
Par Adrien Biquet, Responsable juridique et fiscal – Armoni Financial Architects
Plusieurs modes de vie commune coexistent dans notre société : la cohabitation de fait, la cohabitation légale ou encore le mariage.
Si les termes sont connus de tous, les études récentes démontrent que les Belges ne connaissent pas ou mal les différences entre ces différents statuts. Les conséquences patrimoniales peuvent pourtant se révéler significatives.
Rappelons tout d’abord que la cohabitation de fait consiste pour deux personnes à habiter ensemble, sans officialiser une quelconque union auprès des autorités civiles.
La cohabitation légale est un état civil qui s’obtient lorsque deux personnes qui habitent ensemble établissent une déclaration de cohabitation légale à l’état civil et, le cas échéant concluent un contrat de cohabitation. Elle fait naître des droits et devoirs entre les partenaires.
Quelles conséquences d’un point de vue fiscal ?
Sur le plan de l’impôt des personnes physiques, les cohabitants de fait sont considérés comme des isolés, tandis que les cohabitants légaux sont assimilés à des personnes mariées.
Les règles de calcul de l‘impôt des personnes physiques sont identiques pour tous les contribuables. Il ne devrait donc pas y avoir de différence selon l’état civil des contribuables. Ce n’est pourtant pas toujours le cas.
Impôt réduit
L’impôt des personnes physiques pourra être moins élevé pour des cohabitants légaux ou des conjoints mariés dans les situations suivantes :
- Lorsque l’un des partenaires ne travaille pas ou a de faibles revenus imposables. Dans ce cas, deux mécanismes permettent de réduire l’impôt dû par le couple : les quotités exemptées (appliquées automatiquement à tout contribuable) et le quotient conjugal.
Chaque contribuable bénéficie d’une exemption d’impôt sur la première tranche de ses revenus imposables. Si la base imposable des revenus d’un des partenaires est inférieure à la quotité exemptée, le solde est transféré à l’autre conjoint.
Le quotient conjugal consiste à attribuer de manière automatique une partie des revenus professionnels les plus élevés (maximum 30%) au conjoint ou cohabitant légal ayant des revenus moins élevés, avec une limite maximale de 10.720 € (revenus 2018).
- Lorsque l’un des partenaires réalise des pertes professionnelles. Les pertes professionnelles sont déductibles des autres revenus professionnels. Si ces autres revenus sont inférieurs au montant de la perte, le solde de la perte peut être déduit des revenus professionnels du conjoint ou cohabitant légal.
- Lorsque l’un des partenaires est indépendant et qu’il est aidé par son partenaire, qui adopte le statut de « conjoint aidant ». Dans cette hypothèse l’indépendant peut transférer à son partenaire ou conjoint jusqu’à 30% des revenus professionnels nets de son activité. De ce fait, les revenus transférés sont soumis à des tranches d’imposition inférieures.
Il convient de noter que ce transfert de revenu n’est pas permis pour les indépendants qui travaillent par le biais d’une entreprise.
Bénéfice de réduction d’impôt
Les contrats d’assurance-vie ou d’épargne-pension permettent, sous certaines conditions, de bénéficier d’une réduction d’impôt. L’une de ces conditions est que le bénéficiaire des capitaux en cas de décès soit le conjoint, le cohabitant légal ou un parent jusqu’au 2e degré.
Des cohabitants de fait ne peuvent donc pas se protéger mutuellement dans ce type de contrat et postuler à la réduction d’impôt.
Emprunt
La déductibilité fiscale des emprunts souscrits en vue de financer un projet immobilier constitue une possibilité de bénéficier d’un avantage fiscal à l’impôt des personnes physiques.
Sans rentrer dans le détail, il est important de noter qu’à la différence des cohabitants de fait, lorsque les crédits sont éligibles à une déduction fiscale, les cohabitants légaux et conjoints ont la possibilité de réaliser une répartition libre des remboursements payés dans un but d’optimisation fiscale, sans avoir égard au titre de propriété du bien.
Solidarité des dettes fiscales
En marge de ces avantages, les cohabitants légaux et conjoints mariés sont tenus solidairement au paiement de leurs dettes fiscales mutuelles. Tel n’est pas le cas des cohabitants de fait qui sont chacun seuls responsables du paiement de leur dettes propres.
Quelles conséquences en matière de pension ?
Une distinction est faite en matière de pension entre les conjoints mariés et les cohabitants légaux ou de fait.
En effet, seuls les conjoints mariés peuvent prétendre au bénéfice d’une pension légale de ménage. Une telle pension est octroyée à des conjoints lorsqu’il s’avère que l’un des conjoints a une pension légale nettement plus importante (15% plus élevée) que celle de son époux.
En outre, en cas de séparation, seuls des ex-conjoints divorcés peuvent prétendre au bénéfice d’une pension de conjoint divorcé.
Enfin, en cas de décès d’un époux, le conjoint survivant pourra prétendre au bénéfice d’une pension légale de survie.
Quelles conséquences en matière de succession ?
Dévolution légale
Les conjoints mariés bénéficient de la plus importante protection en cas de décès : le conjoint survivant est un héritier légal puisqu’il a vocation a recueillir l’usufruit de toute la succession, mais également un héritier réservataire ; il ne peut donc en aucun cas se voir privé d’une partie du patrimoine du défunt.
Le cohabitant légal survivant jouit d’une protection limitée : il a vocation à recueillir l’usufruit du logement familial, mais pas plus. En outre, il peut être privé de ce droit par testament.
Enfin, le cohabitant de fait survivant ne bénéficie d’aucun droit dans la succession de son partenaire prédécédé. La conclusion d’un testament est nécessaire si l’on veut le protéger.
Droits de succession et de donation
Une assimilation assez forte a été réalisée entre les conjoints et les cohabitants légaux au niveau des droits de succession et de donation. Celle-ci est presque totale.
Notons cependant une exception importante : s’agissant des capitaux d’assurance-groupe d’un travailleur salarié, ceux-ci sont exonérés de droits de succession en cas de décès avant l’échéance de la police pour autant que le bénéficiaire soit le conjoint survivant (ou les enfants âgés de moins de 21 ans). Cette exception n’est pas applicable aux cohabitants légaux, ni de fait.
Les cohabitants de fait sont considérés comme des « tiers » sans lien de parenté. Cela a pour effet que les droits de succession à payer sur un legs peuvent s’élever jusqu’à 65% en Région flamande ou 80% à Bruxelles et en Wallonie !
La Région flamande se distingue toutefois des deux autres Régions s’agissant des cohabitants de fait : si un légataire prouve qu’il a cohabité durant au moins une année avec le défunt, il pourra bénéficier des mêmes taux d’imposition qu’un cohabitant légal en matière de droits de succession.
Conclusion
Sans avoir été exhaustif, nous constatons que le choix d’un régime de vie commune n’est pas à prendre à la légère. Il peut engendrer des conséquences financières non négligeable.
Il est dès lors conseillé d’analyser l’impact de vos choix de vie sur votre patrimoine et prendre les mesures nécessaires en vue de protéger l’être cher.
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