Certains observateurs de l’économie avancent la théorie que nous sommes entrés dans une ère de stagnation séculaire. Cette thèse est réfutée par le Credit Suisse Institute qui estime dans son dernier rapport intitulé « The future of monetary policy » que « l’accélération de l’activité économique depuis mi-2016 dans les pays avancés comme dans les pays en développement tendrait à prouver que l’hypothèse de l’inefficacité de la politique monétaire et d’une stagnation séculaire est erronée ». Qu’en est-il dans les faits ? Pour éclaircir ce point nous avons posé trois questions à Etienne de Callataÿ, Economiste et Président d’Orcadia Asset Management.
Qu’entend-on par stagnation séculaire ?
La stagnation séculaire est une théorie reprise par l’économiste américain Larry Summers qui caractérise une situation où l’économie ne croît quasiment pas et dans laquelle les politiques des pouvoirs publics sont inefficaces. Il ne faut pas confondre cette thèse avec celle de la « sobriété heureuse » qui émerge ces derniers temps et qui a un angle plus environnemental.
Sommes-nous dans ce type de situation aujourd’hui ?
Ces dernières décennies, nous connaissons une période durant laquelle la croissance a ralenti et les gains de productivité ont diminué. Avec une faible démographie et une faible augmentation des gains de productivité, on ne peut pas connaître une forte croissance. Il faut reconnaître que la croissance est un phénomène récent qui a démarré lors de la révolution industrielle. Certains estiment même qu’il s’agit d’un accident de l’histoire. Nous sommes donc plutôt dans une situation de croissance atone et faible. Cette situation s’explique par la faiblesse de la démographie et par l’importance des dettes publiques qui peuvent difficilement être encore gonflées. Aujourd’hui, les rendements des investissements en éducation sont décroissants et nous assistons à un accroissement des inégalités.
L’économie se dirige-t-elle néanmoins vers un scénario de stagnation séculaire ?
Nous assistons à des dérives et à des dysfonctionnements dans notre économie de marché. Certains comportements ne sont pas compatibles avec une reprise de la croissance. Il s’agit ici des ententes commerciales, des cartels, qui limitent les innovations et les gains de productivité. Chacun reste dans son pré carré sans entamer de guerre des tarifs. On peut citer ici l’exemple du marché des télécoms. Les fusions d’entreprises sont fréquentes et engendrent un marché qui est moins concurrentiel.
Il y a deux versions de la stagnation séculaire. La version dure et forte qui estime que la croissance était une parenthèse de l’histoire et que nous allons verser dans une ère sans croissance et de stagnation séculaire. La version plus « douce » considère que nous aurons encore de la croissance mais que cette croissance sera faible par rapport aux décennies passées. Personnellement, je ne crois pas à une version dure. La croissance restera molle même avec un Donald Trump comme président des Etats-Unis. On ne quittera pas cette situation mais sans pour autant tomber dans le scénario de la stagnation séculaire. Sans doute aurons nous une meilleure qualité de la croissance. Nous ne devrions pas perdre de vue cet aspect qualitatif et il ne faut pas confondre la hausse de la croissance avec la qualité de cette croissance. Donc, oui, nous connaîtrons encore des années de croissance faible mais, non, nous ne nous dirigeons pas vers une stagnation séculaire.
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