
Invité par la Société Royale d’Economie Politique, Paul De Grauwe, Professeur à la London School of Economics, s’est penché sur l’avenir de la monnaie européenne. Cet éminent économiste avoue qu’il n’était pas favorable au lancement de l’euro. « Mais, maintenant qu’il est en place, nous devons tout faire pour que ça marche », reconnaît-il.
Partant d’un diagnostic, il propose des solutions qui demanderont un courage et une certaine envergure politique qui ont manqué lors des fondements de cette monnaie.
On a souvent pointé l’accumulation des dettes publiques avant 2008 comme étant une des raisons de la crise. « Cette accumulation des dettes publiques n’était pas prédictive de la crise car, à l’époque, la plupart des pays européens connaissaient une décroissance de leur endettement. En revanche, l’accumulation des dettes privées est un bien meilleur indicateur du déclenchement d’une crise », estime Paul De Grauwe. Il faut aussi admettre qu’il y a eu un manque de discipline de la part des autorités publiques et que l’on a mis en place de l’austérité là où il aurait fallu faire de la relance. Aujourd’hui, l’euro n’a pas tenu ses engagements. « Lors de son lancement, on avait fait beaucoup de promesses. On avait dit que l’euro serait synonyme de plus de croissance, de plus de bien-être et c’est l’inverse qui s’est produit. Ceux qui sont en-dehors de l’euro se portent mieux », constate cet économiste.
Mais maintenant que l’euro est là, que faut-il faire pour le maintenir ? Actuellement, la Banque Centrale Européenne est le seul acteur économique responsable de la relance : tout dépend de la politique monétaire. Mais, malheureusement, les liquidités ne parviennent pas dans l’économie réelle. « Aujourd’hui, nous avons aussi besoin d’une relance par la politique budgétaire et des investissements publics. Le déclin de l’investissement public est préjudiciable pour le long terme et pour le court terme. Il convient de rejeter les dogmes de l’équilibre budgétaire. Nos enfants ne comprendront pas pourquoi nous avons été traumatisés par la dette et avons laissé passer l’occasion d’investir », soutient ce professeur. Paul De Grauwe ne prône cependant pas d’augmenter la dette publique pour l’augmenter mais il préconise de financer les projets d’infrastructure par des emprunts publics (peu chers aujourd’hui) plutôt que par les recettes courantes.
La zone euro a été mal construite. Il faut donc la reconstruire. Lors de la crise des dettes souveraines, les pays du Sud n’ayant pu dévaluer leur monnaie, il aurait fallu qu’une plus grande solidarité s’installe entre tous les pays de la zone euro. La zone euro a aussi un gros défaut : elle ne dispose pas d’un stabilisateur, d’un prêteur en dernier recours. Les marchés d’obligations d’états sont encore trop fragmentés et, finalement, les états émettent une dette dans une monnaie qui n’est pas la leur. « Cela entraîne une crise de confiance et les liquidités sont transférées au sein de la zone euro vers les marchés les plus liquides, comme l’Allemagne par exemple. La Banque Centrale Européenne devrait jouer ce rôle de prêteur en dernière instance. En temps de crise, elle devrait être capable de racheter des titres des états de façon illimitée », conseille Paul De Grauwe.
Et si nous pouvions rêver l’Europe ? Le rêve de cet économiste serait d’atteindre une union politique et budgétaire et de pouvoir consolider les dettes nationales en une dette européenne. Créer une forme d’assurance et une centralisation des budgets des états-membres semble aujourd’hui s’apparenter à de l’utopie mais c’est vers cela que l’Europe devrait tendre. Il faut aussi une Europe plus politique et le professeur reconnaît mettre beaucoup d’espoir dans le nouveau président français Emmanuel Macron. « L’Europe se construira à petits pas. Regardez les Etats-Unis, cela a pris près de 100 ans avec une guerre civile sanglante. Sans davantage d’intégration, je pense que l’euro n’a pas d’avenir et si nous devons retourner aux monnaies nationales, c’est l’Europe qui n’aura pas d’avenir », prévient Paul De Grauwe. Cet économiste reconnaît que si les ingénieurs ont des techniques pour détruire les ouvrages d’art, les économistes n’ont développé aucun moyen pour détruire une monnaie comme l’euro. Ils ne connaissent pas les conséquences économiques, sociales et financières que cela aurait. Dès lors, nous devons tout faire pour maintenir l’euro. Il ne nous reste plus qu’à espérer et surtout à transmettre cette espérance aux générations qui nous suivent.
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