
Par Hans Stegeman, Head of Research & Investment Strategy, et Joeri de Wilde, Investment Strategist, Triodos Investment Management
La décennie de croissance économique mondiale élevée qui a commencé après la Grande Crise Financière (GFC) touche à sa fin. Le produit intérieur brut mondial a connu une croissance inférieure à la tendance en 2019, ce qui indique que nous sommes entrés dans la dernière phase du cycle économique. Pour 2020, on s’attend à une croissance mondiale faible, les risques restant orientés à la baisse. Les politiques monétaires et les mesures de relance budgétaire répondent aux attentes des investisseurs, empêchant ainsi la chute des marchés financiers.
En ce qui concerne les économies développées, cette croissance paraît simplement fabriquée pour permettre aux investisseurs de continuer à vivre dans leurs châteaux en Espagne. Ces «bastions» sont maintenus à flot par des mesures qui visent à stimuler la croissance économique, mais qui, en fin de compte, ne font que soutenir l’inflation continue des prix des actifs et la financiarisation de l’économie. La croissance est de moins en moins basée sur des activités réelles et « terrestres ». Cette tendance devrait se poursuivre en 2020.
Cette situation, conjuguée à la politique monétaire très accommodante des principales banques centrales du monde et aux niveaux élevés de la dette mondiale, place l’économie mondiale dans un état fragile. Il n’est pas improbable que ce statu quo insoutenable se maintienne pendant un certain temps. Observation inquiétante car, à court terme, cela pourrait ne laisser qu’une marge de manœuvre limitée pour relever les grands défis auxquels sont confrontées les générations actuelles et futures : l’inclusion sociale et le changement climatique.
Perspectives d’investissement
Jusqu’à présent, l’année 2019 a été caractérisée par une reprise des marchés obligataires et boursiers. Le sentiment haussier des investisseurs, l’abondance de liquidités et les rachats d’actions d’entreprises en cours ont fait grimper les cours boursiers, tandis que l’appétit pour les placements refuges a fait baisser les rendements obligataires. Comme le monde connaît un ralentissement économique synchronisé qui s’accompagne de graves incertitudes géopolitiques, on aurait pu s’attendre à au moins une certaine forme de correction des marchés. L’absence de cette correction et le manque général de volatilité montrent que les investisseurs comptent sur les banques centrales pour faire le nécessaire afin de soutenir la croissance économique. Pour 2020, les politiques monétaires et les mesures de relance budgétaire répondront aux attentes des investisseurs, empêchant ainsi les marchés financiers de s’effondrer.
Néanmoins, dans l’environnement actuel où les risques ne sont pas correctement évalués et où les cours des actions s’écartent de leurs fondamentaux économiques, les conséquences d’un retournement soudain de l’humeur des marchés sont potentiellement énormes. La prudence est donc de mise.
Marchés obligataires
Les perspectives de baisse des taux d’intérêt et d’achat d’obligations par les banques centrales en 2020 impliqueraient une nouvelle baisse des rendements des obligations de sociétés. Bien que l’augmentation de la liquidité des banques centrales rende les défaillances moins probables, le ralentissement de la croissance incite à privilégier les crédits de grande qualité et les bilans solides.
Marchés d’actions
Le marché boursier américain reste relativement cher, tant par rapport aux autres régions que d’un point de vue historique. Les valorisations élevées actuelles ne reflètent pas les fondamentaux sous-jacents.
Le ralentissement de la croissance économique dans la zone euro a presque atteint son point le plus bas et il ne devrait pas diminuer davantage l’année prochaine. Les actions européennes pourraient donc bénéficier de politiques monétaires et budgétaires accommodantes. Les actions européennes sont également relativement bon marché par rapport à leurs homologues américains (bien qu’elles restent chères en termes absolus).
Les actions japonaises sont relativement bon marché par rapport à leurs homologues américains et européens. La Banque de Japon continuera à soutenir le marché des actions par le biais de son programme de QE et ce programme devrait prendre fin dans un avenir proche. En combinaison avec des valorisations attrayantes, cela permet de rester positifs à l’égard des actions japonaises.
La tendance mondiale vers l’assouplissement monétaire et le relâchement des tensions géopolitiques majeures pourrait profiter aux marchés émergents d’ici 2020. Une liquidité accrue et des taux d’intérêt plus bas pourraient inciter les investisseurs à se tourner vers des actifs financiers plus risqués, et une réduction des tensions commerciales pourrait stimuler la confiance des investisseurs.
Ces deux facteurs se traduiraient par une augmentation des entrées de capitaux pour les pays émergents. En 2019, l’Argentine, l’Iran, la Turquie et le Venezuela ont tous connu ou connaissent encore de graves difficultés économiques. Les problèmes de ces pays pourraient s’atténuer un peu en 2020. La stabilité politique sera essentielle. La croissance économique au Brésil, au Mexique, en Russie et en Arabie saoudite devrait s’accélérer quelque peu en 2020. Le ralentissement modéré de la Chine ne devrait pas se traduire pas par un ralentissement important des marchés financiers. Les mesures de relance budgétaire et d’assouplissement de la banque centrale de l’Inde devraient stimuler la croissance économique. En combinaison avec des valorisations globales relativement abordables pour les marchés émergents, ces éléments rendent prudemment optimistes quant à la performance des actions des marchés émergents en 2020. Toutefois, tout dépend en grande partie de la diminution des risques propres à chaque pays, de la réduction des tensions géopolitiques et de la poursuite des mesures d’assouplissement monétaire à l’échelle mondiale.
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