lié aux tendances
L’auteur considère les populations comme une mesure de l’activité économique. Par conséquent, la vulnérabilité d’un pays aux inondations côtières peut être évaluée en fonction de deux composantes : le risque démographique actuel et le risque lié aux tendances1.
L’exposition démographique actuelle désigne la vulnérabilité actuelle de la population d’un pays aux inondations côtières. Cette situation a peu évolué dans l’histoire moderne. Les changements observés récemment en la matière sont principalement les mouvements de population, car cela fait seulement deux décennies que l’on observe une accélération de la hausse du niveau des mers liée au changement climatique.
En revanche, le risque lié aux tendances correspond au rythme futur auquel un pays verra sa population côtière, l’affaissement des terres et le niveau de la mer augmenter. Ces trois facteurs s’accumulent et exacerbent le risque démographique actuel, ainsi que le risque de futures catastrophes côtières.
Attitude des investisseurs
L’étude cherche à déterminer si les investisseurs tiennent compte de ces deux types de risques liés aux inondations côtières en prenant des assurances souveraines pour se protéger contre les catastrophes. L’auteur se concentre sur les spreads de CDS souverains, car ils sont considérés comme un indicateur fiable de la situation financière d’un pays. Ils sont des instruments utiles pour s’assurer contre le risque et sont disponibles sur plusieurs horizons temporels.
On constate alors que la montée des eaux pourrait faire monter les prix des CDS. Il semble que les investisseurs exigent une assurance plus protectrice lorsqu’ils sont particulièrement attentifs aux menaces climatiques. Plus précisément, les investisseurs préoccupés par le fait que les catastrophes naturelles puissent avoir une incidence sur la solvabilité sont susceptibles de souscrire une assurance contre le risque de défaut pour les pays les plus exposés. Cela aura ensuite pour effet d’augmenter le prix d’équilibre des spreads des CDS souverains, en particulier pour les échéances plus longues.
Lorsque les ondes de tempête représentent une menace systémique pour les pays particulièrement vulnérables, l’assurance souveraine se révèle encore plus précieuse et les prix augmentent lorsque les investisseurs sont attentifs à la gravité actuelle et future des inondations côtières et de l’élévation du niveau de la mer.
L’auteur recueille des données historiques sur les ondes de tempête liées à des catastrophes environnementales internationales et effectue des régressions sur des données de panel pour examiner les chocs associés au risque de crédit d’un pays. Les résultats indiquent que les ondes de tempête violentes sont associées à une forte diminution de la solvabilité des pays.
Pour vérifier si les investisseurs prennent en compte les risques liés aux tendances, l’étude sélectionne des pays affichant une amélioration et d’autres affichant au contraire une dégradation d’après les tendances historiques et futures de la hausse du niveau de la mer, en se concentrant uniquement sur la croissance du spread des CDS à 10 ans.
Les résultats révèlent que ni les tendances historiques ni les tendances futures ne sont prises en compte. Les investisseurs n’intègrent tout simplement pas les tendances en matière d’élévation du niveau de la mer lorsqu’ils achètent une assurance contre les futures ondes de tempête.
Les conclusions suggèrent que les investisseurs n’intègrent pas non plus les informations complexes relatives à la vulnérabilité liée aux tendances, mais se concentrent plutôt sur l’exposition aux risques démographiques actuels, plus simples à quantifier.
Conséquences pour les responsables politiques
L’étude montre que l’activité de trading de CDS souverains augmente lorsque les risques climatiques font l’objet d’une attention accrue. On constate que le taux de croissance des transactions hebdomadaires et des montants notionnels bruts des CDS souverains est positivement associé aux risques en matière d’adaptation et de réchauffement climatique. Les conclusions confirment que les investisseurs se couvrent contre le risque souverain à l’aide de CDS.
L’auteur affirme que ces résultats ont des conséquences importantes pour les décideurs politiques. Les pays exposés à la hausse du niveau de la mer seront amenés à construire des infrastructures résilientes grâce à des financements publics tels que les emprunts d’État.
Toutefois, à mesure que le risque souverain augmentera parallèlement à la conscience des inondations côtières, l’émission de dette publique coûtera également plus cher. Ces deux facteurs pèseront sur les finances des pays fortement touchés.
[1] Atreya Dey, University of Edinburgh Business School. Atreya.Dey@ed.ac.uk
[2] « Thai flood 2011: Rapid assessment for resilient recovery and reconstruction
planning. » Banque mondiale, 2012.
[3] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4367969/
L’hydrogène vert : vous ne le sentez pas mais il arrive !
Par Ulrik Fugmann, BNP Paribas Asset Management
Le 22 juin 2023
Il est à la fois vert et incolore, vaporeux sans être insipide, fluide, mais puissant. L’hydrogène vert est tout cela à la fois et il est de plus en plus considéré comme un élément positif étant donné les promesses qu’il offre en tant qu’alternative aux combustibles fossiles. Les pays, les régions et les villes s’associent vu qu’ils cherchent à faire avancer la transition vers l’abandon des sources d’énergie « sale » que sont le pétrole, le gaz, le charbon et d’autres sources d’énergie.
Quelques actualités récentes
- L’administration publique du Schleswig-Holstein et la ville de Hambourg ont décidé de soutenir l’économie de l’hydrogène.
- L’Arabie saoudite a approuvé un protocole d’accord avec la Chine dans le domaine de l’hydrogène propre.
- Le ministère allemand des affaires numériques et des transports apportera une aide d’environ 16,6 millions d’euros à des entreprises de bus sarroises pour des conversions de moteurs propres et un projet de recherche sur l’hydrogène.
- En implémentant des technologies de production et de stockage d’hydrogène dans certains États membres, l’Europe sera en mesure de promouvoir son intérêt commun pour l’hydrogène. [1]
- L’hydrogène vert a reçu un coup de pouce aux États-Unis avec la construction d’une usine de 4 milliards de dollars qui sera la plus grande installation alimentée par l’éolien et le solaire aux États-Unis. [2]
L’hydrogène vert comme clé de la transition énergétique
L’hydrogène vert (H2) devrait jouer un rôle important dans la transition énergétique. Il peut rendre durable le transport long courrier, de même que les processus à forte intensité carbone tels que la fabrication d’acier, la production d’ammoniac et le pétrole de désulfuration. Il permettra aux pays de réduire leur dépendance vis-à-vis du gaz naturel et de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). Il pourrait représenter 10 à 30 % [3] de l’approvisionnement énergétique mondial.
Actuellement, la majeure partie de la production d’hydrogène est « grise », produite à partir de gaz fossiles ou de charbon par reformage du méthane à la vapeur (SMR). « L’hydrogène bleu » est produit de la même manière que l’hydrogène gris, mais le CO2 est capturé pendant le processus de fabrication et stocké définitivement sous terre. En revanche, « l’hydrogène vert » est produit grâce à l’électrolyse de l’eau avec 100 % ou presque d’énergie renouvelable et à un niveau d’émissions de gaz à effet de serre proche de zéro.
Au cours des deux dernières années, l’hydrogène vert a connu une croissance spectaculaire grâce à un soutien public fort, notamment aux États-Unis avec la loi sur la réduction de l’inflation (IRA) et en Europe par le biais du plan RePowerEU. Des pays comme l’Espagne, la France, l’Allemagne et le Portugal ont engagé des milliards d’euros dans le développement de l’hydrogène vert.
