Tokenisation des obligations : quelles opportunités ?

Par Stefan Brinaru, BNP Paribas Asset Management

La blockchain, et notamment la tokenisation, est susceptible de changer la donne en matière de financement et de négociation des titres non cotés. La technologie de la blockchain peut simplifier, faciliter et accélérer les transactions. Elle peut s’employer pour toutes les classes d’actifs, y compris pour les actifs durables sur le plan environnemental, comme, par exemple, des actions ou des obligations émises par une société de production d’énergie solaire.

 

Définition et potentiel

 

La tokenisation est la conversion des droits attachés à un actif (action, obligation, actif immobilier, etc.) en un cyberjeton. Dans l’écosystème de la blockchain, l’information et la valeur contenues dans un jeton peuvent être transférées, stockées et vérifiées de manière efficace et sécurisée.

 

Pour saisir le potentiel de la tokenisation, il faut garder à l’esprit qu’aujourd’hui, l’achat d’un actif financier (par exemple, une action ou une obligation) engage divers processus qui peuvent allonger le délai de livraison contre paiement (delivery versus payment ou DVP) jusqu’à quatre jours ouvrés, en fonction du type d’actifs.

 

Au contraire, la tokenisation pourrait simplifier et accélérer le mécanisme de DVP. Les actifs peuvent être transférés 24 h/24 et 7 j/7. Leur fractionnement est également possible.[1] Cela améliore la liquidité et facilite la négociation. En outre, il est possible d’avoir accès à une gamme de « nouveaux » types d’actifs.

La tokenisation permet aussi de structurer des données relatives à un actif, qu’il s’agisse de données relatives à un projet, de données financières ou relatives aux facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), en une source unique de données. Elle permet ainsi d’homogénéiser et de faciliter les différents processus de diligence raisonnable (technique, financière, ESG et juridique).

 

Combler le déficit

 

Afin de soumettre la tokenisation à un test « grandeur nature », on a pu récemment investir pour la première fois dans une obligation dite tokenisée émise dans le but de refinancer un projet d’énergie solaire de petite envergure, financé par EDF ENR, une entreprise française spécialiste des solutions énergétiques durables.

 

Les investisseurs sur les marchés financiers estiment souvent que ces types de projets sont trop petits et trop spécifiques pour être développés. En effet, ces projets connaissent souvent un déficit de financement. Ils sont trop gros pour être financés de manière individuelle par les banques de détail, et trop petits pour intéresser les investisseurs institutionnels qui cherchent à financer un nombre restreint d’opérations de grande ampleur.

 

En rationalisant le processus de diligence raisonnable, la tokenisation se qualifie comme une solution potentielle pour y remédier. En effet, celle-ci devrait abaisser le seuil de financement de ces projets, en les rendant plus disponibles au financement par l’intermédiaire d’émissions d’obligations ou d’autres instruments financiers.

 

Un élément qui change la donne sur un marché en plein essor

 

La production d’électricité solaire devrait doubler d’ici 2025 dans l’Union européenne. Près de la moitié des financements de plusieurs milliards d’euros se rapportent à des projets de taille réduite. Cest pourquoi la tokenisation pourrait être source d’importantes opportunités pour les investisseurs.

 

Plus généralement, Boston Consulting Group et d’autres spécialistes du secteur estiment que la totalité du marché des actifs tokenisés pour toutes les classes d’actifs pourrait atteindre 10 % du PIB mondial, soit quelques 16.000 milliards de dollars, d’ici 2030.

Si les systèmes traditionnels de négociation d’actifs peuvent afficher le même type de données, la transparence totale est intrinsèque à la technologie de la blockchain et à la tokenisation puisque les données sont directement intégrées dans un jeton.

 

Cette transparence peut apporter aux investisseurs une granularité bien plus fine dans les rapports d’investissement et la vérification de l’impact ESG de l’investissement. Par exemple, dans l’obligation tokenisée du projet test sont intégrées les coordonnées GPS des panneaux solaires financés, simplifiant la localisation de l’investissement.

 

La réglementation se durcit rapidement en matière de divulgation, d’évaluation et de publications d’informations sur les impacts ESG, par exemple :

 

  • la Directive sur les marchés d’instruments financiers (MiFID) exige déjà des investisseurs qu’ils définissent leurs préférences en matière de développement durable
  • le Règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers(SFDR) entrera en vigueur le 1er janvier 2023
  • la Directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) renforcera les exigences en matière de rapports ESG à compter de 2024.

 

La tokenisation, et notamment la granularité des informations intégrées dans les jetons, peut représenter une solution très efficace pour répondre à ces nouvelles exigences.

 

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