Par Vincent Juvyns, Stratégiste chez JP Morgan Asser Management
En 2022, la hausse globale des taux d’intérêts, observée dans le sillage de la remontée de l’inflation et des taux directeurs des principales banques centrales, a été particulièrement difficile à digérer pour les marchés obligataires, qui ont enregistré l’une des pires performances de leur histoire.
Une meilleure année 2023
Après cet « annus horribilis », l’année 2023 s’annonce heureusement sous de meilleurs auspices pour les marchés obligataires. En effet, le pic inflationniste semble globalement dépassé, ce qui devrait permettre aux banques centrales de progressivement lever le pied dans les prochains mois, tandis que la hausse des taux d’intérêts a suscité un regain d’intérêt des épargnants pour les marchés obligataires.
Un segment en particulier se distingue, celui des obligations « vertes », pour lesquelles la demande dépasse aujourd’hui largement l’offre, malgré des émissions supérieures à 500 milliards de dollars par an. Ceci est d’autant plus remarquable, qu’il s’agit d’un segment de marché relativement récent puisque la première émission d’une obligation « verte » date de 2007.[1]
Comment expliquer l’intérêt des émetteurs et des investisseurs pour les obligations vertes ?
Les obligations vertes ont pour particularité que les capitaux levés par leur intermédiaire servent à financer des investissements liés à la transition énergétique et à la réduction de l’empreinte carbone de leurs émetteurs. Or, les besoins d’investissements en la matière sont gigantesques puisque, pour atteindre l’objectif de zéro émission de carbone que se sont fixé nombre de pays pour 2050, il faudra des investissements annuels à hauteur de plusieurs trilliards de dollars.[2] Les obligations vertes permettent à leurs émetteurs de bénéficier de coûts de financement généralement inférieurs à ceux du marché grâce au fait que la demande pour ce type d’instrument financier dépasse largement l’offre.
L’engouement des investisseurs pour cette classe d’actifs, a priori moins rémunératrice, s’explique par plusieurs raisons. Les investisseurs souhaitent tout d’abord de plus en plus donner du sens à leurs investissements, que ce soit pour des raisons philosophiques ou pour se conformer aux exigences des régulateurs, comme l’illustre le succès des fonds labellisés Article 9 par la législation européenne SFDR. En outre, les obligations vertes permettent de concilier les objectifs environnementaux et financiers, puisque leurs performances[3] sont similaires aux obligations traditionnelles tandis que leur volatilité est moindre.[4] Enfin, il y a l’espoir que les banques centrales, à l’instar de la BCE, soutiennent davantage les marchés d’obligations vertes dans le futur pour concrétiser la prise en compte du risque climatique dans leur politique monétaire.
A l’entame de 2023, les marchés obligataires voient donc plus que jamais l’avenir en vert !
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[1] Refinitiv Eikon, J.P. Morgan Asset Management, au 12.02.2023. Les obligations vertes sont celles dont 100 % du produit net des obligations sont alloués à des projets verts. Les obligations sociales sont celles dont le produit de l’obligation vise à produire des résultats sociaux positifs. Les obligations durables sont celles dont le produit de l’obligation est dirigé vers un mélange de projets verts et sociaux ou si le coupon/les caractéristiques de l’obligation peuvent varier en fonction de la réalisation d’objectifs de durabilité prédéfinis.
[2] Les données proviennent du rapport World Energy Investment 2022 de l’AIE. 2030e est basé sur le scénario net zéro d’ici 2050 de l’AIE.
[3] A caractéristiques égales en termes de maturité, structure de capital, rating etc.
[4] Bloomberg, J.P. Morgan Asset Management, au 02 Fevrier 2023 conferer article “Green bonds: Is doing good compatible with doing well in fixed income?”