
Les Américains payent très cher pour leurs soins de santé. Ils dépensent beaucoup plus que tout autre pays du monde. Or, ils ont une espérance de vie inférieure à celle des habitants des autres pays riches qui dépensent beaucoup moins. Comment peut-on expliquer cette situation ? Analyse.
Espérance de vie
« Les États-Unis ont réalisé des progrès très importants en matière de santé au cours des 140 dernières années. En 1880, l’espérance de vie des Américains était de 39 ans. Elle a doublé depuis lors. Mais cette tendance extrêmement positive a pris fin. Alors que l’espérance de vie des populations du monde entier continue d’augmenter, l’espérance de vie des Américains a diminué depuis 2014. Avec la pandémie de 2020, qui a déjà causé plus de 225 000 décès dus au COVID-19 et 300 000 décès supplémentaires, il est malheureusement déjà certain que le déclin de l’espérance de vie aux États-Unis se poursuivra cette année », constate Max Roser, fondateur de Our World in Data. Selon une étude présentée sur Our World in Data, il apparaît que les principales causes de mortalité des Américains sont le tabagisme, l’obésité, la surconsommation d’opioïdes, les homicides, les accidents de la route, les suicides et la mortalité infantile.
Causes sanitaires
Parmi les principales causes de mortalité, on relève le tabagisme. Très en vogue entre les années 1950 et 2000, le tabagisme a fait des ravages. Mais ces effets se font sentir avec un certain décalage. « Le tabagisme a atteint son apogée plus tôt aux États-Unis. Comme il y a un décalage de deux à trois décennies entre le pic du tabagisme et le pic de la mortalité due au tabagisme, cela devrait être une bonne nouvelle pour les États-Unis à l’avenir. Le pays a dépassé ce pic de mortalité. Nous devrions nous attendre à ce que la baisse des taux de mortalité par cancer du poumon aux États-Unis se poursuive dans les années à venir », estime Mark Roser dans l’article de Our World in Data.
Parmi les addictions, relevons la mortalité liée aux surdoses d’opiacés. C’est une cause de décès où les États-Unis se distinguent très clairement. « Aucun autre pays au monde n’a connu une augmentation des décès par overdose d’opiacés aussi importante qu’aux États-Unis. Aujourd’hui, les États-Unis ont de loin le taux de mortalité par overdose d’opiacés le plus élevé », constate Mark Roser. Ces overdoses restent heureusement une cause de décès relativement rare dans l’ensemble (elle est la cause du décès de 1,7 % des Américains). Mais ces décès affectent l’espérance de vie car de nombreuses victimes sont relativement jeunes.
Un autre facteur est l’obésité. Plus de 70% de la population américaine est en surpoids et 36% sont obèses. Cette obésité entraîne une série de complications cardiaques, de cancers ou encore de diabètes. La lutte contre l’obésité est donc un objectif très important pour la santé des Américains.
Homicides et suicides
Le taux d’homicides aux États-Unis est beaucoup plus élevé que dans les autres pays riches. Comme la plupart des victimes d’homicides sont jeunes, cela contribue à faire diminuer l’espérance de vie aux États-Unis par rapport aux autres pays riches. Cependant, au cours des dernières décennies, les taux d’homicides ont davantage diminué aux États-Unis que dans les autres pays riches. En termes relatifs, la baisse plus rapide des taux d’homicides aux États-Unis a réduit la différence relative d’espérance de vie entre les pays.
La mortalité plus importante chez les jeunes peut aussi s’expliquer par le taux de suicides plus élevé aux Etats-Unis. La répartition des suicides par âge et le fait que les suicides augmentent aux États-Unis et diminuent dans de nombreux autres pays riches accroît la disparité entre les pays riches et les Etats-Unis. Les accidents de la route mortels sont aussi plus nombreux aux Etats-Unis qu’ailleurs.
Inégalités
Cette inefficacité des soins de santé aux Etats-Unis peut aussi s’expliquer par l’accroissement des inégalités. Les pauvres ont moins facilement accès aux soins de santé que dans les autres pays riches. Les revenus des pauvres aux Etats-Unis sont plus faibles que les revenus des pauvres dans les autres pays riches. La mortalité infantile y est également supérieure que dans ces pays riches. « Le monde dans son ensemble a réalisé des progrès très rapides ; l’espérance de vie mondiale a augmenté pour atteindre plus de 70 ans. Les États-Unis ne suivent pas ce progrès. Et ce, en raison des fortes inégalités et de la lenteur de leur développement. Il y a maintenant 19 comtés américains où les gens ont une espérance de vie inférieure à la moyenne mondiale », relève Mark Roser. Il faut aussi souligner que les populations les plus pauvres n’ont pas accès aux soins de santé dans ce pays. Des dépenses élevées de soins de santé ne sont pas synonymes d’un accès large. Ce manque d’accès provoque une hausse de la mortalité.
Par ailleurs, les Etats-Unis accusent une faiblesse particulière dans la prévention de la mauvaise santé. Ils le payent très cher. « L’incapacité à prévenir la mauvaise santé est un facteur qui contribue à détériorer la santé de la population américaine et coûte cher au système de santé. Aujourd’hui, en pleine pandémie mondiale, il y a peu de raisons d’espérer que les États-Unis puissent inverser la récente tendance à la baisse de l’espérance de vie. Pour les années à venir, l’attention portée aux taux élevés des causes de décès qui tuent les jeunes peut être le point de départ pour remettre la population américaine sur la voie d’une vie plus longue et plus saine », conclut cette analyse.