Soutien réglementaire – Les États-Unis par rapport à l’Europe
Selon Bloomberg NEF, les gouvernements du monde entier se sont engagés à investir 126 milliards de dollars dans le développement de l’hydrogène à l’échelle mondiale, avec les États-Unis et l’Europe en tête. L’Inde et la Chine ont publié des stratégies spécifiques à l’hydrogène, mais leurs engagements restent modestes. Plus de 30 pays ont désormais des stratégies officielles pour l’hydrogène et de nouvelles annonces sont attendues en 2023.
À court terme, la loi américaine sur la réduction de l’inflation offre plus de visibilité que RePowerEU. L’IRA offre des crédits d’impôt pour des projets dont les émissions de dioxyde de carbone sont suffisamment faibles. Le projet de loi américain de 2021 sur les infrastructures prévoit 10 milliards de dollars de financement lié à l’hydrogène, y compris pour les pôles régionaux, pour un programme de réduction des coûts et des initiatives visant à soutenir la fabrication d’équipements nationaux et les chaînes d’approvisionnement nationales. Cela s’est traduit par une forte croissance des investissements dans l’hydrogène aux États-Unis en 2022.
L’Europe a commencé ses aides plus tôt, mais elle est confrontée à des retards pour certains projets. La région cherche à doubler la quantité d’hydrogène vert disponible pour la consommation d’ici 2030. L’objectif est de compléter les 10 millions de tonnes de production domestique de l’objectif de la stratégie 2020 par un montant équivalent d’importations. Elle prévoit de lancer une Banque européenne de l’hydrogène de 3 milliards d’euros pour soutenir le développement du H2. Les principaux moteurs de la croissance future en Europe sont les prix élevés du carbone dans le système d’échange SEQE de l’UE, le soutien réglementaire attendu, l’expansion de l’échelle et les prix élevés des combustibles fossiles.
À plus long terme, l’Europe devrait être un marché clé pour l’hydrogène vert, car elle représente 50 % du portefeuille vert cumulé de H2 d’ici 2030. [4] Le vert est la voie à suivre
L’hydrogène vert devance clairement les autres formes en termes de développement de projets : il représente 67 % de la capacité proposée [5], tandis que les 33 % restants sont de l’hydrogène bleu.
L’hydrogène vert peut déjà être compétitif par rapport à l’hydrogène bleu aux prix actuels du gaz européen. Alors que le coût de l’hydrogène vert a encore de la marge de manœuvre pour baisser, le H2 bleu pâtit des prix élevés du gaz et ne résout pas le problème de la dépendance aux combustibles fossiles. Il consomme deux fois plus d’eau que la variété verte et émet deux fois plus de carbone dans le processus de production.
Les investissements dans l’hydrogène vert ont plus que triplé en 2022 pour atteindre 1,2 milliard de dollars. [6] Le H2 vert est le secteur de la transition énergétique qui connaît la croissance la plus rapide, mais il reste le plus petit. Selon l’IRENA, certaines estimations tablent sur 88 milliards de dollars d’investissements dans les électrolyseurs pour répondre aux besoins futurs.
Un dilemme de l’œuf et de la poule
Le potentiel d’utilisation de l’hydrogène vert semble considérable. Par exemple, les producteurs d’acier européens ont des plans ambitieux. Dans le domaine de l’ammoniac, du raffinage du pétrole et de la production de méthanol, l’adoption d’une utilisation verte du H2 devrait entraîner des réductions substantielles des émissions de gaz à effet de serre. Dans le transport long courrier, le H2 vert représente une approche plus crédible de la décarbonation que l’électrification compte tenu de la taille et du coût des batteries.
Malgré la forte croissance des investissements, du développement des capacités et des pipelines de projets, 2022 a connu des retards, des reports et une révision des ambitions, notamment en Europe. Cette situation s’explique en partie par l’incertitude réglementaire en Europe, principalement autour de la définition de l’hydrogène vert et les annonces concrètes sur les subventions, mais aussi par les problèmes liés à l’expansion de la capacité de production des électrolyseurs [7] qui a été plus rapide que la demande. Des engagements plus importants du côté de la demande sont nécessaires pour que de nouvelles capacités puissent être ajoutées.
Opportunités d’investissement
La tendance émergente de l’hydrogène vert offre des opportunités aux investisseurs. Il s’agit notamment d’investissements indiciels, mais aussi d’investissements en actions ciblés dans les technologies des électrolyseurs, la production de H2 vert, le stockage, l’alimentation, le transport et d’autres applications.
Les investisseurs peuvent envisager la dette d’infrastructure pour financer des projets liés à l’hydrogène vert impliquant des transports lourds (camions, locomotives non électriques, ferries), la production d’acier vert, la distribution (amélioration des pipelines existants) et le stockage combiné du H2 et des énergies renouvelables (pour gérer l’intermittence des énergies renouvelables).
En ce qui concerne le financement du développement de l’hydrogène vert, le soutien d’institutions supranationales telles que la Banque européenne d’investissement et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement pourrait aider à réduire les risques pour les prêteurs commerciaux et rassurer les investisseurs
Références
[1] Source for this report and the previous three reports: Green Hydrogen News (energynews.biz)
[2] Source: Green Hydrogen Gets a Boost in the U.S. With $4 Billion Plant – WSJ
[3] BNEF 2020 Strong Policy/Theoretical Max
[4] Bloomberg New Energy Finance
[5] JPMorgan- Global Alternative Energy: Into the 4Q Print and FY23 Outlook; Improving Supply Chains, Energy Security and Policy Provide Catalysts
[6]Bloomberg New Energy Finance
[7] Electrolysis is a way to produce hydrogen from renewable and nuclear resources. It uses electricity to split water into hydrogen and oxygen in an electrolyser. Source: https://www.energy.gov/eere/fuelcells/hydrogen-production-electrolysis#:~:text=Electrolysis%20is%20a%20promising%20option,a%20unit%20called%20an%20electrolyzer
Peut-on investir de manière responsable dans le secteur du poisson d’élevage ?
Par Rachel Crossley, BNP Paribas Asset Management
Le 3 mai 2023
Alors qu’on nous exhorte chaque jour à consommer moins de protéines animales et plus d’aliments d’origine végétale, pour notre propre santé mais aussi pour le bien de la planète, quel rôle doivent jouer les poissons et les fruits de mer ? Pour les investisseurs, l’aquaculture, le secteur de la production alimentaire qui enregistre la croissance la plus forte, peut être particulièrement intéressante.
Toutefois, avant d’investir dans des entreprises spécialisées dans les fruits de mer, il convient d’étudier avec le plus grand soin la question de leur impact environnemental. L’engagement des investisseurs peut jouer un rôle primordial ici.
Régime alimentaire durable et sain
En 2019, la Commission EAT-Lancet, composée de scientifiques de renom spécialistes des questions de durabilité, de régimes alimentaires et de santé, a, pour la première fois, défini la composition d’un régime alimentaire durable et sain, c’est-à-dire un régime qui peut être produit dans les limites de la planète et qui favorise une bonne santé à long terme[1].
Actuellement, la consommation moyenne de fruits de mer par personne est optimale, avec deux portions, soit environ 200 grammes par semaine. L’augmentation de la population mondiale, qui devrait atteindre 10 milliards de personnes d’ici 2050, entraînera une forte progression de la demande de poissons et de fruits de mer.
