
Aujourd’hui, plus personne n’ignore l’urgence climatique et environnementale à laquelle nous sommes confrontés. Les économistes sont, jusqu’à présent, restés trop silencieux sur le sujet de ces enjeux. Pour cette septième édition annuelle, les économistes de l’Economic Prospective Club ont souhaité apporter leur contribution dans ce débat. En effet, des solutions économiques peuvent être émises dans ce domaine. Réunis lors d’un week-end de réflexion, ils se sont penchés sur les défis climatiques et environnementaux. Les six économistes en présence ont alors proposé, dans leur domaine d’expertise, des pistes de réflexion et des recommandations concernant ces enjeux. Un compte-rendu complet reprend l’ensemble de ces réflexions et est disponible sur MoneyStore.
Mesures d’urgence
Si l’on veut limiter la hausse des températures à 1.5° C, il faudrait être neutres en carbone à l’horizon 2050. Cet objectif exige de prendre des mesures d’urgence. La récente crise du coronavirus a démontré que des décisions peuvent être prises dans l’urgence. Des mesures de confinement et d’arrêt quasi total de l’économie ont été imposées pour un risque qui est essentiellement à court terme. Ces exigences rapides et drastiques ont été globalement bien acceptées par l’ensemble de la population. Elles sont principalement admises en raison de leur perception individuelle des risques. Or, en ce qui concerne le climat et l’environnement, la perception du risque est collective. Par ailleurs, la majorité des conséquences du dérèglement climatique ne se fera sentir qu’à plus long terme. Et pourtant, il y urgence ! Certaines décisions en matière économique doivent être envisagées de façon transversale alors que d’autres doivent cibler des aspects plus particuliers de l’économie.
Taxe carbone
Au terme de leur réflexion, les économistes proposent la mise en place d’une mesure transversale sous la forme de la perception d’une taxe carbone. Cet impôt a pour but prioritaire de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). Il s’agit alors de taxer toute consommation en fonction de son contenu en émission de GES. Tous les acteurs économiques, sans exception, seraient alors redevables de cette taxe en fonction de leurs émissions de carbone. Pour être efficace, cette taxe doit être suffisamment élevée pour changer les comportements. Elle ne doit cependant pas être imposée brutalement mais doit être progressive dans le temps. Cette progressivité sera définie et sa trajectoire sera annoncée dès le départ. Cette taxe doit être acceptable et redistributive sans avoir un impact négatif supplémentaire sur l’équité sociale. Pour atteindre cet objectif, elle ne doit pas servir à financer le budget de l’Etat. Son produit doit être destiné exclusivement et dans sa globalité à la distribution d’un dividende écologique universel à chaque citoyen.
Mobilité et immobilier
En marge de cette mesure transversale, certaines décisions plus ciblées doivent aussi être envisagées. On ne peut évoquer de solutions environnementales sans se pencher sur la question de la mobilité. Dans ce cadre, les économistes proposent à la fois de diminuer les subventions (ou les avantages) octroyées sur certaines formes de transport fortement émettrices de GES et, d’autre part, d’adapter les infrastructures. Des mesures doivent aussi être prises dans le secteur de l’aviation qui, aujourd’hui, n’est pas contraint de payer des taxes à la hauteur de ses émissions de GES.
En ce qui concerne le parc immobilier, les économistes préconisent que les normes environnementales soient renforcées. La mise en conformité des bâtiments sur base des normes PEB doit être encouragée voire exigée. Des mesures concernant l’occupation des sols et l’aménagement des bâtiments publics et para-publics sont également proposées afin de réduire l’émission des GES.
Autres secteurs
Il y a également des pistes de réflexion émises dans d’autres domaines de l’économie. Nos choix alimentaires ont un impact carbone significatif. En effet, la production de viande de bœuf est une source importante d’émission de gaz à effet de serre. Pour remédier à cette situation, la taxe carbone, si elle est appliquée telle que proposée, va faire grimper le prix de la viande de bœuf et d’agneau. Au-delà de la fiscalité, les économistes préconisent également d’instaurer certaines contraintes normatives aux producteurs et de développer l’information aux consommateurs. Dans le secteur agricole, il faudra fondamentalement réformer les aides aux agriculteurs pour passer à un système de production plus durable.
En matière d’énergie, la taxe carbone devrait aussi faire le ménage dans les énergies fossiles. En marge de cette taxe, les économistes émettent une série de propositions qui devraient favoriser une meilleure allocation et une consommation intelligente des ressources.
Dans un autre domaine, l’économie circulaire peut jouer un rôle non négligeable sur les coûts énergétiques et sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il faut encourager ce modèle qui consiste à « recycler-fabriquer-utiliser-trier-jeter-récupérer-fabriquer ». Une boîte à outils pour les décideurs politiques est ainsi mentionnée pour permettre le développement de l’économie circulaire.
La finance et le climat
Le secteur financier et l’argent sont des moteurs dans une économie. A ce titre, le secteur financier a un rôle primordial à jouer dans la transition énergétique et la lutte contre le dérèglement climatique. Les questions liées à l’environnement et au climat peuvent être intégrées à la fois dans les crédits accordés aux entreprises et aux particuliers et dans les investissements proposés. Les banques centrales devraient aussi adapter leurs exigences de fonds propres en fonction des externalités environnementales et climatiques des crédits octroyés. Les risques climatiques devraient être intégrés dans les stress tests des banques. Les institutionnels doivent aussi se poser la question de la pertinence de leurs investissements dans ces secteurs à fort impact négatif sur le climat. La taxonomie qui est actuellement discutée au Parlement européen devrait encourager plus de transparence en matière de durabilité dans les placements.
Une vision plus globale
Les économistes relèvent également un ensemble de fausses bonnes idées qui ont été émises au fil du temps. Il en ressort que, souvent, on résout un problème en en créant un autre. Dans les prises de décision, il manque une vue globale des impacts et conséquences que ces décisions peuvent entraîner. Il y a lieu de promouvoir une vision plus holistique qui intègre les cycles de vie des produits et les conséquences de leur utilisation.
Par ce document, les économistes en appellent à la conscience collective. Ils portent leur expertise économique dans le débat public. La question climatique concerne tout le monde et est urgente. Il faut s’en préoccuper sans tarder !
Pour accéder au document complet « Pistes et éclairages économiques – Pour une contribution active de l’économie aux défis climatiques et environnementaux » cliquez ici
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