De passage à Bruxelles, invité par la Société Royale d’Economie Politique de Belgique, Peter Praet, Membre du directoire et chief economist de la Banque Centrale Européenne (BCE), est venu exposer sa vision des développements économiques dans la zone euro. « Je parle bien des développements économiques et non pas politiques », prévient d’emblée cet économiste.
Si l’on revient sur le contexte de ces dernières années, nous pouvons relever cinq points qui ont marqué l’environnement économique de la zone euro. D’une part, il y a eu la crise financière qui a évolué en une crise globale. Ensuite, la zone euro a connu une crise des Etats et des banques. A cela se sont greffées conjointement une situation de taux d’intérêt au plancher et des finances publiques qui ne laissaient pas de place à une politique monétaire accommodante. Et enfin, dans ce climat difficile, les autorités se sont engagées à un renforcement de la régulation bancaire. « Au début de la crise, il faut reconnaître que l’on pensait que le risque des subprimes allait être contenu. Or, nous étions face à un iceberg et, au départ, la politique monétaire a dû passer par un processus d’apprentissage. Au bout du compte, les montants des aides publiques allouées au soutien des banques ont été très importants. Et il faut encore y ajouter les garanties d’Etat qui ont été octroyées », souligne Peter Praet.
Et aujourd’hui ? Nous traînons encore un héritage du passé et tout n’est pas encore totalement normalisé. Mais globalement, on peut dire que la Banque Centrale Européenne a fait du bon boulot ! Le PIB de la zone euro a dépassé son niveau d’avant la crise avec, bien sûr, des différences entre pays. La croissance du PIB a fait le grand écart par rapport aux anticipations de 2007 mais on revient à la normale avec une hausse de la demande. Ce chemin ne s’est pas fait sans écueils. Rappelons ici le choc de la chute de la bourse de Shanghai en 2015. L’Europe a aussi pu bénéficier de quelques avantages comme un taux de change favorable et la baisse du prix du pétrole. L’Europe a alors connu une période de répit entre juin 2016 et la mi-2017. Aujourd’hui, on constate que l’emploi a connu une belle progression en zone euro et les salaires ne se sont pas envolés car ce sont essentiellement des jobs pour une main-d’œuvre moins qualifiée qui ont été pourvus.
Le Conseil des gouverneurs a décidé de réduire le programme de rachats de 30 milliards d’euros par mois à 15 milliards d’euros par mois à partir de septembre 2018 et les sommes en provenance des titres qui viendront à échéance seront réinvesties. La BCE maintient son objectif d’une inflation moyenne proche de 2%. « Pour avoir une inflation proche de 2%, il faut une politique monétaire prudente et patiente et, surtout, bien communiquer », estime cet économiste.
Tous les dangers ne sont cependant pas écartés ! Il y a des risques de dommages collatéraux tels que l’exubérance immobilière, des prises de risques sur les crédits ou sur les marchés boursiers. Même si ces risques semblent relativement contenus, la politique monétaire doit poursuivre sa trajectoire en tenant compte aussi de la stabilité financière. Les autorités macro-prudentielles des pays de la zone euro doivent donc veiller à contenir ces risques en imposant, par exemple, des limites dans les possibilités d’emprunts hypothécaires. Nous ne sommes donc pas au bout du chemin et cet expert est d’avis que les taux d’intérêt resteront encore bas pour un certain temps.
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