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Chine, le rebond économique se confirme
Par Vincent Juvyns, J. P. Morgan Asset Management,
Le 17 mai 20232
En décembre 2022, la levée surprise de toutes les restrictions sanitaires par les autorités chinoises avait alimenté l’espoir d’un fort rebond économique en Chine en 2023. En janvier, l’alignement des astres était d’ailleurs parfait pour l’économie chinoise puisque la fin de la politique Zéro-Covid allait permettre aux citoyens de célébrer à nouveau normalement le nouvel an lunaire, placé cette année sous le signe prometteur du Lapin.
Premier bilan
Aujourd’hui, à l’issue du premier trimestre, et donc à l’heure d’un premier bilan, force est de constater que les espoirs de rebond économique se sont bel et bien matérialisés. En effet, selon le Bureau national chinois des statistiques, la croissance du PIB réel de la Chine est ressortie à 4,5 % en glissement annuel (GA) au 1er trimestre 2023, soit bien mieux que les 4% attendus par les marchés et que les 2,9% affichés au quatrième trimestre 2022.
Les secteurs des services ont été les grands bénéficiaires de la levée des restrictions imposées en termes de mobilité, comme en témoigne la croissance de 5,4 % en GA de la valeur ajoutée dans le secteur tertiaire. Parallèlement, l’activité manufacturière est restée stable et la valeur ajoutée du secteur secondaire a augmenté de 3,3 % en GA. Compte tenu d’effets de base favorables, on peut s’attendre à une accélération de la croissance du PIB dans les prochains trimestres, et l’objectif de croissance annuelle de 5 % devrait vraisemblablement être atteint en 2023, notamment grâce au rebond de la consommation.
Consommation et services grands gagnants
En effet, les périodes de confinement successives ont conduit à la constitution d’un stock d’épargne excédentaire important, qui conjugué à une demande refoulée des consommateurs chinois devrait durablement soutenir la consommation des ménages. Les ventes de détail se sont d’ailleurs déjà envolées de 10,6 % en GA en mars, soit une nette accélération par rapport au 3,5% de croissance affichés en février.
Sans surprise, c’est le secteur des services qui en est le premier bénéficiaire, et en particulier, la restauration qui a affiché une progression de 26,3 % en mars grâce au retour des clients dans les restaurants. Les investissements dans les infrastructures ont par ailleurs également joué un effet stabilisateur important, avec une croissance de 8,5 % en GA lors des trois premiers mois de l’année. La production industrielle a quant à elle crû de 3,9 % sur un an, ce qui témoigne de la forte dynamique dans les industries manufacturières de pointe comme celle de la production de véhicules électriques qui a affiché une croissance de 33,3% sur un an !
Mais encore des défis
Cela étant dit, plusieurs défis doivent encore être relevés sur le plan économique. Les investissements en capital fixe (T1 2023 : 10 % en GA) sont jusqu’ici surtout le fait du secteur public, alors que la croissance des investissements n’a été que de 0,6 % en GA dans le secteur privé, ce qui montre qu’il faudra encore beaucoup de temps avant que les entreprises retrouvent toute leur confiance. Les investissements immobiliers ont eux aussi eu un impact négatif (T1 2023 : -5,8 % en GA), ce qui a également pesé sur la consommation des biens durables, comme les appareils ménagers (mars 2023 : -1,4 % en GA) et les matériaux de décoration (mars 2023 : -4,7 % en GA).
Sur le plan extérieur, la croissance des exportations a rebondi à 14,5 % en GA en mars, dépassant largement les anticipations du marché, grâce notamment à la forte demande pour les technologies liées à la transition énergétique, comme les panneaux solaires, les batteries ou encore les véhicules électriques, autant de secteurs dans lesquels la Chine occupe une position de leader mondial.
Et en politique ?
Sur le plan législatif, les autorités devraient maintenir une politique budgétaire procyclique ainsi qu’une politique monétaire relativement expansionniste, comme en témoigne la décision de la People Bank of China de baisser les ratios de réserves obligatoires des banques de 0,25% au mois de mars. D’autres mesures structurelles pourraient être adoptées prochainement pour compenser les faiblesses actuelles au niveau de l’investissement privé. Le taux des dépôts et le taux préférentiel des prêts à 5 ans pourraient ainsi être abaissés afin de réduire les coûts de financement et de soutenir les prêts à long terme aux entreprises.
Le gouvernement pourrait de son côté assouplir quelque peu la pression réglementaire afin de restaurer la confiance des entreprises et de stabiliser les investissements directs étrangers qui souffrent d’un contexte géopolitique fébrile, qui pèse en outre sur les perspectives de croissance bénéficiaire des entreprises cotées chinoises.
Et pour l’avenir ?
Ceci explique sans doute pourquoi l’indice MSCI Chine, qui affiche une progression de +1,1%% depuis le début de l’année, sous-performe par rapport aux indices S&P 500 et Stoxx 600 qui affichent une performance de respectivement +7,66 et +9,34%[1].
Cependant, dans les prochains mois, on peut raisonnablement s’attendre à ce que l’accélération de l’économie chinoise au premier trimestre, conjuguée à des politiques plus favorables aux investisseurs, soutienne la croissance bénéficiaire des entreprises chinoises et favorise leur surperformance sur les marchés boursiers.
Tous les ingrédients semblent en tous cas réunis. L’indice MSCI China affiche ainsi une valorisation attractive, puisque son ratio cours/bénéfices est actuellement de 11,6x contre une moyenne de 11,8x ces 20 dernières années et 18x pour le S&P 500. En outre, a l’heure où les entreprises occidentales font face à un risque de contraction de leurs résultats, l’indice MSCI Chine peut se prévaloir d’une croissance bénéficiaire attendue pour 2023 de 15,3%, grâce notamment à la bonne forme des secteurs liés à la consommation où la croissance bénéficiaire devrait osciller entre 20 et 40% cette année.
Enfin, la Chine est uniquement positionnée pour profiter de l’accélération mondiale des investissements en matière de transition énergétique puisque qu’elle contrôle à elle seule plus de deux tiers de la production mondiale de batteries, de terres rares ou de panneaux solaires.
Face à cette réalité, il nous semble que la valorisation actuelle du marché chinois offre un point d’entrée intéressant aux investisseurs à long terme. Certes, les inquiétudes liées au contexte géopolitique actuel sont légitimes et ce n’est donc pas le moment de « surpondérer » ce marché mais les opportunités que celui-ci offre justifient, a minima, une pondération neutre dans les portefeuilles.
A cet égard signalons que la Chine représente 18% du PIB mondial, 13% de la capitalisation boursière mondiale et 7% de l’indice MSCI ACWI et qu’une pondération neutre de la Chine devrait dès lors se situer aux alentours de +/- 10% dans un portefeuille d’actions, soit bien plus que l’exposition moyenne des investisseurs occidentaux à la Chine. A méditer donc !
[1] Source: Refinitiv Datastream, J.P.Morgan Asset Management, 21/04/2023
Cinq questions clés soulevées par les récentes tensions dans le secteur bancaire
Par Vincent Juvyns, Global Market Strategist, J.P. Morgan Asset Management
Le 4 avril 2023
Après les turbulences survenues dans le secteur bancaire en mars, voici un éclairage sur les récentes tensions dans ce secteur.
- Dans quelle mesure les tensions actuelles auxquelles sont confrontées les banques américaines et européennes sont-elles similaires ?
L’effondrement de la Silicon Valley Bank (SVB) aux États-Unis a mis en lumière deux préoccupations majeures pour le secteur bancaire : le risque d’une fuite rapide des dépôts et la difficulté de faire face à ses obligations compte tenu de l’ampleur des pertes latentes sur les obligations d’État. Pour résumer, les problèmes de liquidité se sont rapidement transformés en problèmes de solvabilité.
Bien que certains de ces risques puissent exister tant aux États-Unis qu’en Europe, deux caractéristiques spécifiques ont rendu la SVB particulièrement vulnérable. Tout d’abord, ses déposants étaient très concentrés, plus de 90 % des dépôts provenant d’entreprises, dont plus de 50 % provenant du secteur des technologies en phase de démarrage[1].Deuxièmement, la SVB disposait d’un portefeuille d’obligations particulièrement important par rapport à ses dépôts, ce qui lui a valu d’importantes pertes latentes en raison de la hausse spectaculaire des rendements depuis 2021. Lorsque les sorties de capitaux ont augmenté, ces obligations ont dû être vendues pour générer des liquidités, réalisant ainsi des pertes.
Aucune autre banque aux États-Unis ou en Europe ne se trouve dans une situation aussi préoccupante du point de vue de sa base des dépôts. En outre, une réglementation plus stricte oblige les banques européennes, quelle que soit leur taille (contrairement aux États-Unis), à maintenir un ratio de couverture des liquidités d’au moins 100 %, l’objectif étant que les banques disposent de suffisamment d’actifs facilement accessibles pour faire face à d’éventuels retraits.
Globalement, les banques européennes semblent avoir des positions de liquidité plus solides que leurs homologues américaines. Les banques européennes ont également des portefeuilles obligataires plus réduits en moyenne, représentant environ 20 % des dépôts contre 31 % aux États-Unis[2].
- Qu’est-il arrivé à Crédit Suisse ?
Les difficultés de Crédit Suisse sont antérieures aux récentes tensions, sachant que le cours de l’action avait déjà chuté de près de 80 % par rapport à son pic de 2021 avant les derniers bouleversements du secteur financier[3]. Plus récemment, Crédit Suisse a fait état de problèmes liés à son processus de reporting financier. Un actionnaire important a laissé entendre qu’il ne souhaitait plus augmenter sa participation. Dans un environnement déjà tendu pour les actions bancaires, ces difficultés ont déclenché une nouvelle vague de ventes sur le titre.
UBS a alors accepté de racheter Crédit Suisse. Les marchés ont globalement salué l’action rapide et décisive des décideurs politiques et des régulateurs, bien qu’une différence de réglementation entre la Suisse et le reste de l’Europe ait suscité des inquiétudes supplémentaires concernant les obligations AT1 (Additional Tier 1).
Ces obligations AT1 sont une forme de dette convertible qui est prise en compte dans le cadre des exigences réglementaires de fonds propres d’une banque. Elles peuvent être converties en fonds propres ou ramenées à zéro dans certaines conditions (généralement lorsqu’une banque est confrontée à des problèmes de liquidité ou de solvabilité). En tant que titres de dette, les obligations AT1 auraient traditionnellement la priorité sur les actions pour certains remboursements de capital en cas de restructuration d’une banque.
Toutefois, dans le cadre de l’accord avec UBS, la législation suisse a autorisé l’annulation totale des obligations AT1 de Crédit Suisse, alors que les actionnaires recevront un paiement partiel pour leurs actions. Il en a résulté une volatilité des marchés de la dette bancaire, les investisseurs ne sachant plus très bien si les obligations AT1 se situaient au-dessus des actions selon la hiérarchie des capitaux. Depuis, les régulateurs européens ont cherché à clarifier le fait que, en cas de restructurations, la dette AT1 aurait la priorité sur les actions dans le reste de l’Europe (et au Royaume-Uni).
- Pourquoi les cours des actions des banques européennes ont-ils chuté davantage que ceux des actions des banques américaines ?
La chute plus marquée des valeurs bancaires européennes ne reflète pas une détérioration de leurs fondamentaux. Comme indiqué plus haut, on peut affirmer que les banques européennes sont en meilleure position que leurs homologues américaines grâce à une réglementation plus contraignante et à une situation plus favorable en matière de liquidités.
Toutefois, après une très forte reprise en Europe depuis octobre 2022, l’optimisme concernant les marges d’intérêt nettes des prêteurs européens s’est atténué. Lorsque les perspectives de taux d’intérêt étaient plus élevées, les anticipations de rentabilité des banques s’amélioraient. En effet, elles pouvaient appliquer des taux plus élevés sur les prêts, mais retarder l’augmentation des intérêts qu’elles devaient acquitter sur les dépôts. Après avoir atteint un point haut, les attentes du marché concernant les taux d’intérêt futurs se sont considérablement réduites en raison des récentes tensions financières. Les anticipations de bénéfices se sont modérées et les banques européennes ont perdu une partie de leurs gains en conséquence.
- Quelles sont les probabilités qu’une crise financière en Europe se transforme en une autre crise souveraine ?
Grâce aux améliorations significatives apportées à l’architecture institutionnelle de la zone euro au cours des dix dernières années, le risque d’une nouvelle crise de la dette souveraine est faible. L’union monétaire est désormais complétée par une union fiscale partielle, comme en témoignent des programmes tels que la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR), qui réalise des émissions de dette communes au niveau de l’Union européenne (UE).
De manière plus générale, l’état d’esprit est différent en Europe, en particulier après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les problèmes semblent plus susceptibles d’être abordés ensemble au niveau européen – comme en témoigne, par exemple, le programme REPowerEU, qui vise à éliminer complètement la dépendance de l’Europe à l’égard de l’énergie russe d’ici à 2030.
Parallèlement, la boîte à outils de l’UE en cas de crise s’est améliorée. Le Mécanisme européen de stabilité (MES) et l’Instrument de protection de la transmission monétaire (IPT) en sont deux exemples, tous deux étant spécifiquement conçus pour éviter une répétition de la crise de la dette souveraine. Le MES fournit une assistance financière aux pays de la zone euro qui connaissent ou risquent de connaître des difficultés de financement, tandis que l’IPT permet à la Banque centrale européenne d’acheter des obligations d’un pays si les spreads s’élargissent au-delà de la limite justifiée par les fondamentaux.
- Quelles sont les implications des tensions récentes pour la politique de la banque centrale ?
D’un point de vue économique, l’impact le plus probable des récentes tensions du secteur financier est un durcissement des conditions d’octroi des prêts bancaires et une baisse du volume de ceux-ci. Le resserrement des conditions de crédit devrait peser sur l’activité économique au fil du temps, réduisant ainsi les pressions inflationnistes. Le défi pour les investisseurs, comme pour les banques centrales, est de ne pas savoir dans quelle mesure les prêts bancaires vont ralentir.
Lors de sa réunion de mars, la Banque centrale européenne (BCE) a décidé de relever ses taux de 50 points de base comme prévu, citant la solidité des données économiques récentes comme justification. Cependant, aucune orientation prospective n’a été communiquée et la présidente de la BCE, Christine Lagarde, a clairement indiqué que la BCE interviendrait pour apporter un soutien supplémentaire aux banques le cas échéant. En fin de compte, actuellement, un taux terminal plus bas est prévu pour les banques centrales des marchés développés, mais l’interruption des hausses dépendra des données économiques.
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[1] Source: J.P. Morgan North American Equity Research, Large Cap Banks, 10 mars 2023.
[2] Source : Bloomberg, Federal Deposit Insurance Corporation, J.P. Morgan Europe Equity Research, European Banks, 13 mars 2023.
[3] Source : Bloomberg, Credit Suisse.
Les marchés obligataires voient l’avenir en vert !
Par Vincent Juvyns, Stratégiste chez JP Morgan Asser Management
Le 8 mars 2023
En 2022, la hausse globale des taux d’intérêts, observée dans le sillage de la remontée de l’inflation et des taux directeurs des principales banques centrales, a été particulièrement difficile à digérer pour les marchés obligataires, qui ont enregistré l’une des pires performances de leur histoire.
Une meilleure année 2023
Après cet « annus horribilis », l’année 2023 s’annonce heureusement sous de meilleurs auspices pour les marchés obligataires. En effet, le pic inflationniste semble globalement dépassé, ce qui devrait permettre aux banques centrales de progressivement lever le pied dans les prochains mois, tandis que la hausse des taux d’intérêts a suscité un regain d’intérêt des épargnants pour les marchés obligataires.
Un segment en particulier se distingue, celui des obligations « vertes », pour lesquelles la demande dépasse aujourd’hui largement l’offre, malgré des émissions supérieures à 500 milliards de dollars par an. Ceci est d’autant plus remarquable, qu’il s’agit d’un segment de marché relativement récent puisque la première émission d’une obligation « verte » date de 2007.[1]
Comment expliquer l’intérêt des émetteurs et des investisseurs pour les obligations vertes ?
Les obligations vertes ont pour particularité que les capitaux levés par leur intermédiaire servent à financer des investissements liés à la transition énergétique et à la réduction de l’empreinte carbone de leurs émetteurs. Or, les besoins d’investissements en la matière sont gigantesques puisque, pour atteindre l’objectif de zéro émission de carbone que se sont fixé nombre de pays pour 2050, il faudra des investissements annuels à hauteur de plusieurs trilliards de dollars.[2] Les obligations vertes permettent à leurs émetteurs de bénéficier de coûts de financement généralement inférieurs à ceux du marché grâce au fait que la demande pour ce type d’instrument financier dépasse largement l’offre.
L’engouement des investisseurs pour cette classe d’actifs, a priori moins rémunératrice, s’explique par plusieurs raisons. Les investisseurs souhaitent tout d’abord de plus en plus donner du sens à leurs investissements, que ce soit pour des raisons philosophiques ou pour se conformer aux exigences des régulateurs, comme l’illustre le succès des fonds labellisés Article 9 par la législation européenne SFDR. En outre, les obligations vertes permettent de concilier les objectifs environnementaux et financiers, puisque leurs performances[3] sont similaires aux obligations traditionnelles tandis que leur volatilité est moindre.[4] Enfin, il y a l’espoir que les banques centrales, à l’instar de la BCE, soutiennent davantage les marchés d’obligations vertes dans le futur pour concrétiser la prise en compte du risque climatique dans leur politique monétaire.
A l’entame de 2023, les marchés obligataires voient donc plus que jamais l’avenir en vert !
[1] Refinitiv Eikon, J.P. Morgan Asset Management, au 12.02.2023. Les obligations vertes sont celles dont 100 % du produit net des obligations sont alloués à des projets verts. Les obligations sociales sont celles dont le produit de l’obligation vise à produire des résultats sociaux positifs. Les obligations durables sont celles dont le produit de l’obligation est dirigé vers un mélange de projets verts et sociaux ou si le coupon/les caractéristiques de l’obligation peuvent varier en fonction de la réalisation d’objectifs de durabilité prédéfinis.
[2] Les données proviennent du rapport World Energy Investment 2022 de l’AIE. 2030e est basé sur le scénario net zéro d’ici 2050 de l’AIE.
[3] A caractéristiques égales en termes de maturité, structure de capital, rating etc.
[4] Bloomberg, J.P. Morgan Asset Management, au 02 Fevrier 2023 conferer article “Green bonds: Is doing good compatible with doing well in fixed income?”
Une année difficile pour l’économie, meilleure pour les marchés : 10 thèses pour 2023
Par Vincent Juvyns, stratégiste chez J.P. Morgan Asset Management
Le 2 février 2023
L’environnement macroéconomique sera difficile cette année. Mais cela ne doit pas être synonyme d’une année difficile sur les marchés. On peut s’attendre à de bonnes opportunités de performances, surtout pour les obligations «Investment Grade» (IG). Voici quelques perspectives pour 2023 en 10 thèses.
- Croissance inférieure à la tendance – récession en Europe
La croissance s’affaiblit progressivement et une récession se profile cette année, du moins en Europe. L’ampleur de cette récession sera déterminante pour les marchés actions. Le marché n’a encore anticipé qu’une légère récession, voire un ‘atterrissage en douceur’.
En raison de l’inflation, les salaires réels chutent, entrainant une crise du pouvoir d’achat des consommateurs. Certes, grâce aux mesures de soutien de l’Etat dans le cadre de la pandémie, la consommation reste soutenue. Mais en Europe, c’est surtout la hausse massive des prix de l’énergie et de l’électricité qui pèse sur le moral des consommateurs. Associée à la faiblesse de l’industrie, elle sera le facteur de la récession attendue.
- L’inflation recule nettement aux États-Unis et en Europe
L’année débute dans un contexte de stagnation de l’inflation. On peut toutefois s’attendre à ce que l’inflation ne fasse pas que reculer, mais qu’elle s’affaiblisse de manière significative. Ce sera un signal important pour la politique de la banque centrale.
Un ralentissement de la hausse des prix contribuera de manière significative à une baisse de l’inflation. La disparition des goulets d’étranglement côté offre et la baisse des coûts de transport sur les routes mondiales des conteneurs sont des indices clairs de cette évolution. Les prix de l’énergie peuvent également y contribuer. Le prix du pétrole a atteint en mars dernier son plus haut niveau du cycle, à 123 dollars américains. S’il reste dans une fourchette à deux chiffres en raison de l’affaiblissement de la situation conjoncturelle, les effets de base auront un effet désinflationniste. Le prix du gaz s’est également calmé et s’échange désormais à un niveau inférieur de 75% au pic d’août.
Même si l’inflation américaine baisse de moitié, elle reste à un niveau élevé de trois à quatre pour cent. Cela maintiendra la vigilance des banques centrales, en particulier dans le contexte d’un solide marché du travail et d’une hausse des coûts salariaux.
- Les banques centrales font une pause – le cycle de hausse des taux prend fin
En raison de l’affaiblissement de la dynamique inflationniste, les banques centrales devraient bientôt arriver à la fin de leur cycle de resserrement. Il est encore trop tôt pour estimer que le taux directeur a touché son plus haut. En effet, les taux d’intérêt réels restent négatifs et jamais les banques centrales n’ont mis fin au cycle de hausse des taux d’intérêt dans un tel contexte. Au cours du premier semestre 2023, le point d’intersection entre le taux d’inflation et le taux directeur devrait être atteint et le cycle d’augmentation des taux d’intérêt devrait faire au moins une pause.
- Les rendements obligataires baissent
L’atténuation de l’obstacle que représente la hausse des taux d’intérêt devrait être salué cette année par les marchés obligataires et l’inversion de la courbe des taux devrait diminuer. Si les marchés anticipent à nouveau une politique de soutien de la banque centrale, l’inversion devrait prendre fin. Les échéances courtes sont plus proches de l’inflation actuelle, tandis que les échéances plus longues sont axées sur la croissance économique globale. Les rendements des échéances longues s’ajusteront à la baisse au fur et à mesure que les inquiétudes économiques grandiront. Ainsi, d’un point de vue tactique, les durations plus longues sont intéressantes.
- Les obligations IG surperforment les obligations à haut rendement
Après le grand krach sur les marchés obligataires, le mot d’ordre est désormais «Bonds are back» (les obligations sont de retour). Les primes de risque dans le domaine du haut rendement n’ont pas encore atteint leur niveau maximal, de sorte que, compte tenu du risque de récession, les obligations de haute qualité («investment grade bonds») sont plutôt une bonne idée.
- Les obligations IG surperforment les actions
Le niveau actuel des rendements, associé à la perspective de taux d’intérêt plus bas, est si prometteur qu’il est même possible d’obtenir des rendements à deux chiffres pour les obligations d’entreprise IG à duration longue. En dehors d’un scénario d’atterrissage en douceur de l’économie, les actions auront donc du mal à surperformer les obligations. La surévaluation des actions a certes disparu après les corrections de 2022, mais les performances futures restent le grand point d’interrogation. Outre les obligations d’État et d’entreprises, il est également intéressant de jeter un coup d’œil sur les émetteurs para-publics IG («agency bonds»). Un des facteurs à ne pas perdre de vue, tant pour les obligations d’État que pour les obligations d’entreprises, reste cependant une bonne solvabilité.
- Les marges et les bénéfices des entreprises chutent
Les marchés boursiers témoignent encore d’un certain optimisme pour 2023, avec une croissance des bénéfices de 3%. Mais il faut s’attendre à une nouvelle révision à la baisse des prévisions de bénéfices, et les révisions à la baisse et les dégradations de notations créeront une volatilité persistante sur les marchés.
On observe deux dynamiques. En 2022, les marges ont certes légèrement baissé, mais les entreprises ont tout de même pu augmenter leurs bénéfices, car elles ont pu répercuter une grande partie de la hausse des prix sur les clients. Cela risque d’être plus difficile cette année. La pression sur les coûts, en particulier les coûts salariaux, reste élevée, tandis que l’affaiblissement de la demande freine la croissance des chiffres d’affaires. Cela augmentera encore la pression sur les marges des entreprises et entraînera une chute des bénéfices.
- Les styles «value» et «Income» surperforment les titres «croissance»
On peut s’attendre à ce que les titres «value» continuent d’avoir une longueur d’avance sur les valeurs de croissance en 2023, d’un point de vue structurel. La tendance «value » devrait se poursuivre, mais de manière moins spectaculaire. En ce début d’année, le segment «value» de qualité supérieure devrait particulièrement bien se porter. Les entreprises disposant d’un pricing power et d’une position solide sur le marché sont à privilégier.
Au cours de cette année, on peut s’attendre à ce que l’environnement des valeurs «croissance» s’améliore sur les marchés actions, que les banques centrales fassent une pause et que les marchés commencent à anticiper la reprise à venir, mais en fin de compte, les titres «value» et les titres «income» devraient mener le mouvement.
- La Chine met fin à sa politique stricte de zéro Covid
La politique Zéro-COVID a entraîné une baisse considérable de la croissance en Chine en 2022. L’économie, et en particulier le marché immobilier, risquent d’entrer dans une spirale négative s’il n’est pas mis fin pour de bon aux mesures de confinement. Les décideurs de Pékin ont commencé à changer de cap en raison des nécessités économiques, ce qui permet d’espérer une reprise prochaine de l’économie chinoise. La demande accumulée est forte. La Chine et l’ensemble de la région devraient avoir une meilleure dynamique de croissance que les pays industrialisés l’année prochaine.
- Les actions des marchés émergents surperforment les actions des marchés développés
Dans l’ensemble, les marchés émergents devraient être stimulés au cours des prochains mois. Il y a eu beaucoup de nouvelles négatives, surtout en provenance de Chine, ce qui a entraîné tous les marchés émergents à la baisse. D’ici l’été, la situation devrait se normaliser et le besoin de consommation accumulé devrait permettre une reprise sur les marchés. Cela rend la région intéressante d’un point de vue cyclique, et les valorisations sont également beaucoup plus avantageuses que dans les pays industrialisés.
Les marchés émergents n’ont pas été aussi bien valorisés depuis longtemps et beaucoup de pessimisme a été intégré dans les prix. Mais les risques politiques en Chine exigent également une prime de risque plus élevée. C’est pourquoi la Chine n’est pas aussi intéressante qu’il n’y paraît à première vue. Néanmoins, les actions de la région devraient être en mesure de surperformer les pays développés l’année prochaine. Si la situation géopolitique s’apaise, le dollar américain devrait continuer de refluer, ce qui serait une bonne nouvelle pour les investisseurs en souffrance dans les pays émergents.
Perspectives de rendement à long terme au plus haut depuis plus d’une décennie !
Par Vincent Juvyns, Stratégiste chez JP Morgan Asset Management
Le 27 décembre 2022
Comme chaque année au mois de novembre, et ce depuis 27 ans, J.P. Morgan Asset Management publie une étude annuelle sur les « Perspectives de rendement à long terme des marchés financiers », connue sous le nom anglais de « Long Term Capital Market Assumptions – LTCMA ». Voici un aperçu des perspectives économiques et de marchés pour les 10-15 prochaines années.
Méthodologie
Les projections LTCMA sont élaborées dans le cadre d’un processus de recherche approfondi et exclusif qui s’appuie sur des données quantitatives et qualitatives ainsi que sur les analyses d’une équipe de plus de 90 experts de J.P. Morgan Asset et Wealth Management. Depuis 27 ans, ces projections contribuent à construire des portefeuilles plus solides, à guider les allocations d’actifs stratégiques et à établir des attentes raisonnables en matière de risque et de rendement sur une période de 10 à 15 ans pour plus de 200 classes d’actifs. Ces hypothèses alimentent la prise de décision dans la gestion des fonds multi-actifs et permettent de conseiller les investisseurs en matière d’allocation stratégique tout au long de l’année. Historiquement, l’écart entre ces prévisions et les données observées a posteriori s’est révélé, dans 70 % des cas, inferieur a une demi déviation standard, ce qui démontre la fiabilité de cette approche.
Prévisions de croissance et d’inflation
Cette année, les perspectives de croissance économique sont restées inchangées tandis que les perspectives d’inflation ont été revues légèrement à la hausse. En effet, bien que nombre d’économies flirtent aujourd’hui avec la récession, l’attente de croissance tendancielle pour l’économie mondiale demeure stable, à 2,2 %.
La faiblesse de la croissance démographique en Occident en en Asie continue à peser sur les prévisions de croissance mondiale mais on reste optimistes quant aux gains de productivité à venir, compte tenu de l’adoption massive des technologies de l’information durant la pandémie de Covid-19. En matière d’inflation, de nombreux investisseurs sont aujourd’hui préoccupés par son niveau élevé et par le risque que celle-ci ne s’installe dans la durée, mais les perspectives d’inflation ont été modestement revues à la hausse pour les prochaines années. En effet, les forces déflationnistes qui prévalaient avant la pandémie de Covid-19, à l’instar de la mondialisation ou de la digitalisation des économies, restent actives. En outre, les principales banques centrales mondiales ont démontré, cette année, que la lutte contre l’inflation demeure leur principale priorité. Dans ce contexte, l’inflation devrait graduellement converger vers l’objectif des banques centrales au cours des 10-15 prochaines années.
Et sur les marchés financiers ?
Sur les marchés financiers, bien que le recul des marchés boursiers et obligataires ne soit peut-être pas encore terminé, la correction indiscriminée des marchés en 2022 a engendré les opportunités d’investissement les plus attrayantes observées depuis une décennie, grâce à des valorisations plus faibles et à des rendements obligataires plus élevés.
Sur les marchés obligataires, la remontée des taux au-delà des niveaux attendus en moyenne au cours des prochaines années renforce le potentiel de rendement de la plupart des classes d’actifs obligataires. Pour les 10-15 prochaines années, un rendement annualisé est attendu de 3 % pour des obligations souveraines à 10 ans européennes et, de 3,6 % pour le « credit investment grade », soit plus du double de ce qui était estimé l’an dernier.
Pour les marchés actions, la tendance est la même puisque leurs valorisations sont aujourd’hui en ligne voir légèrement inférieures à leurs moyennes historiques. On s’attend ainsi par exemple à un rendement en euros de 8,4 % pour les actions européennes et de 9,6 % pour les actions contre respectivement 5,8 % et 5 % l’an dernier.
Enfin sur les marchés de devises, le dollar est cher et même s’il pourrait encore s’apprécier à court terme en raison des tensions géopolitiques, à long terme il devrait se déprécier de 1,4 % par an en moyenne par rapport aux devises des principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis.
Ainsi, pour la première fois depuis des années, les investisseurs disposent aujourd’hui d’une « boîte à outils » complète pour construire leur portefeuille puisque les prévisions de rendement pour les actifs sur l’ensemble du spectre de risque sont à nouveau positives.
Par conséquent, la perspective de rendement annuel pour un portefeuille actions-obligations 60/40 en euros sur les 10 à 15 prochaines années bondit de 2,80 % l’année dernière à 5,10 % cette année.
En conclusion, bien qu’il soit difficile de se prononcer sur la performance des marchés financiers au cours de prochains mois, une chose est néanmoins sûre : les cours actuels des marchés financiers offrent un excellent point d’entrée aux investisseurs à long terme !
Dividendes élevés : les actions à privilégier en cas de stagflation
Par Vincent Juvyns, Global market Strategist chez J.P. Morgan Asset Management.
Le 31 octobre 2022
Si, en période de récession les bénéfices par action baissent, ce n’est pas le cas des dividendes qui conservent tout leur attrait. Dans les prochains mois, deux choses semblent quasi certaines. La croissance économique mondiale va continuer à ralentir, et même se contracter dans certains cas, tandis que l’inflation devrait demeurer largement au-dessus de l’objectif des banques centrales dans la plupart des cas.
Si le risque de récession est aujourd’hui élevé dans nombre de régions, c’est bien entendu en raison de la crise énergétique, induite par le conflit en Ukraine qui est venu aggraver et pérenniser les pressions inflationnistes préexistantes. Cela a entrainé une forte hausse des taux d’intérêts.
Stabilité des dividendes
Face à des hausses de prix historiques, les principales banques centrales ont effet dû se résoudre à privilégier la lutte contre l’inflation au détriment de la croissance économique. Cet environnement, que l’on peut qualifier de « stagflationniste », même si les taux de chômage demeurent généralement bas, devrait continuer à peser sur les marchés d’actions dans les prochains mois.
Cependant, certains facteurs, à l’instar du facteur « high dividend » devraient être plus résilients que les marchés dans leur ensemble. En effet, en période de récession, la performance des marchés d’actions est généralement négative en raison de la baisse des bénéfices par actions en raison de la baisse du volume d’activité et des marges des entreprises. Mais si les bénéfices baissent parfois fortement, ce n’est pas le cas des dividendes qui demeurent relativement stables même en période de récession.
Si les dividendes sont aussi stables, c’est que les entreprises rechignent généralement à les baisser par crainte de s’attirer les foudres de leurs actionnaires. Face à une baisse de leurs revenus elles préfèrent ainsi puiser dans leurs réserves pour maintenir un dividende stable. Par conséquent, le taux de distribution des dividendes[1] tend à augmenter en période de récession.
Surperformance pour les dividendes
Ainsi, les entreprises qui parviennent à maintenir un dividende stable, voire en croissance, en toutes circonstances sont plébiscitées par les investisseurs en périodes de récession. Celles-ci surperforment donc généralement le marché lors des creux conjoncturels. Historiquement, les secteurs des services aux collectivités, de l’énergie ou encore des télécoms ont été les meilleurs exemples en termes d’octroi de dividendes élevés et stables. Mais, aujourd’hui, ces caractéristiques se retrouvent dans la plupart des secteurs pour peu que l’on puisse identifier les bonnes entreprises en leur sein.
Cependant, alors que les périodes de récession sont généralement associées à une baisse de l’inflation, ce n’est pas le cas aujourd’hui en raison de la guerre en Ukraine et des disruptions logistiques post-Covid qui persistent. L’environnement actuel peut donc, à certains égards, être qualifié de « stagflationniste », une configuration économique que nous n’avions plus connu depuis les années 70 mais dans laquelle les actions « high dividend » ont également été particulièrement résilientes. En effet, durant les années 70, les dividendes ont contribué à deux tiers du rendement total des actionnaires du S&P500, contre un tiers en moyenne durant les autres périodes (cf. Graphique 1).
Graphique 1 : Performance annualisée en % de l’indice S&P 500 : Plus-value en capital et dividendes
Source : Ibbotson, Refinitiv Datastream, Standard & Poor’s, J.P. Morgan Asset Management. Les performances passées ne sont pas des indicateurs fiables des performances actuelles ou futures. Guide des marchés – Europe. Données au 30 septembre 2022.
Quels secteurs ?
Si les entreprises « high dividend » parviennent à maintenir une telle stabilité de leurs dividendes, c’est parce qu’elles bénéficient généralement d’une demande inélastique pour les biens et les services qu’elles commercialisent ce qui leur confère une meilleure capacité de fixation des prix, ce qui est fort utile pour maintenir des cashflows stables lorsque l’inflation est élevée comme actuellement.
Aujourd’hui, nous estimons les valeurs « high dividend » sont notamment bien représentées au sein de secteurs comme les banques, les soins de santé ou encore les éditeurs de logiciels. Ce dernier exemple peut sembler contre-intuitif. Pourtant nombre d’éditeurs de logiciels sont passés d’un modèle de licences « à vie » a un modèle de licences renouvelables annuellement qui leur permet d’être moins sensible aux cycles économiques mais aussi d’ajuster plus rapidement leurs prix en période d’inflation compte tenu de la demande relativement inélastique pour leurs services.
En conclusion, bien que le contexte « stagflationniste » que nous connaissons actuellement devrait être difficile pour les marchés d’actions, le facteur « high dividend » devrait surperformer. Ceci est d’autant plus vrai que l’écart de valorisation entre les entreprises à haut dividendes et à faibles dividendes est historiquement élevé[2], en d’autres termes les actions « high dividend » se négocient paradoxalement avec une importante décote par rapport au reste du marché. Enfin, en guise de « cerise sur le gâteau », il est également intéressant d’observer que le taux de distribution des dividendes est actuellement très bas ce qui devrait permettre à nombre d’entreprises de choyer leurs actionnaires dans les mois à venir.
[1] Parts de bénéfices verses sous forme de dividende
[2] 5ème percentile
« Mortgage backed securities », une classe d’actifs à (re)considérer ?
Par Vincent Juvyns, Global Market Strategist, J.P. Morgan Asset Management
Le 29 septembre 2022
Depuis le début de l’année, afin de lutter contre une inflation dépassant les 8 % aux États-Unis, la Reserve Fédérale américaine a déjà procédé à 4 hausses de son taux directeur, faisant passer celui-ci de 0,25 % en janvier à 2,5 % aujourd’hui. Les marchés s’attendent à ce que celui-ci atteigne 4,25 % d’ici la fin de l’année.
Ce tour de vis monétaire a entrainé une hausse des taux généralisée aux Etats-Unis ces derniers mois. Le taux des obligations du Trésor Américain à 10 ans est ainsi passé de 1,5 % en janvier à 3,5 % aujourd’hui, tandis que le taux des prêts hypothécaires à 30 ans est passé de 3,5 % à 6 % sur la même période.
Des mauvais souvenirs
Cette remontée des taux hypothécaires américains, à leur plus haut niveau depuis 2008, conjuguée à la chute de l’activité dans le secteur immobilier américain et aux craintes de récession ravive cependant de mauvais souvenirs aux investisseurs. En effet, en 2008, ces mêmes éléments avaient conduit à une crise immobilière majeure dont l’onde de choc s’était propagée à l’ensemble du système financier, notamment par l’intermédiaire des titres de créances adossés à des prêts immobiliers (« mortgage backed securities » – MBS).
Ces titres de créances adossés à des prêts immobiliers, généralement de faible qualité, avaient, en effet, à l’époque connu un franc succès auprès des investisseurs et s’étaient ainsi retrouvés dans de nombreux véhicules d’investissement, allant du fonds monétaire très conservateur aux « hedge funds » les plus aventureux. Tous furent malheureusement touchés par le manque de liquidité et les performances négatives de la classe d’actifs dans le sillage de la crise des « subprimes ».
Un phénomène à répétition ?
Faut-il dès lors craindre que ce phénomène ne se répète aujourd’hui ? D’autant plus que la Réserve fédérale américaine, qui a soutenu massivement le marché des « MBS » ces dernières années et en possède pour 2,7 trillions de dollars sur son bilan, s’apprête à réduire passivement son exposition de 35 milliards de dollars par mois.
Apparemment, non. Bien que les « MBS » restent associées dans l’imaginaire collectif aux errements financiers qui ont conduit à la crise de 2008, cette classe d’actifs a depuis été fondamentalement réformée. Elle repose aujourd’hui sur des fondamentaux solides et constitue une source de diversification et de rendement utile pour diversifier un portefeuille obligataire ou multi-actifs.
Depuis 2008, ce marché a, en effet, été fortement régulé. Désormais, les émetteurs ne peuvent, par exemple, plus se défaire de l’intégralité du risque économique sous-jacent une fois les « MBS » placés sur le marché. Il n’est donc plus question pour les émetteurs de « MBS » de se débarrasser par cette voie de leurs actifs hypothécaires de faible qualité puisqu’ils y restent de toute façon partiellement exposés.
Le marché immobilier est lui aussi plus solide qu’il ne l’était en 2008. Bien que les ventes de logement baissent dans le sillage de la hausse de taux, le sous-investissement observé dans le secteur depuis 2008 devrait protéger celui-ci de baisses de prix importantes. On compte en effet actuellement environ 1,6 million de logements neuf et anciens disponibles à la vente aux Etats-Unis contre 2,4 millions en moyenne ces 40 dernières années. Il y a donc trop peu de logements disponibles, ce qui devrait soutenir les prix.
Ce qui a aussi changé
La situation financière des emprunteurs immobiliers a elle aussi fondamentalement changé. En 2007, 14 % des prêts immobiliers avaient été accordés à des emprunteurs avec un « credit score[1] », inférieur à 660, les fameux « subprimes », tandis qu’aujourd’hui ce pourcentage est retombé à 2,4 %. Par ailleurs, à l’heure où les taux remontent, il faut également noter que 85 % des prêts hypothécaires sont à taux fixes, ce qui limite les risques de difficultés de paiement. Les ménages américains sont, en outre, dans une situation financière globalement favorable puisque le taux de chômage est à un des plus bas historique de 3,5 % tandis que les salaires sont en moyenne en hausse de 6,2 %.
Ces différents éléments ont permis aux « MBS » de performer relativement mieux que les autres classes d’actifs obligataires depuis le début de l’année. Ainsi, à fin août les « MBS » affichaient une baisse de « seulement » 8,7 % contre une baisse de respectivement 12 % et 13,6 % pour les obligations du Trésor à 10 ans et le « credit investment grade ».
En plus de cette résilience, les « MBS » affichent aujourd’hui un rendement de 3,9 % et une corrélation nulle avec les marchés d’actions. Cela en fait une classe d’actifs utile dans le contexte actuel pour diversifier un portefeuille obligataire ou multi-actifs tout en générant du rendement.
Cette communication commerciale et les opinions qu’elle contient ne constituent en aucun cas un conseil ou une recommandation en vue d’acheter ou de céder un quelconque investissement ou intérêt y afférent. Toute décision fondée sur la base des informations contenues dans ce document sera prise à l’entière discrétion du lecteur. Les analyses présentées dans ce document sont le fruit des recherches menées par J.P. Morgan Asset Management, qui a pu les utiliser à ses propres fins. Les résultats de ces recherches sont mis à disposition en tant qu’informations complémentaires et ne reflètent pas nécessairement les opinions de J.P. Morgan Asset Management. Sauf mention contraire, toutes les données chiffrées, prévisions, opinions, informations sur les tendances des marchés financiers ou techniques et stratégies d’investissement mentionnées dans le présent document sont celles de J.P. Morgan Asset Management à la date de publication du présent document. Elles sont réputées fiables à la date de rédaction. Elles peuvent être modifiées sans que vous n’en soyez avisé. Il est à noter par ailleurs que la valeur d’un investissement et les revenus qui en découlent peuvent évoluer en fonction des conditions de marché et que les investisseurs ne sont pas assurés de recouvrer l’intégralité du montant investi. La performance et les rendements passés ne préjugent pas forcément des résultats présents ou futurs. Aucune certitude n’existe quant à la réalisation des prévisions. J.P. Morgan Asset Management est le nom commercial de la division de gestion d’actifs de JPMorgan Chase & Co et son réseau mondial d’affiliés. Dans les limites autorisées par la loi, vos conversations sont susceptibles d’être enregistrées et vos communications électroniques contrôlées dans le but de vérifier leur conformité à nos obligations juridiques et règlementaires et à nos polices internes. Les données personnelles seront collectées, stockées et traitées par J.P. Morgan Asset Management dans le respect de la Politique de confidentialité https://www.jpmorgan.com/emea-privacy-policy.
Cette communication est publiée en Europe (hors Royaume-Uni) par JPMorgan Asset Management S.à r.l., (Europe), 6 route de Trèves, L-2633 Senningerberg, Grand-Duché de Luxembourg, R.C.S. Luxembourg B27900, capital social EUR 10.000.000. 09sx222209162600
[1] “Credit score” : crédit par cote. Source : https://www.fico.com.
« Le jour du dépassement » : et après ?
Par Vincent Juvyns, stratégiste chez JP Morgan Asset Managment
Le 17 août 2022
Les évènements climatiques extrêmes observés simultanément dans plusieurs régions du monde ces dernières semaines nous font plus que jamais prendre conscience de l’accélération du changement climatique ainsi que de la difficile cohabitation entre l’humanité et les écosystèmes qui la nourrissent.
Le 28 juillet marque d’ailleurs cette année le jour du dépassement[1], soit le jour ou l’humanité a consommé l’ensemble des ressources que la planète peut régénérer en un an. Jamais depuis le début des estimations dans les années 70, ce jour n’était tombé aussi tôt dans l’année (Graphique 1). Au rythme actuel de la croissance de la population et de l’utilisation des ressources, les scientifiques estiment qu’il nous faudra trois planètes pour nourrir toute l’humanité en 2050.
Quid des théories de Malthus ?
Certains estiment toutefois que ce calcul n’est que théorique, que les inquiétudes au sujet de la surexploitation des ressources terrestres par l’humanité ne sont pas nouvelles et qu’elles se sont jusqu’ici avérées infondées.
En effet, au 18ème siècle, l’économiste Thomas Malthus s’inquiétait déjà du fait qu’une croissance exponentielle de la population conjuguée à une croissance linéaire des ressources ne pouvait mener qu’à la famine et à la misère. Cependant, depuis lors, la croissance de la production alimentaire a heureusement généralement suivi celle de la population mais ceci n’a pu être possible que « grâce » à l’utilisation massive d’engrais et de pesticides chimiques pour augmenter les rendements et à la déforestation pour augmenter les surfaces agricoles.
Ce modèle n’est bien entendu pas soutenable. Tout d’abord, car l’agriculture, qui est responsable de 18% des émissions de gaz à effet de serre globales, doit se décarboner comme nombre d’autres secteurs, pour que nous puissions atteindre nos objectifs climatiques. Ensuite, car les forêts jouent un rôle crucial dans nos écosystèmes, notamment en termes de biodiversité et d’absorption de CO2, et qu’on ne peut dès lors pas continuer à développer les surfaces agricoles à leur détriment.