Le principal défi consiste donc à s’assurer que les pêcheries sont gérées de manière durable afin de subvenir aux besoins de chacun en quantité suffisante. Les pêcheries d’eau douce fournissent des protéines essentielles à des centaines de millions de personnes, mais sont également de plus en plus menacées par la surpêche, la pollution et l’expansion des zones urbaines.[2] Plus d’un tiers des réserves mondiales de poissons marins sont déjà pêchées au-delà de la limite de ce qui est raisonnable. 60 % d’entre elles ont atteint leur limite naturelle.[3]
La Commission EAT-Lancet a ainsi conclu que l’aquaculture pourrait résoudre la question de l’augmentation de l’offre. Alors que le secteur de la production alimentaire est déjà le secteur qui connaît la croissance la plus rapide, on s’attend à ce qu’il représente près de 90 % du poisson consommé par l’être humain d’ici 2030.[4] La salmoniculture progresse rapidement : la Norvège représente déjà 50 % de la production mondiale et son objectif est de la multiplier par cinq entre 2014 et 2050.[5]
Soutenir la production durable de fruits de mer
On peut donc investir durablement dans le secteur des fruits de mer et dans des fournisseurs qui œuvrent activement à la lutte contre quelques-uns des impacts environnementaux du secteur, notamment la perte de biodiversité. Dans le même temps, il faut avoir conscience de la nécessité de s’engager auprès de ces entreprises pour les encourager à atténuer des répercussions de leurs activités telles que :
- La pression exercée sur les réserves de poissons sauvages. Les poissons d’élevage, surtout les espèces carnivores comme le saumon, se nourrissent de farine et d’huile de poisson produites à partir de poissons issus de pêcheries marines sauvages.
- La déforestation et la perte d’habitat. Les produits végétaux, comme le soja, sont des ingrédients clés de l’alimentation du saumon. Sa production a contribué à l’immense dégradation d’écosystèmes essentiels.
- Les émissions de gaz à effet de serre, notamment à cause de l’alimentation animale.
- La contribution à la résistance aux antimicrobiens (RAM) chez l’animal et l’être humain du fait de l’utilisation d’antibiotiques.
- La pollution engendrée par l’utilisation de produits chimiques et les déchets. Les exploitations piscicoles rejettent leurs déchets dans les eaux environnantes. Les microplastiques présents dans l’alimentation animale s’accumulent dans les poissons et présentent des risques pour la santé des consommateurs.[6]
- Les répercussions sur les espèces naturelles. De nombreuses espèces de poissons ont été introduites dans des écosystèmes loin de leur région d’origine, ce qui a un impact sur les espèces autochtones.
Approvisionnement en aliments
La concurrence pour les ressources en aliments pour animaux et leur disponibilité constituent un véritable frein à la croissance du secteur. Non seulement leur composition actuelle a un impact environnemental immense, mais ils représentent 40 % des coûts de production dans le secteur de la salmoniculture.
Il est donc primordial de garantir un approvisionnement durable en aliments pour animaux afin que le secteur puisse se développer. Cependant, on estime[7] que si les approches actuelles en matière de formulation des aliments pour animaux perdurent, cette croissance sera freinée par des difficultés d’approvisionnement. Cela signifie que la production piscicole ne pourra pas dépasser 14,4 millions de tonnes à l’échelle mondiale, contre 7 millions de tonnes actuellement.
Le changement climatique[8] devrait également affecter la production des pêcheries sauvages et l’aquaculture puisque la productivité augmentera dans les hautes latitudes et diminuera dans les basses et moyennes latitudes.
S’engager auprès des salmoniculteurs
Il convient donc d’accompagner les entreprises du secteur alimentaire pour les encourager à s’attaquer à leurs impacts environnementaux. Le réseau Farm Animal Investment Risk & Return, évalue et rend compte des risques, des opportunités et des impacts des pratiques environnementales, sociales et de gouvernance des producteurs de protéines du secteur.
Néanmoins, l’absence de données exhaustives et comparables et l’impossibilité de remonter jusqu’à la source des aliments pour animaux freinent la publication d’informations précises et la capacité de certaines entreprises à mettre en œuvre des stratégies de durabilité efficaces.
En tant qu’investisseur prônant la durabilité, nous devons utiliser l’engagement pour influer sur les entreprises et le monde pour le bien de tous. Si nous y parvenons, cela peut réduire les risques, créer de la valeur et avoir un impact positif.
Vous pouvez également lire : Clarity for investors and seafood retailers on sustainability and profitability
[1] Food in the Anthropocene: the EAT–Lancet Commission on healthy diets from sustainable food systems, Lancet 2019; 393: 447–92, January 16th 2019. http://dx.doi.org/10.1016/S0140-6736(18)31788-4
[2] Position du WWF sur les régimes alimentaires sains et durables, septembre 2020
[3] The State of World Fisheries and Aquaculture 2020 (fao.org)
[4] Food in the Anthropocene: the EAT–Lancet Commission on healthy diets from sustainable food systems, Lancet 2019; 393: 447–92, January 16th 2019. Page 476, Panel 6
[5] https://www.fairr.org/engagements/sustainable-aquaculture-engagement/
[6] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6132564/
[7] The-Future-of-Food-from-the-Sea.pdf (oceanpanel.org)
[9] Ces entreprises ne sont mentionnées qu’à titre d’information. Il ne s’agit en aucun cas d’une recommandation d’investissement.
Disclaimer
Veuillez noter que les articles peuvent contenir des termes techniques. Pour cette raison, ils peuvent ne pas convenir aux lecteurs qui n’ont pas d’expérience professionnelle en matière d’investissement. Les opinions exprimées ici sont celles de l’auteur à la date de la publication, sont fondées sur les informations disponibles et sont susceptibles de changer sans préavis. Les équipes de gestion de portefeuille peuvent avoir des opinions différentes et prendre des décisions d’investissement différentes pour différents clients. Le présent document ne constitue pas un conseil en investissement. La valeur des investissements et les revenus qu’ils génèrent peuvent évoluer à la baisse comme à la hausse, et les investisseurs sont susceptibles de ne pas récupérer leur investissement initial. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures. Les investissements sur les marchés émergents ou dans des secteurs spécialisés ou restreints sont susceptibles d’afficher une volatilité supérieure à la moyenne en raison d’un haut degré de concentration, d’incertitudes accrues résultant de la moindre quantité d’informations disponibles, de la moindre liquidité ou d’une plus grande sensibilité aux changements des conditions de marché (conditions sociales, politiques et économiques). Pour cette raison, les services de transactions de portefeuille, de liquidation et de conservation pour le compte de fonds investis sur les marchés émergents peuvent être plus risqués.
