Comment décrypter la réglementation de l’UE en matière de durabilité ?

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Par NNIP

Dans les quatre prochains mois, les gestionnaires d’actifs européens et les conseillers financiers feront face à une lourde tâche. La nouvelle législation qui découle du Plan d’action de l’Union européenne pour une économie plus verte impose en effet aux gestionnaires d’actifs de classer tous leurs produits d’investissement selon leur durabilité d’ici mars 2021.

Préparer un avenir plus vert est une priorité absolue pour l’Union européenne, maintenant que l’échéance de 2030 pour atteindre les objectifs environnementaux fixés dans l’Accord de Paris et les Objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU est à moins de dix ans. Le secteur public ne peut supporter seul toute la charge des énormes investissements nécessaires pour atteindre ces objectifs. Les entreprises et les institutions financières doivent collaborer avec les gouvernements et, pour s’assurer que ce soit bien le cas, l’Union européenne met en place un cadre législatif et réglementaire étendu.

 

Plus de transparence

Un élément clé de ce cadre législatif est le Règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (Sustainable Finance Disclosure Regulation, SFDR). Le SFDR vise à accroître la transparence sur la manière dont les acteurs des marchés financiers, comme les gestionnaires d’actifs et les conseillers financiers, intègrent les risques et les opportunités en matière de durabilité dans leurs décisions et leurs recommandations d’investissement. Il leur imposera de classer tous leurs fonds d’investissement en trois catégories de niveaux de durabilité – gris, vert clair et vert foncé – et d’adapter leur documentation, leur matériel commercial et leurs rapports pour refléter cette classification. Cette classification standardisée des produits donnera aux investisseurs un meilleur aperçu de la durabilité de leurs investissements.

Les trois classifications pour les investissements sont les suivantes :

  • L’article 9, ou vert foncé, s’applique aux produits qui ont des objectifs durables ;
  • L’article 8, ou vert clair, couvre les produits financiers qui promeuvent des caractéristiques environnementales ou sociales dans le cadre de la stratégie d’investissement au sens large ;
  • L’article 6, ou gris, s’applique aux produits qui prennent en considération les risques ESG dans le processus d’investissement ou qui sont explicitement déclarés non durables.

Cette obligation de classification aura un impact considérable sur les gestionnaires d’actifs. Elle nécessite une analyse complète de leurs fonds et mandats.

Un vocabulaire harmonisé

Le SFDR entrera en vigueur en mars 2021. Il découle du Plan d’action de l’Union européenne pour le financement d’une croissance durable et d’une Europe plus verte. Ce plan se décline en 10 points. Il vise à réorienter les flux de capitaux vers des investissements durables, à intégrer la durabilité dans la gestion des risques et à favoriser la transparence et une vision de long terme dans les activités économiques et financières[1].

Une partie du Plan d’action de l’Union européenne consiste à établir un vocabulaire harmonisé en matière de durabilité, afin que tous les intervenants utilisent les mêmes critères pour définir, mesurer et rendre compte des attributs de durabilité des activités économiques. On parle alors de taxonomie. La mise en œuvre du Plan d’action de l’Union européenne nécessitera aussi des modifications de la législation existante, dont la directive MiFID II, le règlement BMR et les directives AIFM et UCITS.[2]

Le SFDR est étroitement lié à deux autres mesures législatives, qui relèvent aussi du Plan d’action de l’Union européenne. La première est le Règlement de l’Union européenne sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables (Règlement taxonomie), qui fixe les critères permettant de déterminer si des activités économiques contribuent aux objectifs environnementaux. Les gestionnaires d’actifs et autres investisseurs professionnels devront indiquer la proportion d’investissements finançant des activités qui relèvent du champ du règlement pour chaque produit financier pertinent, y compris les fonds d’investissement. Actuellement, le Règlement taxonomie se concentre essentiellement sur les questions environnementales. À l’avenir, il inclura également des facteurs sociaux et de gouvernance.

Une meilleure communication

La deuxième mesure législative, la Directive sur la communication d’informations non financières (NFRD), impose des exigences plus strictes et harmonisées quant à la manière dont les entreprises communiquent des informations non financières et publient des données environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). Depuis 2018, les entreprises doivent inclure des infor mations non financières dans leurs rapports annuels. L’Union européenne s’apprête à réviser la NFRD pour contribuer à la mise en œuvre du Règlement taxonomie de l’Union européenne et du SFDR.

Plan d’action de l’UE : financer la croissance durable

Quelles conséquences pour le secteur financier?

Les acteurs du marché tels que les gestionnaires d’actifs et les conseillers financiers joueront un rôle central dans la mise en œuvre du Plan d’action de l’Union européenne. Il leur incombera d’analyser les rapports des sociétés en vertu de la directive NFRD et d’intégrer cette analyse dans leurs documents d’investissement, leurs informations et leurs rapports établis conformément au SFDR. Les produits des gestionnaires d’actifs relèveront du champ d’application du SFDR et devront être classés dans l’une des trois catégories reprise ci-dessus (vert foncé, vert clair ou gris).

Cela signifie qu’ils ne pourront plus se contenter de déclarer qu’ils proposent des fonds durables. Ils devront le prouver et pouvoir démontrer que leur processus de prise de décision en matière d’investissement, la gestion des risques et la publication d’informations relatives aux produits sont parfaitement alignés.

La notion de durabilité évolue en permanence et il en sera de même pour le Règlement taxonomie de l’Union européenne et le SFDR. Par exemple, l’accent actuellement mis sur l’environnement pourrait évoluer pour inclure davantage d’éléments sociaux, comme l’inclusion, la diversité et la santé. À mesure que les différents volets législatifs entreront en vigueur dans les deux à quatre prochaines années, les pratiques du marché évolueront aussi. Cela représentera bien plus qu’une simple question de maintenance et de conformité. Il s’agira d’une étape majeure vers une Europe forte, et qui pourrait ensuite être une source d’inspiration pour le reste du monde.

 

Consultez aussi le corner Gestion

[1] Commission européenne – Plan d’action : financer la croissance durable

 https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/180308-action-plan-sustainable-growth_fr.pdf

[2] Directive concernant les marchés d’instruments financiers, Règlement concernant les indices utilisés comme indices de référence, Directive sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs, Directive concernant les organismes de placement collectif en valeurs mobilières

 

 

 

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