Compte tenu de ces contraintes, faut-il dès lors craindre que Thomas Malthus ne finisse par avoir raison et que la planète ne soit en effet pas en mesure de nourrir une population mondiale qui approchera les 10 milliards d’individus en 2050 ?
Le problème est ailleurs !
Le problème n’est pas la croissance de la population en elle-même mais le fait qu’à mesure que celle-ci s’enrichit, elle consomme davantage de calories d’origine animale. En effet, 77% des surfaces agricoles sont aujourd’hui consacrées à l’élevage mais celui-ci ne produit que 18% des calories consommées par les êtres humains (Graphique 2). L’élevage est en outre l’activité agricole qui génère le plus de gaz à effet de serre, principalement du méthane dont l’effet sur le climat est plus dévastateur encore que celui du CO2.
Si l’on veut pouvoir nourrir 10 milliards d’individus et décarboner l’agriculture dans le même temps, il faudra impérativement réduire la part des protéines animales au profit de protéines d’origine végétale dans notre alimentation. Il faudra en outre diversifier, le type de plantes consommées, car bien que la planète ait compté jusqu’à 6.000 plantes comestibles, aujourd’hui, 9 d’entre-elles (Riz, maïs, blé, pommes de terre, orge, huile de palme, soja, betterave sucrière, canne à sucre) génèrent à elles seules 75% des calories produites[2]. Or, la culture intensive de ces quelques essences appauvrit les sols et requière donc davantage d’engrais. Elle entraine également moins de diversité génétique ce qui rend les plantes plus fragiles face aux attaques d’insectes ou aux aléas climatiques.
Diversifier l’alimentation et mieux investir
Une alimentation plus diversifiée est donc une condition nécessaire pour une agriculture plus durable mais pour nourrir 10 milliards d’individus, il faudra également une agriculture plus efficace, capable de maintenir des rendements élevés, sans s’étendre tout en s’adaptant au changement climatique.
Pour ce faire l’apport des technologies sera capital, afin notamment d’assurer une bonne adéquation entre types de cultures et types de sols, de gérer l’irrigation en minimisant l’utilisation d’eau, d’utiliser les herbicides/pesticides de manière plus ciblée…
Dans ce contexte, face à la nécessité de relever le double défi de nourrir l’humanité et de réduire l’empreinte écologique de cette dernière, les entreprises qui offrent des solutions pour une agriculture et une alimentation plus durable auront le vent en poupe dans les prochaines années et qu’elles seront par conséquent plébiscitées par les investisseurs.
Ainsi, faire reculer le jour du dépassement pourrait donc bien également faire avancer la performance de nos portefeuilles !
Graphique 1 : Evolution du jour du dépassement depuis 1970
Source: National Footprint and Biocapacity Accounts 2022 Edition data.footprintnetwork.org, World Bank, Refinitiv Datastream, J.P.Morgan Asset Management.
*To determine the date of Earth Overshoot Day for each year, Global Footprint Network calculates the number of days of that year that Earth’s biocapacity suffices to provide for humanity’s Ecological Footprint. The remainder of the year corresponds to global overshoot. Earth Overshoot Day is computed by dividing the planet’s biocapacity (the amount of ecological resources Earth is able to generate that year), by humanity’s Ecological Footprint (humanity’s demand for that year), and multiplying by 365, the number of days in a year: (Planet’s Biocapacity / Humanity’s Ecological Footprint) x 365 = Earth Overshoot Day. Most recent data as of June 2022
Graphique 2 : Répartition des surfaces agricoles dans le monde
Source: UN Food and Agriculture Organization (FAO), J.P.Morgan Asset Management
Cette communication commerciale et les opinions qu’elle contient ne constituent en aucun cas un conseil ou une recommandation en vue d’acheter ou de céder un quelconque investissement ou intérêt y afférent. Toute décision fondée sur la base des informations contenues dans ce document sera prise à l’entière discrétion du lecteur. Les analyses présentées dans ce document sont le fruit des recherches menées par J.P. Morgan Asset Management, qui a pu les utiliser à ses propres fins. Les résultats de ces recherches sont mis à disposition en tant qu’informations complémentaires et ne reflètent pas nécessairement les opinions de J.P. Morgan Asset Management. Sauf mention contraire, toutes les données chiffrées, prévisions, opinions, informations sur les tendances des marchés financiers ou techniques et stratégies d’investissement mentionnées dans le présent document sont celles de J.P. Morgan Asset Management à la date de publication du présent document. Elles sont réputées fiables à la date de rédaction. Elles peuvent être modifiées sans que vous n’en soyez avisé. Il est à noter par ailleurs que la valeur d’un investissement et les revenus qui en découlent peuvent évoluer en fonction des conditions de marché et que les investisseurs ne sont pas assurés de recouvrer l’intégralité du montant investi. La performance et les rendements passés ne préjugent pas forcément des résultats présents ou futurs. Aucune certitude n’existe quant à la réalisation des prévisions. J.P. Morgan Asset Management est le nom commercial de la division de gestion d’actifs de JPMorgan Chase & Co et son réseau mondial d’affiliés. Dans les limites autorisées par la loi, vos conversations sont susceptibles d’être enregistrées et vos communications électroniques contrôlées dans le but de vérifier leur conformité à nos obligations juridiques et règlementaires et à nos polices internes. Les données personnelles seront collectées, stockées et traitées par J.P. Morgan Asset Management dans le respect de la Politique de confidentialité disponible sur le site www.jpmorgan.com/emea-privacy-policy . Publiée en Europe (hors Royaume-Uni) par JPMorgan Asset Management SARL (Europe), 6 route de Trèves, L-2633 Senningerberg, Grand-Duché de Luxembourg, R.C.S. Luxembourg B27900, capital social EUR 10.000.000. 093a221108091021
[1] Source: National Footprint and Biocapacity Accounts 2022 Edition data.footprintnetwork.org. To determine the date of Earth Overshoot Day for each year, Global Footprint Network calculates the number of days of that year that Earth’s biocapacity suffices to provide for humanity’s Ecological Footprint. The remainder of the year corresponds to global overshoot. Earth Overshoot Day is computed by dividing the planet’s biocapacity (the amount of ecological resources Earth is able to generate that year), by humanity’s Ecological Footprint (humanity’s demand for that year), and multiplying by 365, the number of days in a year: (Planet’s Biocapacity / Humanity’s Ecological Footprint) x 365 = Earth Overshoot Day
[2] Eating to extinction: The world’s rarest foods and why we need to save them, Dan Saladino, 2021.
Le bon, la brute et le truand
Par Vincent Juvyns, Stratégiste chez JP Morgan AM
Le 30 juin 2022
Le mois de juin est traditionnellement le mois des publications des « bilans et perspectives à mi-année » dans la communauté financière. Cette année, avant de publier notre « Mid-year outlook 2022 », nous avons souhaité interroger nos clients afin de connaitre leur scénario économique pour les prochains mois et le moins que l’on puisse dire, c’est que leurs attentes ne sont guère optimistes.
En effet, nous proposions trois scénarios économiques, « the good », caractérisé par un retour à l’équilibre en termes de croissance économique et d’inflation, « the bad », un scénario de stagflation similaire aux années 70 et enfin « the ugly », dans lequel les pressions inflationnistes et les tensions en géopolitiques conduiraient à une récession et c’est le scénario « the bad » qui l’a emporté avec 53 % des votes.
Nous estimons néanmoins que le scenario « the good » demeure le plus probable pour les prochains mois même si les risques associés aux deux autres scénarios ont sensiblement augmenté.
Trois moteurs de croissance
L’économie mondiale est en effet entrée dans cette période de crise avec des fondamentaux relativement solides et devrait continuer à bénéficier de 3 moteurs de croissance : consommation, investissements des entreprises et politique fiscale. En effet, malgré le conflit en Ukraine et la baisse à des niveaux historiquement bas de la confiance des consommateurs, la consommation demeure résiliente grâce, notamment, au fait que durant les deux dernières années les ménages ont accumulé une épargne excédentaire, équivalente à entre 7 et 10 % du PIB selon les pays, et au fait que les perspectives en termes d’emplois demeurent favorables.
Les investissements des entreprises bénéficient quant à eux d’une situation bilantaire généralement favorable, caractérisée notamment par des besoins de financement bien ventilés dans le temps. Les besoins d’investissement sont, par ailleurs, nombreux pour les entreprises, qu’il s’agisse de la digitalisation, de la relocalisation de pans de leur production afin de se protéger des disruptions logistiques, comme nous les avons vécues ces derniers mois, ou de l’automatisation, afin de pallier au manque de main d’œuvre dans nombre de pays développés.
Les politiques budgétaires ne sont pas en reste. En effet même si les Etats-Unis devaient baisser leur déficit budgétaire de 13 % à 4 % cette année, celui-ci ne devrait pas descendre sous ce niveau dans les prochaines années, tandis qu’en Europe et en Chine les politiques fiscales devraient rester accommodantes pour atténuer d’un côté, l’impact de la crise énergétique et de l’autre, l’impact de la politique « zéro covid ».
Mais encore des risques
L’incertitude économique ne vient donc pas des moteurs de croissance eux-mêmes mais bien des risques que ceux-ci se grippent en raison du conflit en Ukraine, de l’inflation élevée et du resserrement des politiques monétaires.
Sur le front géopolitique, il semble malheureusement que l’on se dirige vers un conflit de longue durée en Ukraine. Il faut, par conséquent, se préparer à des disruptions durables dans les chaines de production de nombreuses matières premières, telles que l’énergie, les métaux industriels et les matières premières agricoles.
Dans ce contexte, en 2022, l’inflation devrait se révéler plus élevée et plus durable qu’anticipé au début de l’année, tandis que plus la crise énergétique durera, plus celle-ci entrainera des effets de second tour, notamment sur les salaires, qui risquent de maintenir l’inflation à un niveau élevé au-delà de cette année.
Les principales banques centrales mondiales ont logiquement revu à la hausse leurs perspectives d’inflation et s’activent pour contenir celle-ci. Aux Etats-Unis, le taux directeur de la Fed devrait terminer l’année aux alentours de 2.5 % / 3 % tandis que la BCE devrait procéder à sa première hausse de taux depuis 10 ans au mois de juillet et porter son taux de dépôt en territoire positif avant la fin de l’année.
L’impact conjugué de l’inflation élevée, qui pèse sur le pouvoir d’achat et les marges des entreprises, et les politiques monétaires plus restrictives, qui entraînent une augmentation des coûts de financement, devrait sensiblement ralentir la croissance économique dans la plupart des pays, pas au point toutefois d’entrainer une forte récession et une remontée du chômage.
Cependant, bien que la stagflation ne soit pas encore à l’agenda pour l’économie mondiale, les marchés financiers n’en demeurent pas moins influencés, aujourd’hui, par les craintes de stagflation et il faut donc impérativement en tenir compte dans son allocation d’actifs.
Et dans les portefeuilles ?
L’impact le plus visible de ces craintes de stagflation est que, cette année, un portefeuille diversifié, composé de 60 % d’actions et de 40 % d’obligations, affiche une performance négative de 14 %. Tant sa composante « actions » qu’« obligations » affichent une performance négative, ce qui n’était plus arrivé depuis 1969. Durant la longue période de stagflation des années 70, on a, en effet, observé, comme aujourd’hui, une augmentation de la corrélation entre actions et obligations.
Ce fut toutefois loin d’être une « décennie perdue » pour les marchés financiers. En effet, aux Etats-Unis, tant le S&P 500 que les « US treasuries » ont affiché des performances positives sur la décennie (cf. graphique 1). Toutefois, pour battre l’inflation durant cette période, il aurait fallu privilégier des thématiques comme l’énergie, la « value », les secteurs défensifs et pourvoyeurs de dividendes élevés comme les télécoms et les obligations d’entreprises.
Aujourd’hui la situation n’est guère différente et, dès lors, il convient, dans les mois à venir, de rester prudent en termes d’allocation d’actifs en privilégiant notamment les actions à haut dividende. En effet, dans les années 70, les dividendes ont contribué pour 2/3 au rendement total des actionnaires du S&P 500, contre 1/3 en moyenne. Au-delà des marchés d’actions, dans un contexte « stagflationniste », il convient, de manière générale, de privilégier les actifs générateurs de revenus, si possible indexés sur l’inflation, à l’instar de l’immobilier ou de l’infrastructure.
En conclusion, il est bon de se rappeler que le scenario « du pire » n’est jamais certain et que même si celui-ci devait se matérialiser, les années 70 illustrent que rester investi et privilégier les actifs générateurs de revenus sont la meilleure manière de gérer son capital financier dans un contexte de stagflation.
Graphique 1: rendement nominaux annualisés des classes d’actifs dans les années 70
Source : BLS, French, Haver Analytics, Refinitiv Datastream, Shiller, Standard & Poor’s, Ibbotson, J.P. Morgan Asset Management. Les rendements indiqués vont du début de l’année 1970 à la fin de l’année 1979. Données au 31 mai 2022.
Cette communication commerciale et les opinions qu’elle contient neconstituent en aucun cas un conseil ou une recommandation en vue d’acheter ou de céder un quelconque investissement ou intérêt y afférent. Toute décision fondée sur la base des informations contenues dans ce document sera prise à l’entière discrétion du lecteur. Les analyses présentées dans ce document sont le fruit des recherches menées par J.P. Morgan Asset Management, qui a pu les utiliser à ses propres fins. Les résultats de ces recherches sont mis à disposition en tant qu’informations complémentaires et ne reflètent pas nécessairement les opinions de J.P. Morgan Asset Management. Sauf mention contraire, toutes les données chiffrées, prévisions, opinions, informations sur les tendances des marchés financiers ou techniques et stratégies d’investissement mentionnées dans le présent document sont celles de J.P. Morgan Asset Management à la date de publication du présent document. Elles sont réputées fiables à la date de rédaction. Elles peuvent être modifiées sans que vous n’en soyez avisé. Il est à noter par ailleurs que la valeur d’un investissement et les revenus qui en découlent peuvent évoluer en fonction des conditions de marché et que les investisseurs ne sont pas assurés de recouvrer l’intégralité du montant investi. La performance et les rendements passés ne préjugent pas forcément des résultats présents ou futurs. Aucune certitude n’existe quant à la réalisation des prévisions. J.P. Morgan Asset Management est le nom commercial de la division de gestion d’actifs de JPMorgan Chase & Co et son réseau mondial d’affiliés. Dans les limites autorisées par la loi, vos conversations sont susceptibles d’être enregistrées et vos communications électroniques contrôlées dans le but de vérifier leur conformité à nos obligations juridiques et règlementaires et à nos polices internes. Les données personnelles seront collectées, stockées et traitées par J.P. Morgan Asset Management dans le respect de la Politique de confidentialité disponible sur le site www.jpmorgan.com/emea-privacy-policy . Publiée en Europe (hors Royaume-Uni) par JPMorgan Asset Management SARL (Europe), 6 route de Trèves, L-2633 Senningerberg, Grand-Duché de Luxembourg, R.C.S. Luxembourg B27900, capital social EUR 10.000.000. 09cd221306084454
Actions Américaines : « Et pour quelques dollars de plus… »
Par Vincent Juvyns, Global Market Strategist chez J.P. Morgan AM
Le 11 mai 2022
La relative cherté des actions américaines est justifiée dans les contexte actuel. Voici pourquoi.
Depuis le début de l’année, les investisseurs s’interrogent sur le positionnement à adopter au sein des marchés d’actions, en raison d’une part, de la remontée de l’inflation et des taux et d’autre part, du conflit en Ukraine. Ainsi, après avoir misé sur la rotation « valeur/croissance » et l’Europe en début d’année, ils redécouvrent depuis le début de la guerre en Ukraine les vertus des actions de « qualité » et « défensives » qui sont davantage présentes sur le marché américain.
Situation en janvier…
Au mois de janvier, les investisseurs s’attendaient encore généralement à une croissance économique mondiale soutenue, notamment en Europe, où l’impact conjugué de politiques fiscales et monétaires accommodantes devait conduire à une croissance de près de 4 % du PIB en 2022. Dans ce contexte, ils plébiscitaient généralement les marchés d’actions par rapport aux marchés obligataires et plus spécifiquement le segment « value ». Ce dernier affichait en effet une décote historique par rapport aux actions de croissance, souvent américaines, qui allaient inévitablement souffrir de la hausse des taux engendrée par la remontée de l’inflation et la normalisation de la politique monétaire américaine.
Enfin, le segment « value » » étant davantage représenté au sein marchés européens, ceci devait également permettre aux investisseurs de profiter de la croissance relativement plus forte attendue en Europe.
Et aujourd’hui…
Aujourd’hui, à l’heure de réaliser un premier bilan des performances des marchés, on observe que bien que le mouvement de rattrapage des actions européennes « bon marché », à l’instar des bancaires, par rapport aux actions « chères », comme les valeurs technologiques américaines, a bien eu lieu au début de l’année.
Le conflit en Ukraine a depuis quelque peu rebattu les cartes. En effet, bien que les taux d’intérêt et l’inflation aient continué à progresser, certaines régions et secteurs orientés « valeur », à l’instar de l’Europe et du secteur financier ont commencé à sous-performer par rapport au marché américain pourtant plus orienté « croissance ».
Faut-il dès lors conclure que ce décrochage marque la fin de la surperformance de la « valeur » par rapport à la « croissance » ? Non, les actions « valeur » devraient continuer à être portées par la hausse des rendements obligataires dans les prochains mois. En revanche, au-delà de l’arbitrage « valeur/croissance », d’autres facteurs, à l’instar de la « qualité », méritent aujourd’hui davantage d’attention. C’est pourquoi on peut renforcer son exposition aux actions américaines, car celles-ci intègrent davantage cette notion de « qualité » et devraient par conséquent relativement mieux performer dans l’environnement économique et de marché actuel.
Les vertus américaines
L’économie américaine est en effet relativement épargnée par les conséquences économiques de la guerre en Ukraine puisque ses liens commerciaux avec les belligérants sont limités tandis que l’éloignement du conflit en réduit l’impact sur le sentiment des consommateurs et des entreprises.
Ainsi, alors que le FMI a récemment abaissé sa perspective de croissance économique de plus d’1 % pour l’Europe à 2,8 % en 2022, il s’attend en revanche à ce que la croissance américaine demeure relativement stable à 3,7 %.
Par ailleurs, l’économie et les entreprises américaines sont également mieux protégées face à la crise énergétique induite par le conflit en Ukraine. Les prix de l’énergie ont moins progressé aux Etats-Unis qu’en Europe tandis qu’il n’y a pas de risque de pénurie en raison de l’autosuffisance énergétique du pays.
Enfin, l’inflation devrait certes grignoter les marges des entreprises américaines comme des entreprises européennes, mais avec un rendement sur fonds propres de respectivement 13,3 % et 19,4 % attendus en Europe et aux Etats-Unis au cours des 12 prochains mois, il est évident que les entreprises américaines ont une meilleure capacité à « encaisser » le choc inflationniste que leurs consœurs européennes.
Ces différents éléments expliquent la meilleure performance (cf. graphique 1) et la plus faible volatilité (cf. graphique 2) des actions américaines par rapport aux actions européennes depuis le 24 février. Or, dans la perspective d’un environnement géopolitique qui devrait demeurer fragile et pérenniser le niveau élevé de l’inflation, cette surperformance des actions américaines devrait se poursuivre.
Par conséquent, bien que ces dernières se négocient actuellement à 18,9 fois les bénéfices attendus au cours des 12 prochains mois contre 12,6 fois pour le marché européen, on estime qu’aujourd’hui cela vaut la peine de consacrer « quelques dollars de plus » pour renforcer son exposition aux Etats-Unis !
Graphique 1 : performances du S&P 500 et du MSCI EMU
Source : « Refinitiv Datastream », J.P. Morgan Asset Management, Avril 2022.
Graphique 2 : évolution de la volatilité aux Etats-Unis (Vix) et en Europe (Vdax)
Source : « Refinitiv Datastream », J.P. Morgan Asset Management, Avril 2022.
Investissement durable : quels facteurs sociaux peuvent être identifiés grâce au big data ?
Le 29 avril 2022
La révolution du « big data » a changé la donne pour l’investissement social dans l’ESG. L’explosion des sources de données alternatives a offert une fenêtre sur les entreprises que les investisseurs n’avaient jamais eue auparavant. Cela contribue à révéler des risques et des opportunités qui n’étaient pas disponibles auparavant à partir des seules divulgations des entreprises.
Dans le même temps, le développement de l’intelligence artificielle et des technologies d’apprentissage automatique permet aux investisseurs d’interpréter toutes ces données rapidement et efficacement, à l’aide d’indicateurs permettant d’identifier les actions susceptibles de bénéficier de facteurs sociaux, tout en éliminant les entreprises qui présentent des risques importants ou qui ne s’intéressent au changement social que pour la forme. Le résultat est que les investisseurs ont aujourd’hui l’opportunité, pour la première fois, de déployer des capitaux à grande échelle pour favoriser un changement social positif.
Quelques exemples
On peut ainsi passer au crible des centaines de milliers de sources de données pour identifier les facteurs sociaux des actions qui pourraient avoir un impact réel sur les résultats durables, ainsi que sur les performances financières futures.
Prenons à titre d’exemples la diversité, l’équité et l’inclusion. Les informations communiquées par les entreprises ont tendance à se concentrer sur les quotas, ou les chiffres clés, pour mesurer le nombre de femmes en pourcentage de la main-d’œuvre, ou la diversité ethnique d’une entreprise. Toutefois, si les quotas peuvent constituer une base importante pour encourager la diversité, il ne suffit pas d’avoir le nombre obligatoire de femmes au conseil d’administration pour qu’une entreprise soit diversifiée. Pour avoir une vue d’ensemble, les investisseurs ont besoin d’informations plus détaillées, telles que des données sur la mobilité des femmes dans l’ensemble de l’organisation. Ils ont également besoin de voir comment l’entreprise se comporte par rapport à des mesures de diversité plus larges, telles que la race, l’orientation sexuelle, l’âge et le handicap.
Savoir où chercher
Ces informations sont disponibles, mais il faut savoir où les chercher. Les data scientists peuvent alors analyser les avis des employés sur la plateforme d’emploi Glassdoor pour mieux comprendre les problèmes qui pourraient avoir un impact négatif sur les performances, comme un mauvais moral du personnel ou une culture de travail intimidante. Les analystes peuvent parcourir LinkedIn pour voir d’autres signaux d’alarme potentiels, tels qu’une rotation élevée du personnel, qui peut à son tour faire la lumière sur des questions telles que la compétitivité et le traitement du personnel.
On peut également cibler des questions spécifiques à certains secteurs, comme la santé et la sécurité dans le secteur minier, où on peut analyser les données relatives aux plaintes transmises aux organisations non gouvernementales pour voir ce qui se passe sur le terrain, en termes de violations potentielles des droits de l’homme ou de dommages environnementaux.
Il convient alors de chercher toujours à valider et à tester les données qui sont utilisées pour détecter les biais, tout en utilisant des sources tierces pour garantir l’anonymat des données. Le résultat est une image beaucoup plus détaillée et nuancée des opportunités et des risques auxquels sont confrontées les entreprises que celle que l’on peut obtenir en examinant simplement les chiffres clés publiés par les entreprises elles-mêmes.
Bonne année du tigre d’eau !
Par Vincent Juvyns, Global market strategist chez J.P. Morgan Asset Management
Le 7 février 2022
Conformément au calendrier lunaire chinois, la Chine a célèbré le 1er février le début d’une nouvelle année, placée cette fois sous le signe du Tigre d’eau, animal auquel l’astrologie chinoise prête des qualités de courage, de sensibilité ou encore d’intuition.
Ceci donne l’occasion de rappeler, si besoin en est, que l’économie mondiale évolue de plus en plus au rythme de la Chine.
A cet égard, nombreux sont ceux, en Chine comme ailleurs, qui seront ravis de tourner la page de l’année du Buffle qui s’achève. En effet, celle-ci restera sans aucun doute gravée dans l’imaginaire collectif comme une année difficile, marquée par des restrictions de mouvement dans un contexte sanitaire fébrile, un ralentissement économique induit notamment par les difficultés du secteur immobilier et une sous-performance des marchés d’actions chinois en raison des différents resserrements règlementaires opérés par Pékin.
Croissance sans inflation
Cependant, la perception de la dynamique économique chinoise est aujourd’hui probablement altérée par les restrictions sanitaires qui nous privent notamment des milliers de touristes chinois qui avaient pris l’habitude de se rendre dans nos capitales et d’y consommer durant cette période festive. Cela permettait, au passage, de mesurer chaque année la croissance de la classe moyenne chinoise. En pratique, malgré le resserrement monétaire opéré en début d’année et les difficultés rencontrées par le secteur immobilier, l’économie chinoise a affiché une croissance de 8,1 % en 2021, soit bien davantage que l’objectif de « +/- 6 % » que s’était fixé Pékin. La consommation (+ 12,5 %) et les exportations (+ 21,2 %) ont largement contribué à cette croissance, sans que cela n’ait entrainé, comme chez nous, de dérapage de l’inflation, puisqu’elle s’établit actuellement à moins de 2 %.
Performances financières
Sur les marchés financiers, l’année 2021 a incontestablement été difficile pour l’indice phare chinois, le CSI 300, qui a concédé 5,2 % après avoir tout de même gagné 27,2 % en 2020. Rappelons toutefois que les marchés de capitaux chinois ne se résument pas au seul marché d’actions et que les obligations gouvernementales chinoises (CGB) à 10 ans ainsi que le renminbi (RMB) ont en revanche affiché d’excellentes performances en 2021. Les CGB’s terminent en effet l’année sur une performance totale de 5,7 % tandis que le RMB s’est apprécié de respectivement 2,7 % et 9,6 % par rapport au dollar et à l’euro.
Ainsi, bien que l’année du Buffle fût certes riche en défis pour la Chine, elle fut en réalité bien moins négative que le ressenti que les économistes et les investisseurs peuvent généralement en avoir.
Une année sous de meilleurs auspices
Cette page se tourne néanmoins aujourd’hui et l’année du Tigre qui commence s’annonce a priori sous de meilleurs auspices. La Chine sera en tout cas directement sous les feux des projecteurs médiatiques puisque les Jeux Olympiques d’hiver se tiennent à Pékin du 4 au 20 février. C’est l’occasion pour la Chine d’exposer au monde entier ses infrastructures flambant neuves ainsi que l’engouement croissant de sa classe moyenne, toujours plus importante, pour ce sport. En effet, alors qu’en 2000 le pays ne comptait qu’une seule vraie station de ski, il en compte désormais 568 tandis que le nombre des skieurs est passé de 10.000 en 1996 à 12,5 millions en 2015.
La Chine profitera également de cet évènement pour promouvoir sa monnaie puisque après avoir testé avec succès le yuan digital (e- NY) localement depuis 2014, la Banque centrale chinoise envisage sa diffusion à plus grande échelle et notamment sa mise à disposition aux athlètes étrangers. Ainsi contrairement à ce que certains resserrements de la régulation opérés l’an dernier ont pu laisser penser, la Chine continue bel et bien d’ouvrir ses marchés de capitaux aux étrangers.
Réévaluer le poids de la Chine en portefeuille
Dans ce contexte, il est peut-être opportun, en ce début d’année volatil sur les marchés, de réévaluer le poids de la Chine dans nos portefeuilles. Le marché chinois affiche aujourd’hui en effet un ratio cours/bénéfices de 12, soit un niveau inférieur à la plupart des marchés développés tandis que sa croissance bénéficiaire devrait s’élever à 15 % en moyenne en 2022 et 2023, soit un niveau largement supérieur à celui des autres marchés. Pour saisir les opportunités que recèlent les marchés chinois, les investisseurs devront cependant, comme le Tigre, faire preuve de courage, de sensibilité ou encore d’intuition !
Sources : Refinitiv Datastream, J.P.Morgan Asset Management. Janvier 2022
2022 : « Annus horribilis » pour les épargnants !
Par Vincent Juvyns, Stratégiste chez JP Morgan AM
Le 30 novembre 2021
A l’heure de s’interroger sur les perspectives économiques et financières pour 2022, une chose semble certaine c’est que le calvaire des épargnants devrait perdurer. 2022 pourrait même être un véritable « annus horribilis » pour ces derniers.
En effet, en 2022, cela fera 10 ans que, pour lutter contre la déflation, la BCE a abaissé son taux de dépôt à 0 % (et 8 ans que celui-ci est négatif) obligeant les banques commerciales de la zone euro à refléter cette réalité dans la rémunération des dépôts de leurs clients.
Si ces dernières années, la faiblesse de la rémunération de l’épargne était pénible dans l’absolu, celle-ci s’inscrivait néanmoins dans un contexte de faible inflation (1 % en moyenne), ce qui a limité l’impact en termes réels pour les épargnants.
Détérioration en vue
L’an prochain, la situation devrait malheureusement se détériorer puisque d’une part, de plus en plus de banques commerciales appliquent des taux négatifs sur les dépôts de leurs clients et que d’autre part, l’inflation devrait dépasser les 2 % pendant la majeure partie de l’année.
Dans ce contexte, pour éviter de voir l’inflation et les taux négatifs grignoter notre pouvoir d’achat, il faudra plus que jamais diversifier son épargne en 2022. C’est bien entendu plus vite dit que fait, puisqu’en quittant le relatif confort d’un dépôt à court terme, on s’expose aux incertitudes économiques et financières qui sont, comme toujours, nombreuses à l’aube d’une nouvelle année.
Perspectives économiques et financières
D’un point de vue économique, après une année 2021 marquée par un fort rebond de la croissance économique mondiale dans le sillage de la levée des restrictions sanitaires, 2022 s’annonce a priori sous les meilleurs auspices même si quelques nuages se profilent à l’horizon. La croissance économique mondiale devrait ralentir, en raison de l’impact conjugué d’effets de base moins favorables, d’une pandémie qui devient endémique et de la suppression progressive de certaines mesures d’urgence déployées par les banques centrales et les gouvernements.
Cependant, elle devrait néanmoins demeurer soutenue, grâce au maintien de politiques budgétaires expansionnistes pour financer notamment notre transition vers une économie bas carbone. Cette croissance soutenue conjuguée à la persistance des disruptions logistiques, à la hausse du prix des matières premières et des tensions sur les marchés du travail devrait toutefois maintenir l’inflation au-delà de l’objectif des banques centrales en 2022. C’est pourquoi, certaines d’entre elles, à l’instar de la Fed, devraient normaliser graduellement leur politique monétaire l’an prochain, essentiellement par un ralentissement de l’expansion de leur bilan.
Obligations et actions
Sur les marchés obligataires, la hausse des taux courts devrait être limitée, voire inexistante en Europe. Les taux longs devraient, en revanche, continuer à augmenter graduellement dans le courant de 2022. Ainsi, on pourrait assister à un taux à 10 ans supérieur à 2 % aux Etats-Unis et légèrement positif en Allemagne d’ici septembre 2022. Cette hausse des taux devrait peser sur les marchés obligataires. Il convient alors de privilégier les obligations à haut rendement et les obligations convertibles qui affichent des maturités plus courtes et des rendements plus élevés que les obligations souveraines. On peut aussi privilégier la dette gouvernementale chinoise libellée en renminbi.
Sur les marchés actions, l’année 2021 a été marquée par des performances à deux chiffres sur la plupart des places boursières, grâce à la réouverture de nos économies et à des effets de base favorables qui ont entrainé un fort rebond de la croissance bénéficiaire des entreprises, qui s’est élevée en moyenne à 50 %. En 2022, celle-ci devrait toutefois retomber à un niveau de 8-10 %, ce qui reste légèrement supérieur à la moyenne de ces dix dernières années. La croissance bénéficiaire devrait ainsi continuer à soutenir les marchés d’actions en 2022. Cependant, comme en 2021, leur performance devrait être légèrement inférieure à la croissance bénéficiaire, ce qui leur permettra d’afficher une performance positive tout en voyant leur valorisation baisser. On peut donc être positifs sur les marchés d’actions pour 2022 et ce, d’autant plus que ceux-ci permettent de contrecarrer la remontée de l’inflation.
Conclusion
A l’aube de l’année 2022, il est donc important de ne pas se laisser aveugler par les nombreuses incertitudes qui entourent les perspectives économiques et financières. Si l’inflation et la remontée des taux longs devaient peser sur les rendements réels du cash et des obligations souveraines, en revanche, les perspectives de croissance économique et bénéficiaire devraient soutenir les marchés d’actions et de crédit en 2022.
Cette communication commerciale et les opinions qu’elle contient ne constituent en aucun cas un conseil ou une recommandation en vue d’acheter ou de céder un quelconque investissement ou intérêt y afférent. Il est à noter par ailleurs que la valeur d’un investissement et les revenus qui en découlent peuvent évoluer en fonction des conditions de marché et que les investisseurs ne sont pas assurés de recouvrer l’intégralité du montant investi. La performance et les rendements passés ne préjugent pas des résultats présents ou futurs. Aucune certitude n’existe quant à la réalisation des prévisions. J.P. Morgan Asset Management est le nom commercial de la division de gestion d’actifs de JPMorgan Chase & Co et son réseau mondial d’affiliés. La Politique de confidentialité est disponible sur le site www.jpmorgan.com/emeaprivacypolicy . Publié en Europe par: JPMorgan Asset Management (Europe) S.à r.l.
Conjuguer lutte contre le changement climatique et croissance économique, c’est possible !
Par Vincent Juvyns, Strategist chez JPAM
Le 29 octobre 2021
A quelques jours de la 26ème conférence mondiale sur le climat (COP26), à Glasgow et à l’heure où la croissance économique ralentit, notamment en raison de l’envolée des prix de l’énergie, il est légitime de s’interroger sur les conséquences économiques des politiques climatiques actuelles et futures.
Du temps et de l’argent !
En effet, bien que nos politiques climatiques ne soient pas les seules responsables de la hausse du prix de l’énergie, elles y contribuent.
Afin d’atteindre nos objectifs de réduction d’émissions de CO2 (-55% d’ici 2030 en Europe) et la neutralité carbone d’ici 2050, objectif que de nombreux pays se sont fixés, il faudra modifier l’ensemble de notre mix énergétique. Le concept de transition énergétique s’impose comme un élément majeur de la lutte contre le changement climatique. Au niveau mondial, le charbon devra disparaitre de notre mix énergétique et la part des énergies renouvelables devra passer de moins de 10% (taux actuel) à près de 60% d’ici 2050[1]. Néanmoins, développer une capacité de production d’énergies renouvelables suffisante pour compenser l’abandon des énergies fossiles, et dans certains cas du nucléaire, prendra du temps et suppose de lourds investissements.
Prix du gaz
C’est pourquoi, dans l’intervalle, nombre de pays se tournent vers le gaz, comme alternative au charbon. Celui-ci émet moins de CO2 et est une source d’énergie bien maitrisée sur le plan opérationnel. Au vu de ces éléments, la demande de gaz au niveau mondial explose, entrainant une forte hausse des prix. Bien que celle-ci soit exacerbée par les disruptions logistiques post-Covid, la demande de gaz restera élevée au cours de la décennie à venir ce qui devrait entrainer une hausse durable des prix de celui-ci et donc de sa contribution à l’inflation.
Droits d’émission
Par ailleurs, de plus en plus de pays déploient des systèmes d’échanges de quotas d’émission de CO2, ce qui entraine une hausse des prix des droits d’émettre du CO2 qui se répercute dans les prix de vente des entreprises assujetties à ces mécanismes. En Europe, le prix de la tonne métrique de carbone a ainsi doublé depuis le début de l’année pour atteindre plus de 60 euros[2]. Si l’Europe fait pour l’instant figure d’exception en termes de tarification élevée des émissions de CO2, d’autres pays s’engagent aujourd’hui dans cette direction. C’est notamment le cas de la Chine qui a mis en place cet été, la plus grande bourse d’échange de droits d’émissions de CO2 et bien que les prix pratiqués y soient encore largement inférieurs (+/- 6 euros[3]) à ceux observés en Europe, ils devraient inévitablement monter dans les années à venir, en Chine mais également dans les autres pays du monde.
A court et moyen terme, il faut donc se préparer à la probabilité d’un renforcement de nos politiques climatiques dans le cadre de la COP26 au travers du maintien d’une pression haussière sur nos coûts énergétiques. Cependant, s’il est généralement admis que ces mesures devraient nous permettre de réduire nos émissions de CO2, il n’est en revanche pas établi qu’elles soient négatives pour l’économie mondiale comme certains le craignent.
Exemple suédois
L’exemple de la Suède illustre notamment qu’il est possible de conjuguer lutte contre le changement climatique et croissance économique. En effet bien que cette dernière ait imposé la taxe carbone la plus élevée au monde en 1991 et rejoint le mécanisme européen de tarification des émissions de CO2 en 2005, la croissance de son PIB par habitant entre 1990 et 2019 a été similaire à celle observée aux Etats-Unis qui ont pourtant été nettement moins ambitieux sur le plan climatique. Ainsi, bien qu’un Suédois produise en moyenne trois fois moins de CO2 qu’un Américain, cela ne l’empêche pas de produire autant de richesses.
Thème d’investissement
Pour les investisseurs, cette observation est importante car, même si l’augmentation du prix du CO2 est un risque qu’il faut gérer, notamment en réduisant l’intensité carbone de son portefeuille, elle illustre que la lutte contre le changement climatique présente également des opportunités économiques et ce, d’autant plus que d’ici 2030, quelque 2.300 milliards de dollars d’investissements devraient être déployés dans les énergies propres et l’efficacité énergétique[4].
Compte tenu de ces différents éléments, le thème de la lutte contre les changements climatique occupe désormais une place fondamentale dans les stratégies d’investissement.
[1] BP Energy Outlook 2020, J.P. Morgan Asset Management. Les prévisions reposent sur le scénario de BP pour des émissions mondiales nettes nulles d’ici 2050
[2] International Carbon Action Partnership, J.P. Morgan Asset Management
[3] Le prix du carbone cité pour la Chine repose sur la moyenne des prix de Pékin, Chongqing, Guangdong, Hubei, Shanghai, Shenzhen et Tianjin.
[4] Agence internationale de l’énergie (2021), World Energy Investment 2021, J.P. Morgan Asset Management. Prévisions pour 2030 basées sur les besoins annuels moyens d’investissement dans le secteur de l’électricité pour 2026-2030 dans le scénario « neutralité carbone en 2050 » de l’Agence internationale de l’énergie. À titre d’illustration uniquement.
Conserver un biais en faveur du style value
Par Vincent Juvyns, Global Market Strategist, J.P. Morgan Asset Management
Le 29 Juillet 2021
La question clé pour les investisseurs en actions est de savoir de quelle façon une inflation et des rendements obligataires modérément plus élevés affecteront les bénéfices et les valorisations des entreprises.
Compte tenu de l’épargne accumulée par les consommateurs et des intentions d’investissement élevées, la croissance des ventes sera probablement marquée. Lorsque les ventes sont élevées, les bénéfices ont tendance à augmenter, même si les coûts des intrants sont en hausse.
Hausse des coûts
La hausse des rendements obligataires pourrait augmenter les coûts d’emprunt. Mais cela peut également être compensé par une augmentation des ventes, tandis que la hausse des salaires tend à stimuler les ventes ainsi que les coûts. Dans le même temps, tout nouvel impôt qui frapperait les entreprises devrait être au moins partiellement compensé par l’augmentation de la demande résultant de dépenses publiques supplémentaires.
Ainsi, dans le contexte économique actuel, il semble peu probable que la hausse des coûts annule totalement le bénéfice attendu de la solide croissance des ventes. Une inflation plus élevée est donc susceptible de coïncider avec une hausse des bénéfices, comme c’est habituellement le cas.
Et l’inflation ?
Une inflation modérément plus élevée tend à être favorable pour les bénéfices et les actions.
Inflation aux Etats-Unis et bénéfices des 12 derniers mois du s&p 500
% variation annuelle, bénéfices sont ceux des bénéfices par action des 12 derniers mois
Source : BLS, IBES, Refinitiv Datastream, Standard & Poor’s, J.P. Morgan Asset Management. Données au 10 juin 2021.
Valorisation des actions
La plus grande préoccupation des investisseurs est de savoir si la hausse des rendements obligataires pèsera sur la valorisation des actions. En effet, une telle tension augmente le taux d’actualisation des bénéfices futurs des entreprises. Toutefois, si les rendements obligataires s’inscrivent en hausse parce que les prévisions de croissance augmentent, les valorisations ne baisseront pas forcément. En effet, il est courant que les valorisations augmentent (et diminuent) de concert avec les rendements obligataires.
Même si la hausse des rendements obligataires entraîne une baisse des valorisations, tant que l’augmentation des bénéfices est supérieure à la baisse des valorisations, les actions peuvent encore progresser.
Le scénario central est le suivant : la hausse des bénéfices des entreprises, stimulée par une forte demande, compensera toute baisse de valorisation de la plupart des actions.
Value vs croissance
L’opposition entre valeurs de croissance et titres value est un autre débat clé en amont de 2022. Depuis le début de l’année 2021, les choses se sont inversées par rapport à 2020. Les actions value ont nettement surperformé les valeurs de croissance. Malgré cela, ces dernières affichent toujours des valorisations élevées d’un point de vue historique et par rapport aux titres value.
Les prévisions de bénéfices à 12 mois pourraient encore être révisées à la hausse pour la plupart des actions. Ainsi, un recul des valorisations des titres de croissance les plus chers, qui serait suffisamment prononcé pour compenser la hausse des bénéfices, constitue le principal risque susceptible de refroidir l’optimisme continu à l’égard des actions.
Cependant, dans le scénario central, toute nouvelle compression des valorisations des actions de croissance ne fera que limiter leur potentiel de hausse, plutôt que de compenser entièrement l’augmentation attendue des profits. Même s’il n’est pas prévu de nouvelle expansion du ratio cours/bénéfice (P/E) des titres value, la compression des valorisations semble moins probable que pour les valeurs de croissance, étant donné des niveaux initiaux de valorisation beaucoup plus faibles.
Par exemple, le consensus table sur une croissance des bénéfices à 12 mois de l’indice Russell 1000 growth de 19 % d’ici la fin de l’année prochaine, contre 17 % pour l’indice Russell 1000 value. Les deux indices devraient donc progresser. Cependant, même une baisse modeste des valorisations des valeurs de croissance par rapport aux actions value pourrait entraîner une sous-performance des premières citées.
Surperformance expliquée
Il est important de noter que la surperformance des valeurs de croissance depuis 2009 s’explique avant tout par l’augmentation significative de leurs valorisations. À ce stade, il est peu probable que ce phénomène favorable se répète. Il est même possible que la tendance s’inverse si les valorisations des valeurs de croissance continuent de baisser. En revanche, il est peu probable que les titres value subissent une baisse de leur ratio cours/ bénéfices, les valorisations restant très raisonnables.
Il convient également de noter que les valeurs financières représentent de loin la plus grande partie des indices value à l’échelle mondiale. Au cours de la dernière décennie, leur performance relative a été fortement corrélée aux rendements des obligations à 10 ans. Si les rendements obligataires continuent d’augmenter, les financières (et donc probablement les indices value dans leur ensemble) devraient surperformer.
Dans l’ensemble, les actions devraient continuer de progresser, mais à un rythme plus lent et en suivant une trajectoire émaillée des obstacles habituels. Compte tenu des valorisations relatives et de l’opinion selon laquelle les rendements obligataires devraient continuer de se tendre, on peut privilégier légèrement les actions value par rapport aux valeurs de croissance.
Attention aux Etats-Unis
À l’échelle des indices, cela signifie que les États-Unis pourraient sous-performer les autres régions, en raison de leur forte pondération en actions de croissance assorties de valorisations élevées. Les actions value américaines pourraient toutefois continuer de bien se comporter, tandis que les marchés plus riches en titres value, comme l’Europe ou le Royaume-Uni, pourraient surperformer. Pour les investisseurs désireux de ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier value, les marchés émergents offrent des opportunités de croissance à long terme à des niveaux de prix plus raisonnables que certains autres marchés.
Quel est l’impact des prix du carbone sur les portefeuilles ?
Par Vincent Juvyns, Global Market Strategist, J.P. Morgan Asset Management
Le 29 juin 2021
Cela fait des années que les responsables européens s’appliquent à lutter contre le changement climatique. Le lancement en 2005 du système d’échange de quotas d’émission (SEQE) au sein de l’Union européenne, le tout premier marché du carbone au monde, a été le fondement des efforts politiques de la zone. Depuis, le SEQE a été réactualisé à plusieurs reprises afin d’accompagner les ambitions climatiques croissantes de l’Europe. Les changements s’accélèrent encore puisque l’Union européenne a accepté de réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) d’au moins 55 % d’ici 2030.
Ces initiatives réglementaires expliquent, au moins en partie, pourquoi les prix des quotas d’émission de CO2 en Europe ont récemment atteint le niveau record de 56 euros par tonne d’équivalent dioxyde de carbone (tCO2e). L’exemple de l’Union européenne est de plus en plus suivi puisque plusieurs pays ont lancé leur propre système d’échange de quotas d’émission.