Risque lié à la prise en compte de critères ESG : l’absence de définitions et de labels communs ou harmonisés concernant les critères ESG et de durabilité au niveau européen peut entraîner des approches différentes de la part des sociétés de gestion lors de la définition des objectifs ESG. Cela signifie également qu’il peut être difficile de comparer des stratégies intégrant des critères ESG et de durabilité dans la mesure où la sélection et les pondérations appliquées à certains investissements peuvent être basées sur des indicateurs qui peuvent partager le même nom mais ont des significations sous-jacentes différentes. Lors de l’évaluation d’un titre sur la base de critères ESG et de durabilité, la société de gestion peut également utiliser des sources de données fournies par des prestataires de recherche ESG externes. Compte tenu de la nature évolutive de l’ESG, ces sources de données peuvent pour le moment être incomplètes, inexactes ou indisponibles L’application de normes de conduite responsable des affaires ainsi que de critères ESG et de durabilité dans le processus d’investissement peut conduire à l’exclusion des titres de certains émetteurs. Par conséquent, la performance du FCP peut parfois être meilleure ou moins bonne que la performance d’OPC dont la stratégie est similaire.
Comment investir dans les actifs non cotés ?
Par Raul Leote Carvalho, BNP Paribas asset management
Le 25 avril 2023
Les actifs non cotés (ou private assets) tels que le capital-investissement et la dette privée constituent une alternative viable pour les investisseurs à la recherche de rendements non disponibles sur les marchés cotés. Investir dans des actifs non cotés peut impliquer de devoir faire des concessions sur la liquidité des investissements, mais leur prime d’illiquidité et l’étendue de la classe d’actifs peuvent être considérées comme des facteurs compensatoires.
Que sont les actifs non cotés ?
Il s’agit des capitaux utilisés pour investir dans des sociétés privées (sociétés qui ne sont pas cotées en Bourse). Dans le cas du capital-investissement, le capital peut être utilisé soit pour acquérir des sociétés privées, soit pour des rachats d’entreprises cotées en Bourse. Il s’agit généralement d’une participation active. Les investisseurs en capital-investissement investissent en contrepartie d’une participation et exercent souvent une influence ou un contrôle sur les activités de l’entreprise.
Dans le cas de la dette privée, les capitaux levés auprès des investisseurs sont prêtés directement à des sociétés cotées et non cotées ou utilisés pour des actifs réels tels que les infrastructures et l’immobilier. La dette privée peut être considérée comme une alternative au crédit bancaire. Elle peut offrir aux investisseurs une exposition à des rendements plus proches de ceux des obligations.
Selon un rapport de McKinsey & Company (McLaughlin (2022)), les actifs sous gestion dans le domaine des actifs non cotés ont atteint 8.600 milliards d’euros (9.800 milliards de dollars) en juillet 2021, marquant ainsi un record historique, car les investisseurs tels que les gestionnaires de fonds de fonds d’investissement privés, les fonds de pension, les plans de dotation et les family offices ont continué à engager des capitaux.
Avantages et défis
En incluant des actifs non cotés, les portefeuilles d’investissement peuvent bénéficier d’avantages potentiels, notamment une plus grande diversification, des rendements accrus et un moindre risque. En outre, les investissements en actifs non cotés peuvent avoir un impact positif sur la performance en matière de durabilité de l’entreprise qui bénéficie de l’investissement.
Toutefois, ces avantages posent également des défis :
- La nature illiquide des actifs non cotés nécessite de bloquer le capital pendant plusieurs années.
- Le capital alloué à un fonds d’actifs non cotés n’est pas nécessairement mis en œuvre en totalité ou immédiatement. Il n’est investi que lorsqu’il existe une opportunité appropriée.
- Le capital n’est pas non plus restitué intégralement à un investisseur de fonds de capital-investissement ou de dette privée à une date future unique. Les tranches deviennent disponibles lorsque l’investissement non coté arrive à échéance ou est cédé. Par conséquent, les flux de trésorerie générés par ces fonds peuvent s’étaler sur plusieurs années.[1]
- Les investissements impliquent généralement des montants plus importants que l’achat d’actions ou d’obligations cotées. La taille minimale de la participation est souvent trop importante pour les investisseurs individuels ou de détail. La diversification qu’ils pourraient atteindre serait limitée ou ils se verraient empêchés tout accès aux fonds d’actifs non cotés.
Pour ces raisons, de nombreux investisseurs, en particulier les investisseurs individuels ou de détail, tireraient parti de la possibilité d’investir dans des fonds à capital variable avec une allocation diversifiée et correctement gérée en actifs non cotés.
L’investissement dans les actifs non cotés devrait continuer à croître compte tenu de leur potentiel d’amélioration des rendements et de réduction des risques et du rôle qu’ils peuvent jouer en matière d’investissement durable.
[1] Par exemple, la durée de vie typique d’un fonds de capital-investissement est de 12 ans et celle d’un fonds de dette privée est de 9 ans.
La gestion thématique environnementale : interroger l’Histoire pour mieux anticiper l’avenir
Par Edward Lees et Ulrik Fugmann, du pôle stratégies environnementales de BNP Paribas AM
Le 1er mars 2023
Savoir décrypter les catalyseurs des révolutions industrielles passées est indispensable pour évaluer les opportunités d’investissement durable à long terme. Voici les leçons que l’on peut tirer de l’histoire économique.
Aube d’une nouvelle révolution industrielle
Malgré une multitude de risques (Covid, inflation galopante, tensions sur l’approvisionnement alimentaire, événements climatiques extrêmes et bouleversements géopolitiques) le monde est à l’aube d’une nouvelle révolution industrielle.
L’« industrie 4.0 », concept reflétant des avancées technologiques comme les usines intelligentes, les systèmes autonomes, l’Internet des objets, l’intelligence artificielle, l’impression 3D et l’apprentissage automatique, laisse augurer un avenir plus « vert ».
Les principaux axes de cette nouvelle révolution sont notamment la reconstitution de la biosphère, l’amélioration de la sécurité énergétique et alimentaire ainsi que l’accélération de la croissance de la productivité, susceptible d’améliorer le niveau de vie et d’accroître les opportunités d’emplois dans le monde entier.
Cette révolution devrait également donner naissance à une économie du partage, qui pourrait nous aider à accroître l’efficience de nos capacités de production, ainsi qu’à régénérer nos sociétés fragmentées.
Compte tenu de ces tendances interconnectées, des approches partagées de diffusion des informations et des innovations, de type « open source », pourraient même accélérer le rythme des mutations et donner à chacun les moyens d’agir. À titre d’exemple, posséder une voiture deviendra plus rare et les locations de véhicules (probablement électriques et autonomes) vont se généraliser.
La voie vers l’Industrie 4.0
De telles évolutions nécessitent des financements massifs de la part des investisseurs. Toutefois, il est très difficile de déterminer quels seront les gagnants à long terme et d’éviter les « modes » à court terme. L’une des manières de prévoir l’évolution de l’Industrie 4.0 au cours des prochaines décennies est de tirer les leçons des révolutions précédentes.
La première révolution industrielle, qui a eu lieu en Angleterre entre 1760 et 1860, a été rendue possible par le progrès technologique, l’éducation et l’augmentation du stock de capital. Elle a fait du pays « l’atelier du monde » et entraîné une augmentation soutenue du revenu réel par personne.
La deuxième révolution industrielle, aux États-Unis à partir des années 1850, fut le fruit de divers facteurs comme l’électrification, la production de pétrole brut, la diffusion rapide de la téléphonie et la production de véhicules à la chaîne. Ces catalyseurs ont permis au pays d’accéder au rang de superpuissance mondiale.
Au début des années 2000, le potentiel de productivité de l’infrastructure qui avait donné naissance à la deuxième révolution industrielle était épuisé. Une nouvelle infrastructure technologique a vu le jour, sous l’impulsion des ordinateurs, des réseaux informatiques et de la robotique. Ces innovations ont été à l’origine du dernier bond en avant, l’Industrie 4.0.
