
Par la Banque Degroof Petercam
La décision de M. Trump de se retirer de l’Accord de Paris est avant tout un non symbolique et relève d’une décision politique voire psychologique plutôt que basée sur un raisonnement valable économique ou scientifique.
Une décision politique
En affirmant haut et fort que les Etats-Unis rejettent l’accord universel de transition énergétique, Donald Trump s’adresse avant tout à la base de ses électeurs c’est à dire une classe moyenne blanche qui avait déserté les urnes électorales, se sentant abandonnée dans des régions américaines touchées massivement par le chômage après notamment la fermeture de mines de charbon. En refusant un accord « qui brise les travailleurs et compromet l’économie américaine » Donald Trump prépare les élections de mi-mandat et veut montrer l’image d’un président de parole face à ses promesses électorales tenues.
Pas de surprise
Si l’annonce a créé une véritable onde de choc à travers la planète, elle n’est pourtant pas surprenante. Depuis son avènement à la maison blanche, le Président n’a fait que défaire ce que son prédécesseur avait tenté de mettre sur pieds. Cependant de manière fragile puisque sans l’appui d’une majorité au Sénat, Barak Obama a procédé essentiellement par voie de décrets et a donc évité le passage devant le Congrès. Il est dès lors rapidement aisé pour son successeur d’annuler les décisions prises par voie similaire.
Et pourtant un engagement peu ambitieux
C’est d’autant plus un non symbolique de la part de Donald Trump que l’engagement pris par les Etats-Unis était peu ambitieux dans l’accord de Paris. Il faut en effet rappeler que l’accord de Paris est avant tout contraignant sur sa demande auprès des signataires d’engagement individuel de réduction des émissions carbone et de rapporter les efforts tous les cinq ans sur la poursuite de l’objectif. Cependant, depuis son investiture, Donald Trump a déjà quitté dans les faits l’accord de Paris en supprimant le Clean Power Plan ou en ré-ouvrant quelques mines à charbon et en relançant le très controversé pipeline de Keystone. L’objectif à atteindre était peu ambitieux. En effet, les Etats-Unis se sont engagés à réduire leurs émissions entre 26-28% d’ici 2030 par rapport à leur niveau de 2005. Alors que la plupart des pays, l’Union Européenne première, se réfère à une base de 1990, les Etats-Unis ont défini leur objectif sur une base plus tardive et donc plus faible et plus favorable. Pour une comparaison valable et à même échelle, les Etats-Unis, second pays le plus émetteur et première puissance économique disposant des ressources financières, R&D et humaines pour le développement de transition énergétique, se sont engagés sur une diminution de 10% alors que l’Union Européenne de 40%. Difficile alors de convaincre les autres pays ne disposant pas des mêmes moyens de faire davantage d’efforts de réduction.
Make our planet great again
Après l’annonce de M. Bush de ne pas ratifier le Protocole de Kyoto, plusieurs pays ont songé à le rejoindre notamment le Japon ou le Canada qui s’est ensuite retiré. L’annonce de M. Trump quant à elle a plutôt suscité un tollé général et au contraire un renforcement de la détermination des dirigeants du monde et de la sphère privée.
Face au méchant, la France et son fraîchement élu Président endosse le rôle du gentil et se positionne en leader sur la question environnementale et climatique. En modifiant le slogan électoral de Donald Trump, M. Macron n’hésite pas à faire de la France le moteur de l’engagement européen, même si les efforts de la France sur la question ont été jusqu’ici dans les faits bien inférieurs aux efforts de son homologue Angela Merkel.
