Émergence de super-entreprises américaines : quelles conséquences pour les investisseurs?

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Par Sean Markowicz, stratégist chez Schroders

Le décembre 2019 Les plus grandes entreprises américaines ont réussi à consolider leur position de force sur le marché et à générer des bénéfices anormaux grâce à l’innovation technologique, à l’augmentation des fusions et acquisitions et à l’application laxiste de la législation antitrust. Les investisseurs doivent-ils se faire du souci ?

La concurrence est un des fondements de l’économie de marché. Elle pousse les entreprises à maintenir des prix bas, à fabriquer des produits de meilleure qualité et à offrir des salaires attractifs. Mais au cours des deux dernières décennies, on a vu apparaître des signes d’affaiblissement de la concurrence dans l’économie américaine. 

La concentration du marché s’est renforcée dans plus de 75 % des secteurs d’activité américains, ce qui s’y traduit par une domination de plus en plus marquée par une poignée de super-entreprises en termes de chiffre d’affaires, de bénéfices et de rendement. Face à une telle domination, il est permis de se demander si ce ne sont pas les consommateurs qui en font les frais et si cela n’exacerbe pas l’inégalité de revenu. Cette domination pourrait induire une réponse régulatoire qui risque de porter préjudice aux investisseurs qui détiennent une participation dans ces entreprises.

La concurrence sous pression

L’innovation technologique a remodelé le paysage concurrentiel. C’est surtout visible dans le secteur des technologies de l’information. Google représente 88 % de l’ensemble des recherches en ligne aux États-Unis et Facebook contrôle 42 % des réseaux sociaux, tandis qu’Apple (iOS) et Google (Android) se partagent le marché des systèmes d’exploitation mobiles. Cette position dominante crée d’énormes barrières à l’entrée. La concurrence est encore affaiblie davantage par l’avalanche de fusions et acquisitions. Aux États-Unis, le nombre moyen de fusions et acquisitions est passé d’environ 5.600 à plus de 10.000 par an au cours des trois dernières décennies. Le laxisme des autorités de la concurrence a permis aux grandes entreprises de consolider encore davantage leur part de marché. 

L’inégalité augmente

La vigueur accrue du marché a aidé les entreprises américaines à se tailler une part beaucoup plus grosse du gâteau économique. Depuis les années nonante, la part des bénéfices des sociétés dans le PIB est passée d’environ 6-8 % à 10-12 % aujourd’hui. En revanche, la part du revenu des travailleurs régresse depuis trois décennies et la tendance s’est encore accélérée depuis le début du siècle puisque cette part a chuté de 64 % à 57 %.

Cette réallocation de la production vers les super-entreprises, qui met les salariés hors jeu, a contribué à accroître l’inégalité de revenu. Le rendement des actions a augmenté parallèlement à la concentration dans les secteurs d’activité. Les actions représentent une part beaucoup plus faible de la richesse des ménages à faible revenu par rapport aux ménages à revenu élevé. Bien que la concentration dans les secteurs d’activité ait augmenté le rendement pour les actionnaires, les avantages ne sont donc pas répartis de façon uniforme au sein de la population américaine.

Dans la pratique, la bonne performance des super-entreprises sur le marché a été plus profitable pour les investisseurs passifs que pour les investisseurs actifs. Le problème, c’est que sous l’effet de la concentration croissante sur le marché boursier américain, les investisseurs passifs prennent aujourd’hui plus de risques qu’ils ne le pensent et qu’ils sont donc plus exposés à un éventuel renversement des tendances du marché.

Qu’est-ce qui peut faire tourner le vent pour les super-entreprises ? 

L’insatisfaction croissante suscitée par la stagnation des revenus a contribué à la montée du populisme aux États-Unis et certaines voix se sont élevées pour réclamer une intervention du gouvernement. Un renforcement des règles représente un risque considérable de diminution de la croissance des revenus, des marges bénéficiaires et des valorisations de ces super-entreprises. Dans le passé, les mesures de régulation prises à l’encontre de certaines super-entreprises ont coïncidé avec une baisse des valorisations ainsi que des cours boursiers et elles ont été suivies d’un ralentissement de la croissance du chiffre d’affaires. Les cours des actions risquent d’être mis sous pression si le contrôle exercé par le régulateur vient à se renforcer au cours des années à venir. 

Il n’est pas dit que ces super-entreprises resteront dominantes. Elles pourraient être les Nokia ou les Blackberry de demain. Les investisseurs passifs sont les plus exposés à ce risque. Mais une analyse approfondie de chaque entreprise et de ses perspectives peut aider les investisseurs à maîtriser les dangers à venir.

Lire aussi The rise of US superstar firms and its implications for investors, de Sean Markowicz, stratégist chez Schroders.

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