Une nouvelle infrastructure plus verte
Selon l’économiste et essayiste Jeremy Rifkin, la nouvelle révolution pourrait avoir un pouvoir transformateur, non seulement pour les économies, mais aussi pour l’environnement et le mode d’organisation des sociétés.
Jeremy Rifkin pense que les progrès technologiques réduiront les coûts induits par la production et la fourniture d’une gamme croissante de biens et de services à un niveau proche de zéro (ou à un montant marginal). Il estime que c’est déjà le cas dans l’édition et les médias.
Selon lui, chaque révolution industrielle a fait émerger une nouvelle architecture, qui a ensuite stimulé l’essentiel des gains de productivité.
Au cours de la prochaine décennie, cette infrastructure s’étendra aux véhicules autonomes électriques et à pile à combustible, alimentés par des énergies renouvelables ayant un coût marginal proche de zéro, sur des « Internets » routiers, ferroviaires, maritimes et aériens intelligents.
Les individus pourront donc partager des informations, de l’énergie et la mobilité, en partie via l’économie de marché et la nouvelle économie du partage.
Identifier les thématiques et les gagnants
Le principal défi des investisseurs tient à l’extrême difficulté d’identifier les entreprises qui seront capables de survivre et de prospérer au cours des dix à vingt prochaines années.
L’histoire a montré que la croissance des produits et des services initiateurs de vraies ruptures a été considérablement et constamment sous-estimée. Le rythme des évolutions technologiques et la baisse des coûts ont souvent dépassé les prévisions. Il suffit de penser à la part prévue du pétrole de schiste dans la production pétrolière américaine ou à celle de l’électricité générée par des sources renouvelables dans la production totale d’électricité aux États-Unis.
Les solutions environnementales alternatives comme l’hydrogène vert, l’énergie solaire, les voitures électriques ou les bioplastiques modifient et rebattent les cartes sur les chaînes de fabrication et d’approvisionnement et transforment les comportements des consommateurs dans le monde entier.
Comprendre dans les moindres détails cette transformation accélérée de la consommation et, surtout, décrypter son impact sur les secteurs concernés contribue à éclairer certaines décisions d’investissement.
Pour identifier les futurs gagnants, il faut mener des recherches, avoir l’esprit ouvert et être capable d’analyser les défis et les opportunités sous de multiples angles. Il faut aussi être convaincu des bienfaits d’une approche d’investissement purement thématique et dépourvue de contraintes, afin de cibler des résultats environnementaux positifs.
Le simple fait d’analyser chacune des tendances individuelles, aussi transformatrices soient-elles, ne garantit pas le succès des investissements. Ce qu’il faut, c’est une compréhension globale de l’ampleur et, surtout, de l’interdépendance des défis et des opportunités auxquels le monde est confronté.
Cela implique d’adopter une approche globale et rigoureuse pour comprendre comment l’évolution des nouvelles infrastructures créent des opportunités et identifier les entreprises les plus à même de les exploiter. Dès lors que nous avons une compréhension fine des précédentes ruptures technologiques, on peut identifier les entreprises offrant le meilleur potentiel d’investissement de cette nouvelle ère décarbonée.
Consultez aussi le corner Future Makers
La démondialisation dans le contexte du découplage de l’économie chinoise
Par BNP Paribas AM
Le 23 février 2023
La question du « découplage de l’économie chinoise » se pose depuis que la Chine et les États-Unis ont commencé à se livrer une guerre commerciale en 2018, certains grands pays développés poussant à la relocalisation de leur production. Cela a suscité des inquiétudes quant à la démondialisation, l’éclatement des chaînes d’approvisionnement et la décélération des échanges commerciaux et des investissements transfrontaliers. Ces évolutions ont fragilisé les arguments en faveur de l’investissement en Asie, notamment en Chine puisque le pays se trouve au cœur de nombreuses chaînes d’approvisionnement mondiales.
Les restrictions sur les transferts de technologie, entre autres mesures perturbant les échanges, constituent actuellement la plus grande incertitude pour l’Asie. Un tiers de ses exportations concernent des produits électroniques et autres produits technologiques.
La crise de la Covid-19 a aggravé les inquiétudes quant aux perspectives du secteur manufacturier en Asie, en perturbant les chaînes d’approvisionnement mondiales et en créant des pénuries dans tous les domaines, des matériaux de construction aux pièces automobiles en passant par les semi-conducteurs.
Les chaînes d’approvisionnement asiatiques se déplacent
Bien que ces inquiétudes aient incité certaines grandes entreprises à réduire leurs approvisionnements ou leurs activités de production en Asie et à les déplacer ailleurs, on n’anticipe aucun découplage économique à grande échelle, ni de la région ni de la Chine.
Tout d’abord, défiant les prédictions selon lesquelles la guerre commerciale et la pandémie allaient paralyser le commerce bilatéral sino-américain, les échanges ont, en fait, augmenté, passant d’un montant annualisé de 620 milliards de dollars en juin 2018 à 801 milliards de dollars en août 2022.
Cela s’explique en partie par la hausse des expéditions américaines vers la Chine, même si les achats chinois sont restés en deçà de l’accord dit de phase 1 signé en janvier 2020.
Deuxièmement, plutôt que de réduire leur dépendance à l’égard des chaînes d’approvisionnement asiatiques, les importateurs américains ont augmenté leurs importations en provenance de la zone ASEAN6. Les flux d’investissements directs étrangers (IDE) vers la Chine ont augmenté ces six dernières années.
Pas de découplage
Une hausse des achats auprès des pays de l’ASEAN ne signifie pas une baisse des achats sur le marché chinois ou un découplage de son économie. Ce changement dans la structure des importations illustre plutôt une stratégie dite « Chine + 1 », dans laquelle les entreprises continuent de produire en Chine pour le marché local tout en transférant une partie de leurs capacités vers l’ASEAN.
La délocalisation est un moyen de gérer les perturbations de la chaîne d’approvisionnement due à des considérations économiques, politiques et, plus récemment, à la Covid-19. Cela se reflète dans l’augmentation des flux d’IDE vers l’ASEAN. La persistance des investissements en Chine conforte un adage de longue date « Investir en Chine pour la Chine » depuis que la politique chinoise des États-Unis est passée d’un engagement constructif à une concurrence stratégique en 2016.
Surtout, une grande part des flux d’IDE vers l’ASEAN provient de la Chine, qui représente aujourd’hui 40 % du total, contre seulement 10 % il y a quelques années. En fait, cela renforce l’intégration de la chaîne d’approvisionnement entre la zone ASEAN et la Chine au lieu de l’affaiblir. Auparavant, les composants étaient expédiés de l’ASEAN vers la Chine, qui les vendait ensuite sur les marchés mondiaux. Ce fonctionnement faisait de la Chine l’usine du monde. Aujourd’hui, le processus semble s’inverser : la Chine fournit à l’ASEAN des produits qui alimentent les exportations de la région vers le monde. Ce changement dans le processus d’intégration de la chaîne d’approvisionnement a étendu l’usine du monde à l’ensemble de l’Asie.
