Qu’en est-il de la croissance dans l’Europe émergente ?

@Pexels

Par Ivo Bosteels & Erik Joly, ABN AMRO

La croissance en Europe centrale et de l’Est, en Russie et en Turquie a surpris en 2017. Quelles en sont les causes ? En 2017, la poussée de croissance en Europe émergente (3,8 % en glissement annuel sur la base d’un indice pondéré) a été causée par une accélération de la croissance en Turquie (6,5 %) et en Roumanie (6 %). De même, les trois principaux pays d’Europe de l’Est (Pologne, Hongrie et République tchèque) ont montré des chiffres de croissance élevés (autour de 4 %). Si nous nous penchons uniquement sur la région d’Europe de l’Est, nous constatons une croissance moyenne de 4,7 % en 2017.

En Europe de l’Est, la consommation des ménages fut le principal catalyseur, et ce, grâce à la forte hausse des salaires réels. De même, les dépenses d’investissement et les exportations se sont encore redressées en 2017. L’afflux massif de fonds européens et les faibles taux d’intérêt ont contribué à la reprise des investissements. L’exportation a été stimulée par l’accélération de la croissance dans la zone euro. La croissance y a finalement dépassé la barre des 2 % en glissement annuel au terme d’une longue période de faible croissance économique.

L’Europe de l’Est confrontée à un ralentissement progressif de la croissance

Nous nous attendons cependant à ce que la croissance ralentisse progressivement, passant d’un pic de 4,7 % en 2017 à 3,9 % en 2018 et 2,2 % en 2019. Cette prévision repose sur les hypothèses suivantes :

  • L’économie reste favorable. Nous voyons la croissance mondiale s’accélérer légèrement l’année prochaine pour atteindre 3,9 % (2017 : 3,7 %), en partie grâce à la zone euro et aux États-Unis. La croissance en zone euro est passée de 2,3 % en 2017 à 2,8 % en 2018.
  • Bien que la demande de la zone euro soit attrayante, nous pensons que les exportations nettes contribueront négativement à la croissance économique. En effet, l’appréciation de la devise locale freinera les exportations. Parallèlement, les importations augmentent grâce à l’accélération de la consommation en Europe de l’Est.
  • Malgré l’inflation croissante, nous ne prévoyons qu’un durcissement monétaire modéré en Europe de l’Est. La Banque centrale européenne mène toujours une politique monétaire assez large, tandis que la Federal Reserve ne durcira qu’avec parcimonie. Cela réduit le risque d’une forte détérioration de la confiance du marché.
  • En raison des tensions politiques entre plusieurs pays de l’Europe de l’Est (à savoir la Pologne, la Hongrie et, dans une moindre mesure, la Roumanie), nous ne prévoyons pas de forte hausse des investissements étrangers. En revanche, les fonds européens se maintiennent à niveau en 2018 ; ceux-ci ont déjà été approuvés en 2014.

Fortes améliorations sur le marché de l’emploi

À quelques exceptions près, le pourcentage de travailleurs par rapport au pourcentage de chômeurs en Europe de l’Est est à présent plus élevé qu’avant la crise financière. La demande croissante de travailleurs se reflète dans la baisse des chiffres du chômage. Outre la croissance économique, les facteurs démographiques tels que le vieillissement de la population influencent cette tendance. De plus, la région fait constamment face à une migration de main-d’œuvre. Beaucoup de travailleurs (hautement qualifiés) partent pour l’Europe occidentale. En Europe de l’Est, il y a des différences : en République tchèque, il est actuellement question de plein emploi (taux de chômage d’environ 3,5 %), tandis qu’en Bulgarie, le taux de chômage reste assez élevé (environ 12 %). De nombreux postes vacants dans les pays d’Europe centrale et de l’Est tels que la Pologne, la République tchèque et la Hongrie sont comblés par des travailleurs immigrés issus des territoires plus pauvres, à savoir l’Ukraine et les pays des Balkans.

Les salaires plus élevés nourrissent l’inflation

Dans le contexte d’une forte croissance économique, un faible taux de chômage et la reprise des prix des matières premières, nous assistons à une hausse de l’inflation dans la région (la Russie faisant figure d’exception). En 2017, l’inflation était de 3,7 % en glissement annuel (moyenne pondérée régionale du PIB, sans la Russie), tandis qu’elle n’était que de 2,4 % en 2016. En se penchant sur l’Europe de l’Est, on voit que l’inflation y a constamment augmenté jusqu’à 2 % en glissement annuel l’année dernière. Une évolution positive, après une longue période de faible inflation et de déflation. La croissance économique et la pénurie sur le marché du travail y ont contribué et produiront leurs effets en 2018 également.

… nous attendons un durcissement très prudent de la politique monétaire

En 2017, de nombreux pays de l’Europe de l’Est et de la Turquie ont mené une politique monétaire large. L’inflation élevée et la forte croissance ont contraint la banque centrale de Roumanie à rétrécir le couloir de taux en octobre. En novembre, la banque centrale de République tchèque a relevé le taux refi de 0,25 % à 0,50 %. En 2018, nous pensons que la République tchèque et la Hongrie vont procéder à un durcissement, étant donné les évolutions en matière de croissance et d’inflation dans la région et le durcissement progressif de la Fed. La banque centrale polonaise a déclaré qu’elle ne modifierait pas son taux directeur.

Risques principaux

Bien que dans notre scénario de base nous partions du principe que la croissance en Europe émergente restera forte en 2018, il y a également des risques. Voici la liste des différents risques :

  • durcissement des conditions de marché
  • Exacerbation du conflit en Ukraine de l’Est
  • La résurrection de l’autoritarisme et de l’illibéralisme en Europe émergente, notamment en Russie et en Turquie, mais également en Pologne et en Hongrie, peut nuire à la confiance des investisseurs dans la région.

Consultez aussi le corner Investir

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *