Trump va-t-il voir son souhait se réaliser: une baisse du dollar?

Par Keith Wade, économiste en chef chez Schroders

Donald Trump semble rompre avec la tradition qui veut que le président soit partisan d’un dollar fort. Selon lui, un dollar trop fort constitue une menace pour la compétitivité des entreprises américaines. Les possibilités dont dispose le président pour influer sur le cours de sa monnaie sont limitées. Le cours du dollar est déterminé par toute une série de facteurs. Certains arguments plaident néanmoins en faveur d’une baisse du dollar. L’intervention de Donald Trump arrive peut-être à point nommé. 

Un dollar fort pèse sur l’activité

Il ne fait aucun doute que nous sommes en présence d’un dollar fort. Les entreprises américaines actives à l’échelon international en subissent les désagréments. Quand on examine le déficit du compte courant des États-Unis, on ne remarque rien d’anormal. Le déficit s’élève à 1,5% du PIB et il est stable depuis 2014. Mais quand on examine la quote-part des échanges commerciaux dans la croissance réelle de l’économie américaine, on constate que les exportations nettes sont stables jusqu’en 2014; elles reculent ensuite et pèsent sur la croissance de l’économie.

Le dollar paie-t-il le prix de son envol rapide?

Le dollar s’est apprécié à la suite du resserrement de la politique monétaire de la Fed, alors qu’au même moment dans le monde, d’autres banques centrales menaient une politique monétaire accommodante. Les taux d’intérêt relatifs sont un déterminant important des cours sur les marchés des changes. Cela voudrait dire que les hausses d’intérêt de la Fed soutiennent le dollar tant que les autres banques centrales restent dans l’expectative. La relation entre le taux d’intérêt et le taux de change n’est pas aussi évidente. La valeur d’une monnaie a tendance à anticiper les variations des taux d’intérêt, parce que les investisseurs adaptent leur rendement attendu. Lorsque les taux d’intérêt diminuent, le cours de la monnaie baisse jusqu’au point où il y a un potentiel d’appréciation suffisant pour rétablir l’équilibre. C’est la base de ce qu’il est convenu d’appeler le surajustement (overshooting) du taux de change. La monnaie anticipe alors trop la variation du taux d’intérêt, mais elle se stabilise ou s’apprécie ensuite lorsque la variation du taux d’intérêt se produit réellement.  

L’analyse de huit cycles de taux montre que le cours du dollar a tendance à se tasser ou à stagner juste après que la Fed a procédé à une modification de son taux d’intérêt. On observe aujourd’hui un phénomène similaire. Le dollar a fortement grimpé avant que la Fed n’entame son cycle de resserrement, mais il se tasse aujourd’hui après avoir dépassé sa valeur à long terme. Sans doute Donald Trump va-t-il voir son souhait se réaliser et le dollar va-t-il s’affaiblir au lieu de se renforcer en cas de surajustement.

Un dollar faible est intéressant pour les marchés émergents, mais pas pour l’Europe et le Japon

Si le cours du dollar fléchit, cela fera disparaître un facteur déflationniste pour l’économie américaine. Plus coûteux, les biens importés alimentent l’inflation. Dans la perspective de la Fed, cela implique un élargissement des conditions monétaires dont elle devra tenir compte pour élaborer sa politique monétaire. D’un autre côté, le resserrement des conditions monétaires risque de s’avérer problématique pour la BCE et la Banque du Japon. Les soucis déflationnistes sont toujours présents en Europe et au Japon. Les investisseurs doivent donc tenir compte des réactions négatives de l’euro et du yen. 

Une baisse du dollar apporterait en revanche un ballon d’oxygène aux marchés émergents. Le dollar fort a coïncidé avec une période de performances maussades des actions des marchés émergents par rapport au reste du monde. Ce sentiment pourrait changer en cas de baisse du dollar.

Retrouvez le texte intégral de cette analyse dans  l’article Has the dollar turned?, de Keith Wade, économiste en chef chez Schroders.

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