Par DPAM
Cette décennie a été extraordinaire pour les investissements durables. Nous avons assisté à la confluence d’actions menées par les entreprises, les particuliers et les décideurs politiques. Ces derniers ont été particulièrement actifs au cours des trois dernières années.
Le pouvoir croissant de la réglementation change complètement la donne pour la durabilité, et pour les données durables en particulier. La fameuse réglementation SFDR (Sustainable Financial Disclosure Regulation) met la barre de plus en plus haute non seulement pour la divulgation d’informations extra-financières mais aussi pour la discipline et l’approche concernant les cadres durables.
Au cours des deux ou trois dernières années, l’accent a été mis principalement sur une seule dimension : l’environnement et en particulier le climat. Néanmoins, la crise sanitaire a démontré le rôle clé du pilier social et la façon dont les trois dimensions – environnement, social et gouvernance – sont interconnectées et nécessitent donc une approche globale.
Et pour la suite ?
Voici cinq messages clés pour 2022 en termes de durabilité.
- Le marché ESG a connu une croissance très rapide au cours des 5 dernières années pour devenir aujourd’hui mainstream. Rien ne laisse penser que les flux importants vers les actifs durables de ces derniers trimestres vont s’arrêter subitement. Le suivi de ces flux est essentiel dans la gestion de portefeuille.
- La réglementation est là pour soutenir – si ce n’est pousser – ces flux. Le règlement SFDR en particulier est un véritable catalyseur pour recycler les actifs d’investissement en solutions d’investissement ESG.
- La demande est donc clairement en hausse. Du côté de l’offre, l’univers des actifs verts reste relativement restreint, avec des biais géographiques et sectoriels. Cela pourrait peser sur la valorisation. Il est impératif que l’univers s’élargisse afin d’éviter une surcharge de risques d’investissement parmi les suspects habituels dits verts. Les portefeuilles gérés activement peuvent faire la différence.
- Suite à la récente hausse des valorisations, les actifs dits ESG pourraient être mal évalués. Dès lors, la corrélation positive entre ESG et performance financière pourrait être contestée. Compte tenu de la diversité des approches durables, la réponse n’est pas toujours évidente. Néanmoins, une récente méta-analyse2 du NYU Stern Center for Sustainable Business et de Rockefeller Asset Management a confirmé la corrélation positive et/ou neutre entre l’ESG et la performance financière. Le consensus du marché est clair : l’ESG peut conduire à une surperformance.
- Enfin, la question des données est un défi bien connu. Le règlement SFDR et la taxonomie en particulier ont changé la donne pour le monde de la donnée en investissement ESG. Les besoins des investisseurs sont passés des évaluations ESG subjectives des fournisseurs de données aux données ESG brutes objectives provenant directement des entreprises. Le monde financier a besoin de données adéquates, fiables et prospectives pour prendre des décisions d’investissement appropriées, en parfaite adéquation avec l’agenda politique 2030-2050. L’annonce par la Fondation des normes internationales d’information financière (IFRS) de la création de l’International Sustainability Standards Board (ISSB) a donc été bien accueillie par les marchés. Cette initiative permettra de développer une base mondiale complète de normes de divulgation de la durabilité pour le marché financier, ce qui constitue un pas prometteur dans la bonne direction.
La course aux émissions zéro n’est pas une simple déclaration !
Presque tous les pays se sont engagés à atteindre la neutralité carbone dans les décennies à venir. Cela a des conséquences économiques et financières. Premièrement, cela signifie une sortie complète des combustibles fossiles d’ici 2050 et un processus agressif de décarbonisation. Deuxièmement, cela représente un coût d’investissement estimé à plus de 5.000 milliards de dollars par an jusqu’en 2030, ce qui nécessite un financement considérable.
Les cinq dernières années ont été des années record en termes d’obligations dites vertes et d’émissions similaires. Ce n’est qu’un début. Ces instruments devraient être émis massivement dans les années à venir. Ils apporteront une meilleure diversification et une plus grande profondeur aux marchés. Qu’ils soient volontairement attirés par ces instruments ou poussés par la réglementation, les investisseurs sont enclins à acheter des actifs « verts » dont les valorisations commencent à montrer quelques signes de forte demande.
En effet, la taxonomie européenne, entre autres, pousse les investisseurs à acheter les titres qui leur permettront d’afficher les meilleurs taux d’alignement sur les deux premiers objectifs du changement climatique (atténuation et adaptation). Les quatre objectifs suivants ont été récemment rédigés[1].
Pour rappel, la taxonomie vise à apporter de la clarté sur ce qui doit être considéré comme vert et permet de réallouer les capitaux vers les activités économiques et les entreprises contribuant aux objectifs environnementaux alignés sur la taxonomie.
Et la COP 26 ?
Bien que les ambitions des pays soient importantes, pour réussir, elles doivent être réalisées à l’échelle mondiale. En ce sens, les résultats de la COP 26 ne sont pas rassurants. « Une COP des pays riches pour les pays riches », comme l’ont déclaré plusieurs experts, et avec un écart important entre les déclarations officielles de la première semaine et les concessions concrètes sur papier de la seconde semaine. Cela a créé un contexte de méfiance entre les pays – et notamment entre les pays développés et les pays émergents – sans précédent que les prochaines conférences devront résoudre rapidement. La guerre de leadership climatique entre la Chine et les Etats-Unis crée déjà quelques tensions géopolitiques. L’échec de la COP 26 sur plusieurs points essentiels de la coopération internationale et la méfiance entre les Etats vont renforcer les tensions géopolitiques sur le sujet.
Qu’en est-il sur le front social et de la gouvernance ?
L’impact de la réglementation concernant les exigences sociales et de gouvernance a été assez limité pour le moment, notamment sur la valorisation.
Sur le front social, l’accent reste mis sur la prise en compte complexe des droits humains tout au long de la chaîne de valeur, le fameux devoir de diligence mis en place par la France et le Royaume-Uni. Cependant, la première version de la taxonomie sociale a été publiée l’été dernier, et elle promet des débats animés et certes subjectifs sur la mise en œuvre.
Même constat en matière de gouvernance : les garanties minimales à appliquer d’un point de vue réglementaire renforcent l’examen des incidents et scandales auxquels les émetteurs peuvent être confrontés. De plus, le passage de la suprématie des actionnaires à la gouvernance des parties prenantes met au premier plan la notion de « mission » de l’entreprise envers la société. Cela ouvre la voie à des débats intéressants sur l’équilibre fragile de tout ce microcosme.
Consultez aussi le corner Placements responsables
[1] Durabilité et protection des ressources en eau et des ressources marines (1), transition vers une économie circulaire (2), prévention et contrôle de la pollution (3) et protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes (4).