Cependant, l’annonce hautement médiatique du président américain est une aubaine pour l’Europe et la Chine d’ailleurs en plein sommet au même moment. Depuis le Protocole de Kyoto que la Chine avait refusé de soutenir, cette dernière a vu son essor économique doubler mais au prix d’une pollution que sa population aujourd’hui, particulièrement la classe moyenne émergente du développement économique refuse violemment. La Chine – comme l’Inde et l’Europe – a une densité démographique et une raréfaction des ressources qui la rendent lucide de l’enjeu du changement climatique contrairement à un pays comme les Etats-Unis, avec une densité démographique nettement inférieure et des ressources d’énergie fossile encore importantes. Si certains états souffrent fortement du changement climatique – la Californie en premier exemple – il reste certains américains peu conscients des limites réels de la planète.
Cependant, il faut être aussi équitable et rappeler que derrière ces prises de position des fervents défenseurs du climat, les pays du G7 continuent à subventionner massivement l’énergie fossile, malgré leurs engagements de transition d’économie bas carbone.
Une excuse économique qui met en péril ce même essor économique
« L’accord est un boulet aux pieds des Etats-Unis » invoque Donald Trump qui a bâti toute sa campagne électorale sur la création d’emploi et surtout la fin d’une réglementation excessive destructrice d’emplois. Or l’administration d’Obama ce sont 11,3 millions d’emplois créés notamment dans les secteurs des énergies renouvelables où la progression d’emploi est supérieure à tout autre secteur. A titre de comparaison avec 50.000 emplois créés dans les mines de charbon. Si Donald Trump a remis sur les rails de l’emploi plusieurs chômeurs de longue durée qui ont fait sa base électorale, en s’isolant de la sorte de l’accord universel, il prend également le risque que les Etats-Unis ne profitent pas de l’essor économique nécessaire à la réalisation de la transition vers une économie à bas carbone. Cette transition est un chantier gigantesque et planétaire créatrice d’emplois et nécessitant des infrastructures et des financements énormes, qui peuvent être profitables à plusieurs secteurs et économies.
Un Président toujours plus isolé
L’accord de Paris est une victoire face à l’échec du Protocole de Kyoto ; protocole que l’administration de M. Bush avait refusé de ratifier en évoquant que « le mode de vie des américains n’était pas négociable ». Cependant 20 ans plus tard, la conscientisation du défi du changement climatique n’a cessé de croitre et est incomparable avec l’époque de Bush. Y compris dans la sphère privée et la sphère financière. Dès lors, si M. Trump veut encourager la création d’emplois notamment en levant les obstacles régulatoires imposés au secteur de l’énergie fossile et du charbon, les entrepreneurs du secteur devront convaincre les banques et autres créditeurs d’investir dans une économie en déclin et sujette à un risque juridique croissant.
En effet, il est intéressant d’entendre la comparaison historique possible entre l’industrie du tabac et l’industrie d’énergie fossile. Nombreux sont les citoyens américains qui se sont retournés contre l’industrie du tabac mais surtout des états pour faute de négligence de ne pas avoir réglementé sur un secteur économique néfaste à leur santé. De plus en plus vient l’idée que pareil recours aux procès pourrait émerger. Les derniers sondages montraient en effet que plus de 65% des adultes américains étaient favorables au maintien de leur pays dans l’accord historique.
30 états vont poursuivre l’Accord de Paris et puisque le virage vers une énergie bas carbone est déjà pris par un grand nombre d’entreprises, c’est finalement deux tiers des structures américaines qui poursuivront les efforts et augmentent dès lors les tensions entre la Maison Blanche et les Etats.
Même les pétrolières majeures comme Exxon, ont non seulement investi massivement en énergies renouvelables ces dernières années mais n’ont pas soutenu leur Président dans son rejet. En effet, les dirigeants des entreprises craignent de plus en plus les représailles des citoyens américains faisant appel aux instances juridiques du pays pour accuser l’Etat de contribuer à la vulnérabilité du pays face au changement climatique.
Jusqu’ici le Président a certes tenu ses promesses mais s’est attaqué à la partie la plus facile (les décrets et autres). Ses autres décisions vont être de plus en plus confrontées aux vents contraires de ses coriaces adversaires et opposants alors que la procédure de leur implémentation sera déjà plus complexe.
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