Les conséquences
L’évolution de la chaîne d’approvisionnement en Asie reflète également la stratégie de « double circulation » de la Chine. Pékin entend utiliser sa dynamique de croissance domestique pour stimuler la croissance nationale et régionale. Ce potentiel constitue une base solide pour les investissements à long terme en Asie émergente et en Chine.
D’un point de vue macroéconomique, cette évolution conduira probablement à des liens économiques intrarégionaux forts, contrecarrant ainsi la tendance à la démondialisation. Compte tenu des craintes inflationnistes croissantes et des pressions accrues sur le prix des intrants pesant sur les entreprises, les avantages liés aux coûts d’approvisionnement en Asie, dont les chaînes d’approvisionnement sont davantage intégrées au marché chinois, deviennent plus évidents. Des changements subtils sont apportés actuellement pour faire de l’Asie un centre de production émergent pour les marchés mondiaux. On n’observe guère de signes indiquant un découplage de l’économie chinoise avec les autres pays de la région ni même le reste du monde. Difficile d’échapper à l’Empire du Milieu !
Critiques sur les problématiques ESG : que répondre ?
Le 5 janvier 2023
L’investissement ESG fait régulièrement face à un certain nombre de critiques. Passons en revue certaines de ces critiques. Elles vont souvent trop loin et méritent d’être examinées de plus près sur la base des éléments suivants :
- L’ESG a permis d’attirer l’attention, et non de la détourner. Les efforts d’intégration des critères ESG ont mis en lumière des questions telles que le risque climatique et la diversité. Ils ont probablement permis d’accélérer les actions prises par les entreprises et les pouvoirs publics plutôt que de les freiner.
- Quelle est l’analyse contrefactuelle ? Il est vrai que de nombreux indicateurs environnementaux et sociaux se sont détériorés au cours des 20 dernières années. Mais l’environnement et la société se porteraient-ils mieux si le secteur de la gestion d’actifs avait ignoré les problématiques ESG comme c’était largement le cas avant 2004 ? C’est peu probable.
- Les indicateurs ESG ne sont que des données. Au niveau le plus élémentaire, les indicateurs ESG transmettent des informations objectives sur la gestion de l’entreprise qui peuvent avoir un impact significatif sur les résultats. Il est vrai que les données sont souvent peu divulguées, rarement auditées et diversement interprétées. Pour les investisseurs avertis, des données correctement analysées peuvent véhiculer des informations importantes qui peuvent contribuer à générer de la surperformance.
- Les frais ne sont pas le problème. Certaines critiques affirment que les problématiques ESG ne sont qu’un prétexte pour facturer davantage. Si cela peut être le cas pour certains fonds passifs et leurs équivalents ESG, les données ne confirment pas cette affirmation pour la majorité des fonds ESG gérés activement. Dans la plupart des cas, les frais des fonds ESG sont similaires à ceux des fonds standard équivalents.
- Les enjeux ESG ne se limitent pas aux émissions. Si le changement climatique peut être considéré comme le principal risque systémique à l’échelle mondiale, il n’est pas le seul. Par exemple, si nous parvenons à réduire les émissions, mais que nous exacerbons les inégalités, nous ne faisons qu’échanger un risque systémique contre un autre.
Une étape nécessaire pour la finance
Avant la dénomination ESG, on parlait d’investissement socialement responsable. L’ISR était dédié à la création d’un système économique juste et durable. Avec l’avènement des PRI (principes de l’investissement responsable), les facteurs ESG sont devenus la priorité. Les notions de responsabilité et d’irresponsabilité ont été supprimées pour laisser la place aux résultats, ainsi qu’aux risques et avantages financiers liés à la prise en compte de ces facteurs.
Le succès du mouvement ESG a ouvert la voie à un élargissement des débats sur l’avenir de la finance. Nous bouclons la boucle, en nous éloignant d’une approche purement financière de l’intégration des facteurs ESG pour reconnaître que les investisseurs ont un impact réel sur le monde, et que leur capacité à générer des performances durables dépend de la santé de la planète et de sa population. Plus de 270 gestionnaires d’actifs, en charge de quelque 61.000 milliards de dollars d’encours, se sont engagés à atteindre la neutralité carbone au sein de leurs portefeuilles d’ici 2050 en signant l’initiative « Net Zero Asset Managers »[1].
Sans les efforts des PRI et d’autres regroupements internes au secteur, les questions ESG ne seraient pas aujourd’hui à l’ordre du jour de la plupart des conseils d’administration et aucune mesure ne serait prise pour assurer la transparence ESG et encourager les investissements dans des solutions en faveur du développement durable. On constate également que le monde n’a pas fait suffisamment de progrès pour mettre en place une économie à bas carbone, écologiquement durable et inclusive, dont nous avons collectivement besoin pour garantir des performances à long terme. Cela signifie qu’il y a encore beaucoup à faire, en espérant qu’il soit encore temps.
[1] L’initiative « Net Zero Asset Managers » publie les objectifs initiaux de 43 signataires, tandis que le nombre de gestionnaires d’actifs s’engageant à atteindre la neutralité carbone s’élève désormais à 273 – L’initiative « Net Zero Asset Managers »
La corrélation croissante entre les crypto-monnaies et les actions pourrait être contagieuse
Par Chi Lo, BNP Paribas AM
Le 26 décembre 2022
Avant la pandémie, l’univers des crypto-monnaies semblait relativement isolé des marchés financiers. Les performances du bitcoin et les autres crypto-instruments [1]étaient en effet faiblement corrélées avec celles des actions. Les crypto-actifs étaient même jugés utiles pour diversifier les risques et se protéger des fluctuations d’autres classes d’actifs.
Cependant, depuis la crise sanitaire, la corrélation entre ces actifs et les actions a fortement augmenté, ce qui tend à montrer que le secteur financier pourrait ne pas être immunisé des futures vicissitudes des crypto-actifs. Ces tendances renforcent également les arguments favorables à la création de monnaies numériques de banque centrale (MNBC) afin d’encadrer le marché des crypto-monnaies et de mieux gérer les risques associés.
Une corrélation en hausse constante
Selon des travaux de recherche [2], entre 2017 et 2019, le coefficient de corrélation entre les variations quotidiennes du marché du bitcoin et l’indice boursier S&P 500 n’était que de 0,01. Toutefois, ce chiffre s’est établi à 0,36 entre 2020 et 2021. Une augmentation tout aussi marquée de la correction a été observée entre la performance de l’indice MSCI Emerging Markets et le bitcoin, qui a atteint 0,34 en 2020-21 contre seulement 0,02 les années précédentes.
Le trading de crypto-monnaies a explosé depuis la pandémie, car des millions de personnes confinées ont cherché à s’engouffrer dans la brèche du trading numérique. La faiblesse des taux d’intérêt et les conditions de financement favorables ont également accentué les flux d’investissement vers le marché des crypto-monnaies. Enfin, les aides financières distribuées par les États pour lutter contre la pandémie ont également contribué à cette tendance.
La contagion des crypto-monnaies
C’était sans compter la volatilité intrinsèque du marché des crypto-monnaies. La capitalisation du marché mondial des crypto-monnaies a été multipliée par 20 entre juin 2020 et décembre 2021 pour atteindre 3.000 milliards de dollars, selon le Fonds monétaire international. Elle s’est ensuite brusquement évaporée, pour retomber à moins de mille milliards de dollars en juin 2022, lorsque les banques centrales ont commencé à durcir leur politique monétaire pour lutter contre l’inflation.
