Par NNIP
Alors que la Fed et la BCE confirmaient leur détermination à maintenir une politique monétaire restrictive pour éviter que les prévisions d’inflation ne deviennent incontrôlables, les actifs à risque continuent de chuter. Pour le moment, la pression croissante sur la croissance économique ne suffit pas à pousser les banquiers centraux à modérer leur position de durcissement. Les discours agressifs prononcés par le président de la Fed, Jerome Powell, et le membre du directoire de la BCE, Isabel Schnabel, lors du sommet de Jackson Hole, ont une fois de plus montré qu’un assouplissement de la politique avant la fin de l’année était peu probable. Aux États-Unis, l’inflation globale pourrait être modérée dans les prochains mois, mais elle restera probablement trop élevée pour être confortable. Dans la zone euro, la hausse des prix de l’énergie signifie que le pic d’inflation semble loin d’être atteint.
La Fed veut éviter un retour aux années 1970
Au cours des semaines qui ont précédé le sommet de Jackson Hole, les marchés avaient déjà abandonné l’idée que la Fed allait être moins agressive. Plusieurs gouverneurs de la Fed avaient expliqué que le risque d’un désancrage des prévisions d’inflation était encore trop élevé pour que les autorités monétaires ralentissent le durcissement. Jerome Powell a confirmé ce message. La Fed continuera à agir comme si l’économie passait à un régime à forte inflation jusqu’à ce qu’il y ait des preuves évidentes du contraire. Elle souhaite attendre une baisse significative, durable et généralisée de la dynamique inflationniste avant d’envisager un assouplissement de la politique. Ce que cela signifie exactement reste flou, mais avec une inflation bien supérieure au niveau cible et un marché du travail toujours tendu, il est clair que le taux actuel des Fed Funds de 2,5 %, qui reste un niveau qui peut être considéré comme inférieur à neutre, est loin du niveau que la Fed estime suffisant pour endiguer l’inflation. Le président Jerome Powell a également déclaré qu’il s’attendait à ce que la politique restrictive doive être maintenue pendant un certain temps.
La principale préoccupation de la Fed concerne les prévisions d’inflation. Plus l’inflation est longue et bien supérieure au niveau cible, plus le risque d’un désancrage des prévisions d’inflation est élevé. Le président Jerome Powell craint un scénario similaire à celui des années 1970, lorsque la Fed n’a pas agi avec détermination et que l’inflation est devenue incontrôlable. Aujourd’hui, la situation est différente des années 1970, principalement parce que les travailleurs ont désormais moins de pouvoir de négociation et que l’inflation est principalement due à des contraintes liées à l’offre. Néanmoins, la Fed veut éviter de répéter l’erreur qu’elle a commise en 1975, lorsqu’elle a baissé les taux en réponse à la récession, même si l’inflation avoisinait encore les 10 %. Le président Jerome Powell et ses collègues sont prêts à risquer une récession à court terme, car ils estiment que la perte de production cumulée serait beaucoup plus importante si le génie de l’inflation sortait de sa lampe.
Les faucons sont également aux commandes à la BCE
La BCE adopte la même approche. Les taux d’intérêt vont probablement encore augmenter dans la zone euro, malgré la faiblesse des données économiques et le fait que les perturbations de l’approvisionnement énergétique expliquent la majeure partie du problème de l’inflation. La BCE veut tout mettre en œuvre pour remettre rapidement l’inflation sous contrôle. Isabel Schnabel a réaffirmé à Jackson Hole un désancrage des prévisions d’inflation, ce qui menace de saper la confiance dans les autorités monétaires. La question centrale de la réunion de politique de septembre est maintenant de savoir si le taux de dépôt sera relevé de 50 points de base ou de 75 points de base, et il est plus que probable qu’il clôturera l’année nettement au-dessus de 1 %.
Les faucons au sein du Conseil d’administration ont clairement le dessus et ils savent qu’ils n’ont pas beaucoup de temps pour relever les taux avant que l’économie ne tombe en récession. En raison de la hausse rapide des prix du gaz naturel et de la très faible confiance des consommateurs et des entreprises, la probabilité d’une récession profonde a considérablement augmenté ces dernières semaines.
Des perspectives moroses pour les bénéfices
Sur les marchés d’actions, les actions de croissance ont reculé en raison de la hausse des rendements obligataires, tandis que le secteur de l’énergie a échappé à la vague de ventes grâce à la hausse des prix du pétrole et du gaz. Les commentaires de l’OPEP+ sur une possible réduction de la production plus tard dans l’année et l’incertitude persistante quant à l’approvisionnement de l’Europe en gaz russe ont été les causes de la hausse des prix de l’énergie.
Le marché général des actions a souffert, principalement en raison des discours agressifs à Jackson Hole qui ont noyé les espoirs de certains acteurs du marché d’un début de tournant conciliant. Par conséquent, la croissance des bénéfices, plutôt que des multiples de valorisation plus élevée, devrait devenir le principal moteur des rendements des actions.
Malheureusement, les perspectives de bénéfices ne sont pas bonnes. Les marges des entreprises sont toujours proches de leurs sommets historiques. Mais elles subissent de plus en plus de pression en raison de l’inflation toujours élevée. Jusqu’à présent, la plupart des entreprises ont pu répercuter les coûts des intrants plus élevés sur les consommateurs et ainsi protéger leurs marges. Mais comme l’inflation reste élevée, les coûts des intrants devraient continuer à augmenter car les politiques de couverture doivent être renouvelées et de nouveaux accords salariaux sont en cours de règlement. En outre, les entreprises ont une marge de manœuvre limitée pour continuer à augmenter les prix en raison du risque de destruction de la demande.
Certaines industries à forte intensité énergétique en Europe, par exemple, ont décidé d’arrêter temporairement la production parce qu’elles ne peuvent plus répercuter la hausse des coûts de production sur leurs clients. L’inflation a également un impact sur le pouvoir d’achat des consommateurs, en particulier en Europe, où l’augmentation des factures d’énergie anéantit le revenu disponible.
Bien que les estimations consensuelles des bénéfices pour l’année prochaine soient drastiquement tombées à 8 % aux États-Unis et à 3 % dans la zone euro (voir le graphique), elles pourraient encore baisser. Les bénéfices européens sont les plus menacés en raison de la crise du gaz et de la récession quasi-inévitable. Et cela n’a pas été suffisamment pris en compte par les marchés d’actions. Le ratio cours/bénéfice à terme sur 12 mois pour les actions mondiales n’est que 5 % inférieur à sa moyenne sur 10 ans. Jusqu’il y a peu, les multiples de valorisation étaient gonflés par un soutien sans précédent de la politique monétaire qui ne devrait pas se représenter de sitôt, ce que le sommet de Jackson Hole n’a fait que confirmer la semaine dernière.
Évolution des prévisions de croissance des bénéfices en 2023 (%)
Source: Refinitiv Datastream, NN Investment Partners
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