Taxonomie européenne : Pour une définition unique de l’investissement durable

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Par Degroof Petercam

Le 18 juin dernier le Groupe d’Experts Techniques établi par la Commission européenne dans le cadre de son Plan d’action sur le financement de la croissance durable, a publié son deuxième rapport sur la taxonomie des activités dites « vertes ».

Ce rapport de 414 pages, fruit d’un an de travail, couvre dorénavant 67 activités économiques. Il détaille la taxonomie que la Commission européenne réglementera dans une prochaine étape en matière de durabilité environnementale à l’échelle de l’Union européenne.

1. Origine du rapport 

Ces deux dernières années, la Commission européenne a pris à bras le corps le sujet de la finance et de l’économie durables. Elle a clairement affirmé sa volonté d’y jouer un rôle majeur. Lors de son Plan d’action sur le financement de la croissance durable, elle a établi un groupe de 35 experts techniques issus des institutions financières, du monde académique et de la société civile. Assisté par 160 experts supplémentaires, ce dernier  a dévoilé sa proposition de taxonomie vis-à-vis du changement climatique. La Commission vise ainsi à limiter le greenwashing et à identifier les secteurs qui génèrent des bénéfices environnementaux.

2. Activités concernées 

Cette taxonomie dresse la liste des activités économiques et leurs critères de performance requis afin de pouvoir estimer leur contribution réelle à l’un des six objectifs environnementaux identifiés Ces objectifs sont les suivants :

1) l’atténuation du changement climatique;

2) l’adaptation au changement climatique;

3) l’utilisation durable et la protection des ressources en eau et des ressources marines;

4) la transition vers une économie circulaire, la prévention des déchets et le recyclage;

5) la prévention et le contrôle de la pollution;

6) la protection des écosystèmes sains.

Il ne s’agit pas de la liste des activités automatiquement éligibles à la finance durable. Ce sont plutôt des conditions d’éligibilité en fonction de l’activité économique selon un processus de contrôle en 4 étapes :

  • Contribuer substantiellement à l’un des 6 objectifs identifiés par les autorités européennes
  • Ne pas porter préjudice de manière significative à un autre objectif environnemental
  • Être conforme avec les minima requis en matière sociale (notamment les conventions majeures en matière de droit du travail de l’Organisation Internationale du Travail)
  • Remplir les critères techniques de sélection.

3. Activités absentes

Cette deuxième version du rapport étend le nombre d’activités couvertes et analysées de 24 dans sa version de décembre à 67 aujourd’hui. Cependant, plusieurs activités clés sont absentes du rapport. Voici les principales : le secteur des mines, la pisciculture, le transport maritime et l’aviation, la fabrication du verre, du papier et de la pâte à papier.

Ainsi la taxonomie vise à définir les limites strictes et le screening technique afin d’estimer la contribution de ces 67 activités aux six objectifs environnementaux définis. Avec la remarque principale qu’à ce stade, le groupe d’experts techniques s’est concentré sur les deux premiers objectifs soit l’atténuation du changement climatique et l’adaptation au changement climatique.

4. Carbone 2050

Les experts ont voulu être le plus pragmatique possible dans la définition du filtrage quantitatif. Ils font alors référence à des facteurs multiples et des seuils définis soit en termes d’intensité soit en termes relatifs. Ces seuils font déjà l’objet de critiques sévères qui les jugent trop éloignés des pratiques actuelles par la finance durable et des niveaux de performance observés dans la réalité économique et industrielle.

Avec l’exception majeure du charbon et de l’énergie nucléaire, qui sont de facto non éligibles à la finance durable, les activités de transition se situant dans la zone grise telles que l’énergie ou les biens d’utilités publiques, restent éligibles en théorie mais avec des critères plus stricts à remplir. En effet, les seuils et les critères ont été définis avec l’objectif majeur d’une neutralité carbone à horizon 2050 qui implique une sortie progressive de la génération d’énergie par des sources d’énergie fossile.

5. Caractère contraignant et impact

La taxonomie n’a pas de caractère légalement contraignant. Cependant, les investisseurs institutionnels çàd. les OPCVMs, FIAs et les produits d’investissements d’assurance doivent répondre au principe du « comply or explain ». Ils devront en effet répondre comment et à quel point ils utilisent la taxonomie dans le cadre de leurs investissements qualifiés de durables.

Cependant, le rapport publié en juin dernier est un rapport technique. Ce n’est pas encore la version finale de la taxonomie. Il n’a donc aucun poids légal à ce stade. Il est d’ailleurs l’objet d’une consultation publique ouverte jusqu’au 10 septembre.

6. Prochaine étape

La prochaine étape est une discussion au Conseil européen. Elle vise un dialogue tripartite avec les discussions inter-institutionnelles qui démarreront en septembre 2019. Une fois un accord atteint, la Régulation pourra être adoptée. Elle représentera l’acte législatif le plus strict de la législation européenne puisque directement applicable à tous. En parallèle, la Commission européenne adoptera des actes délégués qui définiront les critères techniques à adopter. Ce qu’elle a déjà partiellement fait avec le rapport de décembre 2018. Le Parlement et le Conseil européens disposent alors de deux mois pour faire part de leurs remarques sur ces actes. En l’absence de remarques, ces derniers sont considérés comme adoptés. La régulation sur la taxonomie devrait entrer en vigueur à partir du 1ejuillet 2020 pour ce qui concerne les deux premiers objectifs environnementaux.

7. Normes et standards

Si la régulation a un impact contraignant limité, elle servira néanmoins de colonne vertébrale aux normes et standards en matière d’obligations vertes dans l’Union européenne. Elle servira également comme référentiel pour les investisseurs afin de rapporter sur l’exposition durable et verte de leurs investissements dans les différentes classes d’actifs. Pareil phénomène a déjà été observé avec les Objectifs de Développement Durable. C’est une initiative privée sans pouvoir légal contraignant. Les ODD sont néanmoins devenus une référence universelle. Elle est utilisée par les entreprises et les sociétés financières pour rapporter sur leur impact de durabilité. A noter cependant que le rapport technique de la taxonomie ne fait aucune référence aux ODD malgré leur visibilité croissante.

8. Un cadre flexible

Le référentiel défini aujourd’hui est appelé à évoluer, la Commission en est bien consciente. A cette fin, elle planifie l’établissement d’une plateforme permanente de la finance durable réunissant des experts du monde financier et des entreprises. Le rôle de cette plateforme, qui devrait être créée d’ici fin 2019, sera la supervision de la taxonomie, notamment sa révision, son adaptation et le respect de sa conformité.

9. Autres publications

Enfin pour être tout à fait exhaustif, il faut mentionner les autres publications du 18 juin :

  • Les méthodologies des indices européens sur le climat. Elles définissent les exigences techniques minimales des indices bas carbones et des informations en général ESG. Elles présentent aussi la proposition d’un indice de transition climatique et d’un indice aligné sur l’Accord de Paris ;
  • Les normes standards pour les obligations vertes dans l’Union européenne. Ce guide volontaire devrait encourager les meilleures pratiques sur le marché.

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