À l’heure actuelle, les prix mondiaux du carbone restent bien inférieurs à ceux observés en Europe. Si les autres pays ne parviennent pas à s’aligner sur ce que l’Union européenne juge acceptable, la question des taxes sur le carbone à ses frontières deviendra de plus en plus une réalité. C’est pourquoi les investisseurs doivent être conscients de l’impact d’une hausse des prix du carbone sur leur portefeuille.
Qu’est-ce qui détermine le prix du carbone ?
Il existe deux grands types de mécanismes de tarification du carbone. D’abord, la taxe sur le carbone est le moyen le plus direct de fixer son prix. Mais cette ne fixe pas d’objectif prédéfini de réduction des émissions. Ensuite, le système d’échange de quotas d’émission. Ce quota plafonne le niveau total des émissions de GES. Mais il ne fixe pas de prix prédéfini.
L’Union européenne a choisi la deuxième approche lorsqu’elle a créé son SEQE en 2005. Ce dernier est le premier et le plus important système d’échange de quotas d’émission au monde. Il couvre 45 % des émissions de GES de l’Union européenne produites par trois secteurs au sein de l’Espace économique européen : la production d’électricité/chaleur, l’industrie à forte intensité énergétique et l’aviation commerciale. Les entreprises de ces secteurs se voient attribuer un quota d’émissions gratuit. Celles dont les émissions sont inférieures à leur quota peuvent vendre leur excédent à d’autres entreprises du secteur. C’est l’équilibre entre l’offre et la demande d’émissions qui définit un prix du marché.
L’Union européenne peut influencer la dynamique de l’offre et de la demande pour augmenter le prix du carbone de trois manières. La première c’est en réduisant le plafond d’émissions. La deuième consiste à élargir le nombre de secteurs soumis au système. Enfin elle peut réduire l’attribution réputée gratuite.
Dans sa récente directive, l’Union européenne a décidé que le plafond global d’émissions diminuerait de 2,2 % par an à partir de 2021 (contre 1,74 % auparavant). L’institution européenne est encore en train de décider si elle doit inclure de nouveaux secteurs. Le pourcentage de quotas d’émission gratuits, qui était déjà passé de 80 % en 2005 à 43 % en 2020, doit progressivement diminuer pour atteindre 30 %.
Par conséquent, si une partie de la récente flambée du prix du carbone peut refléter une forte demande de quotas d’émission de la part des entreprises qui répondent à une demande croissante, il existe un fondement structurel à la hausse des prix du carbone provenant des interventions réglementaires.
Les autorités de l’Union européenne sont conscientes de l’équilibre délicat qu’elles doivent trouver entre la réalisation des ambitions nationales en matière climatique et la nécessité de ne pas nuire à la rentabilité et à la compétitivité des entreprises par rapport à leurs concurrents internationaux. Encourager les autres pays à suivre les efforts de l’Union européenne commence à porter ses fruits. D’autres régions commencent à lancer leurs propres systèmes d’échange de droits d’émission. Toutefois, le prix du carbone dans ces régions est beaucoup plus bas qu’en Europe.
Émissions mondiales couvertes par les initiatives de tarification du carbone | Prix du système d’échange de quotas d’émissions
Dollar par tonne d’équivalent CO2 |
% des émissions mondiales de gaz à effet de serre
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![]() |
Source : (graphique de gauche) Banque mondiale, J.P. Morgan Asset Management. SEQE = système d’échange de quotas d’émission. (Droite) International Carbon Action Partnership, J.P. Morgan Asset Management.
Le prix des émissions dans le système SEQE de la Chine repose sur la moyenne des prix de Pékin, Chongqing, Guangdong, Hubei, Shanghai, Shenzhen et Tianjin. Les tonnes d’équivalent CO2 normalisent les émissions pour permettre la comparaison entre gaz. Une tonne équivalente a le même effet de réchauffement qu’une tonne de CO2 sur 100 ans. Les performances passées ne sont pas des indicateurs fiables des performances actuelles ou futures. (Données au 31 mars 2021).
Les prix du carbone au niveau international ne sont pas seulement inférieurs à ceux de l’Union européenne, ils sont également inférieurs à ceux nécessaires pour atteindre l’objectif climatique mondial de la neutralité carbone d’ici 2050. Bien que l’estimation soit approximative, on considère souvent qu’un prix compris entre 40 et 80 dollars par tCO2e est nécessaire pour limiter le réchauffement climatique à moins de 2°C1.
Le prix du carbone sera sans aucun doute l’un des principaux sujets de discussion entre les dirigeants mondiaux, qui se réuniront à l’occasion de la COP26 en novembre. Si l’Union européenne, la Chine et les États- Unis ne parviennent pas à s’entendre sur une voie commune en vue d’une tarification du carbone, l’Union européenne devra peut-être trouver une solution à court terme pour s’assurer que ses efforts en matière de lutte contre le réchauffement climatique ne désavantagent pas les entreprises européennes.
Une solution qui semble susciter un intérêt croissant est le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Cette taxe douanière serait conçue pour garantir que l’empreinte environnementale d’un produit soit tarifée de la même manière, qu’il soit fabriqué localement ou importé. Le MACF est l’une des mesures clés discutées dans le cadre du Green Deal de l’Union européenne. Le produit de cette taxe rentrerait dans le budget de l’Union européenne, et serait utilisé pour financer la relance et la transition écologique en Europe. À ce stade, le MACF constitue une menace pour les concurrents de l’Union européenne, dont la crédibilité a été renforcée après que la législation nécessaire a été approuvée par le Parlement européen. Il appartient maintenant à la Commission européenne de décider de son utilisation.
Implications en termes d’investissement
Les interventions réglementaires vont se multiplier. Elles devraient soutenir les prix du carbone non seulement en Europe, mais aussi à l’échelle mondiale. Résultat, les coûts de base des entreprises devraient augmenter dans un nombre croissant de secteurs.
L’une des principales implications en matière d’investissement est que l’augmentation des coûts des entreprises peut être répercutée sur les prix à la consommation, s’ajoutant ainsi aux pressions inflationnistes croissantes dues aux politiques monétaires et budgétaires accommodantes. Si les entreprises ne sont pas en mesure de répercuter la hausse des coûts, celle du prix du carbone pourraient nuire à la rentabilité.
Si le MACF est activé, les entreprises qui exportent une grande partie de leurs produits à forte intensité de CO2 vers l’Union européenne pourraient pâtir de la hausse du prix du carbone, même si leur pays d’origine ne fait pas grand-chose en termes de réglementation en la matière. Le prix du carbone représente donc un risque qu’il convient de surveiller.
En plus de l’analyse financière traditionnelle, les investisseurs peuvent chercher à évaluer des paramètres non financiers, tels que l’intensité carbone des entreprises. Réduire l’intensité carbone d’un portefeuille devrait contribuer à améliorer son profil risque/rendement à long terme. C’est ce que nous avons déjà observé ces deux dernières années en comparant les indices MSCI World et MSCI World Climate Change CTB Select, un indice de référence de la transition climatique en vertu du règlement européen sur les indices de référence, qui repondère les titres en fonction des opportunités et des risques liés à la transition climatique.
En effet, l’indice MSCI World Climate Change CTB Select affiche une intensité carbone moyenne pondérée (qui représente le nombre de tonnes métriques d’émissions d’équivalent CO2 par million de dollars de valeur d’entreprise, y compris les liquidités) inférieure de près de 40 % à celle de l’indice MSCI World. De fait, le premier a également surperformé le second de 150 points de base depuis sa création en novembre 2013. Il présente un meilleur ratio de Sharpe sur les trois et cinq dernières années.
Les prix mondiaux du carbone étant appelés à augmenter encore à l’avenir, réduire les émissions de GES d’un portefeuille devrait non seulement contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique, mais aussi permettre d’obtenir de meilleures performances ajustées du risque à long terme.
1 Intégrer la transition vers une économie neutre en carbone, le Groupe des Trente, octobre 2020.
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La décennie de l’Asie : Anticiper la croissance
Par Vincent Juvyns, Stratégiste chez JPM AM
Le 19 mai 2021
La hausse des revenus en Asie sera probablement l’enjeu économique et le thème d’investissement le plus important des années 2020. L’Asie concentre 60 % de la population mondiale. La Chine et l’Inde représentent chacune environ 18 % du total mondial. Parallèlement à l’augmentation des revenus, la classe moyenne asiatique devrait voir sa population croître. Cela stimulera considérablement la consommation. Par conséquent, l’Asie est une opportunité d’investissement qui mérite une plus grande place dans de nombreux portefeuilles.
Chine
On pourrait pardonner aux touristes qui visitent Shanghai de penser que la phase de développement de la Chine est en grande partie derrière elle. En effet, sa croissance a déjà été spectaculaire. En effet, la part de la Chine dans le PIB mondial est passée d’à peine 2 % en 1990 à environ 16 % en 2020. Qui plus est, la Chine est à l’origine de 35 % de la demande mondiale de produits de luxe. Le sentiment répandu selon lequel la Chine est déjà un pays riche est donc bien compréhensible. Cependant, si l’on voyage à l’ouest des régions côtières développées, on découvre une image très différente du pays. On se rend compte alors du potentiel de rattrapage économique qui existe encore..
L’urbanisation en cours entraînera une nouvelle augmentation de la productivité et des revenus
Graphique 1 : Urbanisation, PIB nominal par habitant et taille de la population
Taux d’urbanisation, %, et PIB par habitant, en dollars, la taille de la bulle représente celle de la population.
Source : Banque mondiale, J.P. Morgan Asset Management.
Le taux d’urbanisation se réfère à la proportion de la population totale vivant dans une zone urbaine selon la définition des bureaux nationaux de statistiques. Les pays sont désignés par les codes pays à trois lettres de l’Organisation internationale de normalisation. Les prévisions sont celles de la Banque mondiale pour 2019 et après. Les performances passées ne sont pas des indicateurs fiables des performances actuelles ou futures (Guide des Marchés – Royaume-Uni. Données au 28 février 2021).
Certes, la Chine compte de nombreux milliardaires, mais le PIB moyen par habitant n’est que d’environ 10.000 dollars. Ce chiffre représente une croissance impressionnante, puisqu’il n’était que de 1.000 dollars en 2000/ Mais cela reste très loin derrière celui d’économies développées telles que les États-Unis. Au fur et à mesure que les régions intérieures vont s’urbaniser et se développer, la productivité va augmenter. La Chine devrait alors connaître une croissance d’environ 4,4 % par an en moyenne en termes réels au cours de la prochaine décennie. Autrement dit, le PIB et les revenus devraient augmenter d’environ 50 % d’ici 2030.
Selon les normes occidentales, une augmentation prévue des revenus qui passeraient alors d’environ 10.000 dollars par personne à 15.000 dollars pourrait ne pas sembler si importante. Mais si l’on multiplie cette augmentation de revenus par 1,4 milliard de personnes, cela donne une idée de l’ampleur du phénomène. Cela va générer des opportunités de croissance considérables dans une large gamme de biens et de services. Les investisseurs qui s’abstiennent d’investir en Chine en raison des tensions commerciales risquent d’attendre très longtemps et de passer à côté de l’opportunité que représente la hausse de la consommation chinoise.
Inde
Si l’économie chinoise devait connaître la plus forte croissance en termes absolus, l’Inde devrait afficher le taux de croissance le plus élevé de tous les grands pays au cours de la prochaine décennie. Sachant que plus de 480 millions d’Indiens sont âgés de moins de 20 ans, la population indienne en âge de travailler est appelée à croître fortement. Avec un PIB par habitant de départ beaucoup plus faible, la croissance réelle sera de 6,9 % par an en moyenne au cours de la prochaine décennie. Ainsi, les revenus réels devraient approximativement doubler au cours des 10 prochaines années. Encore une fois, même si cela peut sembler peu, cela pourrait signifier qu’environ un milliard d’Indiens feront partie de la classe moyenne dans 10 ans, avec des revenus en hausse.
Les investisseurs dont l’horizon d’investissement est à long terme auront tout intérêt à se concentrer sur l’incroyable opportunité que représente la hausse des revenus et de la consommation en Chine, en Inde et dans le reste de l’Asie.
L’opportunité du revenu
La crise financière mondiale puis la pandémie de COVID-19 ont fait considérablement baisser les rendements obligataires des marchés développés. Les rendements des obligations investment grade aux États-Unis et en Europe sont proches de leurs plus bas niveaux historiques et 26 % des obligations d’État des marchés développés affichent un rendement négatif.
Par conséquent, de plus en plus d’investisseurs doivent se tourner vers d’autres régions que la leur pour trouver des rendements réels positifs pour la composante obligataire de leurs portefeuilles. De ce point de vue, les marchés obligataires asiatiques semblent particulièrement prometteurs. Les obligations asiatiques investment grade offrent un rendement supérieur de 2 à 3 % à celui des obligations américaines et européennes, avec des fondamentaux qui semblent relativement solides.
Comme dans les pays développés, la pandémie a entraîné une augmentation de la dette en Asie, mais le ratio dette totale/PIB reste proche ou inférieur à celui de la plupart des pays du G7. Ainsi, les investisseurs prêts à assumer le risque de change peuvent opter pour des obligations asiatiques offrant un rendement plus élevé, avec une notation moyenne de A. Malgré une corrélation plus élevée avec les actions que les obligations d’État des marchés développés, les obligations asiatiques restent un atout pour diversifier les portefeuilles.
Les valorisations et l’opportunité de croissance des actions
Les obligations ne sont pas les seules à présenter des valorisations plus attrayantes en Asie que dans les pays développés. L’indice MSCI Asia ex Japan se négocie sur la base d’un ratio cours/bénéfices attendu d’environ 16x, inférieur à celui de l’Europe et nettement moins cher que celui des États-Unis. La croissance de long terme est accessible à un prix plus raisonnable en Asie que partout ailleurs dans le monde.
La conjonction d’une démographie favorable et d’une croissance rapide des revenus continue de plaider en faveur d’un investissement stratégique en Asie. Néanmoins, les sceptiques pourraient faire valoir qu’au cours des dix dernières années, les actions asiatiques n’ont pas répondu aux attentes que les investisseurs nourrissaient à l’égard de cette région. Les actions asiatiques hors Japon ont sous-performé les actions des marchés développés de plus de 2 % par an depuis 2011, preuve qu’une croissance élevée du PIB ne se traduit pas toujours par une performance plus élevée des marchés actions. Alors pourquoi devrait-il en être autrement pour la décennie à venir ?
Après une période perturbée par des facteurs tels que la fin du supercycle des matières premières, les tensions commerciales et la solidité du dollar américain, les fondamentaux évoluent nettement en faveur de l’Asie.
Conclusion
Les tendances favorables en matière d’urbanisation et la croissance rapide de la classe moyenne constituent un contexte propice à une solide croissance dans la région. En raison d’une meilleure maîtrise de la pandémie et d’une réponse politique plus modérée, les investisseurs peuvent avoir accès à des rendements obligataires plus élevés. Et, pour ce qui est des actions, ils peuvent s’attendre à un potentiel de croissance des bénéfices supérieur avec des valorisations plus raisonnables que partout ailleurs. Grâce à la plus grande accessibilité des obligations locales et des actions asiatiques cette région est de plus en plus intéressante pour les investisseurs.
Les signes toujours plus nombreux de l’essoufflement du marché haussier en dollars américains confortent l’idée que les dix prochaines années pourraient être considérées comme la décennie asiatique.
Pourquoi et comment repenser le modèle de portefeuille 60/40 ?
Vincent Juvyns, Global Market Strategist. J.P. Morgan Asset Management
Le 31 mars 2021
L’un des défis les plus immédiats auxquels sont confrontés les investisseurs depuis la pandémie consiste à construire des portefeuilles résistants qui offrent des « performances décentes » compte tenu du niveau actuellement bas des rendements des obligations souveraines. Les emprunts d’État offraient auparavant des revenus et la possibilité de solides performances positives en périodes de récession et de marché baissier. Dans ce contexte, le maintien d’une exposition équilibrée aux actions et aux obligations d’État a toujours permis de bien diversifier son portefeuille.
Mais, aujourd’hui, les rendements souverains extrêmement faibles offrent peu de revenus et de potentiel de hausse, contraignant les investisseurs à adopter une approche de diversification plus créative pour dégager des revenus et diversifier leurs portefeuilles.
Marchés obligataires : des stigmates de la crise sanitaire durant de longues années
On ignore si le Covid-19 aura un impact durable sur l’économie et notre mode de vie. Mais une chose est certaine : les gouvernements crouleront sous une montagne de dettes, comme le montre l’explosion des ratios dette/PIB.
Après une décennie d’austérité, les gouvernements n’auront vraisemblablement pas la volonté de tailler dans les dépenses publiques au-delà des niveaux d’avant-pandémie ni d’augmenter les impôts pour réduire la dette, au moins à court terme. Toute la pression reposera sur les épaules des banques centrales pour que celles-ci maintiennent les taux à de bas niveau dans l’espoir que les gouvernements parviennent ainsi à s’extraire de leurs difficultés budgétaires. Les banques centrales devraient maintenir les taux d’intérêt à des niveaux négatifs ou nuls pendant une période prolongée.
Revoir le traditionnel modèle de portefeuille 60/40
L’impact sur les rendements souverains des taux d’intérêt ultra-bas est évident : plus de 85 % des obligations souveraines des marchés développés ont un rendement inférieur à 1 % et près de 35 % dégagent des rendements négatifs.
Les rendements obligataires faibles, voire négatifs, posent d’immenses défis aux investisseurs qui recourent traditionnellement aux actifs obligataires dans deux buts précis : obtenir des revenus réguliers et protéger leur portefeuille en période de volatilité. Durant les crises passées, les banques centrales abaissaient les taux d’intérêt pour soutenir l’économie. Cela soutenait les prix des obligations. La corrélation négative entre actions et obligations était alors la meilleure amie de l’investisseur.
Mais, avec des taux d’intérêt aussi bas, le potentiel haussier des emprunts d’État en période de récession a diminué. Les emprunts d’État ont généralement dégagé des performances positives pendant les phases de marché baissier précédentes mais ce ne fut pas le cas en Europe durant l’effondrement du marché provoqué par la pandémie sur fond de taux déjà historiquement bas.
Revenu et diversification, le double défi
Selon certaines hypothèses 2021 sur l’évolution à long terme des marchés de capitaux, un portefeuille d’actions/obligations appliquant la traditionnelle allocation 60/40 ne devrait rapporter que 2,7 % par an environ au cours de la prochaine décennie.
Toute la difficulté pour les investisseurs consiste à revoir le modèle de portefeuille 60/40 et à recréer les revenus et la diversification que l’exposition obligataire traditionnelle offrait auparavant. Les alternatives existent heureusement, a l’instar des obligations d’entreprises à haut rendement et de la dette émergente même si ces classes d’actifs présentent généralement une corrélation historiquement élevée avec les actions internationales.
Solutions potentielles
Les obligations ont encore un rôle central à jouer dans les portefeuilles, mais les stratégies doivent avoir une portée globale, être suffisamment flexibles et s’efforcer d’anticiper les risques macroéconomiques et politiques. Les obligations souveraines chinoises en sont un exemple, avec un rendement de 2 à 3 % selon leur maturité, une corrélation limitée ou nulle avec les actions internationales et un potentiel d’appréciation de la devise sur le long terme.
En termes de revenus, les actions à dividendes élevés joueront également un rôle croissant dans les portefeuilles. Bien que les dividendes aient été réduits en 2020, les analystes ont commencé à revoir à la hausse leurs prévisions pour 2021.
Cependant, les solutions les plus intéressantes en termes de revenus et de diversification se situent au niveau des instruments alternatifs. Les actifs réels tels que l’immobilier ou les infrastructures dégagent, en effet, des rendements plus élevés que les emprunts d’État.
Les infrastructures stratégiques mondiales ont dégagé des flux de revenus remarquablement réguliers et défensifs à différentes périodes, y compris pendant les deux dernières récessions, grâce à des flux de trésorerie généralement contractuels ou réglementés. L’inconvénient de certains instruments alternatifs provient de leur relative illiquidité ou de leur corrélation plus élevée avec les actions s’ils sont cotés (par exemple, les titres immobiliers).
Les hedge funds font partie des stratégies alternatives plus liquides susceptibles de fournir une certaine garantie contre le risque baissier. Toutefois, toutes les différentes stratégies de hedge funds ne suivent pas la même évolution en phase de marché baissier. Les fonds macro offrent la protection la plus régulière et une bonne sélection des gérants peut contribuer à améliorer les performances au cours des périodes de hausse des marchés, tout en offrant une protection durant leurs phases de baisse.
Conclusion
Face à la baisse généralisée des rendements attendus sur les marchés financiers, en général, et sur les marchés obligataires en particulier, augmenter sensiblement la pondération des actions, par exemple avec un portefeuille 80/20, pour doper les performances est une fausse bonne idée. En effet, cela exigerait d’accepter une volatilité bien plus élevée, ce qui pourrait s’avérer particulièrement déstabilisant pour les investisseurs ayant des objectifs d’épargne à court terme.
Il est important que les investisseurs conservent une exposition obligataire flexible mais qu’ils diversifient celle-ci avec de l’immobilier, des infrastructures et des fonds macro.
Que signifie la présidence de Joe Biden pour l’enjeu climatique mondial ?
Par Vincent Juvyns, Global Market Strategist. J.P. Morgan Asset Management
Le 9 février 2021
L’élection de Joe Biden a alimenté les espoirs d’un renforcement de la dynamique mondiale en faveur de la lutte contre le changement climatique. Cette lutte a été l’une des principales promesses de campagne de Joe Biden et, selon les sondages, la principale raison pour laquelle 74 % de ses électeurs ont voté pour lui1.
Les propositions de Joe Biden pour le climat
Dans son « Plan pour une révolution de l’énergie propre et une justice environnementale » le Président Joe Biden a exposé ses principales ambitions en matière de climat :
- « Rallier le reste du monde pour faire face à la menace du changement climatique » : le Président a déclaré que le retour dans l’accord de Paris sur le climat serait une priorité du premier jour. Il souhaite également l’intégrer pleinement dans la politique étrangère et commerciale des États-Unis afin d’inciter tous les grands pays à adopter des objectifs climatiques nationaux plus ambitieux.
Du point de vue de la politique climatique mondiale, un plus grand soutien des États-Unis pourrait changer la donne, car le pays est le deuxième plus grand émetteur de CO2 au monde. L’intensité carbone2 de son économie est trois fois plus élevée que la moyenne mondiale. La façon dont le Président entend travailler avec la communauté internationale devrait être plus claire après la COP 26. Cette conférence des Nations Unies sur le climat doit se tenir à Glasgow en novembre. À ce moment-là, nous pourrions assister à la conclusion d’un nouveau « grand accord » sur le climat.
- « Veiller à ce que les États-Unis parviennent à une économie à l’énergie 100 % propre et à la neutralité carbone au plus tard en 2050 ». Plus de 110 pays ont déjà pris le même engagement que Joe Biden d’atteindre zéro émissions nettes d’ici 20503.
Ils représentent plus de 50 % du PIB mondial et des émissions de dioxyde de carbone. Pour atteindre l’objectif de la neutralité carbone et faire en sorte que les États-Unis deviennent une économie à l’énergie 100 % propre, Joe Biden prévoit notamment des investissements publics massifs (400 milliards de dollars) dans la recherche et le développement (R&D) liés à l’énergie et au climat. C’est un domaine dans lequel les États-Unis accusent un retard sur l’Europe et la Chine.
- « Construire une nation plus forte et plus résistante » : en plus de promouvoir la R&D, Joe Biden a promis des investissements importants dans des infrastructures à faible émission de carbone en s’engageant à hauteur de 1 700 milliards de dollars au niveau fédéral au cours des dix prochaines années et en mobilisant des investissements supplémentaires du secteur privé, des États et des collectivités locales pour un montant total de plus de 5 000 milliards de dollars.
C’est probablement l’aspect du plan climatique de Biden qui a suscité le plus d’enthousiasme aux États-Unis dans la mesure où il existe un consensus bipartite sur la nécessité d’investir dans les infrastructures. Les dépenses d’infrastructure s’inscriront dans un programme plus large de politique budgétaire expansionniste.
Implications des initiatives politiques en faveur du climat pour l’économie mondiale
L’impact économique de la transition vers une économie bas carbone dépend généralement de la méthode utilisée. Celle du « bâton » dans le cadre de laquelle les entreprises privées supportent la majeure partie du coût de la transition. Ou celle de la « carotte » dans le cadre de laquelle les gouvernements financent la transition via des subventions et d’autres formes de relance budgétaire5.
L’approche de la « carotte », sur laquelle Joe Biden s’est focalisée durant sa campagne, est bien sûr la plus populaire dans le contexte actuel car elle pourrait contribuer à la reprise, tout en s’attaquant à la menace du changement climatique à plus long terme. Même s’il hérite du ratio dette/PIB le plus élevé depuis la seconde guerre mondiale, Joe Biden vise à maximiser l’élan budgétaire de ses politiques en mettant à profit des partenariats publics-privés.
Des approches similaires, telles que le Fonds européen pour les investissements stratégiques, lancé en 2015, ont donné de bons résultats6 sur le plan de la croissance économique et de la transition énergétique, tout en créant des opportunités pour les investisseurs privés.
Toutefois, pour être la plus efficace du point de vue climatique, cette approche doit être combinée avec une politique dite du « bâton »7. L’approche la plus courante est la mise en place d’une taxe sur le carbone, ou plus généralement d’un prix du carbone qui peut être fixé soit par des taxes, soit de préférence par des systèmes d’échange de quotas d’émission afin d’inciter les producteurs de carbone à réduire leur intensité carbone.
Bien que Joe Biden se soit abstenu de mentionner officiellement la tarification du carbone dans son programme, sa secrétaire au Trésor, Janet Yellen, a clairement indiqué par le passé qu’elle considérait la tarification du carbone comme un élément clé de toute politique climatique8. Janet Yellen a également préconisé des « ajustements fiscaux à la frontière »9 qui garantiraient qu’une tarification ambitieuse du carbone ne compromette pas l’égalité des conditions de concurrence au niveau mondial. Cela pourrait contribuer à la persistance des tensions commerciales avec la Chine.
Déjà des avancées
De nombreux pays qui ont déjà lancé leur SEQE (Système d’échange de quotas d’émission) partagent la conviction selon laquelle il est nécessaire de procéder à des ajustements fiscaux aux frontières. Mais, jusqu’à présent, la couverture des émissions et les niveaux de prix restent hétérogènes et trop faibles pour atteindre nos objectifs climatiques10. Les États-Unis pourraient être tentés de tirer parti de leur expérience avec des SEQE au niveau des États, comme la Californie ou le Massachussetts, de manière à promouvoir la création de conditions de concurrence équitables au niveau mondial pour les prix du carbone.
Contrairement à la croyance générale, l’évolution vers un prix du carbone plus juste au niveau mondial ne devrait pas nécessairement être négative pour l’économie mondiale. L’exemple de la Suède est frappant à cet égard. Bien que la Suède ait imposé la taxe sur le carbone la plus élevée au monde en 1991 et ait rejoint le SEQE-UE en 2005, son PIB par habitant a augmenté de 53,5 % entre 1990 et 2019. Dans le même temps, l’intensité carbone de la Suède est passée de 6,8 tonnes de CO2 par habitant (tCO2/habitant) en 1990 à 4,45.
Quelles implications en termes d’investissement ?
La politique climatique de Joe Biden va probablement s’inscrire dans un ensemble de mesures budgétaires plus larges visant à soutenir la croissance et à accélérer la transition énergétique du pays. Elle devrait également créer des opportunités pour les investisseurs dans des classes d’actifs telles que les actifs réels et les énergies renouvelables mondiales, lesquelles ont toutes progressé au cours des dernières semaines.
Sur le plan international, les États-Unis vont probablement, à nouveau, adopter une approche plus multilatérale après avoir rejoint l’accord de Paris sur le climat et s’être engagés à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
Si le soutien des États-Unis aux initiatives mondiales de tarification du carbone demeure incertain, l’administration Biden pourrait toutefois plaider en faveur des ajustements fiscaux aux frontières, ce qui pourrait favoriser la garantie de conditions de concurrence égales à tous au niveau mondial pour les prix du carbone.
Ce n’est pas nécessairement négatif d’un point de vue économique, comme le montre l’exemple suédois, mais la politique du carbone va devoir être attentivement suivie par les investisseurs dans la mesure où l’intensité carbone va devenir un paramètre non financier important des performances des économies et des entreprises.
Notes :
1 Morning consult (https://morningconsult.com/exit-polling-live-updates/), sondage à la sortie des urnes basé sur 20 000 électeurs interrogés sur la raison pour laquelle ils ont choisi un candidat plutôt qu’un autre.
2 Exprimée en tonnes de CO2 par habitant.
3 Nations Unies, communiqué de presse, 12/11/2020, « Net-Zero Emissions Must Be Met by 2050 or COVID-19 Impact on Global Economies Will Pale Beside Climate Crisis, Secretary-General Tells Finance Summit »
4 https://www.infrastructurereportcard.org/solutions/investment/2017
5 J.P.Morgan Asset Management, Hypothèses 2021 de rendement à long terme des marchés de capitaux, Peser les implications de la politique de lutte contre le changement climatique en matière d’investissement.
6 https://ec.europa.eu/commission/strategy/priorities-2019-2024/jobs-growth-and-investment/investment-plan-europe/investment-plan-results_en
7 Group of Thirty, Mainstreaming the transition to a net-zero economy, octobre 2020
8 Group of Thirty, Mainstreaming the transition to a net-zero economy, octobre 2020
9 L’objectif principal des ajustements fiscaux à la frontière est de lutter contre le changement climatique en évitant des « fuites » de carbone. Les « fuites » de carbone se produisent lorsque la production est transférée d’un pays vers d’autres pays dont les ambitions de réduction des émissions sont moins élevées, ou lorsque les produits de ce pays sont remplacés par des importations à plus forte intensité carbone. Si ce risque se concrétise, il n’y aura pas de réduction des émissions au niveau mondial et cela réduira ainsi à néant les efforts de ce pays et de ses industries pour atteindre les objectifs climatiques mondiaux de l’accord de Paris. Dans ce contexte, un mécanisme d’ajustement à la frontière garantirait que le prix des importations reflète plus précisément leur teneur en carbone.
10 Commission de haut niveau sur les prix du carbone
Perspectives d’investissement pour 2021 : Vers la décennie de l’Asie
Par Vincent Juvyns, Stratégiste marchés mondiaux. J.P. Morgan Asset Management
Le 24 décembre 2020
En 2020, les responsables politiques ont mis tout en œuvre pour jeter des ponts sur les eaux extrêmement agitées par le Covid-19. À l’échelle planétaire, les gouvernements ont émis des milliers de milliards de dollars de dettes afin de soutenir financièrement les entreprises et les travailleurs touchés. En effet, aux États-Unis on estime qu’environ 75 % des salariés ayant perdu leur travail ont reçu davantage de l’assurance-chômage améliorée que ce qu’ils gagnaient auparavant. Cela a contribué à favoriser la reprise lorsque les cas d’infection ont diminué durant l’été.
Toutefois, la majeure partie des pays développés sont aux prises avec de nouvelles vagues d’infection et de nouvelles mesures de restriction destinées à contenir la propagation. En conséquence, les responsables politiques européens s’appliquent à consolider encore un peu plus leurs ponts. Plusieurs initiatives budgétaires efficaces aux États-Unis ont pris fin pendant l’été et, compte tenu du risque de voir les taux d’infection freiner la reprise durant les mois d’hiver, un nouveau train de mesures budgétaires est absolument nécessaire.
Vers la confiance
Dans l’ensemble, les mesures de soutien semblent porter leurs fruits. En dépit d’une chute sans précédent de l’activité, le chômage a augmenté de façon relativement modeste en Europe et a fortement reculé aux États-Unis. Les faillites d’entreprises ont également été moins nombreuses qu’on aurait pu le prévoir. Et, grâce aux nouvelles relatives à des vaccins viables, il nous est désormais possible d’apercevoir l’autre côté du pont. Le fait qu’une fin soit en vue devrait donner aux responsables politiques la confiance nécessaire, ainsi qu’aux entreprises suffisamment d’espoir pour continuer de faire face et d’investir pendant les difficiles mois d’hiver.
Dans ces conditions, l’activité dans les économies développées devrait demeurer déprimée au premier trimestre de l’année voire encore au second trimestre. Toutefois, le scénario central prévoit une reprise relativement vigoureuse au cours du second semestre 2021. Mais, compte tenu de la nature sans précédent du choc et de la réaction politique, nous ne devons pas sous-estimer les risques. Le principal risque haussier est celui d’une commercialisation du vaccin plus rapide et d’une reprise plus forte et plus synchronisée au niveau mondial. Le risque baissier porte avant tout sur une accélération inattendue de l’inflation qui obligerait à un retrait plus rapide des mesures monétaires de soutien que le marché ne le prévoit actuellement.
La décennie de l’Asie
Pour les investisseurs, la dernière décennie a été dominée par les performances des marchés américains. Cette période a été marquée par dix années de performances exceptionnelles des actifs américains et d’appréciation du dollar. Cependant, la prochaine décennie pourrait être celle des marchés asiatiques.
Les crises conduisent souvent à des changements de tendance à long terme dans les performances des marchés. Les prévisions d’un changement sont fondées sur des perspectives macroéconomiques et sur les changements structurels qui se produisent à mesure que les marchés de capitaux asiatiques gagnent en maturité. Les économies nord-asiatiques ont mieux réussi à contenir la pandémie que le reste du monde.
L’Asie ayant réussi à contrôler l’épidémie, sa réponse budgétaire et monétaire à la crise du Covid-19 a été sensiblement plus modeste qu’en Europe et aux États-Unis. En conséquence, les bilans des banques centrales sont moins hypertrophiés et les rendements obligataires ont moins baissé que ceux des emprunts d’État américains. Les changements structurels intervenant sur le marché obligataire de la région renforcent encore un peu plus son attractivité pour les investisseurs obligataires internationaux.
Ouverture des marchés
Dans le passé, un accès restreint et une convertibilité limitée des devises ont empêché les marchés obligataires asiatiques de jouer un rôle majeur pour les investisseurs internationaux. Mais, sous l’effet de l’augmentation des besoins de financement de la région, la situation évolue rapidement.
Suite à l’ouverture du marché de 15 000 milliards de dollars des obligations en yuan aux acheteurs étrangers, les investisseurs obligataires internationaux en quête de rendement ont désormais la possibilité d’investir dans des emprunts d’État qui rapportent plus de 3 %. En plus d’offrir des rendements plus élevés, les obligations chinoises libellées en yuan ont une corrélation relativement faible avec les obligations des pays développés et de zéro avec les performances des actions internationales. Cela permet ainsi d’améliorer la diversification et les performances ajustées du risque.
Au cours des 12 dernières années, la corrélation entre les performances mensuelles des obligations en yuan et celles des pays développés a été de de 0,1. La Chine ayant réussi à contenir la pandémie de Covid-19 et, par là même, ayant désynchronisé son cycle économique par rapport au reste du monde, on peut s’attendre à ce que les corrélations restent faibles pour le moment.
Surperformances à venir
Les marchés actions nord-asiatiques ont surperformé de nombreux indices des pays développés en 2020, en grande partie grâce à leur meilleure situation économique et à la pondération relativement élevée des entreprises technologiques et Internet. Cette surperformance pourrait encore se poursuivre.
- À court terme, cette surperformance s’explique par le fait que l’activité dans les pays développés va rester limitée jusqu’à ce que les vaccins soient largement distribués.
- À plus long terme, les perspectives de croissance structurelle en Asie sont soutenues par l’urbanisation et l’essor de la classe moyenne. Ces tendances devraient se poursuivre au cours de la prochaine décennie dans trois des pays les plus peuplés du monde, la Chine, l’Inde et l’Indonésie. Cela créera ainsi de grands marchés intérieurs tirés par la consommation.
Libre-échange
Le nouvel accord de libre-échange (Partenariat économique régional global) couvre 10 pays de l’ANASE, ainsi que la Chine, le Japon, la Corée, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Ces 15 nations représentent près d’un tiers du PIB mondial. Il devrait contribuer à conforter encore un peu plus les perspectives de croissance à long terme. L’accord devrait éliminer 90 % des droits de douane entre les partenaires commerciaux si tous les composants du produit sont fabriqués à l’intérieur de la zone de libre-échange.
En conséquence, les entreprises asiatiques vont se voir offrir de nombreuses opportunités de croissance dans les années à venir. Les efforts de la Chine visant à remonter le long de la chaîne de valeur devraient faciliter sa transition vers une économie à revenu élevé et l’aider à surmonter l’impact négatif de la détérioration de sa situation démographique.
Encore du potentiel
Les actions asiatiques ont fortement progressé en 2020. Néanmoins, les hypothèses 2021 de rendement à long terme des marchés de capitaux suggèrent que les actions asiatiques ont encore la capacité de surperformer les marchés actions développés de 2,2 % par an au cours des 10 à 15 prochaines années. Les signes de plus en plus nombreux attestant d’un essoufflement du marché haussier long de 10 ans du dollar américain renforcent encore cette opinion selon laquelle les dix prochaines années pourraient être considérées comme la décennie asiatique.
Changement climatique et investissement : quel impact sur les portefeuilles ?
Par Vincent Juvyns, Global Market Strategist. J.P. Morgan Asset Management
Le 28 octobre 2020
Partout dans le monde, les décideurs politiques manifestent un engagement croissant dans la lutte contre le changement climatique. Il faut dire que les preuves continuent de s’accumuler. Dans les grandes villes, après un déclin lors des confinements liés au Covid-19, les émissions de gaz à effet de serre (GES) ont enregistré une reprise en V, tandis que 2020 s’annonce comme la deuxième année la plus chaude jamais enregistrée. De récents événements rendent les conséquences du réchauffement planétaire plus visibles, galvanisant ainsi l’opinion publique dans son soutien au passage à un système énergétique à faibles émissions de carbone.
Parallèlement, les décideurs politiques mondiaux prennent conscience de leur incapacité à tenir les engagements décidés dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat en 2016, visant à maintenir l’élévation de la température moyenne de la planète inférieure à 2°C par rapport aux niveaux préindustriels. Selon les experts, les températures devraient augmenter de plus de 3°C d’ici à la fin du siècle*. De nombreux pays et zones accélèrent désormais leur transition vers une économie neutre en carbone. L’Europe et la Chine ont récemment annoncé leur propre objectif de neutralité carbone, en 2050 et 2060 respectivement. Ces échéances ont beau sembler lointaines, elles impliquent d’atteindre un niveau d’émissions carbone en moins d’une décennie : cela nécessitera des interventions considérables dans le fonctionnement de l’économie mondiale.
Quelles conséquences pour les investisseurs ?
Les investisseurs doivent, à tout le moins, tenir compte de la manière dont les initiatives réglementaires et politiques liées au climat pourraient affecter la valeur de leurs positions. Cette prise de conscience ne signifie pas pour autant faire l’impasse sur le secteur des énergies fossiles. Les mesures de lutte contre le changement climatique auront de profondes conséquences sur les entreprises dans tous les secteurs et pays.
Prenons par exemple la tarification du carbone, l’un des domaines prioritaires dans les cercles décisionnels. L’objectif est de s’assurer que l’utilisation du carbone reflète pleinement la valeur actuelle nette des futurs dommages climatiques et économiques qu’elle engendrera. Cela devrait mener à une plus grande utilisation des programmes de tarification du carbone, tels que les systèmes d’échange de quotas d’émission (SEQE) et les taxes carbone. À l’heure actuelle, ces différentes mesures concernent moins de 15 % des émissions mondiales de GES, tandis que le prix de la tonne de dioxyde de carbone (CO2) est généralement bien inférieur à la fourchette de 50-100 USD/tCO2 que la Commission de haut niveau sur les prix du carbone estime nécessaire d’ici à 2030 pour limiter à 2°C la hausse de la température mondiale.
La situation pourrait néanmoins évoluer rapidement. La Chine aura probablement mis en place le plus vaste SEQE au monde en 2021, tandis que l’Union européenne (UE), détentrice actuelle du plus important SEQE, prévoit d’étendre son dispositif. Le candidat à la présidentielle américaine Joe Biden a également fait du changement climatique un élément clé de sa campagne électorale, proposant notamment une discussion sur la tarification du carbone.
Intensité carbone des portefeuilles
Dans ce contexte d’évolution rapide des politiques, il serait judicieux que les investisseurs connaissent l’intensité carbone globale de leur portefeuille, étant donné qu’une augmentation de la tarification du carbone pourrait déprécier la valeur de leurs actifs. Au niveau des pays, les investisseurs devraient également envisager de regarder au-delà des volumes d’émissions de GES pour s’intéresser à la dynamique sous-jacente.
La Chine est un bon exemple : même si le pays est le premier émetteur mondial de GES, le gouvernement chinois a signé l’Accord de Paris sur le climat et s’est récemment engagé à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2060. En outre, selon The Economist, « les entreprises chinoises produisent 72 % des modules solaires du monde, 69 % de ses batteries lithium-ion et 45 % de ses éoliennes ». La Chine offre donc clairement des opportunités aux investisseurs soucieux des questions climatiques.
Les investisseurs devraient – au minimum – évaluer les risques inhérents pour leurs portefeuilles à mesure que les décideurs politiques et les consommateurs s’orientent vers un monde à faibles émissions de carbone. L’impact sur les rendements fait l’objet de nombreux débats, mais il convient de noter que, depuis la signature de l’Accord de Paris sur le climat, l’indice MSCI World Climate Change a dépassé l’indice MSCI World. Cette performance supérieure était déjà visible bien avant l’effondrement des prix du pétrole cette année.
Certains investisseurs pourraient envisager une approche plus radicale. Pour nombre d’entre eux, générer de meilleures performances n’est pas nécessairement leur seule ambition. Ils voudront peut-être investir (ou y seront contraints par la réglementation) dans des instruments spécifiquement conçus pour répondre au changement climatique.
Obligations vertes
Les obligations vertes en sont un bon exemple. Ces instruments sont destinés à financer des projets présentant des avantages environnementaux et/ou climatiques. Le marché des obligations vertes est relativement jeune – la première obligation verte a été émise en 2007 par la Banque européenne d’investissement – et croît rapidement, avec l’émission de 258 milliards de dollars l’an dernier. La Commission européenne a annoncé que sur les 750 milliards d’euros du fonds européen de relance post-crise du Covid-19, 30 % seraient levés via des obligations vertes.
La demande d’obligations vertes devrait rester soutenue, grâce aux leviers réglementaires qui incitent les investisseurs de long terme à augmenter le score environnemental, social et de gouvernance (ESG) de leurs portefeuilles. Les banques centrales discutent également du rôle des obligations vertes dans leurs opérations de politique monétaire au sens large. Par exemple, la Banque centrale européenne a récemment décidé que les obligations liées au développement durable pourraient être utilisées par les banques commerciales comme collatéral pour la gestion de leurs réserves.
Étant donné que la plupart des obligations vertes sont notées « investment grade », elles sont en théorie éligibles à l’achat dans le cadre de la plupart des programmes d’assouplissement quantitatif et de refinancement.
Conclusion
Face à l’accumulation de preuves du changement climatique et de ses effets économiques et sociaux, les décideurs politiques de nombreux pays accélèrent leur transition vers une économie bas carbone voire zéro carbone. Les investisseurs vont devoir adopter une gestion active de l’intensité carbone de leurs portefeuilles s’ils veulent limiter l’impact direct et indirect de cette transition sur leurs investissements.
Une approche active de cette transition peut permettre aux investisseurs de saisir les opportunités de valeur relative nourries par le changement climatique et/ou les politiques mises en place pour aider à ralentir la hausse des températures mondiales. En outre, les instruments conçus pour lutter contre le changement climatique, tels que les obligations vertes et les fonds d’actions thématiques, sont de plus en plus accessibles aux investisseurs. S’ils ne se contentent pas de court-circuiter les pays et les secteurs qui sont les principaux émetteurs de GES, et s’ils concentrent leur capital sur les entreprises et les gouvernements qui pilotent les solutions, les investisseurs ont une occasion unique d’être pleinement acteurs du changement.
*Emissions Gap Report 2019, Programme des Nations Unies pour l’environnement, 26 novembre 2019.
La crise du COVID-19 met plus que jamais en évidence l’importance des critères ESG
Par Vincent Juvyns, Stratégiste chez JP Morgan AM
Le 15 septembre 2020
Alors qu’au début de l’année, la lutte contre les changements climatiques était l’une des principales priorités de nos gouvernements, la crise du COVID-19 a malheureusement souvent obligé ces derniers à postposer leurs initiatives en la matière. Ils ont concentré leurs efforts sur la gestion de la crise sanitaire et de ses conséquences économiques. La pandémie n’a, en revanche, pas freiné l’intérêt du secteur financier pour l’investissement durable. Au contraire même ! En effet, la crise a mis en exergue, d’une part, l’urgence d’aborder ces aspects et, d’autre part, l’intérêt financier qu’il y a à privilégier les entreprises avec des scores ESG élevés.
