COVID 19 : Une nouvelle ère pour les actionnaires?

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Par DPAM

La responsabilité actionnariale ne fait pas exception en ces temps particuliers: la saison de votes aux assemblées générales des entreprises est marquée par les reports, les retards et le recours au digital. La crise liée à la pandémie remet aussi certaines pratiques en question dans ce domaine.

Mécanismes anti-OPA

Tout d’abord, relevons certains principes majeurs de gouvernance d’entreprise comme les mécanismes anti OPA. En effet, certaines entreprises, fortement dévalorisées suite au COVID-19, peuvent craindre des offensives d’acquisition par des offrants opportunistes. Plusieurs avocats, mais également des experts en matière de gouvernance d’entreprise et les agences de recommandations de vote, alertent progressivement sur ce risque. Ils recommandent, en fonction des réglementations possibles, de prendre des mesures défensives temporaires afin de se prémunir contre ce risque à court terme. Les mécanismes de plans des droits des actionnaires pourraient permettre à ces entreprise de reprendre leur souffle durant la transition jusqu’au retour à une situation plus normalisée.

Les actionnaires sont, en général, fortement opposés aux mécanismes anti OPA appelés plus communément « pilules empoisonnées » car elles ne sont pas dans l’intérêt à long terme des actionnaires minoritaires. Qu’en est-il aujourd’hui? A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles ?

La recommandation semble de rester ouvert à l’option à condition que l’analyse soit faite au cas par cas, que la mesure soit temporaire avec une durée limitée dans le temps de maximum un an et qu’elle concerne bien les conséquences de la crise de la pandémie.

Dialogue et échange

La situation requiert plus que jamais un dialogue avec l’entreprise. Un dialogue constructif et un échange mutuel permettront à l’investisseur responsable de comprendre éventuellement les entreprises qui ont eu des lacunes dans leur gestion de crise. Ce dialogue permet d’engager une discussion sur la sécurité et la santé des employés. Ensuite, il permet d’être davantage réceptif aux réponses des entreprises et de remettre ces dernières dans le contexte particulier à chacune. Cela permet également de voir la situation dans une vision long-terme de sorte que les décisions d’investissement à long terme se traduisent également par un engagement actionnarial sur un même horizon. Enfin, l’engagement actif induit que les actionnaires continuent à s’exprimer, y compris dans les assemblées des actionnaires virtuelles. Ces principes sont réitérés par les Principes de l’Investissement Responsable.

Autres parties prenantes

Seconde conséquence de la crise actuelle: un renforcement de la tendance de la gouvernance des parties prenantes, au détriment de la primauté actionnariale.  Cette dernière repose sur le principe que les entreprises doivent avant toute chose maximiser leur profits aux fins des actionnaires, dans le respect des lois en vigueur.

La remise en question de ce principe n’est pas nouvelle. L’essai « Le nouveau Paradigme », émis par la renommée Harvard School en février 2019, place déjà au centre du débat un meilleur équilibre de traitement des différentes parties prenantes d’une entreprise de sorte de réduire le focus court-terme en luttant contre la pression activiste avide de profits rapides. Selon la théorie de la gouvernance des parties prenantes, l’entreprise aurait une obligation morale d’engagement pour un objectif sociétal qui lui permettra dès lors la génération de valeur à long-terme.

Actionnaire responsable

La pandémie et la crise relative au confinement global a renforcé cette théorie et l’actionnaire endosse dorénavant une responsabilité afin de réduire les impacts néfastes du virus. Il pourrait en effet être appelé à se prononcer sur différentes initiatives envers les autres parties prenantes de l’entreprise comme les employés touchés par la crise. Ce retournement de priorité des actionnaires vers les autres parties prenantes conduira certainement à d’intéressants débats et des prises de décisions complexes. Certaines initiatives, notamment réglementaires, émergent et donnent des pistes de décisions à prendre. Nous pouvons mentionner notamment l’Engagement de la Table Ronde Business qui réunit 180 chefs d’entreprises américaines qui s’engagent à diriger leur entreprise au bénéfice de toutes ses parties prenantes (clients, employés, fournisseurs, communautés et actionnaires).

Actionnaire amoindri ?

Si les entreprises donnent dorénavant la priorité à d’autres acteurs que les actionnaires, certains pourraient penser que ce sera au détriment de la création de valeur actionnariale.  Si c’est le cas, ce sera à court terme uniquement. L’amoindrissement de la primauté actionnariale devrait conduire à une plus grande pertinence des facteurs ESG pour les investisseurs comme pour les entrepreneurs. Il peut paraître utile de rappeler que l’intégration des facteurs ESG repose sur le principe du gagnant-gagnant de valeur créée. En effet, lorsqu’une entreprise œuvre à une meilleure efficacité énergétique, non seulement l’environnement en profite mais cela conduit à des réductions de coûts. Il s’agit finalement de bon sens.

Comme dans tous les domaines, le COVID-19 a ses conséquences court-terme et soulève des questions à moyen et long-terme sur le jour d’après. Cette pandémie pourrait prolonger l’érosion de la suprématie actionnariale et remettre en question à nouveau le paradigme de création de valeur à long terme et pression court terme. Il faut espérer que si la crise renforce bien le mouvement vers une finance plus responsable, elle devrait alors favoriser un cercle vertueux permettant également un horizon d’investissement plus long où l’actionnaire accompagne l’entreprise investie dans sa poursuite d’un objectif combinant rentabilité durable et bien-être de la société à long terme.

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