
Par DPAM
L’année 2020 aura été une année définitivement extraordinaire. En termes d’investissements durables, les investissements ont atteint des records de collecte y compris durant les mois de février et de mars dernier. La barre de mille milliards de dollars en Europe ayant été atteinte alors que Morningstar comptabilise des encours globaux totaux de 1,421 billions de dollars sur l’année.
D’autre part, de nombreuses études ont démontré également la meilleure résistance des facteurs ESG durant cette année volatile. En effet, il est de plus en plus prouvé à quel point une intégration des facteurs ESG permet d’améliorer la volatilité des bénéfices, des prix et le risque de faillite. Surveiller et analyser les controverses liées à des données ESG et autres contribue à ajouter une valeur considérable étant donné que ces dernières peuvent s’avérer interminables et coûteuses. Plusieurs éléments présagent que le momentum pour les investissements durables restera porteur.
Trop de réglementations
Cependant ce momentum positif comporte intrinsèquement des risques. En effet, d’abord au plus une entreprise, un investisseur, un acteur économique se dit durable, au plus il s’expose à un risque de réputation. Combiné avec la réglementation en cours visant avant tout à combattre l’éco-blanchiment, le défi devient considérable. L’Europe veut garder une position de leader sur la question des investissements durables. Sa dernière réglementation pose un sérieux risque de surcharge de travail, de coûts et de complexité, néfastes à l’investisseur déjà perdu dans la nébuleuse des investissements durables.
Mais, aujourd’hui, ce sont quasi tous les pays du monde qui se réveillent sur la question de la durabilité et des investissements durables également. Plusieurs gouvernements ont déjà lancé ainsi leurs réglementations en la matière, notamment la taxonomie du Japon ou du Canada. Avec celles de Singapore, Hong-Kong ou la Malaisie, la prolifération de taxonomies locales et individuelles n’améliore pas l’opacité actuelle créée par le manque de standards et de définitions globaux et communs.
Risque de valorisation
Le momentum et la réglementation qui pousse directement et indirectement les investisseurs à demander des produits dits « verts » posent également un risque de valorisation. En effet, les entreprises communément reconnues comme plus exemplaires en matière de durabilité et, en particulier, de contribution aux enjeux environnementaux et climatiques ont connu ces deux dernières années une hausse sensible de leurs multiples financiers (P/E, EV/Ebitda ou EV/sales par exemple). Cette augmentation s’explique principalement par le rattrapage des marchés boursiers des émetteurs dits verts. Des réglementations du type Green Deal, taxonomie et autres risquent d’accentuer ce mouvement vers les entreprises et les investissements considérés plus verts. Etant donné que les entreprises ne rapportent pas encore leurs activités en termes d’activités vertes versus brunes, il faudra rester attentifs à distinguer minutieusement les vrais émetteurs verts et ceux qui jouent également un rôle important, sans doute moins en premier plan mais qui restent des intermédiaires indispensables aux émetteurs verts pour se réaliser.
Opportunités du momentum ESG
Car, si la réglementation peut être une contrainte et un risque importants, elle n’en reste pas moins une opportunité à saisir pour les investissements durables. En effet, les autorités mondiales commencent à légiférer les investissements durables mais également la durabilité des entreprises. La Chine, Hong Kong, le Japon, la Corée du Sud, la Nouvelle Zélande, Singapore ont déjà adopté plusieurs textes réglementaires sur la question de la durabilité. L’année 2021 sera très instructive sur l’implémentation et les détails de ces derniers.
Montée en puissance
Le changement de direction à la Maison Blanche devrait être également un tournant au niveau des politiques environnementales et de durabilité. Depuis novembre dernier, la FED a inclus le changement climatique comme risque financier dans son rapport semi-annuel de stabilité financière. Elle a déclaré rejoindre le réseau des banques centrales et autorités réglementaires reconnaissant officiellement le changement climatique comme risque systémique financier (NGFS). Le continent latino-américain n’est pas en reste avec le Brésil qui a également déjà annoncé un rapport obligatoire similaire aux recommandations TCFD.
Avec l’engagement de la Chine, l’Europe, les Etats-Unis mais également la Corée du Sud, le Japon, la Colombie et l’Afrique du Sud pour une neutralité carbone en 2050 ou 2060, ce sont deux tiers de l’économie mondiale et une large moitié des émissions de gaz à effet de serre qui sont visés par cet engagement global. Il est évident dès lors que 2021 sera encore une année importante en termes d’émissions d’obligations vertes mais également d’obligations sociales ou durables. Ces dernières restent une partie mineure des obligations labélisées (moins de 30% du marché) mais leur attrait croissant est déjà visible en 2020. Ce marché va gagner en importance en 2021.
Reste l’enjeu pour les différentes autorités que les investissements requis d’un côté ne soient pas anéantis par des soutiens financiers à l’économie dans des secteurs moins durables qui neutralisent les efforts consentis.