Environnement
D’un point de vue environnemental, la crise du COVID-19 semble avoir eu un impact positif, grâce notamment à la baisse de la pollution atmosphérique engendrée par la généralisation du télétravail. Mais, elle a surtout entraîné un fort essoufflement dans la lutte pour le climat avec le report ou l’annulation d’initiatives majeures, comme la COP 26. Seule l’Europe a maintenu le cap en la matière, s’engageant à ce que 30% des moyens déployés dans le cadre de son nouveau plan de relance, de 750 milliards d’euros, servent à financer notre transition énergétique et notre adaptation aux changements climatiques. Cependant, avec ou sans impulsion politique, il est évident que les entreprises dont les produits et services permettent de lutter contre les changements climatiques vont continuer à se développer. Les investisseurs en sont d’ailleurs bien conscients. En effet, l’indice MSCI World Climate Change a progressé de plus de 8%[1] cette année contre seulement 4% pour l’indice MSCI World.
Social
Sur le plan social, plus que toute autre crise auparavant, la pandémie de COVID-19 révèle et accentue les inégalités. Inégalités entre ceux qui ont accès à des systèmes de santé efficaces et les autres, entre ceux qui ont la possibilité de télétravailler et ceux qui ne l’ont pas, entre les enfants ayant accès aux contenus pédagogiques en ligne et ceux qui n’en ont pas la possibilité… Non seulement la crise du COVID-19 renforce les inégalités au sein de nos sociétés, mais elle les accentue aussi entre les pays. Il est, en effet, évident que les plus pauvres et/ou affichant des disparités sociales importantes sont davantage touchés.
Gouvernance
En termes de gouvernance, la crise est un test de résistance grandeur nature pour nombre d’entreprises qui ont souvent dû faire face à la baisse brutale de leurs revenus et ont dû réorganiser rapidement leurs chaînes de valeur ainsi que leurs méthodes d’interaction avec leurs employés et leurs clients. Sans surprise, celles qui disposent d’une bonne gouvernance ont mieux résisté jusqu’à présent. Les gestions financières prudentes sont plébiscitées, car les investisseurs privilégient aujourd’hui davantage le niveau de trésorerie sur le bilan que le rendement du dividende. Celui-ci devrait inévitablement diminuer en raison de la baisse des bénéfices et/ou de pressions réglementaires. Par conséquent, les entreprises mieux notées en matière de gouvernance surperforment nettement les autres depuis le début de l’année. Ainsi, l’indice MSCI World Governance Quality affiche une performance de 11% contre 4% pour l’indice MSCI World.
Conclusion
En conclusion, s’il est encore difficile de dire à quoi le monde post COVID-19 ressemblera. Il est évident que, dans le secteur financier, cette crise a renforcé et accéléré une tendance de fond préexistante visant à privilégier les investissements durables. À l’heure où les pouvoirs publics sont obligés de recentrer leur attention et leurs moyens financiers sur la gestion de la crise, les investisseurs privés ont ainsi la possibilité d’agir en faisant en sorte que leur épargne à long terme contribue à l’atteinte de nos engagements climatiques. Ce faisant, ils maximiseront également leurs chances d’atteindre leurs objectifs financiers à long terme.
[1] Source: Refinitiv Datastream, données au 31/08/2020
Voici venu le temps de déconfiner son portefeuille ?
Par Vincent Juvyns, JP Morgan AM
Le 25 juin 2020
Nous avions entamé l’année 2020 sous le signe d’un optimisme prudent. En effet, la signature d’un accord commercial partiel sino-américain laissait présager d’un rebond du commerce mondial et de la croissance économique cette année. Le fait qu’en 2019 la croissance économique mondiale soit retombée à son bas niveau depuis le début de la reprise en 2009 ne paraissait plus qu’un vague souvenir.
Ces perspectives étaient de nature à soutenir la croissance bénéficiaire des entreprises et, de facto, les marchés d’actions. Les craintes d’alors étaient surtout inhérentes aux valorisations et à une éventuelle résurgence de la guerre commerciale. L’épidémie de Covid-19 qui faisait rage en Chine n’apparaissait alors que comme un phénomène local et, a priori, temporaire au vu des mesures fortes prises par les autorités chinoises.
L’épidémie de Covid-19 s’est malheureusement transformée en pandémie mondiale, obligeant nombre de gouvernements à imposer des mesures de confinement strictes à leurs populations. Malgré ces mesures, le bilan humain s’annonce lourd, puisque l’on dénombre déjà plus de 400.000 morts dans le monde. Sur le plan économique, le tableau est sombre également : nous devrions en effet connaitre l’une des pires récessions depuis la Grande Dépression des années 1930 et le FMI s’attend à des contractions de PIB historiques.
Et maintenant ?
Aujourd’hui, le pire semble néanmoins derrière nous. En effet, les courbes de progression de la pandémie ont été aplaties dans la plupart des pays et, jusqu’ici, aucune « seconde vague » n’a été observée. Ces éléments permettent de lever les mesures de confinement progressivement. Par ailleurs, bien que tant qu’un vaccin n’aura pas encore été trouvé, il nous faudra vivre avec le risque que ce virus ressurgisse, il semble peu probable que des mesures de confinement strictes soient à nouveau déployées. En effet, nous avons appris à vivre avec ce virus : tests de dépistage, équipements de protection et règles de distanciation sociale constituent désormais la norme. En outre, les conséquences économiques d’un re-confinement seraient considérables.
On peut donc raisonnablement anticiper un rebond économique à partir du troisième trimestre de cette année même si la reprise sera cependant très graduelle et que son rythme différera d’une région à l’autre. La Chine et l’Asie devraient ainsi connaitre une reprise en « V », c’est-à-dire qu’elles devraient retrouver ou dépasser leur niveau de PIB de fin 2019 d’ici la fin de l’année. En revanche, en Europe et aux Etats-Unis, il faudra vraisemblablement attendra la fin de 2021 pour dissiper les effets de la crise. En effet, malgré des mesures budgétaires et monétaires sans précédents, une augmentation du taux de chômage et des faillites dans les prochains mois semblent inéluctable, ce qui ralentira de facto le retour à la normale.
Cette réalité est bien intégrée par les investisseurs. La preuve en est si l’on se penche sur les prévisions des analystes concernant la croissance bénéficiaire pour le marché US en 2020. Les prévisions sont en effet passées d’une croissance bénéficiaire positive en février à une contraction des bénéfices de l’ordre de 27.5% actuellement.
Gare au trop plein de pessimisme…
Si 2020 est marquée par une révision à la baisse, 2021 semble prendre le contrepied avec une nette révision à la hausse des prévisions bénéficiaires. Cette embellie conjuguée au déploiement de politiques monétaires ultra accommodantes des banques centrales dans le monde a entrainé un fort rebond des bourses ces dernières semaines.
…mais également d’optimisme
Si le risque d’une rechute des marchés semble aujourd’hui plus limité compte tenu de la stabilisation de la situation sur le front sanitaire et économique, il semble néanmoins prématuré d’augmenter le niveau de risque dans les portefeuilles. Les valorisations des marchés d’actions sont en effet supérieures aux moyennes historiques et nombre d’incertitudes demeurent, à l’instar du Brexit, des élections américaines et d’une éventuelle résurgence de la pandémie de Covid-19.
Dans ce contexte, il vaut mieux privilégier un positionnement équilibré vis-à-vis des marchés d’actions. Il convient également de privilégier les Etats-Unis pour leur caractère défensif et leur plus large exposition au secteur technologique ainsi que les pays émergents. Il en va de même singulièrement pour l’Asie et les émergents qui sont plus attractivement valorisés et devraient profiter d’une reprise plus rapide de leur économie. On peut, par ailleurs, devenir plus positifs sur l’Europe car la Crise pourrait forcer l’Europe à s’intégrer davantage pour mieux déployer son plan de relance.
Sur le plan obligataire, il est judicieux d’investir dans le sillage des banques centrales, c’est la raison pour laquelle le crédit Investment Grade est privilégié car il bénéficie du soutien de la Fed et de la BCE.
Enfin, sur les devises, on peut demeurer positifs sur le yen, prudents sur les devises émergentes et neutres sur l’euro/dollar.
Consultez également le corner Fenêtre sur le monde
Quelle sera l’ampleur de la récession causée par le COVID-19 ?
Par Vincent Juvyns, Global Market Strategist
Le 18 mai 2020
Alors que le COVID-19 continue de se propager, la question est rapidement passée de savoir s’il y aura une récession mondiale à celle de savoir l’ampleur que celle-ci prendra. Sera-t-elle profonde mais courte ? Ou profonde et prolongée ? En tant qu’investisseur, la prochaine question qu’il faut se poser est de savoir quelles sont les hypothèses qu’intègrent les prix du marché. Et s’il sera soulagé, ou déçu.
Contenir la maladie
L’ampleur du ralentissement dépendra probablement de trois facteurs : le temps nécessaire pour contenir la maladie, les vulnérabilités préexistantes de l’économie mondiale et la réponse politique mondiale. Le plus difficile à analyser de manière fiable est le premier.
La Chine et la Corée du Sud, qui ont été parmi les premières à ressentir les effets du virus, ont rapidement fermé leurs économies et ont vu les taux d’infection baisser. Lors de leur retour au travail, les taux d’infection sont restés faibles. Il est encore trop tôt pour déclarer la partie gagnée, mais, jusqu’à présent, tout va bien. Dans ces économies, le choc a été brutal mais apparemment de courte durée.
Une grande partie du monde développé est en retard de quelques semaines sur ces économies asiatiques et les économies sont à l’arrêt avec peu de visibilité sur le moment où cela pourrait prendre fin. Cela peut en fin de compte dépendre des scientifiques, soit lorsqu’un vaccin sera trouvé, soit lorsque assez de tests seront disponibles pour établir si des pans entiers de la population ont déjà été exposés et ont généré un certain degré d’immunité. À ce stade, on ne sait pas encore quand la maladie sera suffisamment contenue pour que la vie normale reprenne son cours.
Faiblesses dans l’économie
L’économie était-elle en bonne santé lorsque le virus a frappé ? Le risque que cette situation se transforme rapidement en une crise de liquidité sur les marchés du crédit comme celle que nous avons connue en 2008 est moins élevé parce que le secteur bancaire est bien mieux capitalisé qu’il y a dix ans. De plus, les ménages, en particulier aux États-Unis, n’ont pas trop dépensé lors de cette phase d’expansion et les bilans sont donc plutôt sains. Les entreprises, en revanche, semblent globalement plus vulnérables en raison de l’augmentation de l’endettement, tant coté que privé, au cours de la dernière décennie. L’augmentation rapide des spreads, en particulier sur le marché du haut rendement, montre que les investisseurs sont très conscients de ces vulnérabilités.
Décisions politiques et économiques
Ceci nous amène à notre dernière considération. Les décideurs politiques, et les gouvernements en particulier apportent-ils le bon type de réponse et dans les bonnes proportions ? L’économie sera-t-elle maintenue en “pause” et pourra-t-elle reprendre rapidement la production une fois la maladie contenue ? Les gouvernements ont réagi rapidement, et pour la plupart, avec le bon type de politiques. Par exemple, dans de nombreux pays européens, des subventions très généreuses ont été mises à la disposition des entreprises pour les empêcher de licencier des employés. Et un certain nombre de subventions sont disponibles pour les petites entreprises. Il est essentiel que les paiements du gouvernement soient des dons, et non des prêts, car la perte de revenus est un problème de solvabilité, et non pas seulement de liquidité.
Les banques centrales ont également réagi avec rapidité et vigueur. Les dépenses budgétaires pour soutenir l’économie seront de grande ampleur, ce qui signifie que les gouvernements devront émettre beaucoup de dettes. Les banques centrales ont relancé leurs programmes d’achat d’actifs pour absorber cette hausse permettant ainsi d’atténuer les tensions sur les principaux marchés des obligations souveraines et de maintenir les rendements à un niveau bas. Bien que certaines politiques spécifiques diffèrent selon les juridictions, les banques centrales soutiennent également des segments du marché des obligations d’entreprises aux États-Unis, en Europe et au Royaume-Uni. Cependant, cela ne concerne, pour l’instant, que les crédits de très grande qualité et une bonne partie de la dette posant problème ne se trouve donc pas sous le contrôle des banques centrales. Une sélection minutieuse est donc essentielle.
Récession ou rebond ?
Quel type de récession est intégré dans les cours du marché ? Ce n’est jamais une question facile. Dans l’ensemble, les prévisions économiques anticipent une très forte contraction au deuxième trimestre. Il est certain que les données que nous suivons habituellement seront dégradées dans les mois à venir. Mais le marché pourrait bien ne pas en tenir compte. Un deuxième trimestre très chahuté est chose acquise. L’important est de savoir si un fort rebond au troisième ou au quatrième trimestre est possible. Si tel est le cas, cela présagera d’une forte reprise des bénéfices en 2021 (Graphique 1).
Graphique 1 : Prévisions du PIB réel et implications pour les bénéfices américains
Prévisions de croissance du PIB réel de la Banque d’investissement de JPM Variation trimestrielle en %, taux annuel ajustée des variations saisonnières
Croissance du PIB nominal américain et croissance des bénéfices aux USA Variation en % (GA)
Source : (En haut) J.P. Morgan Securities Research, J.P. Morgan Asset Management. *Les chiffres de 2020 et 2021 sont les prévisions de croissance annuelle pour l’ensemble de l’année. (En bas) BEA, IBES, Refinitiv Datastream, Standard & Poor’s, J.P. Morgan Asset Management. Les données sur les bénéfices sont une moyenne mobile sur trois mois des BPA des 12 derniers mois. Les prévisions sur le PIB nominal sont celles de J.P. Morgan Global Economic Research. Les performances et les prévisions passées ne sont pas des indicateurs fiables des résultats actuels et futurs. Données au 31 mars 2020.
La perspective d’un rebond dépend en partie de l’évolution de la pandémie et des solutions médicales et scientifiques. Dans l’intervalle, Il faudra surveiller de près les intentions des entreprises en matière d’emploi afin d’évaluer si les décideurs politiques en ont suffisamment fait pour éviter une seconde vague de retombées. A suivre également l’ampleur de la récession à court terme.
Conclusion
Dans l’ensemble, la récession risque d’être un peu plus longue que ce qui est anticipé actuellement. Ce constat est en partie basé sur l’évaluation des perspectives d’évolution de la pandémie. Il convient cependant de faire preuve d’humilité quant à cette conviction sur ce point. Il faut mettre l’accent sur la diversification. Aussi sur une diversification par classe d’actifs et une diversification par régions, car certains pays peuvent s’en sortir mieux que d’autres. En particulier, étant donné que les États-Unis semblent accuser un retard dans leur réponse en matière de santé et de politique, les investisseurs affichant une surpondération pourraient vouloir rééquilibrer leurs portefeuilles.
Garder le cap dans la tempête !
Par Vincent Juvyns, Stratégiste chez JP Morgan AM
Le 16 avril 2020
Le premier trimestre de 2020 restera dans les annales comme l’une des pages les plus difficiles de notre histoire contemporaine. Pour la plupart d’entre nous, qui n’avons pas connu la guerre, la pandémie de Covid-19 est la pire crise humaine, sociale et économique à laquelle nous n’ayons jamais été confrontés.
En effet, le coût humain, économique et financier de cette pandémie sera lourd. On dénombre déjà près de 47 000 morts dans le monde. Par ailleurs, les mesures de distanciation sociales prises pour limiter la propagation du virus devraient faire plonger nombre de pays dans une récession marquée en 2020. Face à ces perspectives peu réjouissantes, la panique s’est en outre emparée des marchés financiers. De ce fait, le S&P 500 n’avait pas baissé, de plus de 30%, aussi vite, depuis 1987.
Confinement et soutien économique
Sur le plan économique, la récession résultant du confinement de plus d’1 milliard d’individus devrait être plus forte que ce que l’on n’a jamais connu en temps de paix. On peut néanmoins espérer que celle-ci ne soit que de courte durée. C’est ce que l’on a pu observer en Chine qui, après moins de 3 mois de confinement strict de sa population, est parvenue à relativement maitriser l’épidémie et à redémarrer son économie. Or, partout dans le monde les gouvernements imposent désormais ces mêmes mesures de confinement à leur population.En outre, ils déploient parallèlement des plans de soutien économique, d’une ampleur jamais observée par le passé, que les banques centrales aident à financer avec des baisses de taux et des rachats massifs d’obligations.
Rebond en vue
Ces différentes mesures devraient permettre d’une part, d’infléchir la progression de la pandémie au second trimestre et d’autre part, de circonscrire son impact économique dans le temps en évitant une explosion du nombre de faillites et une baisse durable du pouvoir d’achat des ménages. Bien que l’impact économique global de la pandémie de Covid-19 est pour l’instant impossible à chiffrer, nous devrions observer un rebond d’activité au niveau mondial au second semestre comme on le voit actuellement en Chine.
Dans ce contexte, il est important de se rappeler qu’en tant qu’investisseurs de long terme, cela n’a pas de sens de sortir des marchés financiers après une correction si brutale. En effet, cette crise pèsera durablement sur les taux d’intérêts. Cela renforce plus que jamais la nécessité d’une exposition structurelle aux actifs risqués. Et si 2020 restera dans les annales comme l’année du virus en bourse, 2021 pourrait bien être l’année du rebond.
Enfin, à l’heure où la population s’interroge quant à la manière de soutenir «l’effort de guerre » face à la pandémie et ses conséquences économiques, il est bon de rappeler que les investisseurs ont également un rôle à jouer en continuant à déployer leur épargne à long terme pour soutenir l’économie. Ce soutien peut se faire par l’intermédiaire d’achat d’obligations souveraines, de crédit aux entreprises ou de participations au capital d’entreprises pharmaceutiques.
Facteurs de bouleversements induits par le COVID-19.
Rédigé le 13 mars 2020 par Iain Stealey, CIO Obligations internationales J.P. Morgan Asset Management.
Le 18 mars 2020
La propagation du virus COVID-19 et ses répercussions sur l’économie continuent de susciter de vives inquiétudes. Évaluons les facteurs de bouleversement de la situation au cours des derniers jours et ce qu’il faudrait pour stabiliser les marchés.
Le taux de croissance au jour le jour des cas confirmés en Chine a sensiblement ralenti, passant d’un pic de 55 % fin janvier à moins de 1 % en mars. L’activité reprend, la période de quarantaine dans la province du Hubei ayant pris fin le 10 mars. Cependant, la propagation du virus s’accélère partout ailleurs dans le monde : le 10 mars, l’Organisation mondiale de la santé a signalé des cas dans 110 nouveaux pays. Du côté des facteurs d’aggravation, l’OPEP+ (Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés) a échoué à parvenir à un accord sur les solutions pour réduire l’offre compte tenu de la baisse de la demande prévue en énergie. La baisse des prix du pétrole qui a suivi (le pétrole brut américain a chuté de 25 % le 9 mars) a exacerbé la volatilité des marchés financiers.
Pendant ce temps, les banques centrales s’efforcent de changer la donne avec des mesures rapides et conséquentes pour amortir le choc des conditions financières : la Banque d’Angleterre et la Banque centrale européenne ont été les dernières à prendre des mesures politiques. La politique budgétaire, qui serait susceptible de changer significativement la donne reste pour l’instant peu mise en avant. Jusqu’à présent, les mesures budgétaires se sont limitées aux pays les plus proches du centre de l’épidémie, sans impliquer de réaction internationale généralisée.
Depuis les évolutions notables du marché de la semaine dernière, la situation des valorisations a changé. Tout d’abord, la résilience des crédits de qualité a été mise à l’épreuve : après un élargissement de seulement 20 points de base (pb) en février, les spreads de crédit investment grade (IG) aux États-Unis ont augmenté de 46 pb au cours de la semaine du 10 mars. Cette évolution a plus que compensé l’effet positif de la duration dans le contexte de la remontée des taux, montrant que l’IG américain commence à se comporter davantage comme un actif à risque.
Deuxièmement, la baisse des prix du pétrole a entraîné une variation brutale des prix sur les segments à spread du haut rendement et de la dette des marchés émergents. Enfin, l’évolution marquée des principaux taux (d’un rendement de 1,15 % sur les bons du Trésor américain à 10 ans fin février à un creux de clôture de 0,55 % le 9 mars) pose la question de savoir si les obligations d’État restent une couverture viable aux niveaux de négoce actuels.
L’avantage de couverture qu’offrent les grands emprunts d’État est désormais remis en question
Source: Bloomberg, J.P. Morgan Asset Management ; données au 10 mars 2020.
Les flux se sont taris, non seulement dans les actions et le crédit à haut rendement, mais aussi dans les fonds de crédit de qualité. Sans surprise, les investisseurs se ruent vers les actifs refuges : les fonds du marché monétaire ont enregistré près de 79 milliards de USD d’entrées au cours de la semaine du 9 mars, reflétant la demande de liquidités en ces temps d’incertitude. La liquidité est également devenue problématique, les marchés primaires étant pour la plupart fermés et les marchés secondaires exigeant un prix plus élevé pour la liquidité.
Quelles implications pour les investisseurs obligataires ?
Il y a eu un certain nombre de facteurs de bouleversement au cours de la semaine dernière, notamment la correction massive des cours du pétrole, l’offensive des banques centrales à travers le monde et le changement du niveau de protection que la duration peut offrir. Cependant, l’élément qui peut changer la donne n’est pas encore connu et il est nécessaire pour aider à stabiliser les marchés (l’intervention budgétaire) en dehors des pays qui sont désormais en situation de crise. Le risque de récession a considérablement augmenté et on ne se demande plus si l’économie mondiale entrera en récession mais combien de temps durera cette récession et quelle en sera l’ampleur.
Perspectives 2020 : Equilibrer les risques, renforcer la résilience
(partie 2)
Par Vincent Juvyns, Global Market Strategist chez JP Morgan AM
Le 2 janvier 2020
En synthèse, les risques géopolitiques continueront vraisemblablement de peser sur les bénéfices des entreprises à l’échelle mondiale, ce qui, d’après ces valorisations, devrait limiter l’ampleur du potentiel haussier des marchés à risque. Dans le même temps, les banques centrales devraient rester actives pour limiter les risques de baisse.
Au vu de ce contexte, les investisseurs voudront sans doute envisager :
- Une allocation neutre aux actions mais orientée vers des valeurs plus défensives.
Un portefeuille actions plus axé sur les grandes capitalisations et les valeurs de qualité devrait se révéler plus résistant si les risques de baisse se matérialisent. Les titres value s’avéreront également plus résilients. Il s’agit moins d’une revalorisation soudaine de ces derniers, qui nécessiterait une réaccélération de la croissance et la perspective d’un relèvement des taux d’intérêt pour tirer les valeurs financières à la hausse. Les valeurs de croissance, très axées sur les technologies, pourraient s’avérer plus cycliques que prévu actuellement et donc plus vulnérables à une révision à la baisse des prévisions de bénéfices. Toutefois, si la croissance économique reste positive mais modérée, son insuffisance pourrait continuer à favoriser les marchés des titres growth où sont fortement représentées les entreprises technologiques. Compte tenu de ce risque à la hausse comme à la baisse et du fait que le marché américain est très axé sur les valeurs technologiques, aucun argument ne parait plaider en faveur d’une exposition régionale spécifique en 2020. Il semble plus probable que les facteurs mondiaux favoriseront une hausse généralisée ou poseront des problèmes identiques.
- Une approche plus large de la diversification
Malgré des rendements historiquement bas, les emprunts d’État continueront de remplir leur fonction au sein des portefeuilles, à savoir une hausse de leurs cours en cas de correction des actions. L’une des principales leçons de 2019 a été que les emprunts d’État peuvent encore offrir des performances robustes même lorsque le rendement initial est faible. En octobre 2018, le rendement de l’indice des emprunts d’État de la zone euro, à 0,9 %, était inférieur de 2 points de pourcentage à celui des États-Unis, mais a généré une performance similaire l’année suivante. Le rendement de 1 % servi par l’emprunt d’État autrichien à 100 ans est la meilleure preuve que les rendements peuvent être très bas contrairement à ce que nous pouvons être amenés à penser.
Les emprunts d’État constituent toujours une assurance, mais ne génèrent plus de revenus réels. En effet, les rendements négatifs servis par la plupart des marchés « core » en Europe signifient que les investisseurs doivent payer pour l’assurance offerte par les obligations de ces pays.
Les investisseurs font face à un dilemme complexe. Il est possible d’obtenir des rendements plus élevés mais seulement en acceptant d’accroître le niveau de risque. Sur cette base, il convient de noter que les revenus offerts par les infrastructures stratégiques à l’échelle mondiale sont restés robustes, tandis que les rendements des obligations Investment grade et à haut rendement se sont contractés. Les revenus issus des investissements en infrastructures ont de meilleures chances de protéger la performance totale en période de ralentissement, même si les investisseurs doivent accepter le risque de liquidité associé aux actifs réels. Les hedge funds macro peuvent également avoir un rôle à jouer dans la diversification des portefeuilles étant donné que leur nature dynamique leur permet de bien s’adapter en cas de regain de volatilité.
- Un oeil sur le potentiel haussier
Bien que notre scénario central soit plus pessimiste, il n’est pas exclu que le contexte géopolitique s’améliore en 2020. Dans ce cas, il est logique de réserver une allocation aux secteurs du marché qui seraient les principaux bénéficiaires. Les pays émergents d’Asie seraient ceux qui progresseraient le plus en cas de résolution du conflit commercial.
Même si cette vision à court terme ne se concrétise pas, les investisseurs devront peut-être envisager les opportunités d’investissement dans certaines parties du monde émergent pour stimuler la performance à long terme. Pour faire simple, très peu de pays développés ont la capacité d’afficher une croissance supérieure à 2 % en raison des obstacles démographiques. Le monde émergent – en particulier la Chine – n’est pas à l’abri des pressions démographiques, mais les revenus augmentent plus rapidement et un nombre croissant de pays accède au statut de pays à revenu intermédiaire. De plus en plus de ménages achètent un bien immobilier, une voiture ou de l’électro-ménager pour la première fois et ont recours aux services financiers. L’investissement dans les économies émergentes exige une sélection rigoureuse, et même dans ce cas, les investisseurs doivent s’attendre à une volatilité supérieure.
- Comment l’inflation pourrait peser sur les performances en 2020
Bon nombre des principaux risques géopolitiques ont été abordés. Mais un scénario qui n’a pas encore été évoqué et qui pourrait vraiment bouleverser les prévisions de 2020 : le retour de l’inflation. Bien qu’il ne s’agisse probablement pas du risque le plus significatif auquel nous serons confrontés en 2020, il vaut la peine d’être considéré car il limiterait la capacité des banques centrales à poursuivre une politique de soutien monétaire préventive et agressive. Si vous pensez que l’activisme des banques centrales a été similaire à une marée monétaire qui a remis tout le monde à flot, alors un retour de l’inflation serait équivalent à une marée descendante. Cela nous plongerait dans la pire des situations : une chute des cours des obligations aussi bien que des actions. C’est pourquoi il faut être particulièrement attentifs à tout signe de retour de l’inflation. Cela pourrait être une raison supplémentaire pour envisager une allocation aux infrastructures mondiales ou à d’autres actifs réels, qui non seulement offrent des caractéristiques de revenu et de diversification intéressantes, mais également une protection contre les risques d’inflation.
5 . Mettre davantage l’accent sur le développement durable
Il est probable qu’en 2020, le secteur financier mettra davantage l’accent sur le développement durable. Les épargnants sont de plus en plus soucieux de la façon dont leur argent est utilisé, tandis que de nombreuses questions liées au développement durable figurent en bonne place à l’ordre du jour des responsables politiques. Les changements de réglementation et de politique qui pourraient s’ensuivre pourraient avoir des répercussions importantes sur la valorisation des actifs.
Les investisseurs qui ne tiennent pas compte de l’évolution du programme politique et réglementaire en matière de développement durable pourraient être pris au dépourvu. Les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) peuvent être intégrés de diverses façons dans les stratégies d’investissement. Ceux qui cherchent à privilégier nettement un thème d’investissement en particulier peuvent, par exemple, se tourner vers des stratégies thématiques. Mais les stratégies intégrant les critères ESG, au sein desquelles l’information est disponible et évaluée en même temps que d’autres paramètres financiers traditionnels, seront un pré-requis.
Perspectives d’investissement 2020 : Équilibrer les risques, renforcer la résilience Partie 1
Par Vincent Juvyns, Global Market Strategist chez JP Morgan AM
Le 19 décembre 2019
A quelle étape du cycle nous trouvons-nous ?
Une opinion en matière d’allocation d’actifs est souvent fondée sur une évaluation de l’étape du cycle. En début de cycle, les valorisations sont bon marché, les politiques sont accommodantes et l’économie dispose d’une ample capacité inutilisée pour lui permettre de croître. Le moment se prête généralement à la prise de risques. À l’inverse, la fin de cycle est généralement un moment opportun pour engranger ses gains. Lorsque l’économie montre des signes d’emballement ou de surchauffe, la hausse des taux d’intérêt y met habituellement un terme.
Il s’avère beaucoup plus difficile de s’adapter aux fluctuations des marchés de nos jours sur la base d’une évaluation du cycle. Le scénario reste très flou. Les taux de chômage sont proches des niveaux les plus bas jamais enregistrés dans la plupart des pays développés, ce qui laisse penser que l’économie est en toute fin de cycle. Pourtant, cette dernière affiche très peu d’autres signes d’exubérance propres à une fin de cycle. Les dépenses ne semblent pas au plus haut, ni du côté des entreprises ni du côté des consommateurs. En effet, les consommateurs américains semblent remarquablement prudents : le taux d’épargne, qui chute souvent fortement en fin de cycle, est assez élevé.
Et l’inflation ne signifie certainement pas que l’expansion de l’économie mondiale a atteint ses limites. À vrai dire, les banques centrales craignent que l’inflation demeure très faible voire plafonnée. Plutôt que d’essayer de contenir la croissance, les banques centrales se concentrent avant tout sur la façon de la stimuler. Il est donc très difficile de dire avec certitude combien de temps il reste avant d’arriver au terme de ce cycle économique.
Une résolution du conflit commercial entre les États-Unis et la Chine, une solution au problème du Brexit et un apaisement des tensions à Hong Kong, au Chili et en Turquie pourraient alimenter un retournement du climat des affaires et une reprise de l’activité en 2020. Dans un contexte d’inflation modérée, les taux d’intérêt pourraient rester bas, ce qui constitue un environnement favorable aux actifs risqués.
Mais il est plus probable, que le risque géopolitique persiste. Le conflit commercial a peu de chances d’être entièrement résolu. Les sondages suggèrent qu’aux yeux de l’électorat américain, le Président a raison de s’attaquer aux pratiques commerciales déloyales, tandis que certains aspects du conflit – comme les subventions de l’État chinois au bénéfice de son secteur technologique – ne semblent pas en mesure de trouver un terrain d’entente. La Chine croit en la politique industrielle, ce qui n’est pas le cas des États-Unis.
Le gouvernement américain semble comprendre qu’il doit trouver le juste équilibre entre le maintien de ses positions et la nécessité de ne pas nuire à la croissance américaine, ce qui explique le ton plus conciliant employé récemment. Les prochains mois nous diront si cette approche plus mesurée contribuera un tant soit peu à renforcer la confiance des entreprises. Les entreprises ont été échaudées et vont sans doute encore hésiter à investir, ce qui devrait limiter le rebond du secteur manufacturier au cours de l’année 2020. Cette réticence semble se répercuter sur les intentions d’embauche.
Si les tensions géopolitiques persistent sans toutefois s’aggraver, nous devrions faire face à un ralentissement plutôt qu’à une stagnation de l’économie. Mais c’est un grand « si ». Notre nouvel indicateur de santé économique met en évidence les indicateurs clés de l’activité économique américaine afin de nous aider à surveiller les risques dans les mois à venir.
Freins aux valorisations et aux marges
Les investisseurs en actifs risqués semblent porter un regard plus optimiste sur le monde. La plupart des marchés ont rebondi par rapport aux replis enregistrés fin 2018 tandis que, dans le même temps, les bénéfices ont stagné dans la plupart des régions. Par conséquent, les valorisations, sur une base cours/bénéfice prévisionnel, sont beaucoup moins favorables qu’elles ne l’étaient début 2019, et les spreads de crédit se sont considérablement resserrés.
La croissance des bénéfices a-t-elle des chances d’accélérer à nouveau en 2020 ? Probablement pas. Les bénéfices des entreprises devraient se maintenir en 2020 dans la plupart des grandes régions, sans pour autant croître de manière significative. L’un des problèmes majeurs à l’échelle mondiale concerne les tensions sur le marché du travail qui font grimper les coûts salariaux, mais les entreprises n’enregistrent encore qu’une faible croissance de leur chiffre d’affaires puisque le pouvoir de fixation des prix reste incertain dans la plupart des secteurs. En conséquence, les marges sont sous pression.
Les risques qui pèsent sur ces perspectives de bénéfices semblent globalement équilibrés. Une recrudescence des tensions commerciales ou des pressions sur les marges pourrait conduire les entreprises à supprimer des emplois, et l’économie mondiale pourrait se dégrader de façon significative. Mais les salaires plus élevés qui ont comprimé les bénéfices en 2019 pourraient à leur tour entraîner une hausse des ventes. La baisse des taux d’intérêt pourrait également contribuer à atténuer les pressions sur les marges et à stimuler les ventes. Ces éléments dissuadent de se montrer trop pessimistes.
Le secteur technologique : une belle opportunité à long terme !
Par Vincent Juvyns, Stratégiste chez J.P. Morgan AM
Le 16 septembre 2019
L’année 2019 s’est jusqu’ici révélée être un excellent cru pour les marchés financiers puisque malgré le retour de la volatilité cet été, la plupart des bourses affichent de solides performances.
Cependant, malgré ces bonnes performances, l’heure n’est pas à la fête chez les investisseurs qui sont restés, pour la plupart, à l’écart des marchés d’actions cette année en raison de l’instabilité de l’environnement géopolitique, économique et financier et du fait de valorisations pas assez attractives pour compenser ces risques.
Opportunités structurelles
Bien qu’il faille reconnaitre que l’environnement actuel n’est en effet pas très favorable à l’investissement en actions, ces difficultés cycliques ne doivent toutefois pas faire perdre de vue les opportunités structurelles qu’offrent les marchés d’actions.
Parmi celles-ci, il y a notamment le secteur technologique. Ce secteur a en effet connu de nombreuses mutations ces dernières années, qui l’ont conduit à transcender les clivages sectoriels traditionnels pour devenir une thématique d’investissement à part entière. Cette thématique touche des secteurs aussi divers que les médias, le transport, les services financiers ou les soins de santé.
Ces développements ont d’ailleurs amené le fournisseur d’indices MSCI, à revoir sa segmentation sectorielle en 2018 et à créer un nouveau secteur de référence, le secteur des « Services de communication », qui intègre des entreprises actives dans l’IT mais également dans les télécom et les média. Parmi les transfuges qui ont rejoint ce nouveau secteur, on compte notamment de grands noms comme Facebook ou Alphabet.
Quatre secteurs
Par conséquent, il y a aujourd’hui quatre secteurs ou sous-secteurs qui permettent aux investisseurs de s’exposer au secteur technologique : le hardware, les services de communication, les software/services et les semi-conducteurs. En revanche, d’un point de vue régional, c’est aux États-Unis que le secteur technologique demeure le plus développé puisque malgré la reclassification de certaines valeurs, il reste le poids lourd du S&P 500, avec une pondération de 21,87 %. Cela fait du S&P 500, l’un des indices les plus exposé aux valeurs technologiques, loin devant l‘Europe ou le secteur ne pèse que 5,9 % au sein du MSCI Europe.
Surtout américains
Augmenter son exposition au secteur technologique suppose donc encore toujours de renforcer son exposition au marché américain, ce qui dans le contexte actuel semble pertinent.
En effet, bien que la valorisation du S&P 500 soit légèrement supérieure à celle du MSCI Europe, puisque son ratio cours/bénéfices est de 16,8 contre 13,6 pour l’Europe, sa rentabilité sur fonds propres est en revanche largement supérieure. Elle oscille en effet autour de 18 % contre 12 % pour l’Europe.
Maintien de la croissance bénéficiaire
En outre, si l’on se concentre strictement sur le secteur technologique, on observe que les valeurs technologiques américaines se négocient à 19,5x les bénéfices attendus contre 21x en Europe. En plus d’être meilleur marché, elles affichent aussi une rentabilité supérieure.
Enfin, signalons que, malgré la guerre commerciale sino-américaine et le ralentissement de la croissance mondiale, les valeurs technologiques américaines sont parvenues à maintenir une croissance bénéficiaire en ligne avec celle de l’indice S&P 500 au deuxième trimestre 2019 (+4,6 %[1]). Cette croissance est due aux bonnes performances des services de communication et des éditeurs de logiciels. Cette résilience a été saluée par les investisseurs. Le secteur surperforme à nouveau largement le S&P 500 depuis le début de l’année. Une réalité qui devient de plus en plus fréquente.
En conclusion, à l’heure où les incertitudes politiques, économiques et financières augmentent, il est impératif de ne pas se laisser aveugler par celles-ci et de maintenir une stratégie d’investissement sur le long terme. Cela peut se faire en privilégiant des thématiques, comme le secteur technologique, qui ont démontré ces dernières années qu’elles étaient des vecteurs de changements structurels de nos économies.
[1]Source: Bloomberg, J.P.Morgan Asset Management, Data as of 22/08/2019
Quelles alternatives face aux taux négatifs ?
Par Vincent Juvyns, Stratégiste J.P. Morgan Asset Management
Le 20 août 2019
Les taux d’intérêt négatifs ne sont pas un phénomène nouveau en Europe. En effet, les taux de référence de la Banque Centrale Européenne (BCE) et de la Banque Nationale Suisse (BNS) sont négatifs depuis 2014. Cependant, ceux-ci revêtent désormais un caractère de plus en plus structurel. Cela oblige dès lors les épargnants à rechercher des alternatives pour maintenir un rendement positif sur leurs liquidités.
Dans la durée ?
Initialement, les taux d’intérêt négatifs ne devaient être qu’un « électrochoc » monétaire temporaire pour relancer l’inflation et la croissance. En fait, ils pourraient encore être abaissés prochainement. C’est ce qu’a laissé entendre la BCE lors de sa conférence de presse du mois de juillet, dans la mesure où la croissance et l’inflation demeurent anémiques. Dans le même temps, le renforcement récent du Franc Suisse par rapport à l’Euro laisse supposer que la BNS, restée silencieuse pour l’instant, sera contrainte de suivre le mouvement.
Pour le grand public, ces taux négatifs ne constituent cependant pas (encore) un sujet d’inquiétude. En effet, jusqu’ici, seuls les banques et les investisseurs institutionnels y ont été véritablement confrontés. Cependant à mesure que cette situation perdure, il devient de plus en plus difficile pour les banques de continuer à « subventionner » l’épargne. Le risque de voir celle-ci frappée à terme par des taux à zéro ou négatifs augmente donc. C’est, en tous cas, l’avertissement lancé par plusieurs dirigeants de banques ces dernières semaines, à l’occasion de la publication de leurs résultats trimestriels.
Ainsi malgré l’absence d’inflation, le pouvoir d’achat du cash pourrait prochainement se voir éroder dans le temps par les taux d’intérêt négatifs.
Dans cette perspective, quelles options s’offrent aux épargnants ?
La première option consiste à dépenser leur épargne immédiatement pour conserver leur pouvoir d’achat (spend it or lose it). Ainsi, ils servent l’objectif de la banque centrale de relance de l’économie par la consommation. Cependant, bien que cette option soit séduisante d’un point de vue économique, elle l’est en revanche moins d’un point de vue patrimonial.
La seconde option consiste à investir cette épargne dans une solution d’investissement (invest it or lose it). Cette option présente certes un potentiel de risques plus important. Cependant, elle sert l’objectif de la banque centrale de relance de l’économie par l’investissement. Elle offre aussi une espérance de rendement plus importante aux épargnants.
En bref
En conclusion, il semble désormais inéluctable que tôt ou tard les épargnants seront confrontés à des taux zéro ou négatifs sur leurs liquidité. Il est dès lors donc grand temps de rechercher des alternatives. Les marchés financiers offrent à cet égard nombre d’options car si les taux négatifs pénalisent le rendement des liquidités, ils soutiennent en revanche les prix de nombre d’actifs financiers.
Ouverture du marché obligataire chinois: risque ou opportunité?
Par Vincent Juvyns, stratégiste chez JP Morgan AM
Le 9 juilllet 2019
Depuis plusieurs années, la dette chinoise fait les gros titres de la presse financière. En effet, sa forte croissance depuis 2009 inquiète nombre d’observateurs. Dans le sillage de la crise financière de 2008, la Chine a pris différentes mesures pour soutenir son économie. Ces mesures ont fait passer l’endettement total du pays de 140 % du PIB en 2007 à 250 % aujourd’hui.
Dette soutenable
Si un tel niveau d’endettement présente évidemment des risques, rien n’indique en revanche que la soutenabilité de la dette chinoise soit inférieure à celle des pays développés, qui affichent pour la plupart des niveaux d’endettement similaires. Au contraire même. En effet, la soutenabilité de la dette est fonction de différents facteurs comme le taux de croissance, le taux d’inflation, la démographie, l’épargne des ménages et la détention étrangère de la dette. Or, pour tous ces paramètres, la Chine est généralement dans une situation plus favorable que la plupart des pays développés. La Chine demeure d’ailleurs bien notée par les agences de notation, à l’instar de S&P qui fait passer la notation crédit de la Chine de BBB en 2000 a A+ aujourd’hui.
Dette et marché
Par ailleurs, il est important de ne pas confondre l’endettement de la Chine avec son marché obligataire. En effet, la Chine est un pays où les agents économiques privilégient encore largement les prêts bancaires pour leurs besoins de financement et par conséquent le marché obligataire chinois est encore relativement peu développé. Si l’endettement du pays fluctue autour de 250 % du PIB, la capitalisation du marché obligataire est actuellement légèrement inférieure à 100 % du PIB (contre 130 % du PIB aux Etats-Unis). En outre, la structure du marché de dette et du marché obligataire est différente. Les entreprises non financières sont ainsi les plus représentées sur le marché de dette (156 % du PIB) tandis que sur le marché obligataire, c’est l’état chinois qui est le plus important, avec un poids de 56 % du PIB. Bien qu’encore relativement peu développé, le marché obligataire est déjà le 2èmeplus grand au monde, juste derrière les États-Unis.
Plus accessible
Enfin, alors que ce marché était, jusqu’à présent, encore relativement peu accessible pour les investisseurs étrangers, les autorités chinoises ont pris nombre de mesures pour en faciliter l’accès. L’internationalisation du Renminbi en 2015, grâce à son inclusion dans le panier de devises servant de base aux droits de tirages spéciaux du FMI, fut, à cet égard, une étape importante. C’est cependant le volet opérationnel qui a été le plus déterminant. Avec le lancement de Bond Connect en juin 2017, la Chine a fait tomber nombre de barrières qui empêchaient les investisseurs étrangers d’accéder au marché chinois. Il n’est ainsi plus nécessaire d’ouvrir un compte en Chine pour investir. Les quotas et les limites en termes de rapatriements des actifs ont été supprimés. Le programme Bond Connect change ainsi diamétralement la donne. Aujourd’hui, il y a déjà plus d‘investisseurs qui l’utilisent que tous les programmes précédents réunis, à l’instar des QFII/RQFII.
Dans les indices
Le plus grand succès des autorités chinoises est cependant d’avoir convaincu, grâce à ces mesures, les fournisseurs d’indices obligataires d’ouvrir leurs indices aux obligations chinoises. Bloomberg a ainsi annoncé l’inclusion graduelle des obligations chinoises à partir du mois d’avril 2019 à son indice phare le Bloomberg/Barclays Global Aggregate. D’autres indices devraient suivre le mouvement. C’est le cas du JPMorgan Emerging Market Bond Index Global Diversified et du Financial Times Stock Exchange World Government Bond Index. L’inclusion des obligations chinoises à ces indices devrait largement soutenir le marché obligataire chinois puisqu’elle pourrait attirer entre 250 et 300 milliards de flux d’investissement.
Conclusion
En conclusion, le marché chinois est trop important que pour être ignoré, il présente des fondamentaux relativement robustes et même si le rendement actuel des obligations souveraines chinoises à 10 ans n’est « que » très légèrement supérieur à 3 %, la performance de ces obligations devrait être soutenue par les flux d’investissements en provenance de l’étranger dans un contexte de recherche de rendement.
Réaction de la FED : une vérité non conventionnelle !
Par Vincent Juvyns, Stratégiste J.P. Morgan Asset Management
Le 26 juin 2019
Malgré une actualité économique et financière dominée par les tensions commerciales et le ralentissement conjoncturel que celles-ci induisent, l’économie américaine s’apprête à enregistrer au mois de juillet, son 121èmemois d’expansion ininterrompue. Cette situation devrait faire de ce cycle économique, le plus long de l’histoire des États-Unis.
L’heure n’est cependant pas à la fête sur les marchés financiers. Ceux-ci semblent s’inquiéter d’un retournement de cycle imminent, si l’on en juge par la forte baisse du rendement des bons du trésor US à 10 ans. Ils sont ainsi retombés à près de 2%, soit sous le niveau du taux directeur de la Fed.
