
Ils ont envahi nos rues et bloqué nos ronds-points, ils ne sont pas structurés et leurs revendications font état d’un certain échec du fonctionnement de l’Etat démocratique. Mais au-delà de l’aspect social, les actions des gilets jaunes ont-elles un impact sur les marchés financiers ? «Aujourd’hui, ces actions n’ont pas d’impact réel sur les marchés. Les mouvements que nous enregistrons sur les marchés sont essentiellement dus à d’autres facteurs plus internationaux et géopolitiques. Mais le vrai marqueur, ce ne sont pas tellement les marchés boursiers mais plutôt l’écart de rendement (le « spread») entre le taux à 10 ans allemand et le taux à 10 ans français, comme cela a été le cas, dans le passé, pour la Grèce, l’Italie ou l’Espagne, par exemple », explique Igor de Maack, gérant et porte parole de la gestion chez DNCA Investments à Paris.
Cet écart est aujourd’hui de 0,40% et est relativement stable. Les actions des gilets jaunes n’ont donc pas effrayé les opérateurs sur les marchés comme le démontre la stabilité des taux français sur la dette souveraine. « Si les opérations se poursuivent, certains secteurs comme l’hôtellerie, les transports ou encore la distribution seront plus durement impactés sur leurs chiffres d’affaires et donc sur leur cours de bourse », estime Igor de Maack.
En revanche, au niveau macroéconomique, les mois de novembre et décembre sont des mois importants en termes de consommation et ces manifestations pourraient réduire la croissance du PIB français de 0,10 à 0,20% et se diffuser sur la croissance européenne.
Et pour le futur ? La France se caractérise par une certaine stabilité institutionnelle. On ne destitue pas un président mais on pourrait assister à un remaniement ministériel. Nous faisons face à une volonté des citoyens d’être mieux protégés. « On peut faire le constat que le modèle démocratique qui a fonctionné sur base du développement économique et de la croissance démographique dysfonctionne. Pourtant, durant trente ans, l’Etat français a mené une politique de dépenses publiques toujours plus généreuse sans toutefois s’assurer de sa réelle efficacité », note Igor de Maack.
Selon cet observateur des marchés, l’Europe, et plus particulièrement la France, doit régler trois problèmes : la croissance, la démographie et l’endettement. D’un point de vue démographique, les inactifs (chômeurs, retraités,…) sont en train de faire pression sur les actifs. Ils gagnent moins et se sentent moins protégés. L’Etat s’est endetté sans avoir pu effacer le sentiment d’inégalités et de moindre protection. « On remarque que d’autres pays ont réussi à maintenir au moins deux de ces trois piliers. Les Etats-Unis assurent une croissance économique et le plein emploi. La Chine affiche une bonne croissance et un excédent budgétaire mais sa situation démographique est une catastrophe. En Europe, l’Allemagne est bien confronté à un vieillissement démographique mais dégage une croissance solide dans la rigueur budgétaire », constate Igor de Maack.
En France, ces trois problèmes coexistent et cela prendra du temps pour les régler. « Mais, aujourd’hui, le pire pour les marchés boursiers, ce ne sont pas les gilets jaunes mais la confrontation sino-américaine sur les échanges commerciaux et le leadership mondial », conclut Igor de Maack. Cette confrontation, à un autre niveau, fera couler encore beaucoup d’encre en 2019 !
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