
Par Carola van Lamoen, responsable de l’actionnariat actif chez Robeco
Les progrès économiques qui ont été réalisés par le passé ont un coût que les résultats et les bilans des entreprises ne reflètent pas encore : il s’agit d’un coût externe.
Avec l’augmentation de la population mondiale, dont le niveau de vie augmente, l’ancien modèle de consommation linéaire (produire, utiliser, jeter) n’est plus tenable. Dans les prochaines décennies, la consommation d’énergie, d’acier, de céréales et d’eau devrait connaître une croissance encore forte, et probablement sous-estimée. La question est de savoir si cela sera possible.
Une chose est sûre : la pression sur l’environnement ira en s’accroissant. Aux taux actuels d’urbanisation et de croissance démographique, la production mondiale de déchets devrait atteindre 2,2 milliards de tonnes par an d’ici 2025, soit 1,42 kg d’ordures par jour et par personne.
Les mentalités doivent impérativement changer. L’économie doit devenir circulaire. L’analyse du cycle de vie du produit doit faire partie intégrante de sa conception. Intégrer les principes de l’économie circulaire au processus de production permettrait de réduire la consommation de matières premières, d’améliorer l’efficacité des ressources et de diminuer le coût de la gestion des déchets : une excellente nouvelle pour les bénéfices des entreprises.
Les Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations unies traduisent eux aussi l’importance de cet enjeu. L’ODD numéro 12 porte sur les modes de consommation et de production responsables, et son point 12.5 cible plus spécifiquement une réduction considérable de la production de déchets grâce à la prévention, la réduction, le recyclage et la réutilisation.
Les objets jetables en plastique notamment sont une préoccupation majeure, comme en témoigne le nombre croissant de propositions des actionnaires sur le sujet (en 2018, les actionnaires de McDonald’s ont, par exemple, proposé la suppression des pailles en plastique).Sans renier son importance, la réduction des déchets plastiques n’a cependant pas forcément d’impact direct sur les résultats financiers.
Pourtant, dans le secteur agroalimentaire, un certain nombre d’entreprises passent à l’action. Conscient des problèmes liés aux objets en plastique à usage unique, Coca-Cola s’est ainsi engagé en faveur d’un « Monde sans déchets » d’ici 2030. Mais le plastique peut aussi être une opportunité pour les entreprises innovantes ou qui travaillent sur des matériaux alternatifs, à l’instar de Tetra Pak, qui planche actuellement sur des pailles en papier très résistantes.
Toutefois, parce qu’elles sont complexes d’un point de vue technique, ces innovations sont parfois difficiles à déployer à grande échelle. En outre, les bioplastiques et autres solutions novatrices sont toujours plus coûteux que les emballages traditionnels. Ce n’est donc pas pour réduire leurs coûts (et augmenter leurs bénéfices) que les entreprises s’intéressent à ce problème.
Dans ce cas, pourquoi décident-elles d’agir ? Et pourquoi, en tant qu’investisseurs, ce sujet est-il important ? Parce qu’il existe un lien direct avec l’image de marque. Les grands groupes agroalimentaires craignent que leur image de marque ne finisse par être ternie. Les déchets plastiques sont d’ores et déjà un problème colossal, qui ne fera qu’empirer si rien n’est fait. Un jour, les entreprises en seront tenues pour responsables. Des réglementations plus dures seront adoptées et les comportements des consommateurs évolueront. Ces coûts externes deviendront alors des coûts internes pour les entreprises et les investisseurs, parce qu’ils dégraderont la valeur (et l’image de marque).
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