Il n’est pas rare d’observer une inversion de la courbe des taux en fin de cycle économique. Cependant, le phénomène observé actuellement semble pour le moins prématuré. En effet, l’économie américaine n’affiche pas encore les traditionnels déséquilibres de fin de cycle. Ces déséquilibres sont une remontée du taux de chômage ou une baisse significative de la confiance des ménages et des entreprises. Dans ce contexte, hors scénario de guerre commerciale majeure, il est peu probable que celle-ci entre en récession prochainement.
Par ailleurs, il faut rappeler que les récessions ont souvent été précipitées par une politique monétaire plus restrictive. Or, aujourd’hui, la Fed vient d’arrêter son cycle de resserrement monétaire à un niveau de taux historiquement bas. En effet, son taux directeur, corrigé de l’inflation, est actuellement de 0,31% alors qu’il était en moyenne de 4% au cours des 5 derniers cycles économiques.
Ces éléments plaident donc, en théorie, en faveur d’une poursuite de l’expansion économique aux Etats-Unis. La question est alors de savoir ce qu’anticipent les marchés obligataires, compte tenu de l’inversion de la courbe des taux et du fait qu’ils estiment à 75% la probabilité d’une baisse de taux directeur de la Fed en septembre 2019.
Certes, une escalade des tensions commerciales, pourrait donner raison à ceux qui anticipent une récession. Cependant, abstraction faite de ce scenario, le positionnement actuel des marchés obligataires reflète davantage une réévaluation des perspectives monétaires que conjoncturelles. En effet, malgré une croissance de 3%, une situation de plein emploi, des taux proches de zéro de 2009 à 2015 et un bilan de la Fed qui a gonflé de 3500 milliards de dollars, l’inflation demeure inférieure à l’objectif de la Fed.
Le problème n’est donc pas conjoncturel mais bien structurel. Face à une croissance démographique en berne et à un fort taux d’endettement public et privé, les outils monétaires classiques ont moins d’effet. La Fed n’a dès lors d’autre choix que d’étoffer son arsenal d’outils non conventionnels. Après le « QE » et la « forward » guidance, des concepts comme « l’objectif d’inflation moyenne » ou « la théorie monétaire moderne » sont ainsi de plus en plus débattus.
Dans ce contexte, une chose est certaine : les taux devraient rester durablement bas. Les investisseurs devraient donc continuer à plébisciter les actifs de rendement sur les marchés financiers.
Le 21èmesiècle, siècle de la Chine ?
Par Vincent Juvyns, Stratégiste chez JP Morgan AM
Le 11 février 2019
L’économie chinoise fait depuis plusieurs années l’objet de nombreux débats dans les cercles économiques qui la voient tantôt comme le successeur des États-Unis tantôt comme un colosse aux pieds d’argile.
L’année 2018 semble plutôt avoir donné raison à ces derniers. En effet, suite à la politique monétaire plus restrictive menée par la People Bank of China ces dernières années, à la réduction des capacités excédentaires de production dans l’industrie et à la guerre commerciale sino-américaine, l’économie chinoise a enregistré, au quatrième trimestre de 2018, son plus faible rythme de croissance depuis 28 ans !
Pour autant, ces défis cycliques et géopolitiques ne remettent pas en cause la dynamique structurelle de l’économie chinoise. Depuis le lancement, il y a 40 ans, du processus de réformes de Deng Xiaoping, le PIB chinois a été multiplié par 40 et la Chine est devenue la deuxième économie mondiale, derrière les États-Unis, et la première contributrice à la croissance mondiale. Plus récemment, malgré un environnement économique global difficile, la Chine a encore accéléré les réformes et la tertiarisation de son économie puisque les industries obsolètes et polluantes sont, petit à petit, fermées, tandis que l’urbanisation et le développement de la classe moyenne s’accélèrent.
Sur le plan international, la Chine est parvenue en 2015 à faire du Renminbi une monnaie de réserve, tandis qu’elle a multiplié les investissements dans le monde, notamment dans le cadre de ses deux plans stratégiques : « New Silk Road » et « One Belt One Road ».
En 2018, la Chine a cependant appris, à ses dépens, que la globalisation impliquait une certaine réciprocité et qu’il lui faudrait ouvrir son économie plus vite pour pouvoir poursuivre son expansion internationale. La nécessité de réciprocité commerciale actuellement sous les feux des projecteurs n’est qu’un des chantiers auxquels la Chine doit s’atteler. Certains ont déjà commencé il y a quelques années, à l’instar de l’ouverture de l’accès aux marchés d’actions domestiques pour les investisseurs étrangers grâce notamment au Stock-Connect entre Hong-Kong et Shanghai/Shenzen et plus récemment à l’inclusion de nombre d’actions domestiques aux indices MSCI. D’autres sont en cours d’implémentation, comme celui de permettre aux entreprises internationales d’être détentrices à 100% de leurs entités juridiques locales au lieu de devoir se contenter d’une part minoritaire dans une joint-venture avec des acteurs locaux. Enfin, d’autres doivent encore être lancés, à l’instar de l’ouverture des marchés de dette domestique, publique et privée, aux investisseurs étrangers.
Pour triompher à long terme, la Chine doit cependant d’abord relever les défis qui se posent à elle à court terme, comme le ralentissement conjoncturel actuel. Les dirigeants chinois en sont conscients. La PBoC a déjà consenti depuis la fin de l’année 2018 à un assouplissement monétaire conséquent qui devrait relancer les dépenses d’infrastructure. Cependant, dans un pays déjà lourdement endetté, ces mesures monétaires devraient être moins efficaces que par le passé et il est dès lors indispensable de leur adjoindre un volet budgétaire afin de soutenir la consommation et la rentabilité des entreprises. C’est ce à quoi semblent se résoudre les autorités chinoises puisqu’une baisse de la TVA, de l’impôt sur les personnes physiques et de l’impôt des sociétés est attendue en 2019. Ceci est de bon augure pour l’économie chinoise et, par extension, pour l’économie mondiale et les prix des matières premières.
Malgré les incertitudes actuelles, la Chine garde donc le cap et, même si le rythme de croissance devrait inéluctablement être freiné par son endettement élevé et sa démographie, elle semble bien partie pour dominer économiquement le 21èmesiècle. Dans ce contexte, les marchés financiers chinois, tant d’actions que de dette, représentent une opportunité que les investisseurs à long terme ne peuvent négliger.
Bonne année du cochon !
Par Vincent Juvyns Stratégiste chez J.P. Morgan AM
Le 22 janvier 2019
Bien que l’année chinoise du cochon ne commence que début février, la Chine a déjà marqué de son sceau, les premiers échanges de l’année 2019 sur les principales places financières mondiales. En effet, si le rouge y était de rigueur, c’est suite à la publication d’une salve d’indicateurs conjoncturels chinois moins bons qu’attendu, à l’instar du PMI[1]qui est repassé sous la barre des 50, pour la première fois depuis 19 mois.
Faut-il dès lors s’attendre à un « temps de cochon » pour l’économie chinoise et les marchés financiers en 2019 ?
Si l’on en croit l’astrologie chinoise, le cochon – 12èmeet dernier signe du zodiaque – a une connotation plutôt positive puisqu’il est associé à la « fortune » et à la « joie de vivre ».
En ce qui concerne la « fortune », ceci peut être validé historiquement, puisque la performance du S&P 500[2]au cours des 7 dernières années du cochon[3]a été en moyenne de 17 %. Cependant, les performances passées ne présument en rien des performances à venir, et ces dernières dépendront davantage d’un apaisement des tensions commerciales sino-américaines.
Pour ce qui est de la « joie de vivre » ou plus généralement du « sentiment » des Chinois, c’est un indicateur plus difficile à mesurer mais néanmoins très important, tant pour les autorités chinoises, soucieuses de maintenir la paix sociale, que pour l’économie mondiale qui dépend de plus en plus de la consommation chinoise.
À cet égard, il est intéressant d’analyser les résultats d’un sondage qui passionne des millions de Chinois à chaque mois de décembre et qui a pour but d’identifier le mot ou la phrase résumant le mieux l’année écoulée. Si les résultats officiels célèbrent généralement les idéaux communistes – à l’instar du mot « travail » qui a été retenu pour 2018 – les résultats officieux publiés sur le réseau social Weibo sont en revanche un meilleur baromètre de l’opinion publique chinoise. Ainsi, cette année c’est le hashtag « qiou », acronyme signifiant sale, pauvre et vilain, qui a été l’un des plus populaires, ce qui révèle le malaise d’une partie de la population chinoise qui voit la « fortune » sourire surtout à une certaine élite.
Les autorités chinoises sont néanmoins conscientes de ce malaise puisque, ces dernières années, elles ont multiplié les campagnes de lutte contre la corruption et la fraude fiscale et elles ont récemment annoncé des mesures fiscales plus larges pour 2019, incluant notamment une baisse de la TVA et de l’impôt sur le revenu.
Ces mesures fiscales seront l’un des thèmes clés de 2019 et, conjuguées à l’apaisement récent des tensions commerciales, elles pourraient bien donner raison aux astrologues chinois en apportant « fortune » et « joie de vivre » en 2019, c’est en tous cas ce que l’on peut vous souhaiter à tous !
[1][1]Indicateur de la confiance des directeurs d’achats
[2]Indice choisi pour la disponibilité de données historiques à long terme: http://www.econ.yale.edu/~shiller/data/ie_data.xls
[3]1935, 1947, 1959, 1971, 1983, 1995, 2007
Prévisions 2019 : Garder le cap mais réduire la voilure !
Par Vincent Juvyns, Stratégiste chez J.P. Morgan AM
Le 26 novembre 2018
Après une année 2018 pour le moins compliquée, il faut se préparer à ce que 2019 le soit encore davantage. En effet, la guerre commerciale devrait continuer à jouer les trouble-fêtes en 2019 puisque les négociations commerciales sino-américaines sont dans l’impasse et qu’un nouveau front pourrait s’ouvrir avec l’Europe qui devra, elle aussi, soumettre ses propositions au début 2019 pour régler son différend commercial avec les États-Unis. Au niveau local, les incertitudes politiques devraient rester importantes en Europe en raison de la défiance des autorités italiennes, des élections parlementaires européennes du mois de mai et du Brexit, qui restera un sujet de préoccupation bien au-delà de 2019.
L’environnement (géo-) politique devra garder toute notre attention en 2019car il a déjà eu un impact négatif significatif en 2018, à la fois sur les volumes des exportations mondiaux et sur la confiance des entreprises, ce qui a entrainé un ralentissement de la croissance dans les économies exportatrices comme la Chine et l’Europe. Bien que les États-Unis aient été épargnés par ce ralentissement conjoncturel, l’économie américaine s’apprête à fêter sa 10èmeannée de croissance ininterrompue, soit la plus longue phase d’expansion de son histoire, et les signes d’une fin de cycle se multiplient.
Si une récession ne semble pas encore se profiler à l’horizon, il est probable que le rythme de croissance de l’économie américaine ralentira en 2019, à mesure que s’estompent les effets de la réforme fiscale implémentée en 2018 et que les taux de la Fed remontent. Le problème est que les relais de croissance hors États-Unis seront rares puisque l’Europe, les marchés émergents et le Japon sont affectés par une baisse des volumes d’exportations mondiaux en raison de la politique commerciale américaine. On peut donc estimer que le pic de croissance de l’économie mondiale pour ce cycle est probablement déjà derrière nous.
Si l’année 2019 s’annonce difficile, il n’est pas certain, en revanche, que nous traversions un « bear market ». Les marchés actions et obligataires ont en effet déjà bien intégré dans leurs cours cet environnement politique et économique qui se dégrade puisque la plupart d’entre eux devraient clôturer 2018 dans le rouge. Les marchés d’actions conservent un potentiel de rendement plus élevé que les obligations pour 2019 grâce, notamment, à des valorisations sous les moyennes historiques et des perspectives de croissance bénéficiaire toujours positives.
Dans ce contexte, il faut maintenir une légère surpondération des actions par rapport aux obligations avec une préférence pour le marché américain au détriment du marché européen car celui-ci est moins tributaire du commerce international, il est traditionnellement moins volatil et donne une plus grande exposition au secteur technologique. Bien que la prudence soit de mise sur les émergents, en raison de la vigueur du dollar et des tensions commerciales, le marché chinois présente de belles opportunités compte tenu de sa valorisation attractive, après sa chute de plus de 20% en 2018, de son poids de plus en plus important dans les indices globaux et de la politique pro-cyclique menée par le gouvernement.
La remontée des taux amorcée en 2018 devrait se poursuivre en 2019, dans le sillage de normalisation synchronisée des politiques monétaires mondiales, ce qui pèsera sur les performances des marchés obligataires. Néanmoins, à ce stade du cycle il semble indispensable de renforcer la résilience de son portefeuille en augmentant le poids des obligations et des investissements alternatifs. Au niveau obligataire, les US Treasuries sont les seules à afficher, aujourd’hui, un rendement ajusté du risque (ratio de sharpe) supérieur aux actions. En matière d’investissements alternatifs, les hedges funds et les fonds Long/Short sont à privilégier.
Le pire n’est jamais certain…
Par Vincent Juvyns, Stratégiste chez J.P. Morgan AM
Le 12 octobre 2018
Il y a 10 ans, la faillite de Lehmann Brother plongeait l’économie mondiale et les marchés financiers dans l’une des pires crises de leur histoire. Au-delà de la faillite d’une banque « systémique » et des pertes financières qu’elle a engendrées, c’est la faillite de tout un système, incapable d’anticiper et de gérer de tels risques, qui a suscité la défiance des investisseurs.
Aujourd’hui, le traumatisme demeure encore important dans leur esprit en raison, d’une part, des nombreuses « répliques » de la crise, à l’instar de la crise européenne en 2011, et, d’autre part, du fait qu’ils sont conscients que les politiques monétaires menées pour en venir à bout ont peut-être involontairement semé les germes de la prochaine crise.
Ainsi, malgré les records enregistrés par Wall Street, les investisseurs n’ont cessé réduire le risque au sein de leur portefeuille. C’est ce que révèlent les données de l’OCDE sur l’allocation du patrimoine financier des ménages[1]puisque ces 10 dernières années, les dépôts et les fonds de pension sont les seules catégories à avoir progressé dans le portefeuille des ménages et ce, au détriment des actions et des obligations.
Les investisseurs demeurent donc à l’évidence toujours positionnés pour le « pire ». Pourtant, s’il est certain que nous traverserons, tôt ou tard, une nouvelle récession, il est moins sûr en revanche qu’elle sera aussi intense et pénalisante pour les marchés financiers que celle de 2008.
En effet, la régulation du système financier mondial a été sensiblement renforcée, la majorité des économies mondiales ont retrouvé le chemin de la croissance et l’on n’observe pas encore de signes d’«exubérance irrationnelle » sur les marchés financiers.
Si le pire n’est donc pas certain, il n’en reste pas moins nécessaire de renforcer la résilience de son portefeuille, à mesure que nous approchons de la fin du cycle. À cet égard, les chiffres de l’OCDE sur l’évolution du patrimoine financier des ménages depuis 1995 viennent confirmer un postulat largement partagé dans le monde de la gestion d’actifs : avoir un portefeuille équilibré et bien diversifié est le meilleur moyen de renforcer la résilience de son portefeuille tout en s’assurant une croissance de son patrimoine. En effet, l’étude comparée de l’évolution du patrimoine financier des ménages américains (profil risqué), européens (profil équilibré) et japonais (profil défensif) depuis 1995 montre que c’est le patrimoine financier des ménages européens qui a cru le plus vite et ce, malgré le fait que l’Europe ait connu davantage de récessions que les États-Unis sur cette période. Dans le contexte incertain que nous connaissons actuellement, il convient donc plus que jamais de garder ce fait à l’esprit.
[1]OECD (2018), Household financial assets (indicator). doi: 10.1787/7519b9dc-en, J.P. Morgan Asset Management. Data as of September 2018.
Et à la fin, ce sont les États-Unis qui gagnent…
Par Vincent Juvyns, Stratégiste chez J.P. Morgan AM
Le 16 juillet 2018
Si à l’heure d’écrire ces lignes, le vainqueur de la coupe du monde de football n’était pas encore connu, sur le terrain économique et financier il y avait en revanche moins de suspense quant au gagnant du premier semestre de 2018. En effet, malgré une politique budgétaire, monétaire, diplomatique et commerciale qui a déstabilisé les marchés financiers mondiaux, les États-Unis ont une nouvelle fois « dribblé » tous leurs adversaires.
Ils ne faisaient pourtant pas office de favoris à l’entame de 2018, en raison des craintes suscitées par une fin de cycle prochaine et par le niveau des valorisations des entreprises US, et par conséquent, rares étaient les investisseurs qui privilégiaient les États-Unis au sein de leur portefeuille en début d’année.
Aujourd’hui, en revanche, alors que les indices S&P 500 et Russell 2000 semblent afficher les meilleures performances boursières de l’année, nombreux s’interrogent quant à l’opportunité de revenir sur ces marchés mais craignent d’arriver à la fin de la « fête ».
Il est vrai que la phase d’expansion de l’économie américaine vient d’entrer dans sa 10eme année et qu’à ce rythme, d’ici 12 mois, elle pourrait devenir la plus longue période de croissance économique ininterrompue dans l’histoire des États-Unis.
Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel, c’est bien connu, et plus cette phase d’expansion s’allonge plus la probabilité d’une récession augmente. Cependant, les périodes d’expansion ne meurent pas non plus de leurs vieux jours et même les pessimistes reconnaitront qu’il y a peu des signes avant-coureurs d’une récession. La croissance du PIB au deuxième trimestre 2018 devrait dépasser les 3% en rythme annualisé1, les indicateurs conjoncturels avancés restent bien orientés, le taux de chômage est à son plus bas niveau depuis 1969 et la confiance des consommateurs reste élevée.
La récession n’est donc pas une fatalité et bien que 10 années d’expansion puissent sembler longues, ce n’est rien comparé aux 27 années de croissance ininterrompue affichées par l’Australie depuis 1991…
Même s’il semble peu probable que les États-Unis égalent le record de l’Australie, on peut estimer que le risque de récession demeure faible et que l’on peut continuer dès lors à privilégier les marchés d’actions américains. Leur valorisation est retombée à 16,3x les bénéfices attendus, après avoir atteint 18,5x fin janvier, la croissance bénéficiaire devrait s’élever à plus de 20% cette année et les indices américains nous exposent davantage à des thématiques porteuses, comme le secteur technologique ou la consommation domestique. Dans un contexte de politique monétaire plus restrictive et d’incertitudes sur le commerce mondial, il semble néanmoins, aujourd’hui, plus pertinent de privilégier une approche LONG/SHORTplutôt que LONG ONLYafin de tirer le meilleur parti de ces marchés.
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Sources: 1J.P. Morgan Asset Management; 2Office of Labour US, 3Standaard & Poor’s. Juin 2018.
To be or not to be…au dessus de 3%?
Par Vincent Juvyns, Stratégiste
Le 17 mai 2018
Telle est la question existentielle qui agite actuellement les marchés au sujet de l’évolution du taux des bons du trésor américain à 10 ans.
Alors qu’en décembre 2017 la plupart des économistes tablaient sur un taux inférieur ou égal à 3 % en 2018, nombre d’entre eux estiment aujourd’hui que celui-ci pourrait dépasser la barre des 3 % et s’établir entre 3,25 % et 3,5 % d’ici la fin de l’année. Ce revirement s’explique par une croissance des salaires américains meilleure qu’attendue au mois de février ainsi que par l’évolution de l’inflation qui devraient conforter la Fed quant à la nécessité de poursuivre son rythme actuel de normalisation de sa politique monétaire.
En plus de ce retour à la normale sur le front de l’inflation, d’autres éléments fondamentaux et techniques pourraient également pousser les taux à la hausse.
D’un point de vue fondamental, l’implémentation de la réforme fiscale aux États-Unis devrait faire plonger le déficit budgétaire américain à 5% du PIB en moyenne au cours des 10 prochaines années et engendrer plusieurs trilliards de dollars d’émissions de bons du trésor.
D’un point de vue technique, ces émissions pourraient être plus difficilement absorbées par les marchés obligataires car les investisseurs européens et japonais sont aujourd’hui moins friands de bons du trésor américain, en raison du renchérissement des coûts de couverture de change, tandis que la Fed devrait réduire la taille de son bilan de près de 400 milliards de dollars en 2018.
Dans ce contexte, bien que la politique monétaire globale demeure accommodante, ce qui devrait nous prémunir d’une rapide et forte remontée des taux, le point d’inflexion sur les marchés obligataires est probablement proche, si pas déjà derrière nous.
Les investisseurs obligataires doivent dès lors être particulièrement vigilants et privilégier une approche flexible visant notamment à réduire la sensibilité de leur portefeuille aux fluctuations des taux d’intérêt.
Hausse des taux et marchés d’actions ne font pas non plus bon ménage, puisque la hausse du taux d’actualisation des bénéfices entraine une baisse des cours, mais le point d’inflexion pour ces derniers semble encore éloigné. Historiquement, on observe que l’environnement de taux commence à devenir problématique pour les marchés d’actions, dès lors que les taux à 2 ans approchent de 4 %, or ces derniers oscillent actuellement autour de 2,5 % aux États-Unis
En outre, depuis le début de l’année, les valorisations des principaux indices boursiers ont déjà intégré la potentialité de taux d’intérêt supérieurs, à l’instar du S&P 500 dont le ratio cours/bénéfices attendus est passé de 18,5 fin janvier à 16,4 fin mars, tandis que les fortes révisions à la hausse des attentes de croissance bénéficiaire ont permis d’atténuer cet impact.
Les « monétaristes » passent le relais aux « keynésiens »
Par Vincent Juvyns, Stratégiste chez J.P. Morgan AM
Le 11 avril 2018
La crise financière de 2008 restera dans les annales économiques comme l’une des pires crises depuis la Grande Dépression, en raison notamment du fait qu’elle se soit propagée aux États. Ces derniers ont en effet vu leurs déficits budgétaires et leurs niveaux d’endettement exploser, ce qui les a, pour la plupart, empêché de relancer leurs économies avec des politiques budgétaires pro-cycliques comme ce fut le cas en 1930 avec le New Deal.
Dans ce contexte, si aujourd’hui la plupart des économies mondiales ont enfin retrouvé le chemin de la croissance de manière synchronisée, c’est surtout grâce aux efforts déployés par les principales banques centrales mondiales. Cependant, compte tenu de la normalisation du contexte économique mondial, il est probable que, dans le sillage de la Fed, d’autres banques centrales normalisent elles-aussi leur politique monétaire dans les prochains mois. On peut dès lors se demander quels seront les nouveaux relais de croissance pour l’économie mondiale et les vecteurs de performance pour les marchés financiers.
À cet égard, il est intéressant de noter que, contrairement à la situation qui prévalait il y a encore quelques années, la plupart des États ont aujourd’hui retrouvé, grâce au rebond de la croissance et aux taux bas, une marge de manœuvre budgétaire qu’ils utilisent de plus en plus.
C’est sans conteste le cas aux États-Unis où, alors que la Fed relève ses taux et réduit son bilan, le Sénat a approuvé en décembre 2017 une réforme fiscale de 1 500 milliards de dollars qui devrait porter le déficit budgétaire américain à 5% du PIB en moyenne au cours des 10 prochaines années et faire passer l’endettement net du pays de 76.7% du PIB aujourd’hui à 91.2% en 2027. Bien qu’un stimulus fiscal de cette ampleur ait rarement été testé dans une économie en fin de cycle, le FMI estime que celui-ci devrait ajouter 1,2% à la croissance du PIB américain, d’ici à 2020, grâce à la hausse du pouvoir d’achat des ménages et à l’augmentation des bénéfices et des investissements des entreprises.
En Europe, contrairement aux États-Unis les déficits budgétaires devraient continuer à baisser car c’est la région où la contagion de la crise de 2008 aux États fut la plus forte puisqu’elle a mené à la crise de la dette souveraine européenne en 2012. Depuis lors, sous l’impulsion et le contrôle de la Commission Européenne, les États membres ont dû remettre leurs finances publiques en ligne avec les critères du Traité de Maastricht, du moins en en ce qui concerne le déficit budgétaire.
Si l’on ne dénombre aujourd’hui plus que 2 pays en procédure de déficit excessif contre 24 en 2011, c’est le résultat des politiques d’austérité et aux réformes menées dans la plupart des États membres. Cependant, grâce à la baisse des coûts de service de la dette, qui représentaient 2,6% du PIB en 2012 contre 1,6% aujourd’hui, et au retour de la croissance, les déficits diminuent mécaniquement, ce qui permet aux gouvernements européens de tourner la page de l’austérité et même, de plus en plus, d’envisager une politique budgétaire plus souple, à l’instar de la Belgique, des Pays-Bas ou de l’Allemagne.
À cela s’ajoute le fait que la Commission Européenne et la Banque Européenne d’Investissement s’emploient, depuis 2014, à relancer les investissements en Europe dans le cadre du « Fonds Européen d’Investissements Stratégiques ». Bien que ce fonds ait été décrié lors de son lancement, il a depuis, fort de son succès, vu sa capacité d’action presque doublée à 500 milliards d’euros tout en mobilisant relativement peu d’argent public (33,5 milliards d’euros) puisque qu’il bénéficie d’un effet de levier de 15x. À ce jour, le FEIS a déjà approuvé des investissements en infrastructures et des financements de PME à concurrence de 264 milliards d’euros.
Globalement, on observe également que des pays comme la Chine et le Japon maintiennent aussi une politique budgétaire plus souple. En effet, bien que la Chine ait récemment annoncé son intention de réduire son déficit budgétaire, pour la première fois depuis 2012, de 3% du PIB en 2017 à 2,6% en 2018, le montant absolu du déficit devrait demeurer inchangé, à 2,38 trillions de RMB. En outre, la Chine continue d’investir massivement par l’intermédiaire de véhicules financiers « hors bilan », comme les entreprises publiques dont les investissements en « fixed assets » ont encore cru de 9,2% sur un an au mois de février. Enfin, les grands projets d’infrastructure de la Chine, à l’instar de la « New Silk Road » et la « One Belt One Road » devraient soutenir la croissance bien au-delà des frontières chinoises.
Au Japon, Shinzo Abe s’est appuyé ces dernières années tant sur les monétaristes que sur les keynésiens pour relancer l’économie japonaise, puisque la politique monétaire et la politique budgétaire représentent respectivement la première et deuxième « flèche » des Abenomics, et aucun changement de politique ne se profile à l’horizon. La BoJ sera probablement l’une des dernières banques centrales à relever ses taux tandis que le gouvernement vient d’annoncer un budget record de 97,5 trillions de yens pour 2018.
En conclusion, bien qu’il convienne de rester prudent quant à l’impact du processus de normalisation monétaire des principales banques centrales mondiales sur l’économie et les marchés financiers, il est néanmoins encourageant d’observer que les autorités publiques sont aujourd’hui en mesure de poursuivre le travail des banques centrales en stimulant leurs économies avec des politiques budgétaires plus souples.
On peut dès lors estimer que d’une certaine manière les monétaristes passent le relais aux keynésiens pour continuer à soutenir l’économie mondiale. Ceci nous conforte dans l’idée que la croissance mondiale devrait rester au-delà de son potentiel en 2018 et continuer à pousser les taux courts et longs à la hausse tout en soutenant l’activité des entreprises.
Marchés : Bonne année du chien!
Par Vincent Juvyns, Stratégist chez J.P. Morgan AM
Le 13 février 2018
La Chine a fêté le passage à l’année du chien et pour nombre de Chinois c’est l’occasion de célébrer la nouvelle année en famille, de s’échanger des cadeaux et, de plus en plus, de voyager grâce à l’augmentation de leur pouvoir d’achat.
Pour nous Occidentaux, le nouvel an chinois se résume cependant encore souvent aux spectacles pyrotechniques de Hong-Kong ou de Shanghai vus au journal télévisé, alors que, pourtant, sans toujours nous en rendre compte, nous vivons de plus en plus, au rythme de la Chine et de son économie.
En effet, bien que certains économistes aient plusieurs fois annoncé un atterrissage brutal de l’économie chinoise ces dix dernières années, le PIB nominal de la Chine a triplé depuis 2008. Certes, le rythme annuel de cette croissance est en baisse mais c’est en raison des mesures prises par les autorités pour lutter contre l’envolée des prix immobiliers, réduire la croissance de la dette et réorienter l’économie chinoise vers les services et la consommation. Aujourd’hui, la plupart des observateurs, à l’instar du FMI, s’accordent d’ailleurs à dire que l’économie chinoise est stabilisée et que les risques pour sa stabilité financière ont diminué tandis que, même avec un objectif de croissance annuelle réduit à 6,5% par le gouvernement, l’économie chinoise devrait devenir la première économie mondiale d’ici 10 ans.
Conscientes de cette réalité, les autorités chinoises multiplient les initiatives pour consolider leur leadership économique, comme le redéploiement de la route de la soie qui est à nouveau opérationnelle puisqu’une nouvelle ligne ferroviaire permet aujourd’hui aux trains de marchandises de relier la Chine à la France en 15 jours alors qu’il en faut minimum 30 pour un navire porte-containers.
Pékin multiplie également les initiatives pour que son poids économique soit mieux reflété sur les marchés financiers. Ainsi, après des années de négociations, le renminbi a été ajouté en novembre 2015 au panier de devises servant de base aux droits de tirage spéciaux du FMI, lui conférant de facto le statut de monnaie de réserve. Par ailleurs, à partir de cette année les actions A chinoises seront intégrées graduellement aux indices MSCI EM, ce qui pourrait porter le poids de la Chine à plus de 40% au sein de ces indices d’ici 2025 tandis que des développements similaires sont attendus au sein des indices obligataires.
Dans ce contexte, à l’heure où les valorisations limitent le potentiel de progression de nombre de marchés d’actions développés, la Chine et plus généralement l’Asie s’impose comme l’un des rares marchés à offrir des perspectives de croissance à long terme et puisque le chien est le meilleur ami de l’homme, 2018 est peut-être l’année pour reconsidérer l’exposition de son portefeuille à ce marché.
La malédiction de la courbe des taux ?
Par Vincent Juvyns, Strategist chez J.P. Morgan AM
Le 8 décembre 2017
Le différentiel de rendement entre les US Treasuries à 10 ans et à 2 ans a atteint, début novembre, son plus bas niveau depuis octobre 2007 (cf. graphique). Un tel aplatissement de la courbe des taux a de quoi interpeller car, outre le fait que celui-ci nous rappelle le début de la grande crise financière, il est souvent le prélude à une inversion de la courbe, ce qui a historiquement été le signe annonciateur d’une récession, comme ce fut le cas il y a dix ans.
Doit-on dès lors craindre que la malédiction de la courbe des taux nous frappe à nouveau ? Il est encore prématuré pour tirer une telle conclusion car si les taux longs américains restent stables, c’est avant tout en raison des assouplissements quantitatifs des principales banques centrales, alors que les taux courts reflètent quant à eux bel et bien une amélioration des fondamentaux économiques qui a conduit au relèvement progressif du taux directeur de la Fed depuis décembre 2015.
L’aplatissement de la courbe des taux américains est donc davantage la conséquence de facteurs techniques que d’une détérioration économique sous-jacente. Ce qui interpelle néanmoins, c’est que cet aplatissement se produise justement au moment où la banque centrale américaine vient d’annoncer une réduction graduelle de son bilan et l’on aurait dès lors pu penser que cette mesure aurait poussé les taux longs à la hausse.
Cette évolution contre-intuitive des taux longs s’explique par le fait que la Fed est la première grande banque centrale à avoir relevé ses taux et à avoir entamé une réduction de son bilan tandis que ses consœurs, à l’instar de la BoJ ou de la BCE, conservent des taux planchers et continuent d’injecter des liquidités sur leurs marchés obligataires respectifs.
Ainsi, les investisseurs japonais et européens se trouvent toujours confrontés à des taux faibles, voire négatifs dans de nombreux cas, ce qui les incite à chercher des alternatives comme les obligations américaines. Cet intérêt des investisseurs étrangers pour les US Treasuries est corroboré par différentes statistiques comme le rapport « flows of funds » de la Boj ou les données sur les « foreign holders of US Treasuries » produites par la Fed.
Cet aplatissement de la courbe des taux américains est donc paradoxalement bon signe, puisqu’il illustre que la divergence de politique monétaire au niveau mondial permet à la Fed de normaliser sa politique monétaire sans pour autant détériorer les conditions financières aux États-Unis.
Cette situation ne durera cependant pas éternellement. En effet, la BoJ et la BCE devraient tôt ou tard normaliser à leur tour leur politique monétaire, ce qui diminuera l’intérêt de ce « carry trade » car les taux européens et japonais remonteront et ce, sans doute plus vite que les taux américains, ces banques centrales n’ayant pas l’avantage de « first mover » dont a bénéficié la Fed.
À plus court terme ce sont les coûts de couverture de change qui rendent ce « carry trade » moins avantageux. En effet, le coût pour se couvrir, sur une base annuelle, contre les fluctuations du dollar avec des « FX forwards » à 3 mois est actuellement de 2,22% pour les investisseurs européens et 1,97% pour les investisseurs japonais, ce qui ne laisse plus grand-chose des 2,4% de rendement affichés actuellement par les US Treasuries à 10 ans.
L’aplatissement de la courbe des taux observé actuellement aux États-Unis n’est donc vraisemblablement qu’un état transitoire et il est par conséquent prématuré d’y voir le signe d’une récession à venir. En revanche, si cette analyse se révèle correcte, il est grand temps de réduire la duration de son portefeuille obligataire.
Big Data et la théorie du tout
Par Vincent Juvyns, Stratégiste chez J.P. Morgan AM
Le 17 novembre 2018
Ces dernières années, l’arrivée de nombreux développements technologiques majeurs qui bouleversent notre quotidien laisse supposer que nous sommes à l’aube d’une quatrième révolution industrielle qui affecte déjà de nombreux secteurs d’activités, de manière parfois disruptive.
Si cette révolution technologique suscite encore beaucoup de questions, notamment quant à son impact sur l’emploi et nos économies, elle pourrait également apporter des réponses nouvelles en permettant des avancées sans précédents dans le domaine des sciences sociales, comme l’économie ou la finance.
À cet égard, la capacité d’exploiter le « Big Data », pas seulement des informations structurées tels que les états financiers des entreprises mais aussi des informations non structurées comme les messages échangés sur les réseaux sociaux, est certainement l’une des avancées technologiques qui pourrait faire le plus progresser l’analyse économique et financière.
En effet, tels les physiciens qui travaillent depuis des années à réconcilier le caractère aléatoire de la physique quantique avec le caractère déterministe de la théorie de la relativité générale, les économistes tentent eux aussi de réconcilier micro et macroéconomie et ce, avec parfois beaucoup de difficultés au vu de multiples révisions apportées notamment aux prévisions de croissance économique.
Cependant, alors que la perspective de voir les physiciens formuler une « théorie du tout », qui permettrait de décrire de manière uniforme la mécanique de l’infiniment petit et de l’infiniment grand, demeure encore lointaine, l’exploitation du Big Data en économie et en finance laisse entrevoir la possibilité de pouvoir inférer, dans un futur proche, plus précisément les résultats de l’analyse microéconomique aux grandes tendances macroéconomiques et d’ainsi formuler une sorte de « théorie du tout » économique.
Aujourd’hui, pour anticiper les tendances macroéconomiques, les économistes exploitent des indicateurs conjoncturels, à la fois réels (hard data) tels que la consommation ou l’emploi et de sentiment (soft data) comme les indices de confiance des directeurs d’achats, toujours plus nombreux mais pas toujours plus pertinents.
En effet, la plupart de ces indicateurs présentent deux défauts majeurs.
Le premier est que, lors de leur publication, ils illustrent une réalité qui n’existe déjà plus puisque les données ont été collectées durant le mois ou le trimestre qui précède et qu’il a fallu un certain temps pour les traiter et les publier.
Le second défaut est que, pour des raisons techniques, il est aujourd’hui souvent impossible de collecter et/ou d’exploiter l’ensemble des données afférentes à un sujet économique spécifique. Nombre d’indicateurs conjoncturels sont donc calculés sur base d’échantillons estimés représentatifs du champ de données à observer mais la réalité statistique s’écarte -parfois largement- de la réalité. Ainsi il est impossible d’interroger tous les citoyens sur leur sentiment économique et même les chiffres du PIB doivent être revus à 2 ou 3 reprises.
C’est là que l’exploitation du Big Data prend tout son sens car il sera bientôt possible d’élargir l’échantillon statistique à l’intégralité du champ de données à observer et d’accéder à ces données immédiatement ce qui renforcera nettement leur pertinence pour anticiper les mouvements économiques et des marchés financiers. Loin d’être de la science-fiction, ces techniques sont déjà en cours d’implémentation au sein des principaux organes statistiques et des institutions financières et, comme un pied de nez aux physiciens, il se pourrait même que l’avènement de l’ordinateur quantique accélère ce processus.
Les marchés obligataires à l’heure du « quantitative tightening »
Par Vincent Juvyns, Strategist chez J.P. Morgan AM
Le 2 octobre 2017
Dix ans après le début de la Grande Crise Financière, on peut aujourd’hui enfin estimer que la situation macro-économique globale est revenue à la normale. En effet, la plupart des économies mondiales ont retrouvé, de manière synchronisée, le chemin de la croissance, les risques déflationnistes s’estompent et les indicateurs conjoncturels avancés laissent supposer que cette tendance devrait encore perdurer un certain temps.
Si la page de la crise se tourne enfin, c’est essentiellement grâce aux mesures monétaires sans précédent prises par les banquiers centraux ces dernières années, comme le rappelaient d’ailleurs récemment et sans triomphalisme les principaux intéressés réunis lors de leur sommet annuel de Jackson Hole. Cependant, à l’heure où l’environnement économique se normalise, il devient temps pour certaines d’entre-elles, à l’instar de la Réserve Fédérale Américaine et de la Banque Centrale Européenne, d’envisager une normalisation de leur politique monétaire.
Alors que par le passé, cet exercice se résumait en une remontée plus ou moins rapide de leurs taux directeurs, il est aujourd’hui beaucoup plus délicat car, confrontées à une crise exceptionnelle, les banques centrales ont pris des mesures tout aussi exceptionnelles, à l’instar des programmes de « quantitative easing » (QE) qui ont entrainé un gonflement sans précédents des leurs bilans.
Ainsi, le bilan de la Fed est passé de moins de 1.000 milliards de USD en 2007 à près de 4.500 milliards de USD en 2017, soit 24% du PIB US tandis que celui de la BCE est passé sur la même période de moins de 1.000 milliards de EUR à 4.200 milliards de EUR, soit 39% du PIB de la zone euro.
Globalement, les principales autres banques centrales ont fait de même puisque que la taille combinée des bilans de la FED, de la BCE, de la BOE, de la BOJ et de la SNB est passée de 3450 milliards de USD en 2007 à 15.000 milliards de USD en 2017 (cf. graphique). La banque nationale suisse restera toutefois dans les annales comme celle ayant augmenté le plus la taille de son bilan par rapport à la taille de son économie, puisque celui-ci a dépassé les 100% du PIB dans le sillage de la lutte menée par la BNS contre l’appréciation du franc suisse.
Bien que ces mesures monétaires aient permis d’éviter que l’économie mondiale ne tombe dans une spirale déflationniste, nombre d’observateurs estiment cependant qu’il s’agit d’une victoire à la Pyrrhus, puisque celles-ci ont accéléré la formation d’une bulle obligataire.
En effet, si les marchés obligataires connaissent une hausse quasi ininterrompue depuis plus de 30 ans, celle-ci s’est sensiblement accélérée ces dernières années, sous l’impulsion des programmes de QE, qui ont conduit à l’apparition de phénomènes nouveaux comme les taux négatifs, qui ont concerné jusqu’à 37%[1] des obligations souveraines, au plus fort de l’action des banques centrales en juillet 2016.
Dans ce contexte, la réduction prochaine des bilans des banques centrales pose un défi majeur aux investisseurs obligataires car il semble évident que ce que l’on peut désormais appeler « quantitative tightening » aura un impact au moins aussi important que le QE sur les marchés obligataires. Cependant, à la différence de ce dernier, le QT devrait entrainer une hausse graduelle des taux longs et donc une sous performance de la « duration[2] » par rapport au crédit ou à la dette émergente, dont les coupons plus élevés et/ou les maturités plus courtes les protègent davantage dans un environnement de hausse de taux.
En conclusion, ce changement de cap monétaire est le signal qu’il est aujourd’hui plus que jamais nécessaire de s’affranchir des benchmarks obligataires, dont la duration n’a fait qu’augmenter ces dernières années[3], et de répondre au « tightening » par un « broadening » de son univers d’investissement, car la diversification et la flexibilité seront indispensables pour passer ce cap avec succès.
Sources : Banque d’Angleterre, Banque du Japon, BCE, Banque Nationale Suisse, Réserve Fédérale et J.P. Morgan Asset Management. Guide des marchés – Europe au 30 juin 2017.
[1] Source: Bloomberg, BofA/Merrill Lynch, J.P. Morgan Asset Management. Index shown in the BoFA/ML Global Government Bond index. (Ticker: W0G1)
[2] Titres ou indices obligataires, le plus souvent émis par des états, présentant une maturité relativement longue
[3] Duration du Barclays Global Aggregate est passée de 4,6 années en 1990 a 7 ans aujourd’hui
Tout va bien, c’est grave?
Par Vincent Juvyns, Global Market Strategist. J.P. Morgan Asset Management
Le 4 septembre 2017
L’été 2017 restera sans doute dans les annales comme l’un des plus chauds jamais enregistré dans nombre de régions d’Europe mais, d’un point de vue économique, il marque surtout le dixième anniversaire du début de la crise dite « des subprimes ».
Il y a 10 ans, ce ne sont en effet pas les baromètres qui s’affolaient mais bien les « sismographes » des marchés financiers, à l’instar de la volatilité et des taux interbancaires qui, dans le sillage des premières saisies immobilières aux États-Unis et du gel temporaire des capitaux investis dans certains fonds monétaires, annonçaient un tremblement de terre économique et financier tel que nous n’en avions plus observé depuis la grande dépression de 1929.
Aujourd’hui, bien que des « répliques » comme la crise de la dette souveraine en 2012, aient été enregistrées, on peut raisonnablement estimer que la page de la crise est enfin tournée. En effet, la régulation a été sensiblement renforcée, notamment pour le secteur bancaire et les fonds monétaires, les marchés d’actions ont atteint de nouveaux sommets et l’économie Européenne, bien qu’à la traine par rapport à d’autres, affiche une croissance positive depuis 17 trimestres consécutifs.
Dans ce contexte, une fois n’est pas coutume, le FMI a récemment rehaussé ses perspectives de croissance pour l’économie européenne et nombre d’économistes s’attendent à ce que, comme la Fed, la BCE entame un processus de normalisation de sa politique monétaire. Bien que cette normalisation soit le reflet de la bonne santé de notre économie, la perspective que celle-ci et nos marchés financiers ne soient plus sous perfusion monétaire inquiète nombre d’investisseurs.
Pourtant, bien qu’une politique monétaire accommodante soit une condition nécessaire pour favoriser une reprise économique, elle n’est en aucun cas suffisante puisque si les taux bas favorisent la relance des investissements privés et publics, ces sont ces derniers, éventuellement favorisés par des réformes, qui permettront de pérenniser la croissance. Or, réformes et investissements, c’est justement ce que l’on observe enfin en Europe tant au niveau des États membres que de la Commission Européenne.
Nous ferions d’ailleurs mieux de rendre justice au travail de cette dernière pour relancer l’investissement en Europe, plutôt que de nous lamenter sur la normalisation graduelle de la politique monétaire de la BCE. En effet, en coopération avec la Banque Européenne d’Investissement, elle a mis sur pieds le fonds européen d’investissements stratégiques qui devrait investir plus de 500 milliards d’euros dans les infrastructures européennes afin d’une part de stimuler l’économie et d’autre part, d’aider les états membres à remplir leurs engagements dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat.
Ainsi, à l’heure ou la page de la crise se tourne et ou la BCE s’apprête à tourner celle d’une politique monétaire ultra-accommodante, il demeure des raisons d’espérer que le meilleur est à venir pour l’économie européenne comme pour le climat.
Quand reflation et dette émergente font bon ménage
Par Vincent Juvyns, Stratégiste chez J.P. Morgan AM
Le 4 juillet 2017
Le thème de la reflation, ce mélange d’accélération de la croissance et de retour de l’inflation favorisé par des politiques fiscales et budgétaires plus expansionnistes, agite les marchés financiers depuis qu’en novembre 2016, Donald Trump est devenu le 45ème président des États-Unis en défendant un ambitieux programme de relance budgétaire. Bien que ce dernier n’ait jusqu’ici rien fait de concret en la matière, la dynamique reflationniste est bel et bien là en ce début 2017, grâce à l’impact conjugué de politiques monétaires toujours très accommodantes globalement et de politiques budgétaires déjà plus expansionnistes dans divers pays comme la Chine et le Japon, ainsi qu’en Europe.