La corrélation accrue entre les marchés des crypto-actifs et des actions renforce la possibilité d’un effet de contagion d’un marché à l’autre. Une telle contagion pourrait se propager si les investisseurs individuels ou institutionnels détenant à la fois des crypto et des actifs et passifs financiers traditionnels venaient à subir des pertes importantes en raison de la volatilité des marchés crypto-actifs. Le moindre rééquilibrage des portefeuilles des investisseurs pourrait entraîner une plus grande volatilité des marchés financiers, voire des défauts sur les passifs financiers traditionnels.
Les principaux marchés de crypto en Asie comprennent l’Inde, le Vietnam et la Thaïlande, qui ont tous enregistré une forte hausse de la corrélation crypto/actions. Cette interconnexion croissante entre les crypto-actifs et les marchés actions renforce la transmission des chocs susceptibles de déstabiliser l’ensemble du système financier.
Certaines banques centrales asiatiques, sensibles à ce risque croissant et désireuses de mieux le gérer, ont imposé des réglementations sur le marché des crypto-monnaies et créé leur propre monnaie numérique.
La Chine est allée jusqu’à interdire complètement le trading, le minage et les transactions sur bitcoins en 2021 et a créé la première MNBC au monde, le « Digital Currency Electronic Payment » (DCEP) dotée d’un système de contrôle centralisé, en 2014 [3]
Monnaies numériques de banque centrale
Selon l’Atlantic Council [4], le nombre de pays envisageant d’adopter une MNBC est passé de 35 en 2020 à plus de 105, soit plus de 95 % du PIB mondial. Cet intérêt s’explique par la volonté croissante d’améliorer l’accès et l’inclusion financière et de faciliter les paiements et les règlements. [5]
Jusqu’à présent, la plupart des projets de MNBC sont concentrés dans les pays émergents, dont la moitié en Asie. La Chine est à la pointe de l’initiative, puisque 23 villes participent désormais à l’expérience DCEP.
La Banque populaire de Chine (PBoC) a notamment lancé le projet Multiple CBDC Bridge (ou mBridge) à Hong Kong en 2021 en collaboration avec la Banque des règlements internationaux, l’Autorité monétaire de Hong Kong, la Banque centrale de Thaïlande (BOT) et la Banque centrale des Émirats arabes unis.
Ce projet cherche à exploiter le potentiel des monnaies numériques et de la technologie des registres distribués (distributed ledger technology – DLT) afin de contribuer à des paiements et des règlements transfrontaliers en temps réel, moins chers et plus sûrs. Il pourrait se poser en concurrent du système SWIFT [6], basé sur le dollar.
Remise en cause des ruptures introduites par les crypto-monnaies
Certains pays sont plus prudents. L’Autorité monétaire de Hong Kong, par exemple, étudie les applications d’une MNBC depuis plus de cinq ans, mais n’identifie pas de besoin pressant pour une MNBC destinée aux particuliers. D’autres, notamment en Europe et aux États-Unis, s’inquiètent des implications des MNBC, notamment en matière de sécurité des données et de respect de la vie privée.
L’avènement des crypto-monnaies pourrait bouleverser le système financier mondial, mais le développement des MNBC fera probablement office de contrainte réglementaire à leur croissance. La politique anti-crypto de la Chine remet clairement en cause les ruptures introduites par le processus de développement des crypto-monnaies.
Références
[1] Nous doutons du statut d’« actif » conféré aux crypto-monnaies, comme le bitcoin, même s’il est possible d’y investir. Cf. What is the problem with cryptocurrency (bitcoin)?
[2] Iyer, Tara (2022), « Cryptic Connections: Spillovers between Crypto and Equity Markets », Global Financial Stability Notes, Monetary and Capital markets, FMI, janvier. Source : https://www.imf.org/en/Publications/global-financial-stability-notes/Issues/2022/01/10/Cryptic-Connections-511776
[3] Lire « Chi Time : Crypto-Renminbi to Challenge the US Dollar », mai 2020, « Chi on China : The Crypto-Renminbi’s Disruption to the Market, Economic Growth and Policy », août 2020, et « Chi on China : The Inherent Risks of Cryptocurrencies – When Bitcoin Meets CBDC », mai 2021.
[4] « Central Bank Digital Currency Tracker », Atlantic Council. Source : https://www.atlanticcouncil.org/cbdctracker/
[5] « Chi on China: The Crypto-Renminbi’s Disruption to the Market, Economic Growth and Policy », août 2020
[6] Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication (SWIFT)
Tokenisation des obligations : quelles opportunités ?
Par Stefan Brinaru, BNP Paribas Asset Mangement
Le 3 novembre 2022
La blockchain, et notamment la tokenisation, est susceptible de changer la donne en matière de financement et de négociation des titres non cotés. La technologie de la blockchain peut simplifier, faciliter et accélérer les transactions. Elle peut s’employer pour toutes les classes d’actifs, y compris pour les actifs durables sur le plan environnemental, comme, par exemple, des actions ou des obligations émises par une société de production d’énergie solaire.
Définition et potentiel
La tokenisation est la conversion des droits attachés à un actif (action, obligation, actif immobilier, etc.) en un cyberjeton. Dans l’écosystème de la blockchain, l’information et la valeur contenues dans un jeton peuvent être transférées, stockées et vérifiées de manière efficace et sécurisée.
Pour saisir le potentiel de la tokenisation, il faut garder à l’esprit qu’aujourd’hui, l’achat d’un actif financier (par exemple, une action ou une obligation) engage divers processus qui peuvent allonger le délai de livraison contre paiement (delivery versus payment ou DVP) jusqu’à quatre jours ouvrés, en fonction du type d’actifs.
Au contraire, la tokenisation pourrait simplifier et accélérer le mécanisme de DVP. Les actifs peuvent être transférés 24 h/24 et 7 j/7. Leur fractionnement est également possible.[1] Cela améliore la liquidité et facilite la négociation. En outre, il est possible d’avoir accès à une gamme de « nouveaux » types d’actifs.
La tokenisation permet aussi de structurer des données relatives à un actif, qu’il s’agisse de données relatives à un projet, de données financières ou relatives aux facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), en une source unique de données. Elle permet ainsi d’homogénéiser et de faciliter les différents processus de diligence raisonnable (technique, financière, ESG et juridique).
Combler le déficit
Afin de soumettre la tokenisation à un test « grandeur nature », on a pu récemment investir pour la première fois dans une obligation dite tokenisée émise dans le but de refinancer un projet d’énergie solaire de petite envergure, financé par EDF ENR, une entreprise française spécialiste des solutions énergétiques durables.
Les investisseurs sur les marchés financiers estiment souvent que ces types de projets sont trop petits et trop spécifiques pour être développés. En effet, ces projets connaissent souvent un déficit de financement. Ils sont trop gros pour être financés de manière individuelle par les banques de détail, et trop petits pour intéresser les investisseurs institutionnels qui cherchent à financer un nombre restreint d’opérations de grande ampleur.
En rationalisant le processus de diligence raisonnable, la tokenisation se qualifie comme une solution potentielle pour y remédier. En effet, celle-ci devrait abaisser le seuil de financement de ces projets, en les rendant plus disponibles au financement par l’intermédiaire d’émissions d’obligations ou d’autres instruments financiers.
