
Par Vincent Juvyns, JP Morgan AM
Nous avions entamé l’année 2020 sous le signe d’un optimisme prudent. En effet, la signature d’un accord commercial partiel sino-américain laissait présager d’un rebond du commerce mondial et de la croissance économique cette année. Le fait qu’en 2019 la croissance économique mondiale soit retombée à son bas niveau depuis le début de la reprise en 2009 ne paraissait plus qu’un vague souvenir.
Ces perspectives étaient de nature à soutenir la croissance bénéficiaire des entreprises et, de facto, les marchés d’actions. Les craintes d’alors étaient surtout inhérentes aux valorisations et à une éventuelle résurgence de la guerre commerciale. L’épidémie de Covid-19 qui faisait rage en Chine n’apparaissait alors que comme un phénomène local et, a priori, temporaire au vu des mesures fortes prises par les autorités chinoises.
L’épidémie de Covid-19 s’est malheureusement transformée en pandémie mondiale, obligeant nombre de gouvernements à imposer des mesures de confinement strictes à leurs populations. Malgré ces mesures, le bilan humain s’annonce lourd, puisque l’on dénombre déjà plus de 400.000 morts dans le monde. Sur le plan économique, le tableau est sombre également : nous devrions en effet connaitre l’une des pires récessions depuis la Grande Dépression des années 1930 et le FMI s’attend à des contractions de PIB historiques.
Et maintenant ?
Aujourd’hui, le pire semble néanmoins derrière nous. En effet, les courbes de progression de la pandémie ont été aplaties dans la plupart des pays et, jusqu’ici, aucune « seconde vague » n’a été observée. Ces éléments permettent de lever les mesures de confinement progressivement. Par ailleurs, bien que tant qu’un vaccin n’aura pas encore été trouvé, il nous faudra vivre avec le risque que ce virus ressurgisse, il semble peu probable que des mesures de confinement strictes soient à nouveau déployées. En effet, nous avons appris à vivre avec ce virus : tests de dépistage, équipements de protection et règles de distanciation sociale constituent désormais la norme. En outre, les conséquences économiques d’un re-confinement seraient considérables.
On peut donc raisonnablement anticiper un rebond économique à partir du troisième trimestre de cette année même si la reprise sera cependant très graduelle et que son rythme différera d’une région à l’autre. La Chine et l’Asie devraient ainsi connaitre une reprise en « V », c’est-à-dire qu’elles devraient retrouver ou dépasser leur niveau de PIB de fin 2019 d’ici la fin de l’année. En revanche, en Europe et aux Etats-Unis, il faudra vraisemblablement attendra la fin de 2021 pour dissiper les effets de la crise. En effet, malgré des mesures budgétaires et monétaires sans précédents, une augmentation du taux de chômage et des faillites dans les prochains mois semblent inéluctable, ce qui ralentira de facto le retour à la normale.
Cette réalité est bien intégrée par les investisseurs. La preuve en est si l’on se penche sur les prévisions des analystes concernant la croissance bénéficiaire pour le marché US en 2020. Les prévisions sont en effet passées d’une croissance bénéficiaire positive en février à une contraction des bénéfices de l’ordre de 27.5% actuellement.
Gare au trop plein de pessimisme…
Si 2020 est marquée par une révision à la baisse, 2021 semble prendre le contrepied avec une nette révision à la hausse des prévisions bénéficiaires. Cette embellie conjuguée au déploiement de politiques monétaires ultra accommodantes des banques centrales dans le monde a entrainé un fort rebond des bourses ces dernières semaines.
…mais également d’optimisme
Si le risque d’une rechute des marchés semble aujourd’hui plus limité compte tenu de la stabilisation de la situation sur le front sanitaire et économique, il semble néanmoins prématuré d’augmenter le niveau de risque dans les portefeuilles. Les valorisations des marchés d’actions sont en effet supérieures aux moyennes historiques et nombre d’incertitudes demeurent, à l’instar du Brexit, des élections américaines et d’une éventuelle résurgence de la pandémie de Covid-19.
Dans ce contexte, il vaut mieux privilégier un positionnement équilibré vis-à-vis des marchés d’actions. Il convient également de privilégier les Etats-Unis pour leur caractère défensif et leur plus large exposition au secteur technologique ainsi que les pays émergents. Il en va de même singulièrement pour l’Asie et les émergents qui sont plus attractivement valorisés et devraient profiter d’une reprise plus rapide de leur économie. On peut, par ailleurs, devenir plus positifs sur l’Europe car la Crise pourrait forcer l’Europe à s’intégrer davantage pour mieux déployer son plan de relance.
Sur le plan obligataire, il est judicieux d’investir dans le sillage des banques centrales, c’est la raison pour laquelle le crédit Investment Grade est privilégié car il bénéficie du soutien de la Fed et de la BCE.
Enfin, sur les devises, on peut demeurer positifs sur le yen, prudents sur les devises émergentes et neutres sur l’euro/dollar.
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