Si cet environnement reflationniste est globalement positif d’un point de vue économique et par extension pour les marchés financiers, on pouvait néanmoins craindre à la fin de l’an dernier que celui-ci, conjugué à une politique commerciale plus protectionniste des Etats-Unis, ne pénalise le monde émergent. En effet, l’accélération de la croissance et de l’inflation oblige les banques centrales, et surtout la première d’entre-elles, la Réserve fédérale américaine (« Fed »), à normaliser leurs politiques monétaires, ce qui s’est historiquement traduit par une hausse des taux longs et du dollar ainsi que par un ralentissement des flux financiers vers les émergents.
Bien qu’il soit toujours dangereux de dire que « cette fois c’est différent », il faut néanmoins reconnaître que depuis le début de l’année on a assisté à exactement l’inverse puisque bien que la Fed ait continué à remonter son taux directeur, les taux US à 10 ans sont restés stables, le dollar s’est globalement affaibli et les flux vers les marchés émergents se sont renforcés.
Cette situation s’explique par différents facteurs. Signalons tout d’abord que la croissance accélère à nouveau davantage dans les pays émergents que dans les pays développés (cf. Graphique 1).
En effet, selon le FMI[1], les pays émergents devraient afficher une croissance de 4.5% en 2017 contre 2% pour les pays développés. On observe ensuite que si l’inflation augmente globalement, c’est essentiellement le cas dans les pays développés, alors que dans les pays émergents elle tend à se stabiliser voire à baisser. (cf. Graphique 2)
Enfin, dans ce contexte, les banques centrales émergentes, contrairement à leurs consœurs dans les pays développés, ne sont pas obligées de durcir leur politique monétaire et peuvent même dans certains cas plutôt s’offrir le luxe de l’assouplir. En effet, ces dernières années, les taux directeurs réels des banques centrales émergentes ont été portés à des niveaux historiquement élevés afin de soutenir les devises émergentes dans le sillage du Taper Tantrum[2]. Cependant, ces mesures semblent aujourd’hui superflues, puisque grâce à leur regain de croissance et à la réduction de leurs déséquilibres macro-économiques, les pays émergents attirent à nouveau des capitaux et voient les pressions baissières sur leurs devises diminuer.
Ainsi, avec une croissance en hausse, une inflation en baisse et des politiques monétaires potentiellement plus souples, la plupart des pays émergents se trouvent dans une position relativement confortable d’un point de vue économique et pour les investisseurs obligataires, la meilleure manière de tirer parti de ces développements est notamment de privilégier la dette émergente qui , en plus d’être soutenue par ces bons fondamentaux économiques, continue à afficher un rendement supérieur à 5%[3].
Ce document est fourni à titre d’information uniquement et les opinions qu’il contient ne constituent en aucun cas un conseil ou une recommandation en vue d’acheter ou de céder un quelconque investissement ou intérêt y afférent. Les analyses présentées dans ce document sont le fruit des recherches menées par J.P. Morgan Asset Management, qui a pu les utiliser à ses propres fins. Sauf mention contraire, toutes les données chiffrées, prévisions, opinions, informations sur les tendances des marchés financiers ou techniques et stratégies d’investissement mentionnées dans le présent document sont celles de J.P. Morgan Asset Management à la date de publication du présent document. Elles sont réputées fiables à la date de rédaction. Elles peuvent être modifiées sans que vous n’en soyez avisé. Il est à noter que la valeur d’un investissement et les revenus qui en découlent peuvent évoluer en fonction des conditions de marché. Aucune certitude n’existe quant à la réalisation des prévisions.
[1]FMI, World Economic Outlook, 30 avril 2017
[2] Remontée des taux américains et baisse des devises émergentes soudaine suite a un discours de Ben Bernanke en mai 2013
[3] Thomson Reuters Datatstream, 12 juin 2017
Les BRICS sont morts, longue vie aux pays émergents !
Par Vincent Juvyns, Stratégiste chez J.P. Morgan AM
Le 20 juin 2017
Contrairement à ce que nous avons pu croire, et parfois observer par le passé, les pays émergents ne constituent pas un groupe de pays homogène et c’est justement ce qui les rend plus attractifs que jamais auprès des investisseurs en quête de diversification.
Ces dernières années, nous avons en effet tenté d’approcher le vaste univers émergent en enfermant différents pays, sur base de similitudes supposées, dans des acronymes tels que les « BRICS[1]» ou les « Fragile Five[2]». Ces acronymes ne sont cependant que des « instantanés » qui reflètent des convergences davantage temporaires que structurelles entre ces pays, et la tempête politique que traverse actuellement le Brésil est venue nous le rappeler.
En effet, le Brésil, qui fait à la fois partie des « BRICS » et des « Fragile Five », se distingue désormais de ses « coreligionnaires » à nombre d’égards. Ainsi, alors que depuis le « taper tantrum[3] » de 2013, la plupart des pays « Fragile Five » ont substantiellement réduit leurs déficits de comptes courants, il a fallu attendre l’année 2016 pour que le Brésil s’y attaque. Ceci illustre la lenteur du processus de réforme dans ce pays et explique pourquoi l’imbroglio politique actuel fait craindre aux investisseurs que des nouveaux retards soient enregistrés dans la mise en œuvre de réformes essentielles pour que le Brésil retrouve le chemin de la croissance. Le Brésil a, en effet, beau représenter la première lettre des « BRICS », après deux années consécutives de récession, il est aujourd’hui, en termes de performances économiques, bon dernier de ce groupe de pays et n’y a donc plus tout à fait sa place.
Si les « BRICS » et autres acronymes ont fait long feu, ce n’est cependant pas le cas des marchés émergents, qui depuis 3 ans, revivent littéralement comme l’illustre l’accélération de leur croissance par rapport à celle des pays développés. Alors qu’en 2015 l’écart de croissance entre pays développés et émergents était de 2%, il devrait atteindre 2,5% cette année et 2,8% l’an prochain[4] . Cette dynamique se reflète au niveau des bénéfices d’entreprises qui, après avoir affiché une croissance de 7,5% en 2016, pourraient croitre de 20%[5] cette année. En termes de valorisations, malgré leurs excellentes performances du début d’année, les émergents demeurent attractifs puisqu’ils affichent un ratio cours/bénéfices et 12,7 et un ratio cours/valeur comptable de 1,5, ce qui est en ligne avec les moyennes historiques. En outre, la stabilisation des taux US a permis à leurs devises de se stabiliser par rapport au dollar ce qui entraîne une baisse de l’inflation et devrait permettre aux banques centrales de se monter plus accommodantes.
Ainsi, si les problèmes rencontrés par le Brésil doivent être monitorés, il s’agit néanmoins d’un cas isolé qui ne doit pas jeter l’opprobre sur un quelconque groupe de pays ou sur l’univers émergent tout entier. En revanche, cette situation illustre une nouvelle fois, si besoin était, la nécessité d’une gestion active de son exposition aux émergents basée sur une approche « bottom-up[6] » plutôt qu’une approche « top-down[7] » se référant à des acronymes qui n’ont plus lieu d’être.
[1] BRICS: Brésil Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud.
[2] Fragile Five : Pays (Brésil, Turquie, Inde, Afrique du Sud et Indonésie) qui en 2013, affichaient des déficits de comptes courants importants.
[3] Hausse soudaine des taux d’intérêts provoquée par un discours de Ben Bernanke en mai 2013
[4] FMI World Economic Outlook Avril 2017
[5] Source: IBES, MSCI
[6] Sur base des informations de terrain ou des bilans des pays/entreprises
[7] Sur base de la dynamique macro-économique
L’énigme de la courbe des taux américaine
Par Vincent Juvyns, Stratégiste marchés mondiaux, J.P.Morgan Asset Management
Le 16 mai 2017
La courbe des taux a toujours été considérée par les économistes comme un bon baromètre de la santé économique d’un pays dans la mesure où celle-ci se redresse généralement lorsque la croissance s’accélère et fléchit, jusqu’à s’inverser, lorsqu’une récession se profile à l’horizon. Cependant, bien que la dernière inversion de la courbe des taux américaine, en mai 2007, ait bien laissé présager la grande récession de 2008, la courbe des taux s’est depuis lors révélée être un indicateur conjoncturel moins fiable en raison notamment des distorsions engendrées par le programme d’assouplissements quantitatifs de la Fed.
Ce n’est que depuis la seconde moitié de 2016, et surtout depuis l’élection présidentielle américaine, que l’on a recommencé à observer une meilleure corrélation entre courbe des taux et anticipations économiques grâce notamment à la normalisation progressive de la politique monétaire de la Fed et à l’espoir que Donald Trump se lance dans une politique économique « reflationniste ». Ce redressement de la courbe des taux n’a toutefois été que de courte durée car depuis le début de l’année l’écart entre le taux à 10 ans et le taux à 2 ans s’est réduit de plus de 30 points de base[1], ce qui suscite naturellement nombre d’interrogations.
En ce qui nous concerne, l’aplatissement de la courbe des taux observé depuis le début de l’année ne remet pas en cause le thème de la reflation dans la mesure où, la plupart des indicateurs économiques avancés, à l’instar des PMI, demeurent bien orientés, et où même le FMI a récemment revu à la hausse ses perspectives de croissance mondiale. Nous ne pensons pas non plus que ce phénomène constitue une défiance vis-à-vis de l’administration Trump, puisque les indicateurs de confiance US, tant pour les entreprises que pour les consommateurs, demeurent à des niveaux historiquement élevés.
En revanche, il nous semble évident que l’aplatissement de la courbe des taux illustre que les marchés deviennent aujourd’hui plus réalistes dans leur estimation du temps qu’il faudra à Donald Trump pour implémenter son programme, compte tenu de la rigidité de la régulation américaine et des réticences du Sénat et de la Chambre des représentants. Par ailleurs, les taux longs ont également souffert de la baisse des anticipations d’inflation en raison notamment d’effets de base moins favorables sur les prix pétroliers à mesure que les mois passent.
Dans ce contexte, nous continuons à anticiper une remontée des taux longs et par conséquent à privilégier des actifs obligataires faiblement corrélés avec ceux-ci, à l’instar du crédit Investment Grade US. Malgré les signaux contradictoires donnés par la courbe de taux, cette classe d’actifs enregistre en effet des flux positifs depuis le début de l’année, notamment en provenance du Japon et d’Europe car en plus d’un portage positif par rapport à leur courbe de taux nationale, ces investisseurs bénéficient d’une baisse des coûts de couverture de change. Depuis le début de l’année, le rendement en monnaie nationale d’un investissement en dette Investment Grade US est ainsi passé de 1,6% à 1,9% pour un investisseur japonais et de 1,4% à 1,64% pour un investisseur européen[2]. En conclusion, bien que l’évolution de la courbe des taux américaine interpelle dans les cercles économiques, nous continuons à penser qu’une surpondération des marchés de crédits US s’avère pertinente tant dans un contexte de pentification de la courbe des taux que d’un éventuel aplatissement de celle-ci.
Ce document est fourni à titre d’information uniquement et les opinions qu’il contient ne constituent en aucun cas un conseil ou une recommandation en vue d’acheter ou de céder un quelconque investissement ou intérêt y afférent. Les analyses présentées dans ce document sont le fruit des recherches menées par J.P. Morgan Asset Management, qui a pu les utiliser à ses propres fins. Sauf mention contraire, toutes les données chiffrées, prévisions, opinions, informations sur les tendances des marchés financiers ou techniques et stratégies d’investissement mentionnées dans le présent document sont celles de J.P. Morgan Asset Management à la date de publication du présent document. Elles sont réputées fiables à la date de rédaction. Elles peuvent être modifiées sans que vous n’en soyez avisé. Il est à noter que la valeur d’un investissement et les revenus qui en découlent peuvent évoluer en fonction des conditions de marché. Aucune certitude n’existe quant à la réalisation des prévisions.
[1] Source: Thomson Reuters Datastream, J.P.Morgan Asset Management au 19 avril 2017
[2] Source: J.P.Morgan Asset Management au 28 mars 2017
Investir avec style grâce aux actions value
Par Vincent Juvyns, stratégiste chez J.P. Morgan
Le 29 mars 2017
Si l’année 2016 restera dans les annales comme un bon cru sur les marchés financiers, ce fut néanmoins une année difficile pour les investisseurs qui ont éprouvé du mal à se positionner face aux nombreux retournements de tendance dont celle-ci fut le théâtre.
En effet, alors qu’en début d’année les marchés actions affichaient une perte de plus de 10% et qu’un pourcentage croissant d’obligations souveraines se traitait à des taux négatifs, l’année s’est finalement achevée sur une performance positive pour la plupart des marchés d’actions, et singulièrement les indices « value », ainsi que sur une forte remontée des taux obligataires.
Plus que des phénomènes passagers, certains de ces retournements de tendance, à l’instar de la remontée des taux et de la surperformance des actions « value », constituent, à notre avis, des points d’inflexion dont il faudra encore tenir compte en 2017. En effet, bien que cette année ait débuté sous de meilleurs auspices pour les marchés d’actions, les records historiques atteints par certains indices ont poussé leurs valorisations à des niveaux élevés tandis que la poursuite de la hausse des taux pourrait avoir un impact négatif sur certains secteurs, comme les secteurs de croissance.
Dans ce contexte, les actions « value » constituent une alternative idéale car d’une part, elles sont positivement corrélées aux taux d’intérêts, en raison notamment de la forte représentation des valeurs financières au sein des indices value, et d’autre part, elles affichent par définition des valorisations attractives. Ainsi, malgré son récent rebond, l’indice MSCI Europe Value affichait encore, fin décembre 2016, une sous-performance d’environ 50 % par rapport à l’indice MSCI Europe Growth sur 10 ans et les actions value présentent encore toujours une décote par rapport aux valeurs de croissance, similaire à celle observée lors de la crise de la zone euro en 2012. Par conséquent, la surperformance récente du style « value » apparaît bien modeste lorsqu’elle est replacée dans son contexte historique et nous pensons que celle-ci devrait perdurer pour plusieurs raisons.
Les actions « value » devraient être les principales bénéficiaires du mouvement de reflation observé actuellement puisque les anticipations inflationnistes et de croissance commencent à être revues à la hausse, ce qui oblige les banques centrales à normaliser leur politique monétaire et pousse les taux longs vers le haut. Sachant que les deux poids lourds de l’indice MSCI Europe Value sont le secteur bancaire (36,2%), dont la rentabilité est dopée par la hausse des taux, et le secteur de l’énergie (14,2%), qui voit les prix pétroliers remonter grâce à l’accélération de la croissance, on peut raisonnablement estimer que les indices « value » devraient continuer à surperformer.
Les taux de croissance des bénéfices anticipés par le marché nous apparaissent trop pessimistes pour certains secteurs value. En effet, les prévisions de croissance des bénéfices du marché supposent par exemple, une baisse de 4 % par an des bénéfices sur les 10 prochaines années pour le secteur de l’automobile, de 2 % pour celui de l’assurance et de 1 % pour les banques. Nous estimons que le contexte économique actuel devrait favoriser des surprises positives en matière de bénéfices. Les ventes d’automobiles en zone euro ont ainsi retrouvé cette année leur niveau de 2009 tandis que le secteur bancaire fait l’objet de révisions positives de sa croissance bénéficiaire, maintenant supérieure a celle du marché, depuis 14 semaines d’affilée alors que sa valorisation reste proche des plus bas de 2009 et 2011.
Enfin, il est important de noter que depuis 1975, les phases pendant lesquelles le style « value » a surperformé le style « croissance » ont duré en moyenne 28 mois (jusqu’à 80 mois pour la plus longue). Dans la mesure où la tendance haussière actuelle des actions value date de seulement six mois, nous pourrions ainsi n’être qu’au début d’une période de rebond plus durable, surtout au regard des dix années de marché baissier que vient d’enregistrer le style « value ».
A l’heure où les valorisations de certains marchés commencent à atteindre des niveaux élevés et ou les taux longs remontent, nous estimons que les actions value offrent une alternative idéale et ce d’autant plus que leur valorisations relativement faibles offrent en outre une protection face aux éventuels regains de volatilité qui pourraient être induits par un contexte politique toujours fragile.
Source : Reuters.
La performance et les rendements passés ne préjugent pas forcément des résultats futurs. Il est à noter que la valeur d’un investissement et les revenus qui en découlent peuvent évoluer en fonction des conditions de marché. Aucune certitude n’existe quant à la réalisation des prévisions. Ce document est fourni à titre d’information uniquement et les opinions qu’il contient ne constituent en aucun cas un conseil ou une recommandation en vue d’acheter ou de céder un quelconque investissement ou intérêt y afférent. Les analyses présentées dans ce document sont le fruit des recherches menées par J.P. Morgan Asset Management, qui a pu les utiliser à ses propres fins. Sauf mention contraire, toutes les données chiffrées, prévisions, opinions, informations sur les tendances des marchés financiers ou techniques et stratégies d’investissement mentionnées dans le présent document sont celles de J.P. Morgan Asset Management à la date de publication du présent document. Elles sont réputées fiables à la date de rédaction. Elles peuvent être modifiées sans que vous n’en soyez avisé. Publié par JPMorgan Asset Management (Europe) S. à r. l.
Obligations et inflation peuvent parfois faire bon ménage
Par Vincent Juvyns, Global Market Strategist, J.P. Morgan Asset Management
Le 22 février 2016
Depuis la fin du deuxième choc pétrolier en 1981, les marchés obligataires mondiaux ont connu une période relativement favorable, qui a vu leur capitalisation passer de 10.000 milliards à près de 100.000 milliards[1] de dollars aujourd’hui et les taux des obligations souveraines à 10 ans des principaux pays développés passer de plus de 10% à des niveaux parfois inferieurs à zéro en 2016.
Cette baisse significative des rendements obligataires est à mettre à l’actif des principales banques centrales qui ont réussi à vaincre l’inflation dans les années 80 et 90, à l’instar de la Fed qui, sous l’impulsion de Paul Volcker, porta le niveau des Fed Funds à 20% en juin 1981 et fit ainsi retomber l’inflation à 4,6% en décembre 1989 alors qu’elle dépassait encore les 14% en avril 1980. Plus récemment, c’est en luttant contre la déflation que les banques centrales ont soutenu les marchés obligataires puisque dans le cadre de leurs différents plans d’assouplissement quantitatifs, elles ont injecté plusieurs milliers de milliards de dollars sur les marchés obligataires, ce qui a fait baisser leurs rendements à des niveaux historiquement bas et parfois même négatifs.
Si durant trois décennies les marchés obligataires ont ainsi affiché des performances positives, ils ont aussi connu nombre de périodes de correction plus ou moins longues et la « mort » du rallye obligataire a été pronostiquée à maintes reprises ces dernières années notamment dans le sillage du « taper tantrum » de 2013 et plus récemment de l’élection de Donald Trump.
Bien que les Cassandre aient eu tort jusqu’à présent, il faut cependant admettre que les arguments en faveur de ce scénario sont aujourd’hui plus nombreux que par le passé. Signalons tout d’abord que les indicateurs conjoncturels avancés, à l’instar des PMI manufacturiers, annoncent une accélération de la croissance en 2017, ce que confirment les prévisions du FMI qui s’attend à une croissance mondiale de 3,4% en 2017 contre 3,1% en 2016[2]. Les banques centrales semblent par ailleurs être venues à bout des risques déflationnistes comme l’illustre le bond de l’inflation sous-jacente américaine à 2,3%, la plus forte progression depuis 5 ans des prix à la production en Chine enregistrée en décembre 2016 (+6%) ou encore la remontée de l’inflation européenne à 1,8%, soit son plus haut niveau depuis 3 ans. Enfin, les politiques reflationnistes gagnent en popularité puisque nombre d’états relâchent la bride budgétaire, à l’instar du Japon, dans le contexte des Abenomics, de la Chine, qui a laissé filer son déficit a -4,4% du PIB en 2016, de l’Europe, qui tourne la page de l’austérité, et bientôt des États-Unis.
Compte tenu de ces éléments, on peut raisonnablement estimer qu’aujourd’hui les marchés obligataires sont bien à la croisée des chemins et que l’impact conjugué de la hausse de la croissance, de l’inflation et des déficits, devrait, en toute logique, entrainer une hausse des taux obligataires. Dans un contexte de divergence de politique monétaire et de recherche de rendement cette hausse devrait, à priori, être graduelle et limitée mais le danger, c’est que les principaux indices obligataires, à l’instar du Barclays Global Aggregate qui affiche une duration de 7 ans et un rendement de 1,6%[3], offrent peu de protection aux investisseurs.
Les alternatives existent cependant, à l’instar des obligations d’entreprises à haut rendement, qui malgré d’excellentes performances en 2016, continuent à être attractives dans la mesure où leurs maturités relativement courtes[4] et leurs rendements relativement élevés[5] leurs permettent d’afficher une corrélation quasi nulle avec les taux longs. En outre, en l’absence d’une récession, leurs taux de défaut devraient demeurer sous leurs moyennes historiques comme ce fut le cas en 2016, et ce malgré les déconvenues rencontrées par nombre d’entreprises pétrolières américaines. Signalons enfin que comme les revenus des entreprises sont fortement corrélés avec l’inflation, celles-ci se trouvent aujourd’hui dans une meilleure position pour faire face aux échéances de leur dette. Les obligations convertibles méritent également d’être considérées dans le contexte actuel. Comme les obligations à haut rendement, elles sont peu sensibles aux fluctuations des taux longs comme l’illustre leur performance positive en 2013 lorsque les taux US étaient fortement remontés dans le sillage du « taper tantrum » déclenché par le discours de Ben Bernanke. Enfin, la dette émergente en monnaie locale présente elle aussi un intérêt dans ce contexte de reflation car elle affiche un rendement réel nettement supérieur à celui des obligations d’états de pays développés et bien qu’elle soit généralement sensible aux hausses soudaines du dollar et des taux américains, elle s’accommode en revanche assez bien de la hausse graduelle et mesurée que nous observons actuellement. Par ailleurs, les perspectives conjoncturelles des pays émergents s’éclaircissent pour 2017 car si le rebond des prix des matières premières entraine une hausse de l’inflation dans les pays développés, il est synonyme de hausse de la croissance dans les pays émergents qui en sont les producteurs.
En conclusion, si le retour de l’inflation se confirme en 2017, les investisseurs obligataires devront se montrer flexibles, en s’affranchissant des principaux indices obligataires et en acceptant de troquer leurs risques de taux pour un risque de crédit et/ou de change mesuré, s’ils veulent que leur portefeuille obligataire génère un rendement positif.
Ce document est fourni à titre d’information uniquement et les opinions qu’il contient ne constituent en aucun cas un conseil ou une recommandation en vue d’acheter ou de céder un quelconque investissement ou intérêt y afférent. Les analyses présentées dans ce document sont le fruit des recherches menées par J.P. Morgan Asset Management, qui a pu les utiliser à ses propres fins. Sauf mention contraire, toutes les données chiffrées, prévisions, opinions, informations sur les tendances des marchés financiers ou techniques et stratégies d’investissement mentionnées dans le présent document sont celles de J.P. Morgan Asset Management à la date de publication du présent document. Elles sont réputées fiables à la date de rédaction. Elles peuvent être modifiées sans que vous n’en soyez avisé. Il est à noter que la valeur d’un investissement et les revenus qui en découlent peuvent évoluer en fonction des conditions de marché. Aucune certitude n’existe quant à la réalisation des prévisions.
[1] Sources: Barclays Capital, BIS, FactSet, J.P. Morgan Asset Management
[2] FMI décembre 2016
[3] Barclays Capital 09/02/2017
[4] EUR HY: 4,1 an et US HY: 4 an – Barclays Capital 09/02/2017
[5] EUR HY: 3,97% et US HY: 5,766% – Barclays Capital 09/02/2017
Elections américaines : It’s the economy stupid !
Par Vincent Juvyns, Strategiste chez J.P. Morgan AM
Le 29 novembre
Cette célèbre phrase de James Carville, conseiller de Bill Clinton, lors de la campagne présidentielle victorieuse du parti démocrate en 1992 face à George Bush, doit aujourd’hui hanter les conseillers de Hillary Clinton, car ils semblent s’être fait prendre au même piège que leurs prédécesseurs avaient, jadis, tendu au camp républicain. En effet, de la même manière que Bill Clinton avait pris le contrepied de George Bush, en concentrant sa campagne sur l’économie, alors que son adversaire s’enorgueillissait de son bilan en politique étrangère, Donald Trump a su s’approprier les thèmes populaires, comme l’économie, pour l’emporter face à sa rivale.
La situation économique de 2016 n’a certes rien à voir avec celle de 1992 puisque les États-Unis viennent d’enregistrer une croissance de 2,9% au 3ème trimestre et affichent un taux de chômage à 4,9% alors qu’en 1992 le pays était en pleine récession et affichait un taux de chômage de 7%. Malgré cet héritage économique favorable, Donald Trump a réussi à exploiter les « ratés » de la reprise économique dans sa campagne, à l’instar des inégalités croissantes, de la baisse de la productivité et de la désindustrialisation du pays.
En devenant le 45ème président des États-Unis, Donald Trump a déjoué tous les sondages et surpris la plupart des observateurs dont les investisseurs qui ont, en outre, dû faire face à des mouvements de marchés que peu avaient anticipés.
En effet, alors que le consensus prévoyait qu’une victoire de Trump entraînerait une hausse de la volatilité, une baisse des taux et une correction des marchés d’actions, c’est le contraire qui s’est produit puisque le volatilité a baissé de 30%, les taux US à 10 ans sont remontés de plus de 0,4% et le S&P 500 a atteint de nouveaux records. La question est maintenant de savoir si ces mouvements sont le fruit d’une forme de folie collective ou, au contraire, d’une réévaluation rationnelle par les marchés de l’influence qu’aura Trump sur la direction de l’économie américaine et de ses marchés financiers.
Cette seconde option est la plus probable car bien que la victoire de Trump crée nombre d’incertitudes, son programme économique pourrait s’avérer positif sur l’économie US et ses marchés, notamment par le biais des investissements massifs en infrastructures ou des réductions d’impôts pour les ménages et les entreprises. Si ces mesures devraient certes entraîner une hausse de l’inflation, des déficits et des taux, elles devraient dans le même temps soutenir la consommation et l’activité des entreprises.
Dans ce contexte, nous continuons à privilégier les actions américaines dans notre allocation d’actifs et particulièrement les actions « value » ou les « small caps » qui devraient être les principales bénéficiaires de la politique de Trump et affichent des valorisations attractives ainsi qu’une corrélation positive avec les taux d’intérêt.
Taux négatifs… mais performances positives !
Le 22 août 2016
Depuis le début de l’année, les investisseurs européens ne savent plus à quel saint se vouer, face à des obligations aux taux de plus en plus en négatifs et à des marchés d’actions volatils. Dans ce contexte, rares sont ceux qui osent encore s’aventurer sur les marchés financiers et ils se replient pour la plupart vers des actifs, réputés défensifs, comme le cash et l’or, mais qui n’offrent aucun rendement. Pourtant, les marchés financiers, et singulièrement les marchés obligataires, offrent nombre d’alternatives pour les investisseurs à la recherche d’actifs à la fois peu volatils et générateurs de rendement.
Cette conviction peut sembler paradoxale lorsqu’on observe les marchés obligataires[1] aujourd’hui. En effet, 70% des obligations souveraines mondiales affichent un taux inférieur à 1% et 30% d’entre-elles affichent un taux négatif. En Europe, la situation est même plus extrême puisque suite au renforcement du programme d’assouplissement quantitatif de la BCE, c’est près de 50% des obligations souveraines qui affichent un taux négatif. Les obligations d’entreprises continuent quant à elles, à offrir un surcroit de rendement attractif mais leurs taux sont aussi au plus bas, avec 45% des obligations d’entreprises mondiales affichant un rendement inférieur à 2%, 20% un rendement inferieur à 1% et déjà 3% qui se traitent à des taux négatifs. C’est encore une fois en Europe que, grâce au soutien de la BCE, les taux sont les plus bas puisque 89% des obligations d’entreprises se traitent à un taux inférieur à 2%, 72,5% à un taux inférieur à 1% et près de 10% à un taux négatif.
Cependant, taux bas ou négatifs ne sont pas synonymes de mauvaises performances. Les taux évoluent en sens inverse du prix des obligations et tant que celles-ci continueront à être soutenues par les banques centrales les prix continueront à grimper et les taux à baisser. Or, depuis le début de l’année les banques centrales multiplient leurs interventions. La Banque Centrale Européenne a annoncé le renforcement de son programme de rachat d’actifs en mars et l’extension de celui-ci à la dette d’entreprises investment grade depuis le mois de juin. La Banque Centrale d’Angleterre (BoE) a fait de même début août, en baissant son taux directeur de 0,25%, en augmentant de 60 milliards de livres son programme de rachats de bons du trésor britannique et en débloquant une enveloppe de 10 milliards de livres pour racheter de la dette d’entreprise. La Banque Centrale Japonaise (BoJ) continue elle aussi ses achats d’obligations japonaises tandis que la Réserve Fédérale américaine devrait postposer sa prochaine hausse de taux en 2017 et continuer à maintenir la taille de son bilan stable.
L’évolution des indices obligataires[2] depuis le début de l’année illustre bien cette dynamique puisque les obligations souveraines européennes et américaines affichent une performance de respectivement 7% et 6%. La dette à haut rendement affiche quant à elle une performance de 6,6% en Europe et de 12% aux États-Unis et la dette émergente occupe le haut du classement avec une performance de plus de 13%. Ces chiffres démontrent que malgré les taux bas il est toujours possible de réaliser de belles performances sur les marchés obligataires tout en subissant une moindre volatilité que sur les marchés d’actions.
Pour saisir ces opportunités, il convient néanmoins de privilégier les fonds obligataires flexibles qui réalisent des performances en ligne avec les indices précités mais tout en gérant activement le risque de taux et en étant mieux diversifiés.
En conclusion, face à la volatilité des marchés : « Keep calm and buy flexible bonds funds”!
[1] Source: Bloomberg, BofA/Merrill Lynch indexes, J.P. Morgan Asset Management.
[2] JPM GBI Country Returns YTD 03/08/2016
La démographie doit revenir au cœur de l’économie
Par Vincent Juvyns, Stratégiste chez JP Morgan AM
Le 21 juin 2016
Aujourd’hui, lorsque l’on évoque la science économique, on fait généralement référence à des chiffres, des statistiques ou des modèles mathématiques et pourtant, à la base, l’économie est une science humaine qui emprunte davantage à la psychologie et à la sociologie qu’aux mathématiques.
Ainsi, à l’heure où l’approche quantitative de l’économie semble atteindre ses limites, comme l’illustre l’imprécision croissante des prévisions conjoncturelles, il est nécessaire d’en revenir aux fondements de la discipline afin de mieux appréhender les développements économiques à venir.
La faiblesse de la croissance depuis la grande crise financière pose en effet question dans les cercles économiques qui peinent à en trouver la cause et par conséquent à y trouver un remède.
Le cas des États-Unis est emblématique car il s’agit du pays développé qui a le mieux réussi à rebondir après la crise, grâce à l’impact conjugué d’une politique budgétaire pro-cyclique, qui a fait exploser le déficit budgétaire a plus de 9% du PIB en 2009, et d’une politique monétaire agressive, qui a fait gonfler le bilan de la Fed a $4500 milliards. Et pourtant la croissance peine à revenir à son potentiel. Contrairement à l’Europe, on ne peut donc blâmer une réaction tardive des autorités ni même la rigidité de l’économie puisque, si 8,8 millions d’emplois ont été détruits durant la période 2008-2010, 14,4 millions d’emplois ont depuis été créés et le taux de chômage est retombé à 5%.
L’une des raisons le plus souvent évoquée pour expliquer ce ralentissement structurel de la croissance est le vieillissement de la population, puisque la croissance de la population active et la productivité sont les principaux moteurs de la croissance. On observe ainsi que la croissance de la population active américaine s’est établie à 0,7% durant la période 2005 -2015, contre plus de 1% en moyenne depuis 1955, tandis qu’elle devrait tomber à 0,4% pour la décennie à venir. Si l’on ajoute à ce phénomène, le fait que la richesse produite par travailleur n’a cru que de 0,9% durant la période 2005 – 2015, contre 2,1% durant la décennie précédente, on comprend bien entendu pourquoi la croissance peine à retrouver son niveau d’avant crise.
Cependant, le vieillissement de la population n’est pas le seul phénomène démographique qui trouble nos équations économiques. La génération des millenials, avec 92 millions de personnes nées après 1980, est en effet devenue le plus grand groupe de population aux États-Unis, devant les baby-boomers qui ne sont que 77 millions, et leurs habitudes de consommation divergent fortement de celles de leurs ainés. En effet, les millenials sont fortement endettés, la dette étudiante moyenne est passée de $10.000 en 2003 a plus de $20.000 aujourd’hui, alors que dans le même temps les revenus stagnent et que la précarité sur le marché du travail augmente. Dans ce contexte il n’est pas surprenant qu’ils repoussent la date pour fonder un foyer ou pour acheter une maison. Et de manière générale, ils préfèrent jouir d’un bien un temps donné plutôt que de le posséder. Ils privilégient, de ce fait, l’économie du partage. Outre l’intérêt sociologique que cela suscite, cela a bien entendu des répercussions économiques, notamment en termes de consommation, ce dont il faudra désormais tenir compte. Plus que jamais, nous estimons donc que l’humain et la démographie doivent revenir au centre de l’équation économique.
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h2>Le secteur financier se meurt, vive le secteur financier !
Par Vincent Juvyns, Stratégiste chez J.P. Morgan AM
Le 23 mai 2016
Depuis le début de l’année le secteur financier est à la peine sur les marchés boursiers. Il est ainsi l’un des seuls secteurs à rester dans le rouge, après un premier trimestre, certes chahuté, alors que la plupart des indices ont presque retrouvé leurs niveaux du début d’année[1]. Si les investisseurs ont délaissé le secteur financier, c’est que depuis le début de l’année les sources d’inquiétudes se sont multipliées. Cependant, bien que le secteur financier soit confronté à de nombreux défis, il nous semble que les investisseurs ont peut-être surestimé certains risques et sous-estimé la faculté d’adaptation d’un secteur, que l’on a déjà donné plus d’une fois pour mort par le passé.
Au mois de janvier, les banques italiennes ont été les premières à inquiéter en raison de leur accumulation de créances douteuses mais depuis le gouvernement italien a trouvé la parade avec la création du fonds Atlante, détenu par des investisseurs privés conformément au souhait de la commission européenne, et qui sera chargé de gérer les créances douteuses des banques italiennes tout en les accompagnant dans leurs augmentations de capital.
Au mois de février, ce fut au tour de certaines grandes banques d’investissement d’alimenter le mouvement de défiance des investisseurs, en publiant des pertes importantes qui ont fait craindre qu’elles ne puissent pas honorer le paiement des coupons sur leurs dettes subordonnées. Ces craintes ont entrainé une réaction en chaîne, puisque pour couvrir leurs pertes sur leurs obligations de dettes subordonnées, peu liquides, les investisseurs n’ont eu d’autres choix que de vendre les actions des banques correspondantes. Cependant, si la baisse de rentabilité des banques d’investissement, en raison de la diminution des opérations de marchés, peut légitimement inquiéter leurs actionnaires, il est toutefois paradoxal que ce soit leurs créanciers qui aient entrainé ce mouvement. En effet, si la rentabilité du secteur est en baisse, c’est notamment en raison du poids de la régulation qui limite ses activités risquées et l’oblige à augmenter ses fonds propres, ce qui est globalement positif pour les détenteurs de dette subordonnée bancaire.
Pétrole et taux d’intérêt
Durant l’ensemble du trimestre, la baisse des prix pétroliers a également suscité des inquiétudes vis-à-vis des banques en raison de leur exposition au secteur énergétique. La baisse du prix du baril a en effet entrainé une hausse du taux de défaut des entreprises pétrolières, qui pourrait s’accélérer si le prix devait rester durablement sous la barre de $30 le baril, et fait resurgir le spectre d’une nouvelle crise financière. Les rapports annuels 2015 des 6 principales banques américaines[2] montrent cependant que leur exposition totale au secteur énergétique est de 200 milliards de dollars et, bien que ce montant soit important, il ne constitue pas un risque systémique en tant que tel et ce, d’autant moins, que la majeure partie des prêts a été octroyée à des entreprises disposant d’un rating investment grade. Les banques ont, en outre, déjà constitué des réserves suffisantes pour faire face aux éventuels défauts tandis que le spectre d’un prix du baril durablement sous la barre des $30 dollars s’éloigne petit à petit.
Le dernier thème en date à peser sur le secteur financier est l’impact de la politique de taux négatifs des banques centrales sur la rentabilité du secteur. Il faut tout d’abord souligner que les banques sont les principales bénéficiaires de ces politiques puisqu’elles abaissent le coût de service de la dette, ce qui renforce la solvabilité des emprunteurs et fait diminuer les créances douteuses. Dans le même temps, les banques réalisent des plus-values sur leurs portefeuilles obligataires et voient leurs propres coûts de financement diminuer, notamment sur les marchés monétaires. Malheureusement, les taux bas, voire négatifs, compriment aussi la rentabilité du secteur. Les banques disposent en effet de deux principales sources de revenus : les commissions sur les services qu’elles octroient et les marges sur taux d’intérêt qu’elles perçoivent en prêtant à long terme les dépôts à court terme de leurs clients. C’est principalement cette seconde source de revenus qui est aujourd’hui sous pression puisque les taux des prêts à long terme sont en chute libre tant pour les entreprises que pour les particuliers, qui profitent de cette période pour refinancer leurs prêts à la baisse. Les refinancements génèrent cependant des commissions pour les banques, ce qui n’est pas le cas lorsque des prêts à taux variables sont contractuellement revus à la baisse. Dans certains pays comme l’Espagne, où la majorité des prêts hypothécaires sont à taux variables, le secteur bancaire pourrait s’en trouver fragilisé. La baisse des taux entraîne cependant une hausse de la demande de crédit mais, selon le FMI, il faudrait que celle-ci s’établisse entre 2% (France) et 6% (Espagne et Italie) pour compenser la faiblesse des marges nettes d’intérêts. Le traitement du passif des banques est également problématique puisque celles-ci se sont jusqu’ici refusées, pour des raisons commerciales et/ou légales, à adapter la rémunération des dépôts aux conditions de marché et qu’elles subventionnent par conséquent les épargnants.
Ainsi, si les risques pesant à court terme sur le secteur financier ont peut-être été surestimés, il n’en demeure pas moins que, dans un environnement de taux durablement bas, le modèle d’affaires traditionnel des banques est aujourd’hui remis en question. Ce n’est cependant pas la première fois dans l’histoire que le secteur bancaire doit lutter pour sa survie et grâce au renforcement de la régulation, il aborde aujourd’hui ce défi avec une situation bilantaire meilleure que jamais. Le secteur bancaire demeure un outre un engrenage essentiel de nos économies et bien que la faiblesse des taux affecte sa capacité bénéficiaire, elle induit également un besoin croissant de services financiers, générateurs de commissions, auprès de la population qui devra se résoudre à investir son épargne ou à voire celle-ci s’éroder inexorablement. Le secteur financier lui-même demeure une excellente opportunité d’investissement tant d’un point de vue obligataire que sur les marchés d’actions. Ce secteur est cependant loin d’être homogène et certaines institutions sont plus exposés que d’autres aux risques précités.
[1] Performances YTD au 19/04/2016: MSCI World +2,4%, MSCI World Financials -3,63%, MSCI Europe -4,34%, MSCI Europe Financials – 11,64%, MSCI USA + 2,42%, MSCI USA Financials -2,37%
[2] JP Morgan, Citigroup, Wells Fargo, Bank of America Merrill Lynch, Goldman Sachs and Morgan Stanley
Eloge de la constance
Le 26 avril 2016
Avec sa pièce de théâtre, «The importance of being earnest», récemment reprogrammée par le Royal Opera House, Oscar Wilde nous donne une leçon de finance comportementale. Cette leçon se résume en une phrase: l’importance d’être constant!
Depuis le début de l’année 2016, la volatilité des marchés, attisée par les inquiétudes liées à la croissance mondiale, semble, en effet, avoir eu raison de la confiance des investisseurs qui ont retiré près de 8 milliards d’euros des fonds d’actions européens au cours des dernières semaines. Cependant, comme souvent, la peur s’est révélée mauvaise conseillère puisque les flux sortants se sont concentrés aux mois de février et de mars alors même que les marchés rebondissaient de plus de 11% depuis leur plus bas du 11 février.
Ceci illustre, une fois de plus, l’importance d’être constant et discipliné en tant qu’investisseurs et de ne pas céder aux tentations du «market timing», car si l’on vend souvent au plus mauvais moment, on rate surtout les rebonds qui suivent généralement les corrections. Or, à long terme, ceci peut avoir un impact significatif sur le rendement de son patrimoine. Les calculs démontrent ainsi que, si un investisseur avait placé 10 000 euros en actions européennes en 2001, sans plus y toucher par la suite, son patrimoine s’élèverait aujourd’hui à 15 784 euros. En revanche, si en raison d’un «market timing» hasardeux, il avait raté les 10 meilleurs jours de progression des marchés, qui ont généralement lieu lorsque les investisseurs capitulent, son patrimoine ne s’élèverait plus qu’à 8100 euros.
Ainsi, à l’instar d’Algernon et Ernest dans la pièce d’Oscar Wilde, on observe que lorsque les investisseurs et les traders s’échangent les rôles, ils s’exposent à des déconvenues, qui, si elles prêtent à rire au théâtre, sont en revanche, comme le démontre cette analyse, plus douloureuses sur les marchés. Le happy end d’Oscar Wilde n’intervient qu’une fois que ses personnages ont retrouvé leurs rôles respectifs et cette leçon s’applique également aux investisseurs. Rester constant, investi à long terme et de manière diversifiée demeure en effet la meilleure stratégie d’investissement.
Tout va « relativement » bien, c’est grave ?
Le 6 avril 2016
Depuis le début de l’année, les marchés sont animés par une forme d’hystérie collective alimentée par les craintes d’un hard landing (atterrissage forcé) en Chine, d’une récession aux États-Unis, et des conséquences de la baisse du prix du pétrole. En janvier, nous estimions que ces craintes étaient exagérées et à l’aube de la fin du premier trimestre, il nous semble utile de les confronter à la réalité.
Le ralentissement de l’économie chinoise s’est confirmé au début de l’année mais les autorités ont, comme nous l’anticipions, pris une série de mesures pour stabiliser la croissance et le renminbi. La banque centrale chinoise a ainsi abaissé les ratios de réserves obligatoires des banques de 50 points de base afin de soutenir la croissance du crédit, tandis que le gouvernement a décidé de laisser filer son déficit budgétaire à -3% en 2016. Dans ce contexte, un hard landing nous semble peu probable. Le spectre d’une dévaluation massive du renminbi semble s’éloigner également puisque l’USD/CNY (renminbi on-shore) se traite à nouveau à son niveau de fin décembre. On peut certes s’inquiéter du fait que la stabilisation du renminbi ait été opérée au prix d’une forte baisse des réserves de change mais les mesures techniques prises cette année pour enrayer la spéculation, à l’instar de l’application des mêmes ratios de réserves obligatoires sur les dépôts en CNH (renminbi off-shore), commencent à porter leurs fruits. La Chine n’a ainsi dû consacrer que 28,7 milliards de dollars au soutien de sa monnaie en février, contre 100 milliards en moyenne depuis août 2015.
L’imminence supposée d’une récession aux États-Unis a également pesé sur les marchés en janvier, mais les indicateurs économiques publiés récemment démontrent que la première économie mondiale continue à croître à un rythme soutenu. La croissance du 4ème trimestre 2015 a, en effet, été revue à la hausse, le taux de chômage est retombé à 4,9% et l’indice de l’Université du Michigan, mesurant la confiance des consommateurs, est remonté au mois de février. Certes, le secteur manufacturier reste à la peine, mais il est loin de s’effondrer, comme l’illustre la remontée surprise de l’indice ISM manufacturier, qui est passé de 47,8 au mois de janvier à 49,5 au mois de février. Il semble donc que les craintes d’une récession dans les prochains mois sont exagérées.
Enfin, la baisse des prix pétroliers a également fait couler beaucoup d’encre. Il est cependant établi aujourd’hui qu’il s’agit avant tout d’un choc de l’offre, avec l’arrivée des États-Unis et de l’Iran sur les marchés pétroliers internationaux, et pas d’un choc de la demande qui demeure importante, à l’instar de la Chine qui a importé 8% de pétrole en plus en 2015 qu’en 2014. A terme, nous estimons comme en début d’année que l’offre devrait graduellement s’ajuster, ce qui, conjugué à la stabilisation du dollar, devrait permettre au prix du baril de se maintenir à un niveau supérieur à 30 dollars.
En conclusion, bien que les défis économiques et financiers restent nombreux, à l’instar du référendum britannique ou de la croissance anémique des bénéfices des entreprises, le scénario catastrophe anticipé par les marchés au début de l’année semble s’éloigner. Dans ce contexte nous estimons que nombre d’actifs ont été survendus, à l’instar des actions européennes ou de la dette à Haut Rendement. Ces classes d’actifs affichent en effet des valorisations attractives, des fondamentaux solides et surtout, dans ce contexte de taux négatifs, des rendements compétitifs, puisque le rendement du dividende s’établissait au 11 mars 2016 à 3,6% et que les taux High Yields européens étaient de 5,7%.
