Par BNP Paribas Asset Management
Le monde n’est pas égal face au changement climatique, car les effets de ce dernier et les ressources nécessaires pour l’atténuer et s’y adapter sont inégalement répartis. Cependant, selon les investisseurs actifs, les marchés de capitaux pourraient être une force pour la justice climatique.
La 27e Conférence des parties (COP27), qui s’est tenue en décembre dernier, a permis une petite avancée sur la question centrale de la justice climatique, avec un accord sur la création d’un fonds pour les pertes et les dommages, ouvrant ainsi la voie à un soutien des « pays du Nord » aux « pays du Sud » dans la lutte contre le changement climatique et l’atténuation de ses effets. Le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat estime que 3,3 milliards de personnes vivent déjà dans des zones vulnérables sur le plan climatique.
Le secteur privé peut jouer un rôle important dans le financement d’une transition juste et de l’adaptation au climat dans les communautés qui en ont besoin. Pour les investisseurs, cela signifie qu’ils doivent, entre autres, veiller à ce que les facteurs sociaux soient intégrés dans les activités d’allocation et de gestion des capitaux ou investir dans des obligations sociales.
Les énergies renouvelables dans les pays en développement
Si la COP27 n’a pas été à la hauteur des engagements pris en matière d’émissions, la conférence a placé les marchés de capitaux sous les feux de la rampe, en soulignant leur contribution potentielle au financement d’une transition juste favorisant l’adaptation dans les pays en développement. Le financement mixte – un mélange de financement public et philanthropique et de capital privé – pourrait être une solution.
L’Indonésie a signé un accord de 20 milliards de dollars avec les pays développés et les principaux bailleurs de fonds internationaux pour l’aider à abandonner les combustibles fossiles au profit des sources d’énergies renouvelables. Ce partenariat pour une transition énergétique juste (JETP) constitue une étape importante pour le pays, qui est le troisième producteur mondial de charbon.
L’Afrique du Sud, un autre pays en développement qui produit beaucoup de charbon, a été le premier pays à signer un accord JETP, rapidement suivi par le Vietnam. L’Inde, les Philippines et le Sénégal suivront l’évolution de ces partenariats, car ils envisagent de signer des accords similaires.
Les JETP ne visent pas seulement à réduire les émissions du secteur de l’électricité et à accélérer la transition énergétique dans les pays tributaires du charbon. Ils contribuent également à soutenir la croissance économique, à créer de nouveaux emplois qualifiés, à réduire la pollution atmosphérique et à assurer un avenir résilient et prospère.
L’engagement des investisseurs pour la planète et notre santé
Le secteur de l’agriculture et de l’alimentation a été un autre thème majeur abordé lors de la COP27. Plusieurs défis se posent en matière de justice : le système alimentaire actuel génère 37 % des émissions mondiales, alors qu’un tiers de la nourriture est gaspillée, que la faim persiste dans le « Sud » et que l’insécurité alimentaire est répandue même parmi les populations les plus pauvres des pays à revenus moyens et élevés.
Pour assurer la transition mondiale indispensable vers des émissions nettes nulles, les systèmes alimentaires doivent opérer leur propre transition. Cela implique des changements substantiels dans les régimes alimentaires en faveur des protéines végétales et alternatives, des chaînes d’approvisionnement plus efficaces générant moins de méthane et de déchets, et une réduction de la déforestation. Les pratiques alimentaires non durables d’aujourd’hui comportent également des risques financiers, réglementaires ou de réputation croissants.
La réussite de la transition des systèmes d’alimentation et d’utilisation des terres dépend de la collaboration d’un grand nombre d’acteurs, y compris les investisseurs. Nous devons non seulement nous adapter pour vivre dans les limites de la planète, mais aussi corriger les inégalités créées par le système actuel en ce qui concerne l’accès à des régimes alimentaires sains et adéquats.
Les propositions de vote en matière climatique se multiplient dans le monde entier
Des outils apparaissent pour agir sur les priorités climatiques, y compris dans le domaine de la gouvernance d’entreprise traditionnelle. Initialement promue par des organisations non gouvernementales et des investisseurs, la pratique des propositions Say on Climate a gagné en popularité parmi les entreprises au cours des deux dernières années.
Visant à offrir aux actionnaires un vote consultatif sur la stratégie et/ou le rapport climatique de l’entreprise, et à renforcer le dialogue entre actionnaires en matière de climat, ces mesures de vote sont de plus en plus souvent ajoutées volontairement par les entreprises à l’ordre du jour de leurs assemblées générales annuelles.
Toutefois, il n’est pas encore certain que cette pratique se généralise. Certains investisseurs craignent que ces propositions de gestion ne détournent l’attention d’une action climatique efficace.
Malgré des points de vue divergents, et compte tenu de la multitude actuelle d’approches des entreprises, un cadre commun est nécessaire pour faciliter la compréhension globale et l’alignement des propositions Say on Climate.
Pour l’instant, la participation au programme Say on Climate est volontaire. Les entreprises sont donc libres de choisir la meilleure stratégie. En fin de compte, cela pourrait être réglementé, tout comme la divulgation des informations relatives au climat.
Les marchés ont besoin de transparence, les investisseurs ont besoin de clarté
La COP27 a annoncé des normes de transparence et de reporting de plus en plus strictes, notamment le lancement cette année du référentiel Net-Zero Data Public Utility et l’intégration prévue par le CDP des normes IFRS 2 en 2024.
Bien qu’il puisse être difficile de s’y retrouver dans la multitude de réglementations, celles-ci vont dans la bonne direction. La période d’ajustement sera difficile à court terme pour les marchés de capitaux, car diverses dispositions du règlement sur la divulgation des informations relatives à la finance durable (SFDR), de la taxonomie de l’Union européenne et de la MIF2 (directive sur les marchés d’instruments financiers) entreront en vigueur avant d’être totalement alignées.
Au quatrième trimestre 2022, les fonds Article 8 et Article 9 ont collecté 15,8 milliards d’euros, tandis que les actifs des fonds Article 6 ont baissé de 3,3 milliards d’euros (source : Morningstar Direct). Cela montre que l’appétit du marché reste fort. Les gestionnaires d’actifs ont un rôle clé à jouer en apportant de la clarté à leurs clients, afin que leurs préférences se traduisent par des résultats concrets qui contribuent à une économie mondiale plus juste et plus durable.
La réglementation évolue encore, mais le principe directeur reste celui d’une plus grande transparence, qui est essentielle pour renforcer la confiance des investisseurs.
Consultez le corner Future makers