Diligence environnementale, sociale et en matière de droits de l’homme

Par DPAM

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Les entreprises ont une responsabilité en matière de droits de l’homme. L’Organisation internationale du travail estime qu’environ 150 milliards de dollars par an de bénéfices des entreprises sont générés par la traite des êtres humains et l’esclavage moderne. Il existe également une répartition inégale des victimes de ces crimes. 71% d’entre elles sont des femmes ou des enfants. Le secteur financier a également sa responsabilité ici, soit par le biais de systèmes bancaires informels, soit en blanchissant les profits ou en finançant des sociétés impliquées dans des violations des droits de l’homme.

Le sujet est donc un point d’attention important et devrait être un critère crucial pour tout gestionnaire d’actifs. Face à l’importance du sujet et l’ampleur des risques, la Commission européenne a décidé de prendre en main le sujet et prépare un règlement sur une diligence obligatoire des entreprises en matière de droits humains. En introduisant un processus de diligence raisonnable obligatoire et en en rendant compte, les investisseurs auront une meilleure idée des entreprises qu’ils financent et pourront adapter leurs décisions d’investissement en conséquence. 

 

Deux exemples de réglementations nationales

Aujourd’hui la Commission peut tirer des premières leçons de deux réglementations nationales déjà mises en place sur le sujet afin d’ajuster sa réglementation : le droit de vigilance en France (2017) et l’Acte sur l’Esclavage Moderne au Royaume-Uni (2015).

Le droit de vigilance en France oblige les entreprises à rendre publique la manière dont elles gèrent les risques et la prévention des atteintes aux droits humains et aux libertés fondamentales, à la santé et à la sécurité de personnes et à l’environnement.  Malheureusement, la loi n’indique pas clairement quelles entreprises entrent dans le champ d’application. La loi se distingue également de son homologue européenne par le fait qu’elle se concentre sur les risques liés aux activités des entreprises (risques matériels) et non sur le risque pour les parties prenantes des entreprises (risques saillants) telles que les fournisseurs, les employés ou les clients.

Au Royaume-Uni, la loi dite « UK Modern Slavery Act » a, quant à elle, permis de sensibiliser aux externalités des activités commerciales, tant au niveau des consommateurs que des entreprises. Malheureusement, les règlements sont assez vagues et n’ont pas d’impact significatif sur les entreprises qui ne tiennent pas compte des externalités négatives pour leurs parties prenantes. La lutte contre la violation des droits humains et contre l’esclavage moderne reste dès lors peu efficace.

La proposition de la Commission européenne

La législation proposée par la Commission européenne vise à créer une reprise post-pandémique durable et inclusive. Pour y parvenir, ce règlement repose sur un principe important : une entreprise devra étudier et divulguer son impact sur l’environnement, la société et les droits de l’homme. Cela encouragera les entreprises à prendre des décisions à plus long terme, plutôt que la réflexion à court terme qui a caractérisé notre économie au cours des 30 à 40 dernières années.

Cette législation ne sera efficace que si l’impact des décisions des entreprises sur toutes les parties prenantes est pris en compte au niveau du conseil d’administration et de la direction générale des entreprises. C’est pourquoi le nouveau règlement comprend également une clause dite des directeurs. Cette clause renforce cette responsabilité des membres des conseils d’administration. En conséquence, le régulateur fait un pas important pour réincorporer les externalités des entreprises.

En outre, le champ d’application du nouveau régime n’est pas limité aux fournisseurs de premier niveau d’une entreprise mais veut concerner l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. L’utilisation d’un système en cascade ne sera pas suffisante car les entreprises doivent faire preuve de diligence raisonnable tout au long de leur chaîne d’approvisionnement et pas seulement avec les fournisseurs directs avec lesquels elles entrent en contact. Cependant il sera difficile d’effectuer un contrôle préalable approfondi de chaque entreprise faisant partie du réseau de fournisseurs d’une société. D’autant plus que les fournisseurs ont tendance à être plus petits à mesure qu’ils s’éloignent de l’utilisateur final. Il sera donc essentiel de commencer par les fournisseurs les plus importants d’une chaîne d’approvisionnement et de se concentrer sur l’amélioration continue de ces fournisseurs en termes de droits de l’homme, d’aspects sociaux et environnementaux.

Le principe d’une approche horizontale est également soutenu par la Commission européenne. La réglementation concerne aussi bien les entreprises privées et publiques, de toutes tailles, des multinationales aux PME. Au fil du temps, des réglementations plus spécifiques seront introduites pour des secteurs spécifiques exposés aux violations des droits de l’homme, tels que le textile ou l’industrie minière. En outre, les entreprises non européennes opérant dans l’UE devront également se conformer à des réglementations similaires, comme c’est déjà le cas pour certaines règles de GDPR en matière de protection des données.

Cela permettra de créer des conditions de concurrence équitables pour toutes les entreprises opérant dans l’UE, indépendamment de leur taille ou de leur forme de gestion, qu’elles soient cotées ou non. Pour éviter les pièges d’une réglementation nationale moins efficace, la Commission européenne souligne l’importance d’un mécanisme public d’application pour assurer le respect des nouvelles règles. Le non-respect de la nouvelle réglementation peut entraîner des sanctions. Bien entendu, les entreprises seront également intrinsèquement motivées pour se conformer aux règles, car une diligence raisonnable approfondie renforce la confiance du consommateur final dans l’entreprise et la rend plus résistante aux risques et aux crises. 

 

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