
Par Thomas Planell, Gérant-analyste chez DNCA
« Sécuriser leurs approvisionnements à tout prix » : c’est l’ordre donné par le Vice Premier Han Zheng aux producteurs d’énergie chinois au cours d’une convocation d’urgence. Les coupures d’électricité ralentissent dramatiquement l’activité manufacturière du pays.Apple a déjà prévenu que ses fournisseurs chinois ne lui permettraient plus de livrer la nouvelle gamme d’iPhone à temps. Le cas de la Chine n’est pas isolé. Après les pénuries de gaz en Europe et l’assèchement des stations-services britanniques, l’Inde, second foyer de peuplement de la planète, s’inquiète de la baisse à leur niveau le plus faible des stocks de charbon de ses centrales électriques.
Comme dans les années 70 ?
Pour l’instant, les marchés ne tablent pas encore sur une répétition de l’épisode stagflationniste qui avait succédé aux chocs pétroliers des années 1970. Mais face à la persistance des ruptures d’approvisionnement et de la congestion de la chaine logistique, à la remontée des matières premières alimentaires, des métaux ou de l’énergie, les investisseurs commencent à remettre en cause la parole d’évangile des banques centrales selon laquelle l’inflation n’est que transitoire.
Cette défiance intervenue au moment où la FED actait la fin de sa politique monétaire accommodante a entrainé le mouvement de rebond des taux nominaux et réels le plus violent depuis mars 2021. Au Royaume Uni, où la progression des taux est la plus forte, trois hausses de taux directeurs sont déjà attendues l’an prochain. C’est un risque pour les marchés actions. En l’espace de trois séances, les valeurs technologiques ont perdu 85 milliards d’euros de capitalisation boursière. Au contraire, les valeurs bancaires et pétrolières étaient recherchées pour protéger les portefeuilles de la crainte de voir l’inflation échapper au contrôle des banquiers centraux.
Marges des entreprises
Cependant, ce troisième épisode de rotation, plus hétérogène, révèle des faiblesses. La participation des valeurs réputées cycliques ou value n’est plus totale. Les sociétés de matériaux de construction ou les sidérurgistes qui souffrent du poids de l’énergie dans leur structure de coûts en sont exclues. La hausse des prix à la production commence à éroder les marges des entreprises. Le levier opérationnel commence à pâtir du manque de volumes causé par les délais de livraison. Enfin, avec une hausse des prix alimentaires ou de l’énergie supérieure aux salaires, la confiance des consommateurs, jusque-là le bastion des optimistes, s’affiche en berne en Europe et aux Etats-Unis.
Inconnu et chaos
Ce mois de septembre n’est pas anodin pour les marchés financiers. En livrant sa pire performance mensuelle depuis mars 2020, le benchmark mondial des actifs risqués (le S&P500) nous indique peut-être que la disparition d’un régime à faible entropie, celui d’un équilibre entre croissance et inflation est à l’œuvre. Dans la thermodynamique des fluides, l’entropie désigne la tendance irrésistible d’un état d’ordre à s’étendre irréfragablement vers le chaos. Pour l’homme, la valeur présente du chaos est l’inconnu. Pour les marchés, l’inconnu est générateur de volatilité. Alors, comme le rappelle Elon Musk, dont la société qu’il dirige, Tesla, est aussi frappée par la pénurie de composants fabriqués en Asie : «n’oubliez pas, l’entropie n’est pas votre alliée ».