Réaction de la Fed : une vérité non conventionnelle !

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Par Vincent Juvyns, Stratégiste J.P. Morgan Asset Management

Malgré une actualité économique et financière dominée par les tensions commerciales et le ralentissement conjoncturel que celles-ci induisent, l’économie américaine s’apprête à enregistrer au mois de juillet, son 121èmemois d’expansion ininterrompue. Cette situation devrait faire de ce cycle économique, le plus long de l’histoire des États-Unis.

L’heure n’est cependant pas à la fête sur les marchés financiers. Ceux-ci semblent s’inquiéter d’un retournement de cycle imminent, si l’on en juge par la forte baisse du rendement des bons du trésor US à 10 ans. Ils sont ainsi retombés à près de 2%, soit sous le niveau du taux directeur de la Fed.

Il n’est pas rare d’observer une inversion de la courbe des taux en fin de cycle économique. Cependant, le phénomène observé actuellement semble pour le moins prématuré. En effet, l’économie américaine n’affiche pas encore les traditionnels déséquilibres de fin de cycle. Ces déséquilibres sont une remontée du taux de chômage ou une baisse significative de la confiance des ménages et des entreprises. Dans ce contexte, hors scénario de guerre commerciale majeure, il est peu probable que celle-ci entre en récession prochainement.

Par ailleurs, il faut rappeler que les récessions ont souvent été précipitées par une politique monétaire plus restrictive. Or, aujourd’hui, la Fed vient d’arrêter son cycle de resserrement monétaire à un niveau de taux historiquement bas. En effet, son taux directeur, corrigé de l’inflation, est actuellement de 0,31% alors qu’il était en moyenne de 4% au cours des 5 derniers cycles économiques.

Ces éléments plaident donc, en théorie, en faveur d’une poursuite de l’expansion économique aux Etats-Unis. La question est alors de savoir ce qu’anticipent les marchés obligataires, compte tenu de l’inversion de la courbe des taux et du fait qu’ils estiment à 75% la probabilité d’une baisse de taux directeur de la Fed en septembre 2019.

Certes, une escalade des tensions commerciales, pourrait donner raison à ceux qui anticipent une récession. Cependant, le positionnement actuel des marchés obligataires reflète davantage une réévaluation des perspectives monétaires que conjoncturelles. En effet, malgré une croissance de 3%, une situation de plein emploi, des taux proches de zéro de 2009 à 2015 et un bilan de la Fed qui a gonflé de 3500 milliards de dollars, l’inflation  demeure inférieure à l’objectif de la Fed.  

Le problème n’est donc pas conjoncturel mais bien structurel. Nous sommes dans  une situation de croissance démographique en berne avec un fort taux d’endettement public et privé. De ce fait, les outils monétaires classiques ont moins d’effet. La Fed n’a dès lors d’autre choix que d’étoffer son arsenal d’outils non conventionnels. Après le « QE » et la « forward » guidance, des concepts comme « l’objectif d’inflation moyenne » ou « la théorie monétaire moderne » sont ainsi de plus en plus débattus.

Dans ce contexte, une chose est certaine : les taux devraient rester durablement bas. Les investisseurs devraient donc continuer à plébisciter les actifs de rendement sur les marchés financiers.

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