
C’est John Maynard Keynes qui a évoqué la notion de trappe (ou piège) à liquidité (liquidity trap). Ce concept est mentionné lorsque la politique monétaire d’une banque centrale n’est plus capable de stimuler l’économie grâce à des taux d’intérêt à court terme très faibles ou proches de zéro. Dans le cas d’une trappe à liquidité, les principaux agents économiques ne trouvent plus de raison de détenir des obligations car elles affichent un taux proche ou égal à zéro. Ils préfèrent alors détenir des liquidités.
Thésaurisation et moins de prêts
Dès lors, la politique monétaire expansionniste ne joue plus son rôle. L’effet de la création de monnaie par la banque centrale est gommé par la thésaurisation. La monnaie n’est pas investie dans l’économie réelle. De leur côté, les banques commerciales préfèrent accumuler des liquidités auprès des banques centrales plutôt que d’accorder des prêts à des taux d’intérêt jugés trop faibles. Les ménages, quant à eux, préfèrent garder de l’argent sur leurs comptes d’épargne plutôt que d’investir ou de consommer. La banque centrale n’est donc plus à même de stimuler l’économie par une baisse des taux d’intérêt. En effet, en général, une baisse des taux d’intérêt a pour effet d’augmenter les investissements, d’engendrer une baisse de l’épargne et, in fine, de provoquer une hausse de la croissance.
Après un choc
Quand une économie tombe-t-elle dans la trappe à liquidité ? En général, on assiste à ce type de phénomène après un choc dans l’économie. Souvent, c’est la chute des marchés d’actions qui est à la base de ce choc. Cela a pour effet d’entraîner une chute des taux d’intérêt et une augmentation du désir d’épargner (peur de l’avenir). Les gens s’attendent soit à de la déflation soit à un événement grave comme une guerre, par exemple. En-deçà d’un certain taux d’intérêt, la politique monétaire accommodante semble ne plus fonctionner. Les gens s’attendent à une remontée des taux et ne veulent plus investir dans des obligations.
Et aujourd’hui ?
Où en sommes-nous aujourd’hui ? Les taux d’intérêt sont proches de zéro. La pandémie a engendré une baisse de la consommation de certains biens. L’économie a connu une récession en 2020. Les ménages et les entreprises européens ont thésaurisé une large partie des sommes injectées par la BCE dans l’économie. On estime ainsi que les dépôts bancaires dans la zone euro 126% du PIB de la zone euro.
Cependant, nous ne serions pas « tombés » dans une trappe de liquidité. Les ménages et les entreprises européens ont thésaurisé une grande partie des liquidités que les gouvernements et les banques centrales ont injectées dans l’économie pour lutter contre les retombées de la pandémie du COVID-19. Après la pandémie, il se peut qu’ils dépensent davantage pour des activités qui étaient restreintes pendant les blocages. « Selon nous, l’utilisation improductive de ces liquidités ne signifie pas que l’Europe soit déjà tombée dans la trappe à liquidité. Les ménages ont considérablement réduit leur épargne lors de la levée des mesures de restrictions à l’été 2020. L’investissement productif, quant à lui, s’est bien tenu en 2020 et croît plus rapidement que la valeur ajoutée depuis l’introduction des mesures de la BCE en 2014 », estiment les experts de S&P Global Ratings.
Cependant, on peut se poser la question de savoir si les particuliers vont recommencer à investir. « Ce qu’il faut, c’est un moyen de rendre l’épargne plus productive. Nous pensons qu’il est possible d’y parvenir en achevant l’Union des marchés des capitaux et, surtout, en incitant les petits investisseurs à accroître leurs avoirs directs ou indirects en actions. Il ne faudrait cependant pas qu’une politique fiscale trop agressive vienne réduire cette tendance à investir ».