Un élément qui change la donne sur un marché en plein essor
La production d’électricité solaire devrait doubler d’ici 2025 dans l’Union européenne. Près de la moitié des financements de plusieurs milliards d’euros se rapportent à des projets de taille réduite. Cest pourquoi la tokenisation pourrait être source d’importantes opportunités pour les investisseurs.
Plus généralement, Boston Consulting Group et d’autres spécialistes du secteur estiment que la totalité du marché des actifs tokenisés pour toutes les classes d’actifs pourrait atteindre 10 % du PIB mondial, soit quelques 16.000 milliards de dollars, d’ici 2030.
Si les systèmes traditionnels de négociation d’actifs peuvent afficher le même type de données, la transparence totale est intrinsèque à la technologie de la blockchain et à la tokenisation puisque les données sont directement intégrées dans un jeton.
Cette transparence peut apporter aux investisseurs une granularité bien plus fine dans les rapports d’investissement et la vérification de l’impact ESG de l’investissement. Par exemple, dans l’obligation tokenisée du projet test sont intégrées les coordonnées GPS des panneaux solaires financés, simplifiant la localisation de l’investissement.
La réglementation se durcit rapidement en matière de divulgation, d’évaluation et de publications d’informations sur les impacts ESG, par exemple :
- la Directive sur les marchés d’instruments financiers (MiFID) exige déjà des investisseurs qu’ils définissent leurs préférences en matière de développement durable
- le Règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers(SFDR) entrera en vigueur le 1er janvier 2023
- la Directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) renforcera les exigences en matière de rapports ESG à compter de 2024.
La tokenisation, et notamment la granularité des informations intégrées dans les jetons, peut représenter une solution très efficace pour répondre à ces nouvelles exigences.
Quel est l’impact de l’évolution démographique sur les placements ?
Le 5 octobre 2022
Une enquête menée par Coalition Greenwich pour BNPP AM en mai 2022 démontre la manière dont les changements démographiques influencent les stratégies d’investissement et d’allocation d’actifs.
- Sur 135 investisseurs institutionnels et distributeurs interrogés en Europe, en Asie et aux États-Unis, 74 % indiquent que l’évolution démographique a déjà eu un impact sur leurs décisions d’allocation d’actifs.
- 95 % d’entre eux considèrent les nouvelles technologies comme un changement sociétal important qui façonne leurs stratégies d’investissement, suivies de près par le vieillissement de la population (91 %).
- 60 % des investisseurs estiment que les tendances démographiques constituent une opportunité d’investissement.
Influence certaine des facteurs démographiques
Au cours des dix prochaines années, l’industrie de la gestion d’actifs va connaître une période de profonde mutation, où plusieurs forces structurelles majeures vont opérer simultanément. Outre les enjeux liés au développement durable, la disruption technologique et le contexte géopolitique, l’évolution démographique et ses impacts constituent une tendance qui peut véritablement influencer les stratégies d’investissement. Quels sont les comportements et les perspectives des investisseurs face aux grandes tendances démographiques et sociétales, telles que le vieillissement de la population dans les pays développés, la montée en puissance d’une jeune génération d’investisseurs ou encore l’essor d’une classe moyenne dans les marchés émergents ?
Les résultats de l’étude indiquent qu’au cours des trois dernières années, le changement démographique a impacté les décisions d’allocation d’actifs des trois quarts des investisseurs (74 %), bien que cette opinion diffère selon les zones géographiques : seulement 42 % des investisseurs nord-américains partagent cette affirmation, contre 78 % en Europe et 83 % en Asie. Les distributeurs sont également plus nombreux à le penser (86 %) que les investisseurs institutionnels (69%). Cependant, les perspectives font l’unanimité avec presque tous les investisseurs (95 %) prévoyant une plus grande influence des tendances démographiques au cours de la prochaine décennie.
Quels changements démographiques et sociétaux et quels secteurs privilégier ?
Parmi les différents aspects de l’évolution démographique et sociétale, quasiment tous les investisseurs interrogés (95 %) ont cité l’accélération des nouvelles technologies comme un changement important qui influence leurs stratégies d’investissement, suivie de près par l’impact du vieillissement de la population (91 %), les changements dans les habitudes de consommation (89 %) et la croissance de la population dans les marchés émergents (86 %).
En conséquence, plusieurs secteurs d’activités sont susceptibles de bénéficier de ces évolutions. Parmi les plus attractifs, le secteur de la santé a été identifié par une grande majorité des investisseurs (91 %), suivi par la technologie (84 %), l’énergie (67 %), l’agroalimentaire (63 %), les loisirs et le tourisme (60 %) et l’immobilier (59 %).
Différences régionales
Plusieurs différences régionales sont à souligner :
- La santé est considérée comme un secteur d’investissement attractif en Europe et en Asie (chacun 95 %) contre 75% aux États-Unis. La technologie est quant à elle davantage plébiscitée en Asie (93 %) par rapport à l’Europe (81 %) et aux États-Unis (75 %).
- Pour les investisseurs asiatiques, la croissance de la population au sein des marchés émergents est perçue comme un aspect « extrêmement important » du changement démographique par la moitié des répondants (51 %), contre 21 % en Europe et 15 % aux États-Unis.
- Le vieillissement de la population y est également prépondérant en matière de stratégie d’investissement, avec 70% d’investisseurs asiatiques pour qui il s’agit d’un élément « extrêmement important » (contre 39% en Europe et 40% aux Etats-Unis).
- Aux Etats-Unis, l’accent sur la diversité et l’égalité est davantage considéré comme un aspect « extrêmement important » des évolutions démographiques et sociétales (30 %), contre 24 % en Asie et 17 % en Europe.
Quelles classes d’actifs sont les plus susceptibles d’en bénéficier ?
Les investisseurs institutionnels ont indiqué que les actions (52 %), l’immobilier (50 %) et les infrastructures (47 %) étaient les classes d’actifs les plus susceptibles de bénéficier des stratégies d’allocations du fait de l’évolution démographique, tandis que pour les distributeurs, l’investissement thématique est en tête (63 %), suivi par les actions (53 %) et les infrastructures (47 %).
Le choix entre stratégies actives versus passives est réparti équitablement puisqu’aucune préférence ne se distingue et ce, dans toutes les régions.
Evolution démographique : risque ou opportunité ?
Le changement démographique a été identifié comme une opportunité d’investissement par près de 60 % des investisseurs interrogés et comme un risque par 20 % d’entre eux. Sur le long terme, les préférences en matière de prises de risques d’investissement sont variables, avec une prédominance pour des stratégies moins risquées en Asie (39 %), et plus risquées aux Etats-Unis et en Europe (tous deux 17%).
Ces enseignements montrent également dans quelle mesure les évolutions démographiques et les décisions d’allocation sont intimement liées à l’essor toujours plus rapide de la technologie et à l’importance accordée à la durabilité. Une profonde transformation de l’industrie de la gestion d’actifs et la réallocation fondamentale du capital sont nécessaires pour répondre aux enjeux liés au financement des retraites, ou à la mise en place d’un mode d’investissement plus digital.
Bien que les tendances démographiques présentent des défis certains, elles créent également de nouvelles opportunités. L’identification des secteurs prêts à affronter ces défis avec succès et le choix des stratégies pertinentes peuvent permettre d’identifier des opportunités d’investissement à long terme.