Ceci n’est pas un « bear market »
Le 2 mars 2016
En Belgique, nous sommes peut-être plus habitués qu’ailleurs dans le monde à une certaine forme de surréalisme. Toutefois, il faut reconnaître que bien qu’ayant grandis dans le berceau de ce courant artistique, rien ne nous avait préparé au surréalisme des marchés qui, en ce début 2016, nous plongent une nouvelle fois dans un flou artistique.
Ces dernières semaines, la plupart des indices boursiers sont en effet entrés en phase de « bear market », ayant dépassé le seuil des 20% de baisse depuis leurs plus hauts d’avril 2015. Cependant, bien que techniquement la définition de « bear market » puisse être retenue, celle-ci n’en demeure pas moins surréaliste car, jusqu’ici, aucun des symptômes qui précèdent ou accompagnent généralement ce type de configuration de marchés n’a été observé.
En effet, l’analyse des dix derniers grands « bear market » illustre que ceux-ci sont déclenchés par des valorisations élevées, des resserrements monétaires rapides des banques centrales, de fortes hausses des prix des matières premières et enfin, dans 80% des cas, par une récession. C’est surtout ce dernier point qui fait aujourd’hui débat dans la communauté financière, car certains voient dans la volatilité actuelle des marchés financiers, alimentée par les difficultés des secteurs manufacturiers et énergétiques, le signe que l’économie mondiale et, singulièrement, l’économie américaine, sont au bord de la récession. Cependant, comme le signalait, il y a déjà 50 ans, le prix Nobel d’économie, Paul Samuelson, « Wall Street a prédit neuf des cinq dernières récessions aux États-Unis ». Autrement dit, on ne peut pas se baser uniquement sur les signaux de marchés pour établir des perspectives conjoncturelles. La réalité des marchés financiers diffère en effet souvent de celle de l’économie réelle. Ainsi, si les difficultés du secteur manufacturier américain affectent 65% des profits du S&P 500, ce secteur ne représente que 12% du PIB et 14% des emplois.
Les marchés ne sont donc pas un baromètre conjoncturel en tant que tel mais seulement un indicateur parmi d’autres, et ces autres indicateurs, à l’instar de la consommation, du taux de chômage ou de l’activité dans le secteur des services, continuent de pointer vers une légère accélération de l’économie mondiale et américaine en 2016. Dans ce contexte, le « bear market » que nous traversons actuellement nous semble non justifié au regard des fondamentaux économiques mais le risque est que, si celui-ci perdure, il pourrait avoir un impact négatif sur la confiance des agents économiques et ainsi créer sa propre réalité, celle d’une récession… Aujourd’hui plus que jamais, il est donc important de conserver son sang-froid et de s’en remettre aux fondamentaux.
Dans ce difficile exercice de mise en perspective, il est bon de se rappeler que depuis 1990, si l’on exclut la crise financière de 2008, nous n’avons connu que 7 périodes ou les marchés ont baissé de plus de 10% alors que la croissance du PIB réel était positive[1] et que seule la correction de 1990 a été effectivement suivie d’une récession dans les 6 mois qui ont suivi. Dans les 6 autres cas, les corrections de 10% n’ont, non seulement pas été suivies d’une récession dans les 6 mois, mais en outre, la croissance réelle du PIB était même dans la plupart des cas plus élevée 6 mois après. Enfin, dans 100% des cas (7 cas sur 7), le S&P 500 a sensiblement rebondi avec un rendement moyen de 21,44%, 6 mois après la correction.
[1] 1990, 1998, 2002, 2003, 2010, 2011, 2015
Titrisation: malédiction ou bénédiction ?
Le 11 janvier 2016
Considérée comme une malédiction en 2008, la titrisation des actifs, aujourd’hui mieux régulée, mérite une nouvelle attention.
Depuis la crise de 2008, la titrisation est synonyme des pires excès de l’industrie financière car, bien qu’elle n’en ait pas été la cause, elle l’a amplifiée en favorisant sa propagation. La titrisation est pourtant une technique relativement simple consistant à créer des actifs obligataires[1] avec un panier d’actifs, le plus souvent des prêts bancaires[2], générant un revenu récurrent. Ce procédé est attractif tant du point de vue de l’émetteur qui allège ainsi son bilan, que de l’investisseur qui achète un actif obligataire dont le risque de crédit est en théorie plus limité, puisque ne dépendant pas d’un, mais de plusieurs débiteurs et que, dans certains cas, le collatéral sous-jacent est mis partiellement ou totalement en garantie. Cependant, l’inadéquation de la régulation de l’époque et les errances de certaines institutions financières ont conduit à la mise sur le marché de structures opaques, avec des sous-jacents hétérogènes et parfois de qualité douteuse, à l’instar des prêts hypothécaires subprimes. En outre, les agences de notations ont parfois manqué de vigilance, attribuant souvent aux actifs titrisés une notation crédit supérieure à celles des sous-jacents. La suite est connue, les difficultés rencontrées en 2008 par la banque Lehmann Brothers et par certains fonds monétaires, en raison de leur exposition à ces actifs, ont précipité la crise de 2008 et si, depuis, la plupart des marchés boursiers ont retrouvés leur niveau d’avant crise, ce n’est pas le cas de la titrisation. Ainsi, alors qu’en 2007 les émissions d’Asset Backed Securities (« ABS ») atteignaient 500 milliards[3] d’euros en Europe, elles ne dépassent plus guère 50 milliards d’euros par an depuis 2009.
Si la titrisation a été considérée comme une malédiction en 2008, le concept initial n’en demeure pas moins intéressant, s’il est bien encadré et repose sur des sous-jacents solides. Or, aujourd’hui, la réglementation afférente à la titrisation a été sensiblement renforcée, que ce soit aux États-Unis avec la règle de Volcker ou en Europe avec les travaux de la Commission Européenne pour définir une « Simple Transparent Securitization ». Outre éviter les excès du passé, les régulateurs souhaitent permettre à ce marché de se redévelopper sur des bases plus solides. C’est également l’objectif des banques centrales, à l’instar de la Fed qui a ainsi investi 1.700 milliards de dollars en Mortgage Backed Securities (« MBS ») depuis 2013 ou de la Banque Centrale Européenne qui a acheté pour 150 milliards d’euros d’Asset Backed Securities depuis 2014. Si les banques centrales s’engagent à soutenir la titrisation, c’est parce que celle-ci est un excellent vecteur de transmission de leur politique monétaire. En titrisant les actifs sur leur bilan, les banques augmentent en effet leur capacité d’octroi de crédit et par conséquent soutiennent davantage l’économie. Malgré ces mesures, les émissions d’actifs sécurisés peinent à retrouver leur niveau d’avant crise en raison du manque d’appétence des investisseurs pour cette classe d’actifs. Pourtant, la titrisation mérite d’être reconsidérée, car en plus d’une meilleure réglementation, les sous-jacents[4] sont également de meilleure qualité puisque la reprise économique observée de part et d’autre de l’Atlantique réduit les taux de défaut de paiement. Enfin, les actifs titrisés ont conservé des caractéristiques utiles pour les investisseurs obligataires dans l’environnement actuel de taux bas et appelés à remonter. Les ABS et MBS affichent en effet un spread de respectivement 25 et 50 points de base par rapport aux bons du trésor américain à 10 ans et ce, pour des durations moyennes inferieures, qui s’établissent à respectivement 4,8 et 6,8 années. Ces spreads conjugués à une moindre sensibilité aux taux ont ainsi permis à ces actifs d’afficher une meilleure performance que les bons du trésor américain à 10 ans cette année et ce, avec un risque taux inférieur.
Sources des performances, spreads et durations :
[1] Par exemple: Asset Backed Securities, Mortgage Backed Securities, Collateralized Loans Obligations
[2] Prêts hypothécaires, cartes de crédit, automobiles
[3] Source: J.P.Morgan Asset Management
[4] Par exemple : Prêts hypothécaires, prêts étudiants, prêts automobiles, prêts cartes de crédit
Vent d’Est sur le système monétaire international
Le 24 novembre 2015
Le système monétaire international est à l’aube d’une révolution majeure. Cependant, bien que tous les investisseurs aient les yeux rivés sur la Réserve Fédérale américaine, conscients que le premier relèvement de ses taux depuis 2006 aura un impact bien au-delà des Etats-Unis, c’est ailleurs que se prépare cette révolution.
D’ici la fin du mois, le Fonds Monétaire International devrait en effet décider de l’inclusion du renminbi au panier de devises qui sert de base au calcul des droits de tirage spéciaux et ainsi lui conférer le statut de monnaie de réserve. Ce scénario, encore considéré comme peu probable au début de cette année, a depuis cet été, gagné de plus en plus de supporters.
Même les États-Unis ont récemment laissé entendre que pour la première fois ils n’y apposeraient par leur véto. Ceci peut naturellement surprendre car, depuis cet été et la décision surprise de la banque centrale chinoise d’assouplir le « soft-peg*» qui liait le renminbi au dollar, la Chine a alimenté les spéculations les plus folles quant à la détérioration plus ou moins forte de son économie et quant à sa volonté de dévaluer sa monnaie pour y répondre. Il semble aujourd’hui que les évènements de cet été n’aient finalement été qu’une tempête dans un verre d’eau mais qu’en revanche dans les prochains mois un vent d’Est pourrait bien souffler sur le système monétaire international. Le renminbi a en effet toutes les chances de devenir une monnaie de réserve.
La Chine satisfait depuis longtemps à la première condition, à savoir être un acteur majeur du commerce mondial, tandis qu’elle remplit de plus en plus les critères de la seconde condition, à savoir d’avoir une monnaie évoluant relativement librement au gré des forces du marché et largement utilisée. A cet égard, notons qu’au mois d’août le renminbi est devenue la 4ème monnaie la plus utilisée dans les transactions SWIFT alors qu’elle n’était encore que 12ème en août 2012.
Dans ce contexte, le risque d’une dévaluation de la monnaie chinoise est peu probable car une fois auréolé de son statut de monnaie de réserve, le renminbi sera graduellement plus présent dans les réserves des banques centrales et des fonds souverains qui souhaiteront renforcer leurs détentions d’actifs libellés en renminbi. Si on ne peut nier que la Chine devrait encore faire face à de nombreux défis dans le cadre de sa transition vers une économie orientée sur les services et la consommation, son ascension au sein du système monétaire ainsi que dans les indices actions et obligataires devrait se poursuivre et les investisseurs devront veiller à tenir compte de cette nouvelle réalité dans leur allocation d’actifs.
*borne de fluctuation du taux de change
Les « small caps » en pole position pour profiter de la reprise en Europe…
Le 9 novembre 2015
Ces trois dernières années, on a pu observer, que les petites capitalisations européennes (small caps) ont largement surperformé les grosses capitalisations, et cette tendance s’est encore renforcée en 2015 puisqu’ à la fin du mois d’octobre, l’indice MSCI Europe Small Cap affichait une performance de +17,11% contre +7,51% pour l’indice MSCI Europe. Malgré ces bonnes performances, une volatilité relativement importante et des valorisations légèrement supérieures aux moyennes historiques, les small caps devraient continuer à surperformer le marché dans les prochains mois car celles-ci sont les mieux placées pour profiter de la reprise économique en Europe.
Depuis le début de l’année, la croissance économique en Europe s’accélère en effet grâce à la baisse de l’euro qui dope nos exportations mais surtout grâce à la vigueur de la demande domestique, qui a surpris nombre d’économistes. La baisse des prix pétroliers et du taux de chômage, retombé à 10,8% au mois de septembre, soutient en effet la consommation des ménages puisque les ventes au détail ont progressé de 2,6% sur an au mois d’août, tandis que, malgré les déboires de Volkswagen, on a enregistré quelque 800.000 nouveaux véhicules au mois de septembre. En outre, les ménages profitent de conditions de financement favorables puisque les taux demeurent bas et que les prêts bancaires aux ménages ont progressé de 1,2% sur un an au mois de septembre et ce principalement pour des prêts hypothécaires comme le rapporte une banque sur trois. Ainsi, malgré un contexte international fébrile, caractérisé par une croissance anémique du commerce mondial et un ralentissement de la croissance dans nombre de pays émergents, on peut estimer que la reprise économique européenne repose sur des bases solides et qu’elle devrait vraisemblablement se poursuivre au cours des prochains trimestres. Les indicateurs de confiance illustrent d’ailleurs que les Européens semblent peu concernés par le contexte international, puisque les indicateurs de sentiment économique et le PMI composite en zone euro sont remontés à respectivement 107,5 et 54 au mois d’octobre, soit leurs plus hauts niveaux depuis 4 ans.
Cette embellie conjoncturelle se reflète déjà dans les résultats d’entreprises européennes, qui ont affiché une croissance à deux chiffres de leurs bénéfices par action au deuxième trimestre, et si les grandes entreprises, opérant et exportant mondialement, sont concernées par la fébrilité du contexte international c’est moins le cas pour les small caps qui dépendent davantage du contexte local et donc de la demande domestique. On observe ainsi sur le graphique de gauche que la surperformance des small caps est fortement corrélée avec l’évolution des indicateurs PMI de la zone euro, ce qui est de bon augure pour les prochains mois. Les small caps européennes bénéficient en outre d’un accès plus facile et moins couteux au crédit puisque les taux pour des prêts de moins d’un million d’euros sur une période de 5 ans, sont passés de 6% en moyenne en 2008 à moins de 4% maintenant, ce qui se traduit par une hausse de la demande de crédit pour 16% de banques interrogées dans le cadre du Bank Lending Survey de la BCE. Malgré ces chiffres encourageants, il est vrai que la capacité des banques à prêter aux petites entreprises demeure contrainte par la régulation bancaire mais la situation devrait s’améliorer dans les prochains mois car tant la Commission Européenne que la BCE tentent de ressusciter et de mieux réguler le marché des Asset Backed Securities, ce qui devrait permettre aux banques de prêter davantage aux petites entreprises sans alourdir leur bilan.
Malgré cet environnement favorable aux small caps, les investisseurs hésitent encore souvent à les intégrer dans leur portefeuille car celles-ci sont perçues comme plus risquées, en raison de leur plus grande volatilité, et comme relativement chères. Or, s’il est vrai que les small caps se traitent actuellement à des niveaux supérieurs à leur moyenne historique[1], il n’en demeure pas moins que leur rendement corrigé par le risque est plus attractif que celui des grandes et moyennes capitalisations et ce même sur des horizons d’investissement très courts[2]. Pour toutes ces raisons, il nous semble opportun de rappeler qu’intégrer des petites capitalisations dans son portefeuille est d’une part, une démarche utile pour l’économie, puisqu’elle soutient le financement des petites entreprises, qui génèrent deux tiers des emplois en Europe, mais également une stratégie d’investissement rémunératrice et ce particulièrement dans le contexte actuel.
[1] Comme l’illustre le graphique en bas à droite
[2] Comme l’illustre le graphique en haut à droite
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Vendre la rumeur et acheter les faits
Le 1er septembre 2015
La décision de la Banque Centrale Chinoise (PBOC) de dévaluer le renminbi par rapport au dollar a entrainé un vent de panique sur les marchés financiers mondiaux qui ont, pour la plupart, effacés leurs gains de l’année après plusieurs séances tumultueuses. Même si en fixant, le 11 août dernier, le cours de change USD/RMB à 6.2298, soit un niveau inférieur de 1,9% par rapport au cours de la veille, la PBOC n’a objectivement réalisé qu’une dévaluation relativement limitée de sa monnaie, la poursuite de la baisse du renminbi dans les jours qui ont suivi a fait craindre que la Chine n’entre dans un cycle de dévaluation de sa monnaie. Les marchés ont également interprété cette action comme un aveu de faiblesse des autorités chinoises face à un ralentissement conjoncturel peut-être plus marqué que ce que les données macroéconomiques officielles ne laissent supposer. Leurs craintes ont en outre été attisées par la chute de plus de 8,3% des exportations au mois de juillet, par rapport à l’année précédente, ainsi que par le fait que l’indicateur PMI manufacturier soit retombé à 47,8 au mois d’août, soit son plus bas niveau depuis mars 2009. Cependant, si le ralentissement de l’économie chinoise ne fait aucun doute, aucun n’élément n’indique en revanche que celle-ci se contracte et il est bon de rappeler que même au rythme de croissance actuel, la Chine continue de générer l’équivalent du PIB de la Suisse chaque année.
Il est donc nécessaire de replacer l’intervention de la PBOC dans un contexte plus large. En effet, si la PBOC a certainement voulu faire regagner un peu de compétitivité à l’économie chinoise, dont la monnaie s’est tout de même appréciée de près de 15,3% par rapport au dollar depuis 2008, elle a aussi voulu anticiper le resserrement monétaire de la Fed qui aurait entrainé le renminbi dans son sillage et déforcé encore un peu plus la Chine par rapport aux autres pays émergents.
Enfin, il faut surtout noter que l’intervention de la PBOC est intervenue 8 jours après la publication d’un rapport du FMI, recommandant notamment de laisser évoluer le renminbi davantage au gré des forces du marché pour que celui-ci puisse être intégré au panier de devises servant de base aux droits de tirages spéciaux et donc rejoindre le cercle des monnaies de réserve. Or, la Chine n’a jamais caché ses ambitions quant à l’internationalisation du renminbi et, ces dernières années, elle a d’ailleurs multiplié les efforts en ce sens, en scellant des nombreux accords de swap avec les principales banques centrales mondiales et en facilitant l’usage du renminbi dans les transactions transfrontalières. Le renminbi est ainsi devenu en 2014 la cinquième devise la plus utilisée dans les transactions opérées par Swift. Dans ce contexte, il est donc peu probable que la Chine se lance dans un cycle de dévaluation car elle perdrait la confiance des investisseurs ce qui nuirait à ses ambitions d’internationalisation du renminbi. Or, la Chine a beaucoup plus à gagner de l’internationalisation de sa devise que d’une dévaluation temporaire de celle-ci. Le statut de monnaie de réserve confère bien des avantages, comme un abaissement des coûts de financement et une diminution du risque de change.
Si, à court terme, le renminbi pourrait continuer à baisser face dollar en raison du ralentissement de l’économie chinoise, à moyen terme, la Chine devrait conserver un avantage de croissance sur les pays développés, ce qui devrait soutenir sa devise dont on peut évaluer, sur base des indicateurs de parité de pouvoir d’achat, qu’elle est encore largement sous-évaluée. A la lumière de ces éléments on peut estimer que l’intervention de la PBOC n’est peut-être pas aussi maladroite que ce que ne l’ont estimé les marchés tandis que la baisse du taux dépôt et des ratios de réserves obligatoires intervenue le 25 août illustre que la PBOC n’est pas à cours de munitions pour soutenir l’économie et les marchés chinois. La Chine devra encore faire face à de nombreux défis à moyen et long terme pour assurer la transition de son économie vers les services et la consommation, mais rien n’indique qu’elle représente un risque systémique pour l’économie mondiale à court terme.
Dans ce contexte on peut estimer que la correction qui a touché de manière indiscriminée l’ensemble des places boursières mondiales, à la fin du mois d’août, témoigne davantage d’un regain d’aversion pour le risque que d’une détérioration des fondamentaux. En effet, si l’on peut comprendre que les marchés émergents aient été sous pression, en raison des craintes suscitées par l’imminence du resserrement monétaire de la Fed et par la baisse du prix des matières, et que le marché chinois ait corrigé sa progression pour le moins spéculative de ces 12 derniers mois, il est en revanche surprenant que les marchés développés aient suivi la tendance.
Les chiffres de croissance du premier trimestre ainsi que les indicateurs avancés continuent en effet à indiquer une légère accélération de la croissance dans les pays développés tandis que la baisse des prix pétroliers, l’environnement de taux bas et la faiblesse de l’inflation devraient continuer à y soutenir la consommation. L’environnement microéconomique n’est pas en reste puisque la saison de publication des résultats du deuxième trimestre était encourageante. Les entreprises du S&P 500 ont en effet bien absorbé la hausse du dollar, puisque 74% d’entre-elles ont dépassé les attentes et que leur croissance bénéficiaire s’est établie a 4%, hors secteur énergétique. En zone Euro, les entreprises ont profité de la baisse de l’euro et d’une demande domestique soutenue puisque 67% des entreprises ont dépassé les attentes et que la croissance bénéficiaire hors secteur énergétique s’est établie à 22%. Au Japon, pays pourtant le plus exposé á la Chine, les entreprises appartenant au Topix ont dépassé les attentes dans 64% des cas et affiché une progression de leurs bénéfices de 21%. Ces croissances bénéficiaires relativement soutenues conjuguées à des valorisations généralement en ligne avec les moyennes historiques nous confortent dans l’idée que privilégier les marchés d’actions au détriment des marchés obligataires et les pays développés au détriment des pays émergents est aujourd’hui l’approche la plus pertinente dans un portefeuille diversifié. Aujourd’hui il convient donc, plus que jamais, de ne pas céder à la panique et de se concentrer sur les fondamentaux pour orienter sa stratégie d’investissement.
America is back ! Dans votre portefeuille aussi ?
Le 29 juin 2015
Ces dernières années, l’économie américaine nous avait habitués à de belles performances économiques et la plupart des économistes s’attendaient dès lors à ce que sa croissance s’établisse autour de 3% en 2015. Malheureusement, l’économie n’est pas une science exacte et la contraction de 0,7% du PIB US au premier trimestre 2015 est venue ternir ce tableau idyllique.
Doit-on pour autant craindre un ralentissement de l’économie US dans les prochains mois? Nous ne le pensons pas, car la plupart des facteurs qui ont pesé sur le PIB US au premier trimestre sont de nature temporaire. En effet, la consommation des ménages a été affectée par des conditions météorologiques exceptionnelles puisque cet hiver a été l’un des plus froids depuis 1939 dans le nord des États-Unis. La balance commerciale a également pesé sur le PIB au premier trimestre en raison de la vigueur du dollar mais surtout de la grève des dockers des ports de la côte ouest par où transite près de 50% du commerce extérieur US. Les investissements ont aussi contribué négativement au PIB du premier trimestre dans la mesure où la baisse des prix pétroliers a obligé l’industrie du pétrole de schiste à réduire sensiblement le développement de nouveaux sites d’exploitation. Enfin, on note depuis plusieurs années déjà que les dépenses de l’état ralentissent au premier trimestre de l’année, ce qui a détérioré encore un plus l’activité économique.
Si les investissements pétroliers devaient rester relativement faibles en 2015, nous estimons que les autres composantes du PIB, et singulièrement la consommation, devraient rebondir au cours des prochains trimestres. Pour soutenir cette affirmation, certaines données économiques publiées récemment méritent d’être mises en exergue. Soulignons ainsi qu’au cours des douze derniers mois 17,7 millions de véhicules ont été vendus aux États-Unis et plus d’un million de maisons ont été mises en chantier, ce qui n’était, dans les deux cas, plus arrivé depuis 10 ans et traduit de manière incontestable la confiance des ménages américains. Cette confiance est entretenue par la baisse continue du taux de chômage, retombé à 5,5% dernièrement, mais surtout par les premiers signes de hausses de salaires. En effet, l’indicateur « Employment Cost Index » utilisé par la Fed a affiché une croissance de 2,6% dernièrement marquant ainsi un point d’inflexion sur la courbe de Phillips[1] qui laisse présager une accélération des salaires.
Cette accélération conjuguée à une inflation cœur de 1,8% commence à placer la Fed dans une situation inconfortable et il semble inévitable que celle-ci devra entamer la normalisation de sa politique monétaire avant la fin de l’année. Cependant, compte tenu de l’influence de la politique monétaire de la Fed hors des États-Unis, notamment en raison du fait que le dollar demeure la principale monnaie de réserve mondiale, certaines institutions, à l’instar du FMI, ont invités la Fed à reporté ses ambitions à 2016. Il demeure difficile de dire si la Fed sera sensible à ces arguments mais en temps qu’investisseurs une chose est sure, c’est que dans les deux cas nous devront évoluer dans un environnement monétaire un peu moins souple dans quelques mois et qu’il convient dès lors de s’y préparer. Faut-il pour autant se préparer au pire, c’est-à-dire un « bear market » ? Nous ne le pensons pas car, lorsque l’on analyse l’ « anatomie » des 10 dernières grandes périodes de marchés baissiers (cf. Tableau), on peut en conclure que les conditions ne sont, aujourd’hu, pas réunies pour légitimer ce scenario. En effet, dans 80% des cas le « bear market » s’est inscrit dans un contexte de récession, or les États-Unis sont aujourd’hui au mieux en milieu de cycle. Par ailleurs, on note que dans 40% des cas un « bear market » est survenu dans un contexte de hausses des taux de la Fed mais ces dernières étaient consécutives a une forte inflation des prix des matières premières, or nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation opposée puisque les prix des matières premières ont sensiblement baissé. Enfin dans 40% des cas, le marché baissier s’est inscrit dans un contexte de valorisations extrêmes, comme en août 2000 ou les ratios cours/bénéfices se situaient aux alentours de 24 pour le S&P 500 alors qu’ils ne sont aujourd’hui que de 16,8. Les investisseurs européens ont délaissé les actions américaines depuis le début de l’année, craignant l’impact du dollar fort et de la baisse des prix pétroliers sur les bénéfices des entreprises mais si ce positionnement s’est avéré payant au premier trimestre compte tenu de la sous-performance du S&P 500, il pourrait représenter un coût d’opportunité dans les prochains mois. En effet les bénéfices des entreprises américaines ont mieux digéré que prévu la baisse du prix du pétrole et la hausse du dollar puisqu’ils ne se sont contractés que de 5% au premier trimestre, progressant même de plus de 9% si l’on exclut les sociétés pétrolières. Le rebond de la consommation devrait profiter aux secteurs bancaires et de consommation durable qui sont particulièrement bien représentés dans les indices de type « value ». A ce stade, il nous semble donc essentiel de souligner qu’une (ré-) exposition au marché américain devrait s’avérer payante dans les prochains mois et ce, particulièrement si l’on privilégie une approche de type « value » abordée par de nombreux fonds d’investissements.
Source : Standard & Poor’s, NBER, FactSet, Robert Shiller, J.P. Morgan Asset Management.*A bear market represents a 20% or more decline from the previous market high. Data are as of May 31, 2015.
[1] Rapport en taux de chômage et croissance des salaires
Vers un plus grand rôle de la Chine dans le système monétaire international ?
Le 4 mai 2015
Depuis le début de l’année, la crise grecque fragilise à nouveau la zone euro et la confiance des marchés dans sa monnaie. Elle nous rappelle aussi qu’une union monétaire telle que la nôtre est fragile, et que l’adhésion à celle-ci n’est pas un principe acquis, mais bien une profession de foi sans cesse renouvelée, la main sur le Pacte de Stabilité et de Croissance.
Conscients qu’aujourd’hui plus que jamais la confiance est d’or pour une monnaie fiduciaire telle que l’euro, les dirigeants européens ont conclu en mars de 2011 un « Pacte pour l’euro » afin de renforcer notre modèle de gouvernance économique et luttent aujourd’hui pour conserver la Grèce au sein de l’union monétaire.
Ceci est d’autant plus indispensable que le XXIe siècle sera vraisemblablement le théâtre d’une lutte acharnée pour le leadership monétaire et, bien que l’euro ait gagné ses lettres de noblesse sur les marchés internationaux, il lui faudra batailler pour conserver sa place de deuxième monnaie de réserve internationale, après le dollar américain… et peut-être bientôt, après le renminbi chinois. Depuis la crise de 2008, la suprématie du dollar et de la politique monétaire américaine au sein du système monétaire international est en effet de plus en plus remise en cause, et ce dernier pourrait bien entamer un nouveau chapitre de son histoire sous l’égide du G20, qui a fait de sa réforme l’un de ses principaux objectifs. Les dirigeants du G20 sont en effet confrontés au même défi que ceux de la zone euro, celui d’accroître la stabilité du système monétaire international afin d’éviter que la politique monétaire, budgétaire ou de change d’un seul pays ne puisse le déséquilibrer. Pour arriver à cet objectif, ils devront favoriser une transition ordonnée vers un système monétaire international mieux diversifié et reflétant davantage la réalité économique mondiale.
Pour comprendre les enjeux actuels un bref retour dans le temps s’impose
Depuis l’Antiquité, la prééminence d’une monnaie sur la scène internationale a toujours été liée au pouvoir économique, et souvent militaire, du pays qui en était l’émetteur, mais aussi à la capacité de celui-ci à protéger la valeur réelle de sa monnaie en maintenant une inflation basse et stable. Il est ainsi intéressant d’observer que si la Grèce moderne traverse actuellement une mauvaise passe, la Grèce antique connut une période de gloire entre le Ve et le Ier siècle avant notre ère, et sa monnaie, le drachme d’argent, fut probablement la première monnaie à revêtir un statut international. Plusieurs monnaies s’imposeront par la suite comme l’aureus d’or romain, le solidus byzantin, le fiorino florentin ou le gulden hollandais mais il fallut attendre le XIXe siècle et l’âge d’or de l’Empire britannique pour avoir la première monnaie de réserve globale puisque la livre sterling était alors utilisée comme monnaie de référence dans plus de 60% des échanges commerciaux mondiaux. A l’issue de la Deuxième Guerre mondiale, les États-Unis deviennent la première puissance économique et militaire mondiale et la conférence de Bretton Woods de 1944 assoit leur leadership monétaire.
Toutes les monnaies sont désormais définies en dollars, sur la base d’un taux de change fixe, et la valeur réelle de celui-ci est garantie par le « Gold Exchange Standard » qui assure une convertibilité du dollar en or, sur la base de 35 dollars américains l’once d’or. Ce système tiendra jusqu’au début des années 1970, moment où les États-Unis sont obligés de faire « tourner la planche à billets » pour financer deux conquêtes majeures, celles du Vietnam et de l’espace. L’abondance de dollars alimente l’inflation un peu partout dans le monde, ce qui entraîne un mouvement de défiance vis-à-vis du billet vert et une multiplication des demandes de conversion de celui-ci en or. Les États-Unis, craignant alors de voir leurs réserves d’or disparaître, suspendent la convertibilité du dollar, ce qui fait voler en éclats le système de taux de change fixe, et laisse la place à un système de taux flottants, régi par les forces du marché, que nous connaissons toujours aujourd’hui, et où le dollar est malgré tout resté omniprésent. Il faut attendre la fin des années 1990 pour qu’un premier candidat sérieux, l’euro, concurrence le dollar au sein du système monétaire international. Cependant, si l’euro a depuis réussi à conquérir une « part de marché » importante, il est aujourd’hui confronté à ses propres faiblesses en raison de la crise identitaire que traverse l’Europe et ne peut donc jouer pleinement son rôle d’alternative au dollar. Ce dernier représente ainsi toujours plus de 60% des réserves de change mondiales, et si sa baisse a longtemps posé problème, c’est son renforcement qui inquiète aujourd’hui dans nombre de pays émergents. Plus que jamais, la situation actuelle nous rappelle la célèbre remarque de John Connally, secrétaire au trésor des États-Unis au début des années 1970 : « Le dollar, c’est notre monnaie mais c’est votre problème ». Il convient donc de réformer une nouvelle fois le système monétaire international afin que celui-ci soit plus stable, mais aussi qu’il tienne davantage compte de la réalité et de la diversité économique mondiale comme cela a toujours été le cas dans l’histoire.
Vers un nouveau système monétaire international
Aujourd’hui, la réalité économique mondiale, c’est la montée en puissance des pays émergents et de la Chine en particulier. Bien que le poids de la Chine, mesuré en dollars, ne représente que 13,3% de l’économie mondiale, celle-ci est devenue à parité de pouvoir d’achat la première économie mondiale en 2014 et elle a généré 30% de la croissance mondiale ses 7 dernières années. Conscients de leur poids économique de plus en plus important et soucieux de ne pas être tributaires de la politique monétaire américaine et des déboires de la zone euro, les dirigeants chinois ont encore récemment rappelé à Christine Lagarde, à l’occasion de la réunion de printemps du FMI, leur ambition de voire le renminbi bientôt considéré comme monnaie de réserve. Ils espèrent en effet que l’institution, qui doit revoir cette année la constitution du panier de devises servant de base aux droits de tirage spéciaux, y intègre le renminbi ce qui lui confèrerait de facto le statu de monnaie de réserve.
Cette ambition n’est pas nouvelle mais elle a aujourd’hui beaucoup plus de chances d’aboutir puisque, comme le souhaitait les instances internationales, la Chine laisse désormais évoluer sa monnaie plus librement au gré des forces du marché et qu’elle a facilité l’accès des investisseurs étrangers à ses marchés financiers. En juin 2010, elle a ainsi décidé d’assouplir l’ancrage du renminbi par rapport au dollar, tandis qu’elle autorise désormais les entreprises multinationales, actives sur son territoire, à émettre des obligations directement en renminbi pour financer leurs opérations locales. Bien sûr, certains pays à l’instar des États-Unis pourraient exercer leur droit de veto, estimant que le renminbi demeure artificiellement sous-évalué. Mais peut-on estimer que cet argument demeure valable dans un monde où la guerre des devises fait rage et où tant les États-Unis que le Japon et maintenant l’Europe ont récemment implémenté des politiques monétaires visant à déprécier leur devises ? Ces douze derniers mois le renminbi est d’ailleurs l’une des rares devises à être restée stable face au dollar et ce malgré la baisse sensible des exportations chinoises. Ceci illustre que les dirigeants sont disposés à faire des sacrifices pour voire le renminbi auréolé du statut de monnaie de réserve et sans prendre part activement à la guerre des devises, ils sont peut-être en passe de la gagner et les investisseurs devront en tenir compte dans les prochaines années.
Le yen n’est plus le seul vecteur de support pour les actions japonaises
Le 31 mars 2015
Depuis son plus bas de mars 2009, l’indice Nikkei 225 a progressé de 179% et atteint son plus haut niveau depuis 15 ans en mars de cette année. Cette progression a largement été favorisée par la politique monétaire de la Banque Centrale Japonaise (BoJ) depuis l’arrivée au pouvoir de Shinzo Abe puisque le programme d’assouplissements quantitatifs de la BoJ a entrainé une baisse du yen et des taux qui a permis de gonfler les revenus et les bénéfices des entreprises japonaises (cf : graphique 1). Bien que la BoJ ait été le levier le plus efficace de la politique de Shinzo Abe, celle-ci semble avoir récemment adopté un positionnement plus attentiste, comme l’illustre la stabilisation du yen, afin de se ménager une marge de manœuvre en cas de ralentissement conjoncturel. Sans nouvelles mesures monétaires à court terme, on peut dès lors se demander si le cycle haussier du marché japonais ne risque pas lui aussi de faire une pause.
Graphique 1
Nous ne le pensons pas. L’indice Nikkei 225 ne semble en effet plus tributaire de la baisse du yen pour progresser puisque malgré la stabilisation de la devise japonaise cette année, celui-ci a progressé de 13%, soit la deuxième meilleure performance boursière après l’Europe. Par ailleurs, nous estimons que le marché japonais devrait continuer à progresser grâce à l’impact conjugué de valorisations attractives, d’importants flux de capitaux et d’une amélioration des fondamentaux des entreprises japonaises.
En termes de valorisations, il est en effet intéressant d’observer que le marché japonais est le seul marché développé dont la valorisation est inférieure à sa moyenne à dix ans. Les actions japonaises se traitent en effet actuellement à 15,2x les bénéfices attendus contre 16,1x ces dernières années (cf. tableau 1). Les bénéfices des entreprises japonaises pour le quatrième trimestre 2014 ont en outre surpris positivement puisque 67% d’entre-elles ont dépassé les attentes des analystes, ce qui n’était plus arrivé depuis 5 ans. Dans ce contexte les analystes revoient leurs perspectives de croissance bénéficiaire pour le marché japonais à la hausse et s’attendent désormais à une croissance du bénéfice par action de 13,6% pour 2015.
Tableau 1
Les flux de capitaux devraient également soutenir le marché japonais. En effet, le poids des actions japonaises dans l’allocation stratégique du « Government Pension and Investment Fund (GPIF) », le plus grand fonds de pension du monde, est passé de 12% à 25% l’an dernier et pour se conformer à ce nouveau mandat le GPIF devra investir $59 milliards en actions japonaises en 2015. Cet investissement sera complété par un investissement de $26 milliards de la BoJ dans le cadre de son « qualitative easing ». Au total c’est donc près de $85 milliards qui seront investis dans le marché japonais cette année, ce qui équivaut à +/- 2% de la capitalisation boursière du Nikkei 225. Par ailleurs, il est fort probable que l’exemple du GPIF et de la BoJ soit suivi par le reste de l’industrie des fonds de pension et des assureurs japonais, qui totalisent $4.800 milliards d’actifs, puisque ceux-ci sont également sous-exposés à leur propre marché.
Enfin, il faut signaler que les investissements du GPIF et de la BoJ se feront notamment par l’intermédiaire d’un nouvel indice, le JPX Nikkei Index 400, qui est composé d’entreprises répondant aux standards internationaux en termes de gouvernance, avec notamment la présence d’administrateurs indépendants au conseil d’administration, et de rentabilité. Le gouvernement espère ainsi que les investissements du GPIF et de la BoJ seront des vecteurs de changement dans les entreprises japonaises qui permettront d’améliorer leurs fondamentaux et ainsi de renforcer leur attractivité auprès des investisseurs. Le rendement sur fonds propres (ROE) des entreprises japonaises est en effet passé de 20%, jusqu’ à la fin des années 80, à moins de 10% depuis les années 90 alors que les marchés américains et européens continuent d’afficher des ROE à deux chiffres.
En conclusion, si nous reconnaissons que le Japon demeure confronté à nombre de défis économiques et démographiques à court et long terme, nous estimons cependant que le triptyque « valorisations attractives, flux de capitaux et amélioration des fondamentaux » devrait soutenir le marché japonais au cours des prochains mois. Par ailleurs, l’économie japonaise est l’économie développée qui bénéficie le plus de la baisse des prix pétroliers, puisque les importations de pétrole représentaient 3,6% du PIB japonais à la fin de 2013, et si malgré cela le Japon devait connaitre un nouveau ralentissement conjoncturel cette année, la BoJ devrait pouvoir intervenir à nouveau et stimuler le marché grâce a une nouvelle baisse du yen.
2015, année de l’Europe ?
Le 17 février 2015
Depuis le début de l’année, l’Europe est à nouveau sous les feux des projecteurs en raison d’une part, des espoirs suscités par le plan d’assouplissement quantitatif (QE) de la Banque Centrale Européenne (BCE) et d’autre part, des inquiétudes alimentées par la situation politique en Grèce. Si l’Europe fait parler d’elle, elle ne parvient cependant pas à convaincre les investisseurs de son potentiel puisque ces derniers sont aujourd’hui très divisés sur l’opportunité d’augmenter leur exposition à l’Europe alors qu’une majorité d’entre eux en était convaincus au début de 2014. Le premier semestre 2014 – marqué par une économie européenne à la peine en raison d’un euro fort, d’absence de réformes structurelles et du succès des partis eurosceptiques aux élections européennes – a échaudé nombre d’investisseurs qui ont réduit leur exposition au vieux continent durant l’été 2014.
Malgré le bilan économique mitigé de l’Europe en 2014, nous demeurons cependant confiants dans son potentiel économique et dans le potentiel de rendement de ses marchés financiers pour 2015. En effet, le second semestre 2014 nous a apporté nombre de raisons d’espérer des jours meilleurs. La BCE est ainsi parvenue, grâce à l’implémentation d’un taux de dépôt négatif au mois de juin, à faire baisser l’euro de près 20% par rapport au dollar, ce qui est une aubaine pour une économie ouverte comme la zone euro, et ce d’autant plus que, dans le même temps, la forte baisse des prix pétroliers devrait également soutenir l’activité et la consommation. Nous pourrions dès lors observer en 2015 les premiers frémissements de la croissance en Europe. Pour s’en assurer et pour lutter contre la déflation la BCE a d’ailleurs décidé de sortir les grands moyens en ce début 2015 puisque dans le cadre de son nouveau programme QE, elle va investir près de 60 milliards d’euros par mois sur les marchés obligataires européens. De la sorte le bilan de la BCE devrait avoir retrouvé d’ici un an son niveau de 2012, soit 3.000 milliards d’euros, ce qui maintiendra une pression baissière sur l’euro ainsi que sur les coûts de financements des états et des entreprises européens.
Si l’on ne peut que se réjouir de ces mesures, leur succès dépendra, comme la BCE l’a elle-même rappelé, des réformes que les états membres continueront à prendre pour diminuer leur déficits et augmenter leur compétitivité ainsi que des initiatives de relance que prendra la Commission Européenne (CE). On observe toutefois qu’en la matière une dynamique positive s’est installée en 2014. En effet, le traditionnel contrôle budgétaire du mois de juin réalisé par la CE auprès des états membres a mis en exergue une amélioration des comptes publics dans nombre de ceux-ci, à l’instar de la Belgique qui a, dans la foulée, pu sortir de la procédure de déficit excessif. Sur le front des réformes on a également pu observer un regain d’activité dans des pays comme la France (Pacte de responsabilité – Loi Macron), Italie (Job Act) ou même la Belgique. Enfin, depuis le début du mois de novembre, une nouvelle équipe a repris les rennes de la CE, bien consciente qu’elle n’a pas droit à l’erreur et qu’il lui faut compléter l’action de la BCE et contrer les politiques d’austérité des états membres par une politique de relance des investissements au niveau européen. L’intérêt d’une politique de relance pilotée depuis Bruxelles est double, d’une part cela permet d’objectiver le choix de projets financés et d’autre part, cela permet de financer ceux-ci de manière relativement neutre d’un point de vue budgétaire grâce à la capacité d’attraction des capitaux privés, la Banque Européenne d’Investissement. La CE espère lever au total près de 300 milliards d’euros qui seront investis au cours des trois prochaines années. L’ensemble des pièces du puzzle se mettent donc en place et l’on peut raisonnablement estimer que l’impact conjugué, d’un euro faible, de taux bas, de réformes structurelles et des investissements publics, permettra a l’Europe de retrouver le chemin de la croissance en 2015 et au delà. Les indicateurs de surprise économique publiés par Citigroup illustrent que l’Europe se démarque désormais positivement par rapport aux États-Unis et plus généralement par rapport aux économies du G10 (cf. graphique). Ceci a d’ailleurs amené la CE a revoir, une fois n’est pas coutume, à la hausse ses prévisions de croissance pour la zone euro en 2015 (1,3%) et en 2016 (1,9%).
Graphique 1 : Indicateurs de surprises économiques (Citigroup)
Nous estimons cependant qu’indépendamment de toute amélioration conjoncturelle, les marchés financiers européens tant d’actions que d’obligations présentent un intérêt en 2015. Les revenus des entreprises européennes, générés pour 45% hors d’Europe, devraient bénéficier de la baisse de l’euro tandis que les marges devraient profiter de la baisse des charges d’intérêts et des prix pétroliers. En outre, la dernière intervention de la BCE a « rebasé » le taux sans risques au dessous de zéro renforçant par conséquent l’attractivité de classes d’actifs génératrices de revenus comme les actions européennes dont le rendement du dividende moyen demeure à 3,3%. Au delà des marchés d’actions, les marchés obligataires pourraient, malgré leur valorisation élevée, également surprendre positivement en 2015. Le programme d’assouplissement quantitatif de la BCE devrait en effet aggraver encore un peu plus l’inadéquation entre l’offre et la demande d’obligations au niveau mondial. Tant que la demande pour la dette européenne restera supérieure à l’offre nous estimons que les valorisations pourraient encore progresser. Si la dette souveraine européenne revêt encore un intérêt en 2015, c’est également vrai pour les marchés de crédit européens et singulièrement pour le marché de la dette à haut rendement européenne qui pourrait en outre profiter de sa faible exposition au secteur énergétique (moins de 2%) par rapport au High Yield américain ou le secteur pèse plus de 13% et pourrait entrainer une hausse du taux de défauts.
Dans ce contexte, nous estimons que le meilleur moyen de tirer parti de la baisse de l’euro et des effets directs et indirects de la politique monétaire de la BCE, est de considérer une exposition aux marches d’actions européennes d’approcher les marchés obligataires du vieux continent de manière flexible.
Quelles perspectives pour les marchés obligataires en 2015 ?
Le 28 janvier 2015
L’année 2013 a été pour les marchés obligataires et singulièrement pour les bons du Trésor américain, l’une des années les plus difficiles depuis les « krach » de 1994 en raison de la hausse de 1,28% du taux à 10 ans aux États-Unis. La plupart des stratégistes s’attendaient à ce que cette situation perdure en 2014, puisque le consensus tournait autour d’un taux américain à 10 ans à 3,38% en fin d’année.
Les marchés ont cependant pris le consensus à contre-pied puisqu’à la clôture des marchés le 31 décembre 2014, le taux US à 10 ans s’établissait à 2,17% soit 87 points de base en dessous de son niveau de fin 2013. Dans ce contexte, les obligations à long terme ont été l’une des classes d’actifs les plus performantes en 2014, à l’instar des obligations belges à 30 ans qui ont affiché un rendement de 37% ! Ce rallye obligataire peut être en partie attribué à des facteurs fondamentaux tels que la baisse des attentes en matière d’inflation mais également à des facteurs techniques, tels que l’inadéquation entre l’offre et la demande d’actifs obligataires, qui a atteint $500 milliards en 2014 (cf. Graphique 1).
Graphique 1
La demande d’actifs obligataires est en effet restée élevée en 2014 puisque tant les investisseurs particuliers que les banques centrales et que les investisseurs institutionnels ont soutenu la tendance. Les investisseurs particuliers ont vraisemblablement voulu profiter de la hausse relative des rendements, atteinte fin 2013, pour rééquilibrer leurs portefeuilles, puisqu’ils ont investi près de 360 milliards de dollars en fonds obligataires en 2014. Les principales banques centrales ont également continué à investir en obligations d’État puisque leurs achats obligataires ont atteint 1.200 milliards de dollars en 2014. La Banque du Japon et la Banque Centrale Européenne continuent en effet à mener des politiques monétaires expansionnistes visant notamment à augmenter la taille de leurs bilans tandis qu’aux États-Unis, malgré la fin de l’assouplissement quantitatif, le maintien d’un bilan de 4.500 milliards de dollars impose à la Fed de continuer à investir sur les marchés pour remplacer les titres arrivés a échéance. Par ailleurs, les contraintes réglementaires obligent les investisseurs à long terme (assureurs, fonds de pensions…) à maintenir une exposition élevée aux actifs de qualité supérieure comme les bons du Trésor US. Enfin, la diminution continue des risques de la part des fonds de pension a également dopé la demande d’obligations.
Si la demande d’obligations est restée élevée en 2014, on a dans le même temps observé un tassement de l’offre qui a encore creusé l’écart en offre et demande d’actifs obligataires. En 2010, le financement des déficits budgétaires, creusés pour soutenir des économies en panne de croissance, a conduit à une émission record d’obligations d’État, pour une valeur de 3 000 milliards de dollars US. Depuis lors, les déficits budgétaires ont cependant été réduits, grâce au timide retour de la croissance économique et aux politiques d’austérité. Le FMI table désormais sur une diminution des déficits publics dans les pays développés à 3,1 % du PIB en 2015, contre 3,9 % en 2014. Dans ce contexte l’offre d’obligations souveraines devrait continuer à fléchir et nous nous attendons à ce que le volume total d’émissions atteigne 1.260 milliards de dollars en 2015, soit moins de la moitié du niveau de 2010. Au niveau de la dette d’entreprises, on a également observé qu’après plusieurs années d’émissions record, la volatilité des marchés a incité les émetteurs à observer une pause en 2014, mais nous nous attendons à une reprise des émissions en 2015.
Que peut-on attendre pour 2015 ?
Depuis le début de l’année 2015, les rendements des principales obligations d’État ont continué à baisser, tombant même dans de nombreux marchés à des plus bas historiques. Nous pensons cependant que l’embellie conjoncturelle observée aux États-Unis devrait conduire la Reserve Fédérale américaine à remonter son taux directeur en 2015, ce qui devrait avoir un impact négatif sur les marchés obligataires. Nous estimons toutefois que si les taux d’intérêt devaient augmenter en 2015, ce processus devrait être beaucoup plus lent que par le passé, en raison de l’impact conjugué de la faiblesse des attentes inflationnistes et d’une demande d’actifs obligataires qui devrait surpasser l’offre de quelque $ 600 milliards en 2015 (cf. Graphique 1). La perspective d’un krach obligataire nous semble dans, ce contexte, peu probable, mais nous nous attendons cependant à ce que la divergence accrue des politiques monétaires conduise à une volatilité plus grande sur les marchés obligataires en 2015.
Cet environnement constitue un véritable casse-tête pour les investisseurs. La perspective d’une hausse des taux depuis les niveaux plancher actuels impose une approche flexible pour protéger la valeur de son capital et les revenus qui y sont associés. Dans ce contexte, les produits de spread, tels que les obligations à haut rendement, conservent toujours un intérêt. Cependant, la hausse de la volatilité pourrait impacter la liquidité, déjà très basse, des segments obligataires les plus vulnérables du marché. En outre, la forte baisse des prix pétroliers constitue une menace pour le marché de la dette à haut rendement aux États-Unis puisque le secteur énergétique représente environ 17% de ce marché et que, compte tenu du fait que nombre de ces entreprises ont besoin d’un prix du baril compris entre 60 et 80 dollars pour être rentables, on pourrait assister à une augmentation du taux de défaut. Dans ce contexte, la meilleure protection pour les investisseurs est d’augmenter le niveau de diversification de leur portefeuille de crédits en y intégrant, par exemple, de la dette à haut rendement européenne. Celle-ci n’est en effet que faiblement exposée au secteur énergétique (moins de 2%) et affiche d’excellents fondamentaux comme un taux de défaut de 1%, soit un niveau bien inferieur à la moyenne de 5,2% observée ces 20 dernières années. Enfin les marchés de crédits européens devraient bénéficier de l’intervention de la BCE sur les marchés obligataires.
En conclusion, si 2015 s’annonce pleine de défis pour les marchés obligataires, le scenario d’un krach obligataire nous semble peu probable et une approche diversifiée et flexible devrait, toutes choses étant égales par ailleurs, porter ses fruits en 2015.
Pensez à mettre quelques actions européennes sous le sapin de Noël
Le 9 décembre 2014
Le recours à l’assouplissement quantitatif (AQ) par la Banque centrale européenne (BCE) figure en tête de la liste de Noël des investisseurs européens. Nombre d’entre eux estiment que le ton conciliant de Mario Draghi signifie que la BCE est sur le point de mettre en place un véritable programme d’achats d’obligations souveraines et selon eux, la question n’est plus de savoir si elle franchira le pas, mais quand. Ce scenario est quelque peu prématuré mais, s’il se concrétise en 2015, il convient de réfléchir aux conséquences concrètes d’un tel programme.
Aux États-Unis et au Royaume-Uni, l’AQ avait pour objectif de faire baisser les taux d’intérêt tout le long de la courbe des taux. En Europe, les taux à 10 ans souverains sont déjà tombés à des plus bas historiques de 0,8 % en Allemagne, 1,2 % en France et 2,1 % en Espagne et en Italie et on voit dès lors mal l’intérêt d’acheter de la dette souveraine. Les obstacles politiques seraient considérables et, pour les surmonter, Mario Draghi risque de gaspiller de l’énergie pour une récompense somme toute limitée. Par ailleurs, si les entreprises américaines et britanniques dépendent à, respectivement, 88 % et 57 % des marchés de capitaux pour satisfaire leurs besoins de financement, les entreprises européennes dépendent encore à 66% du crédit bancaire (graphique 1).
Graphique 1
Par conséquent, il est nettement plus logique de viser ce canal pour faciliter la transmission de la politique monétaire à l’économie réelle. C’est précisément ce que la BCE essaie de faire avec ses opérations ciblées de refinancement à plus long terme (TLTRO) et ses achats d’obligations sécurisées et de titres adossés à des actifs (ABS). En outre, une contrainte majeure qui pesait sur le crédit bancaire a été levée avec la fin de la revue de la qualité des actifs (AQR) et des tests de résistance des principales banques européennes.
Les premiers résultats sont encourageants puisque la dernière enquête de la BCE sur les conditions d’octroi de crédit bancaire a mis en évidence une amélioration généralisée, tout comme les chiffres dévoilés récemment par la Banque d’Espagne, qui font état d’une diminution en glissement annuel des créances douteuses au sein des banques espagnoles, une première depuis 2005. De nombreuses banques sont désormais libérées du poids de l’examen de la qualité de leurs actifs et il est fort probable qu’elles rouvrent enfin le robinet du crédit, ce qui devrait avoir des répercussions positives sur leur rentabilité.
Si l’amélioration de l’environnement de crédit constitue incontestablement l’ingrédient déterminant de la relance de la croissance dans la zone euro, on peut se demander pourquoi la perspective d’un plan d’assouplissement quantitatif à l’américaine agite autant les investisseurs.
Au rayon des idées reçues, passons en revue d’autres impressions des marchés à l’égard de l’Europe. Le spectre d’un éclatement de la zone euro a resurgi face à l’érosion du soutien des électeurs aux partis centristes et à la montée des velléités sécessionnistes (en Espagne et en Italie) et des partis contestataires tels que le Front national, Syriza et Podemos. Ce phénomène ne se limite pas à l’Europe continentale : on observe des tendances similaires au Royaume-Uni avec la désaffection à l’égard du Parti travailliste et des libéraux-démocrates au profit du Parti national écossais (SNP) et du Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP). Néanmoins, ces partis n’ont pas réussi à constituer un groupe parlementaire homogène à Strasbourg, ce qui limitera leur capacité à mettre des bâtons dans les roues de la Commission Européenne.
Il faut également se souvenir que les pays de la périphérie ont assaini leurs finances publiques après des décennies de laisser-aller : à présent, ils dégagent tous un excédent budgétaire primaire (hors service de la dette) – à l’exception de l’Espagne – et un excédent de la balance courante.
Autre source d’anxiété largement partagée par les investisseurs au sujet de la zone euro : la stagnation des bénéfices des entreprises mais, là encore, la perception ne reflète pas la réalité récente. Au second trimestre, les bénéfices des sociétés européennes sont ressortis en hausse de 9% sur un an. La progression des bénéfices s’est accélérée au troisième trimestre : +15 %, soit un taux plus élevé que celui observé aux États-Unis. La tendance devrait se poursuivre en 2015 et en 2016, notamment grâce au rebond des bénéfices des valeurs financières. La récente dépréciation de l’euro continuera de soutenir les entreprises européennes pendant un certain temps car ces dernières réalisent 45 % de leur chiffre d’affaires en dehors de l’Europe.
L’absence préoccupante de réformes structurelles constitue une autre source de lamentations constantes quant aux perspectives de l’Europe. Il ne faut cependant pas oublier que les mesures déjà prises ont permis de resserrer le solde budgétaire primaire de la zone euro de 2,3% du PIB depuis 2011. A titre de comparaison, la consolidation réalisée par le Royaume-Uni est de 0,9%. Voilà qui contredit l’impression d’un manque de réformes significatives.
Évidemment, certains pays doivent faire beaucoup plus. En Italie, par exemple, le Premier ministre Matteo Renzi a soumis au Parlement une réforme du droit du travail, aujourd’hui trop rigide, avant de s’attaquer à la réforme électorale. En France, le gouvernement a baissé les charges sociales qui pèsent sur les entreprises en échange de créations d’emplois. La Belgique et les Pays-Bas ont également procédé à des réformes visant à renforcer la compétitivité de leur marché de l’emploi. L’Allemagne est exhortée à ouvrir son secteur des services à la concurrence mais les progrès qui restent à réaliser ne doivent pas occulter ceux qui ont déjà été accomplis.
En parallèle, l’union bancaire, qui a vu la BCE assumer le rôle de principale autorité de réglementation du secteur bancaire, constitue un changement très important. Dans le cadre de cette révolution bancaire, nous avons assisté à un vaste mouvement de concentration des banques publiques en Allemagne et en Espagne et la plupart des banques publiques espagnoles ont été privatisées. Par ailleurs, l’Irlande, la Grèce, l’Espagne, l’Italie et la France ont toutes mené des réformes significatives de leurs régimes de retraite.
Tandis que les pays membres continuent de se concentrer sur les réformes structurelles et la réduction de leur déficit budgétaire pour rentrer dans les clous du pacte de stabilité et de croissance, la Commission européenne va désormais s’appuyer sur la Banque européenne d’investissement pour stimuler la demande en Europe en augmentant les investissements dans les infrastructures, auxquels elles prévoit de consacrer 300 milliards d’euros dans les trois prochaines années. Connaissant l’effet multiplicateur des dépenses d’infrastructure sur le PIB, cette initiative soutiendra sans aucun doute l’activité dans la zone euro dans les années à venir. L’avenir de la zone euro s’annonce plus radieux qu’il ne l’est aujourd’hui et les marchés, qui ont une nature prospective, devraient s’en rendre pleinement compte. En outre, les marchés actions européens ne sont pas chers : en effet, le ratio cours/bénéfices prévisionnels de l’indice MSCI Europe ex UK s’établissait à 14 à la fin octobre, soit très légèrement au-dessus de sa moyenne des quinze dernières années (13,9). Si les cours sont conformes aux moyennes historiques, les fondamentaux sont meilleurs en revanche: le ratio d’endettement total des entreprises de l’indice MSCI Europe, qui était en moyenne de 256 % ces vingt dernières années, se situe aujourd’hui à 192 % (graphique 2). Enfin, les investisseurs en quête de revenus seront ravis de constater que les actions européennes affichent un des taux de rendement des dividendes les plus intéressants (3,3 % en moyenne à la fin octobre) parmi les marchés développés. A la lumière de ces éléments, nous estimons qu’il vaut donc la peine de reconsidérer les opportunités d’investissement en Europe et de placer quelques large caps européennes sous le sapin !
Comment améliorer les revenus de votre patrimoine financier face à l’allongement de l’espérance de vie ?
Le 12/11/2014
On se focalise souvent sur le risque de marché mais le risque de longévité lié à l’augmentation de l’espérance de vie est également important. Aujourd’hui, ne pas prendre des risques mesurés avec son épargne est, paradoxalement, peut-être le risque le plus important auquel nous nous exposons.
Au cours du 20ème siècle, notre espérance de vie s’est considérablement allongée, de sorte qu’aujourd’hui, 60 % des hommes et 71 % de femmes âgés de 65 ans devraient atteindre l’âge de 80 ans. Si l’on ne peut que se réjouir de l’augmentation de l’espérance de vie, celle-ci constitue cependant un défi pour le financement de nos retraites et fragilise les systèmes de retraites obligatoires. En effet, ceux-ci doivent, d’une part, accompagner les retraités plus longtemps et, d’autre part, faire face à une baisse du nombre de cotisants en raison de l’inversion de la pyramide des âges et d’un niveau d’emploi en baisse. La question de la pérennité des systèmes de retraites obligatoires n’est pas nouvelle et la plupart des gens sont aujourd’hui conscients qu’il leur faut constituer un patrimoine qui pourra être utilisé et/ou produire une rente supplémentaire à l’âge de la retraite afin de pallier l’insuffisance de la retraite obligatoire. Malheureusement, malgré cette prévoyance le risque de survivre à son patrimoine est de plus en plus important. Ceci s’explique d’une part, par le fait que l’on vit plus longtemps et d’autre part, par le fait que nous nous montrons souvent trop peu ambitieux quant au rendement de notre épargne. Le patrimoine financier des ménages est, en effet, principalement investi directement ou au travers d’assurances vie, dans des classes d’actifs dites défensives, à l’instar des obligations et des dépôts bancaires, dont le rendement réel est actuellement peu attractif en raison de la faiblesse des taux d’intérêts.
Le temps joue en faveur de l’épargne diversifiée
Aujourd’hui, l’épargnant soucieux de se constituer un patrimoine sur le long terme, tout en minimisant son risque, se doit dès lors d’élargir le champ de ses investissements et de reconsidérer l’intérêt d’une exposition plus large aux marchés financiers. Les crises de 2002 et de 2008 ont échaudé nombre d’investisseurs et beaucoup considèrent la décennie écoulée comme perdue. Pourtant, lorsque l’on confronte ce sentiment à la réalité des chiffres, on constate que bien que ces dernières années aient été difficiles, elles ont toutefois été positives pour un certain nombre de classes d’actifs et que les investisseurs disposant d’un portefeuille bien diversifié ont réalisé un rendement similaire à celui des actions : un portefeuille composé de 15% d’obligations d’états, 20% d’obligations d’entreprises, 5% de dette émise par des pays émergents, 5% d’immobilier, 5% de fonds spéculatifs 7,5% d’actions émergentes, 32,5% d’actions mondiales, a affiché un rendement annualisé de 7,1% ces 10 dernières années lorsque les actions mondiales ont progressé de 7 % par an[1]. Face à la mondialisation de l’économie, une diversification efficace se doit elle aussi d’être globale, comme dans l’exemple ci-dessus, afin de saisir les opportunités offertes notamment par les pays émergents et de lisser la volatilité.
Naturellement, investir dans ce genre de véhicule financier s’inscrit dans le temps tout comme un investissement en assurance vie ou en immobilier, et l’on doit être prêt à accepter une certaine volatilité à court terme. Bien que ces perspectives de rendement à long terme soient relativement plus attractives que ce qu’un investissement dit défensif pourra produire, nombre d’investisseurs continuent à préférer les placements en immobilier et/ou en obligations car ceux-ci leur procurent un revenu régulier qui leur permet de compléter leur retraite. Si cette recherche d’une rente se comprend compte tenu de l’allongement de l’espérance de vie, les investisseurs oublient cependant que les marchés financiers regorgent de sources de revenus récurrents et qu’il est possible de percevoir un « loyer », sous forme de coupon ou de dividende, pour l’argent que l’on a investi sur les marchés financiers.
Dividendes et coupons : le « loyer » des placements financiers
Aujourd’hui, les investisseurs ont, en outre, accès à des fonds d’investissement qui ont vocation à générer des revenus récurrents en sélectionnant des actifs financiers qui offrent des rendements à la fois attractifs et pérennes. A ce titre, les actions octroyant un dividende élevé et stable sont souvent plébiscitées car, en plus de bien rémunérer leurs actionnaires, elles performent généralement mieux que les entreprises distribuant des dividendes faibles ou n’en distribuant pas du tout. Ceci s’explique par le fait que l’octroi de dividendes est un signal fort donné par une entreprise à ses actionnaires en ce qui concerne sa santé financière. En effet, alors que les bénéfices retenus sont un concept comptable, les dividendes sont des liquidités bien réelles, distribuées par la société. L’historique de distribution de dividendes d’une société est également important, puisqu’il permet d’évaluer la probabilité que cette société puisse restituer des liquidités aux actionnaires dans le futur. Pour continuer à payer un dividende stable chaque année, une société doit être saine, et disposer d’une direction rigoureuse et d’un solide business model. Il est par conséquent logique que ce type de sociétés réalise, à terme, des performances supérieures. Le rendement du dividende moyen s’établit actuellement à 3,3% en Europe ce qui se compare favorablement au rendement offert par les autres classes d’actifs octroyant des revenus récurrents, à l’instar des obligations à 10 ans de la Belgique dont le rendement est aujourd’hui proche de 1,12 %[2]. Les obligations dans leur ensemble n’en demeurent pas moins une source de revenus réguliers intéressante pour peu que l’on aborde également la dette d’entreprise ou la dette des pays émergents. Ces obligations sont certes plus volatiles mais, sur le long terme, elles offrent un potentiel de rendement plus intéressant que les obligations d’états de pays développés, tandis qu’à court terme elles permettent de recevoir des coupons réguliers largement supérieurs.
Que ce soit sur les marchés d’actions ou les marchés obligataires, les investisseurs peuvent donc percevoir un « loyer » attractif sur le capital qu’ils ont investi tandis que ce capital demeure disponible à tout moment. Le risque est bien entendu omniprésent lorsque l’on considère un investissement sur les marchés financiers mais on peut le minimiser en veillant à bien diversifier ses sources de rendement au sein de son portefeuille. On se focalise souvent sur le risque de marché mais le risque de longévité lié à l’augmentation de l’espérance de vie est également important. Aujourd’hui, ne pas prendre des risques mesurés avec son épargne pour générer un rendement supérieur est paradoxalement peut-être le risque le plus important auquel nous nous exposons.
[1] Source : MSCI, Barclays Capital, Bloomberg/UBS, NAREIT, J.P. Morgan, Credit Suisse/Tremont, FactSet, J.P. Morgan Asset Management. Période 2004-2013. La performance passée ne préjuge pas des résultats futurs.
[2] Au 7 novembre 2014.
Zone euro : Intégration ou désintégration ?
Le 29 septembre 2014
La plupart des indicateurs économiques publiés ces dernières semaines pour la zone euro font craindre que celle-ci connaisse un nouveau ralentissement conjoncturel. En effet, la zone euro a affiché une croissance nulle au second trimestre tandis que l’Allemagne a enregistré une contraction de 0,2% de son PIB durant la même période, sous-performant ainsi la zone euro pour la première fois depuis 2009, en raison notamment de la baisse des échanges avec ses principaux partenaires commerciaux, la France et l’Italie.
L’Italie est en effet retombée en récession technique à l’issue du second trimestre tandis que la France vient de connaitre son deuxième trimestre de stagnation. Eurostat n’a cependant pas publié que des mauvaises nouvelles puisque l’Irlande, l’Espagne et le Portugal ont affiché une croissance de respectivement 1,5%, 0,6% et 0,6% au deuxième trimestre illustrant au passage que les réformes douloureuses prises par ces pays portent leurs fruits. Les perspectives économiques pour le second semestre ne sont guère encourageantes puisque l’indice de directeurs d’achat dans l’industrie manufacturière pour la zone euro est retombé à 50,8 au mois d’août, soit son plus bas niveau depuis 13 mois, tandis que la production industrielle reste anémique et que les tensions géopolitiques avec la Russie devraient affecter négativement les exportations dans les prochains mois.
Face à cette situation, tous les regards se tournent une nouvelle fois vers la BCE avec l’espoir que celle-ci se décidera à envisager un plan d’assouplissement quantitatif similaire à ceux implémentés aux États-Unis et au Royaume-Uni. Cependant les investisseurs surestiment la probabilité d’un tel scenario, tant l’utilité de celui-ci est discutable et les obstacles à sa réalisation nombreux, alors que dans le même temps ils sous-estiment l’impact des mesures prises par la BCE en juin et septembre et qui commencent à porter leurs fruits. En effet, les baisses de taux opérées par la BCE en juin et septembre ont déjà permis à l’euro, dont le niveau élevé était une source de désinflation et un frein à la compétitivité de nos entreprises, de baisser de 6% par rapport au dollar.
Par ailleurs, la baisse du taux de dépôt semble avoir encouragé les banques à prêter davantage à l’économie réelle puisque l’on observe un ralentissement de la contraction de prêts bancaires tandis qu’il est ressorti du « Bank Lending survey », publié au mois de juin, qu’une majorité d’institutions financières assouplissent désormais leurs conditions d’octroi de crédits, ce qui n’était plus arrivé depuis 2007. D’autres mesures sont en cours d’implémentation, à l’instar des Targeted Long Term Refinanicng Operations et de la réactivation du marché des ABS, tandis qu’à la mi-octobre la BCE devrait divulguer les résultats de l’ « Asset Quality Review » qui a été mené depuis le début de l’année auprès de 127 institutions financières européennes.
L’agenda monétaire est donc déjà bien rempli et, aujourd’hui, c’est au monde politique de prendre le relais pour remettre l’Europe sur la voie de la croissance et créer des emplois. Après un premier semestre marqué par les élections européennes, qui ont vu les eurosceptiques gagner du terrain, il est temps que la Commission Européenne, qui fonctionne actuellement en affaires courantes, réaffirme son leadership sous la direction de Jean-Claude Juncker. L’Europe doit investir davantage dans ses infrastructures ainsi que dans sa croissance future tout en accélérant son intégration si elle veut pouvoir survivre en tant qu’entité économique et politique.
La rénovation de nos infrastructures doit être l’une des priorités de la prochaine Commission. Peut-on en effet tolérer que la capitale de la deuxième économie mondiale risque un blackout cet hiver, que l’on y empile des containers pour pallier au manque de places dans les écoles ou que notre héritage culturel devienne inaccessible, comme en Italie où l’on ferme les musées par manque de moyens ? Non, mais si rénover nos infrastructures est une condition nécessaire pour semer les graines de la croissance future ce n’est pour autant pas une condition suffisante. Pour cela il faut une politique volontariste d’investissements en recherche et développement. Lors du dernier traité de Lisbonne les Européens avaient convenu d’investir 3% du PIB en R&D, comme les États-Unis ou l’Allemagne, mais aujourd’hui nous n’y consacrons que 2%. C’est donc 100 milliards d’euros supplémentaires par an qu’il faudrait débloquer à cette fin.
Enfin, il est important de souligner qu’au delà des investissements, une meilleure intégration de la zone euro permettrait d’augmenter sensiblement son PIB. En effet, le Parlement Européen a publié en mars 2014 un document très éclairant[1] qui quantifie l’impact de l’achèvement du marché intérieur et plus globalement d’une meilleure intégration européenne sur le PIB de la zone euro. Les conclusions du Parlement Européen, même si elles reposent sur un certain nombre de postulats que la réalité devra valider, sont intéressantes puisqu’il estime qu’une meilleure intégration européenne pourrait, à terme, ajouter EUR 800 milliards au PIB de la zone euro – soit 6% du PIB – chaque année. La bonne nouvelle est que certaines de ces pistes sont déjà rentrées dans leur phase d’exécution, à l’instar de l’union bancaire qui pourrait, selon les calculs du parlement européen, permettre un gain d’efficience de EUR 35 milliards par an. A l’heure où le projet européen rencontre de moins en moins de soutien au sein de la population, il est important de rappeler que son aboutissement est pourtant indispensable pour améliorer durablement les conditions de vie des européens et que si nous ne choisissons pas collectivement la voie de l’intégration, c’est la désintégration de l’Europe que nous risquons et partant un downgrade social.
L’heure est à la flexibilité pour les investisseurs obligataires
Le 22 juillet 2014
Les marchés à taux fixe ont surpris les investisseurs par la poursuite de leur remontée : les rendements des emprunts d’Etat à 10 ans américains et allemands sont ainsi respectivement retombés de 3,0 % à 2,6 % et de 2,0 % à 1,4 %. Le retour à la normale de la dynamique de l’offre et de la demande aux États-Unis devrait inciter les investisseurs à se positionner dans le sens d’une hausse des taux US tandis que les taux européens qui devraient se stabiliser.
Bon nombre d’économistes et de stratégistes s’attendaient à ce que 2014 marque clairement la fin du cycle de hausse des obligations d’États de pays développés, qui dure depuis près de 30 ans. La plupart des investisseurs ont en effet commencé à anticiper une hausse des taux d’intérêt aux États-Unis et en Europe en raison d’une part, de l’amélioration conjoncturelle et d’autre part, de la diminution des achats de bons du trésor US par la Banque Centrale américaine (FED). Durant le premier semestre de 2014, ils ont cependant été surpris par le recul de 40 points de base du rendement des bons du Trésor américain à 10 ans et de 60 pb pour leurs équivalents allemands. Ceci a permis aux indices obligataires d’afficher d’excellentes performances à l’instar du Barclays US Aggregate et du Barclays Euro Aggregate qui ont progressé de respectivement de 3,9 % et 6,0 % depuis le début d’année (jusqu’au 30 juin 2014).
Au États-Unis, plusieurs facteurs ont contribué à la bonne performance des obligations d’État américaines. On a tout d’abord observé une contraction de l’offre nette d’US Treasuries sur les marchés en raison notamment de l’amélioration des perspectives budgétaires qui diminue les besoins de financement. Pour 2014, nous nous attendons ainsi à ce que les émissions nettes de bons du Trésor baissent de 24% par rapport à 2013. Si l’offre est en baisse, la demande reste quant à elle importante dans la mesure où les contraintes réglementaires imposent toujours aux investisseurs orientés sur le long terme (assureurs, fonds de pension) une forte exposition aux actifs de qualité supérieure tels que les bons du Trésor américain. Par ailleurs, les acquéreurs de duration n’ont eu guère d’autre choix face à l’atonie des émissions de titres des agences gouvernementales et de MBS cette année. Si l’inadéquation entre offre et demande a pesé sur les taux US au premier semestre, nous estimons cependant que ces derniers devraient remonter dans le courant du second semestre. En effet, la Fed qui achetait en début d’année encore près de deux tiers des émissions nettes d’US Treasuries devrait avoir cessé de le faire d’ici fin octobre tandis que la poursuite du redressement économique et le resserrement des marchés du travail aux États-Unis devraient faire grimper l’inflation.
Au sein de la zone euro, on a observé, comme aux États-Unis, une diminution de l’offre d’obligations disponibles sur les marchés. Pour 2014, nous nous attendons à ce que les émissions nettes d’obligations d’États baissent de près de 12 % par rapport à 2013 en raison notamment du redressement de la situation budgétaire dans plusieurs pays et de la baisse des besoins de financement qui en résulte. Dans ce contexte, certains pays périphériques on vu leur notation crédit rehaussée par les agences de notation, ce qui a attisé encore un peu plus la demande pour leurs obligations. En outre, nombre de banques européennes ont liquidé leurs positions en dette périphérique fin 2013 — de manière à présenter une image plus saine à la clôture de bilan dans la perspective de l’examen de la qualité des actifs conduit par la Banque centrale européenne (BCE) — mais ces positions ont été reprises début 2014. Si les banques européennes ont soutenu la demande d’obligations en début d’année, ce sont néanmoins les investisseurs hors zone européenne, États-Unis et Japon, qui ont le plus soutenu la tendance et permis aux pays de la zone euro de couvrir, à fin mai, 52 % de leurs besoins de financement pour 2014. Si, comme aux États-Unis, l’inadéquation entre offre et demande d’obligations a pesé sur les taux européens au premier semestre, nous estimons que ces derniers, au contraire des taux américains, devraient rester globalement stables au second semestre. En effet, sur un plan plus fondamental, l’économie de la zone euro reste convalescente et confrontée à une inflation très faible qui a conduit la BCE à annoncer de nouvelles mesures de soutien de l’économie début juin qui devraient ancrer tant les taux courts que les taux longs autour des niveaux actuels.
Dans ce contexte, les investisseurs devraient rester positionnés pour faire face à une remontée des taux d’intérêt aux États-Unis, où l’impact conjugué des facteurs techniques et fondamentaux va dans le sens d’une hausse. En Europe, ces mêmes facteurs techniques et fondamentaux pointent vers des taux stables, voire en léger repli. Dans un cas comme dans l’autre, il faut garder une approche souple du segment obligataire pour compenser les taux bas et contrebalancer les effets de leur hausse probable aux États-Unis.
Doit-on craindre un retournement sur les marchés US?
Le 30 juin 2014
Depuis le début de l’année, les indices boursiers américains continuent à défier la gravité et volent de record en record. On ne peut bien entendu que se réjouir de cette évolution mais certains observateurs commencent cependant à y voir le signe d’une surchauffe et craignent une correction.
Il est bien entendu quasi impossible de prévoir une correction tant les facteurs susceptibles de la déclencher sont nombreux et aléatoires mais il est revanche possible d’analyser si celle-ci se justifie d’un point de vue fondamental. Or, bien qu’il soit incontestable que les indices américains aient atteints de nouveaux records absolus, lorsqu’on analyse ceux-ci relativement à l’évolution des bénéfices des entreprises Outre-Atlantique on ne peut pas dire que l’évolution des marchés ait été artificielle.
En effet, le ratio cours/bénéfices du S&P 500 est actuellement de 15,4 soit un niveau équivalent à celui de 2007 et largement inferieur à celui de Mars 2000 (25,6). Si les actions demeurent donc intrinsèquement attractives, elles le sont également d’un point de vue relatif puisque le rendement réel des bénéfices est actuellement de 4,1%, ce qui se compare favorablement au rendement des obligations d’états et d’entreprises. Il n’y a donc, à notre avis, pas de raison fondamentale qui justifie une correction mais il est vrai qu’au niveau actuel des valorisations les marchés ne pourront compter que sur la croissance des bénéfices des entreprises pour progresser. De ce point de vue, à l’aube de la saison de publication de résultats du second trimestre 2014, nous estimons que les perspectives sont positives. En effet, malgré le rude hiver que les États-Unis ont traversé les résultats des entreprises pour les trois premiers mois de l’année ont surpris positivement dans 70% des cas et progressé d’environ 7% par rapport à la même période l’an passé. Cette progression des bénéfices est due notamment à l’amélioration constante des marges des entreprises américaines qui ont jusqu’ici pu limiter les hausses de salaires de leur personnel et ont pu profiter de coûts de financement historiquement bas grâce a la politique monétaire ultra accommodante de la réserve Fédérale américaine.
Nous nous attendons cependant à ce que les marges bénéficiaires des entreprises soient davantage sous pression dans les prochains mois. En effet, la baisse du taux de chômage à 6,3% entraine une pression haussière sur les salaires et oblige la Fed à graduellement normaliser sa politique monétaire. Cela étant, cette éventuelle érosion des marges devrait être compensée par d’autres facteurs. En effet, la croissance économique relativement forte que connaissent les États-Unis devrait entrainer une progression des revenus des entreprises américaines de l’ordre de 4 à 5%. En outre, la situation bilantaire favorable des entreprises américaines devrait leur permettre de continuer à récompenser leurs actionnaires en procédant à des rachats d’actions propres et/ou à des augmentations de dividendes.
Les entreprises du S&P 500 disposent pour ce faire encore de $ 3600 milliards de cash et ce malgré le fait qu’elles aient déjà dépensé près de $ 468 milliards pour racheter leurs propres actions aux cours des 12 derniers mois. A l’heure où les valorisations des actions sont conformes aux moyennes historiques, il est donc intéressant de constater que les entreprises américaines conservent un potentiel de croissance de leurs revenus suffisant pour compenser l’érosion probable de leurs marges ainsi que de la capacité financière de continuer à octroyer des dividendes à leurs actionnaires.
Bien entendu il est peu probable que les performances exceptionnelles des actions américaines depuis 2009 se répètent dans les prochaines années mais les investisseurs devraient toutefois pouvoir espérer un rendement compris entre 6 et 9% provenant pour 4 à 6% de la croissance bénéficiaire et pour 2,5% à 3% des dividendes. Dans ce contexte, et même si l’on ne peut jamais exclure une correction, il nous semble prématuré de réduire son exposition aux États-Unis et nous estimons qu’il est toujours préférable de surpondérer les États-Unis dans un portefeuille diversifié.
Quelle politique monétaire pour la zone euro?
Le 27 mai 2014
Début juin tous les projecteurs seront à nouveau braqués sur la BCE car tant les derniers indicateurs macroéconomiques publiés pour la zone euro que les commentaires récents de plusieurs de ses dirigeants ont alimenté les spéculations quant une nouvelle intervention de la BCE. Si l’économie de la zone euro va mieux, elle demeure néanmoins fragile, comme l’illustre la croissance plus faible qu’attendue au premier trimestre 2014, et gangrénée par une déflation rampante puisque l’inflation s’est établie a 0,7% au mois d’avril, soit bien loin de l’objectif de 2% poursuivi par la BCE.
Si des éléments temporaires expliquent partiellement cette faiblesse, à l’instar de la baisse des prix de l’énergie favorisée notamment par la force de l’euro, des éléments plus fondamentaux en sont également responsables. L’Europe connait en effet un taux de chômage record de 12% et si l’on tient compte des travailleurs à temps partiels souhaitant travailler davantage ou de ceux qui, par découragement, ont cessé de rechercher un emploi, c’est en réalité près de 20% de la population active qui souffre du manque de travail. L’inadéquation entre offre et demande de travail empêche toute inflation salariale et conduit à une détérioration des packages salariaux pour les nouveaux entrants sur le marché du travail. Si l’Europe n’est pas encore techniquement dans une situation de déflation économique, elle fait malheureusement déjà face à une « déflation sociale » puisqu’avec un chômage des jeunes supérieur à 25% et des contrats de travail au rabais pour les plus chanceux, c’est presque toute une génération qui est sacrifiée sur l’autel de l’austérité.
Il est difficile pour la BCE d’enrayer cette dynamique car son mandat lui empêche d’envisager un programme de « quantitative easing » similaire à celui lancé au États-Unis et qui semble aujourd’hui être le meilleur outil monétaire pour lutter contre la déflation. Malgré ces contraintes, la BCE a jusqu’ici brillamment su exploiter les outils conventionnels à sa disposition mais ceux-ci commencent à montrer leur limites. En effet, la dernière baisse de son taux de refinancement en novembre 2013 n’a pas produit les effets escomptés puisqu’elle a été suivie d’une remontée d’EONIA. Ceci s’explique par le fait que les liquidités excédentaires dans le système financier ont fortement diminué car les banques européennes ont préféré accélérer le remboursement de l’argent qu’elles avaient emprunté dans le cadre des LTRO plutôt que de financer l’économie.
La croissance du crédit bancaire demeure ainsi négative en Europe alors que l’embellie conjoncturelle mondiale induit pourtant une plus grande demande de crédit de la part des entreprises. Certaines voix s’élèvent dès lors pour activer un autre levier monétaire, un taux de dépôt négatif, pour contraindre les banques à ouvrir les robinets du crédit. Vouloir pénaliser les banques parce qu’elles ne prêtent pas assez serait toutefois paradoxal à l’heure où la BCE procède à l’analyse de leur bilan dans le cadre de l’ « asset quality review ». En outre cette mesure serait contreproductive puisqu’au lieu d’irriguer l’économie réelle avec de l’argent frais elle contribuerait à l’assèchement des marchés monétaires. En effet depuis que la BCE a abaissé son taux de dépôt à 0% en juillet 2012, les fonds monétaires européens ont vu leur encours fondre de plus 20% ce qui prive déjà l’économie réelle de plusieurs centaines de milliards d’euros. Un taux de dépôt négatif signerait l’arrêt de mort des fonds monétaires qui représentent encore près de 13% de l’agrégat monétaire M3 que la BCE aimerait pourtant voir croitre davantage.
L’une des mesures les plus efficace pour stimuler l’économie réelle consisterait à soutenir les petites et moyennes entreprises qui représentent près de 2/3 des emplois en Europe et pourraient en créer davantage si elles bénéficiaient de conditions de financement plus favorables et d’une monnaie plus compétitive. Pour ce faire, la BCE pourrait s’inspirer de l’approche de la Fed qui est parvenue avec succès à soutenir de manière ciblée le marché immobilier américain en rachetant chaque mois pour 40 milliards de titres adossés a des prêts hypothécaires (MBS). Il entrerait en effet tout à fait dans le mandat de la BCE de restaurer la transmission de sa politique monétaire en lançant un programme d’achats ciblé d’ABS, avec des prêts de PME comme sous-jacent. Ceci permettrait de ressusciter le marché des ABS en Europe, qui s’est dégonflé de près 65% depuis 2007 et ainsi de relancer le crédit puisque les institutions financières seraient plus disposées à financer les PME si elles ont l’assurance qu’elles pourront sortir partiellement ces prêts de leur bilan sous une forme « titrisée ».
Si la BCE peut donner une impulsion à court terme, ce n’est pas son rôle d’intervenir à long terme sur le marché des ABS et il faut impérativement que les fonds de pensions et les assureurs puissent prendre le relais. La Commission Européenne en est consciente et pourrait assouplir des législations telles que Solvency 2 afin de leur permettre d’investir plus aisément dans des ABS de bonne qualité.
Si cette mesure devrait se révéler efficace pour améliorer la transmission de la politique monétaire, elle n’aurait en revanche qu’un impact limité sur l’autre problème majeur auquel est confrontée la zone Euro, à savoir la surévaluation de sa monnaie. L’implémentation d’un taux de dépôt négatif, comme l’a fait avec succès le Danemark en juillet 2012, se révélerait utile pour déprécier l’euro mais ce serait une victoire à la Pyrrhus puisque cela déstabiliserait les marchés monétaires. L’autre solution pour faire baisser l’euro constituerait à augmenter la base monétaire mais pour ce faire il faudrait que la BCE se lance dans un large programme d’assouplissement quantitatif et cette idée est loin de faire consensus au sein de l’union car la BCE outrepasserait ainsi son mandat en finançant directement des États membres qui, par ailleurs, n’ont plus besoin de soutien puisque leurs coûts de financement ont récemment atteint des plus bas historiques. Face à cette situation inextricable, une solution pour le moins originale, proposée par l’économiste américain Jeffrey Frankel, est actuellement débattue dans les cercles financiers et pourrait peut-être fédérer davantage de parties. Ce professeur de la Harvard Kennedy School propose en effet d’augmenter la base monétaire en zone euro, non pas en achetant des actifs libellés en euro mais en investissant massivement dans des actifs libellés en dollars à l’instar des bons du trésor américain. Cette opération entre dans le mandat de la BCE puisqu’il s’agit de veiller à la stabilité des prix en intervenant sur les marchés de changes, ce que toutes les banques centrales font et que la BCE a peu fait depuis sa création. Cette opération serait idéale pour faire baisser l’euro par rapport au dollar mais naturellement, cette solution, comme les autres, devrait se heurter à nombre de barrières politiques. Toutefois, l’euro fort étant un problème qui affecte tant la périphérie de l’Europe que son cœur, on pourrait dès lors espérer un large soutien européen à toute mesure permettant de renforcer la compétitivité de l’euro. De l’autre côté de l’Atlantique, les responsables américains pourraient quant a eux se montrer aussi compréhensifs que lorsque que la Banque Centrale du Japon a procédé a une dévaluation compétitive du yen en 2013 et ce d’autant plus que la Fed réduit ses achats de bons du trésor mais souhaite éviter toute envolée des taux US, ce en quoi la BCE pourrait lui être utile.
Quel que soit le scenario retenu, la BCE n’a plus une seconde à perdre car la mise en œuvre de ce type de mesures prend du temps et que chaque jour qui passe nous rapproche de l’abîme de la déflation! Aujourd’hui, la BCE doit prendre le risque d’en faire trop pour soutenir l’économie plutôt que trop peu si elle ne veut pas, comme la Banque centrale du Japon, être hantée par le fait d’avoir sous-estimé le risque de déflation et d’avoir fait trop peu trop tard.
La dette de la Chine constitue-t-elle un risque systémique ?
Par J .P. Morgan AM
Le 24 avril 2014
Cette question agite la communauté financière depuis un certain temps mais avant d’y répondre, il est utile de la replacer dans son contexte. Après l’éclatement de la crise financière de 2008, la Chine a souhaité soutenir son économie en lançant un ambitieux plan de relance visant notamment à stimuler les investissements publics et privés, grâce à des crédits bon marché. Ce plan a connu un succès important et a entrainé un véritable boom du crédit qui a fait progresser l’endettement total (État, entreprises, ménages) de la Chine de 145% du PIB en 2008 à près de 200% aujourd’hui.
Il est difficile d’évaluer à partir de quel niveau d’endettement un pays est en danger et donc si ce niveau de 200% est problématique, mais une chose est sure c’est que l’endettement total par rapport au PIB de la Chine est inférieur à celui observé dans la plupart des pays développés, a l’instar des États-Unis, du Royaume-Uni ou du Japon, qui affichent des ratios généralement supérieurs à 300%.
Ce n’est donc pas tant le niveau de la dette en Chine qui inquiète, mais plutôt sa rapide croissance ces dernières années et ce, surtout au niveau des collectivités locales dont l’endettement a doublé entre 2008 et 2012 pour atteindre 30% du PIB. L’endettement des collectivités locales pose en effet question car celles-ci, n’ayant pas la possibilité d’émettre des obligations pour financer leurs investissements, ont utilisé des réseaux de financement parallèles (shadow banking), à l’instar de fonds d’investissements, qui sont sujets à une réglementation souvent plus flexible que celle appliquée aux banques. Nombre d’observateurs craignent dès lors que cette flexibilité ait amené certains de ces créditeurs, aveuglés par la maximisation de leur rendement, à se montrer peu regardant quant à la solidité des projets financés, ce qui pourrait entrainer une vague de défauts de paiements à l’heure ou l’économie chinoise ralentit.
Depuis le début de l’année, plusieurs véhicules financiers chinois sont d’ailleurs en difficultés mais le défaut de l’un d’entre eux, au début du mois de mars, n’a cependant pas provoqué la correction que les Cassandre redoutaient. Ceci illustre que, si les marchés surveillent la situation avec inquiétude, ils n’y voient pas encore un risque financier majeur ou systémique et ce pour plusieurs raisons.
Le système financier chinois est relativement solide puisque malgré le boom du crédit il affiche encore un ratio crédits/dépôts d’environ 70%. Ceci s’explique notamment par le fait que les citoyens chinois pallient à leur faible couverture sociale par un taux d’épargne parmi les plus importants au monde, puisque l’épargne totale des ménages représentait 51% du PIB en 2012.
Par ailleurs, l’endettement des collectivités locales est davantage un risque budgétaire pour le gouvernement qu’un risque financier pour les banques puisqu’il est difficile d’imaginer que le pouvoir central abandonne les provinces à leur sort. Or, Pékin dispose des moyens nécessaires pour absorber les pertes éventuelles de certains véhicules financiers.
Contrairement à certains pays émergents qui ont fait les gros titres de la presse l’an dernier, la Chine n’est pas tributaire de l’extérieur pour son financement puisqu’elle présente un excédent de comptes courants de plus de 2% et dispose de réserves de change de plus de 3.000 milliards de dollars.
Enfin la banque centrale chinoise surveille la situation de près et, jusqu’ici, elle est parvenue à maintenir l’inflation sous contrôle malgré le boom du crédit. Elle tente à présent de freiner la croissance du crédit en intervenant sur les marches monétaires qui ont, par conséquent, été le théâtre de vives tensions, certes de courte durée, ces derniers mois. En conclusion, s’il convient de surveiller la situation de près mais rien n’indique pour l’instant que l’endettement chinois soit le prochain Armageddon financier.