Risques politiques et opportunités économiques

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Par Ivo Bosteels, Director Discretionary Portfolio Management, ABN AMRO Private Banking Belgium

Les risques politiques s’atténuent en Europe…

L’année dernière, les marchés financiers ont été souvent dominés par l’incertitude politique. Le résultat inattendu du référendum sur le Brexit en juin 2016 est encore frais dans les mémoires. Lorsque Donald Trump a été élu à la présidence des États-Unis quelques mois plus tard, on a craint de voir une vague populiste déferler sur l’Europe et anéantir l’intégration européenne. Pour les observateurs les plus sceptiques, l’implosion de la zone euro n’était plus que l’affaire de quelques mois. En 2017, les élections étaient au programme d’États membres européens importants : aux Pays-Bas, en France, en Allemagne ainsi que des élections anticipées éventuelles en Italie et en Autriche.

Aux Pays-Bas, Geert Wilders n’a cependant pas réussi à tourner les élections législatives en sa faveur. En France, Emmanuel Macron a remporté les élections présidentielles et endigué la vague eurosceptique. Selon les sondages, son parti En Marche ! pourrait également s’imposer lors des élections législatives.

En Allemagne, l’effet Schulz semble également se tasser. Angela Merkel a très habilement fait de l’UE l’un de ses chevaux de bataille et subtilisé ce thème au SPD. Les résultats des récentes élections locales montrent que Merkel bénéficie d’un soutien solide, qui a plus tendance à se renforcer qu’à s’affaiblir. Il est fort probable que l’Allemagne et la France développent des initiatives pour donner une nouvelle impulsion à l’intégration européenne. Avec la volonté des Français d’instaurer des réformes et celle des Allemands de prendre l’initiative, l’avenir de l’UE s’annonce sous de meilleurs auspices qu’il y a un an.

…et augmentent aux Etats-Unis

Dans l’intervalle, l’incertitude politique s’intensifie outre-Atlantique. Le président Donald Trump est de plus en plus sur la sellette. Trump et son entourage entretiendraient des relations avec la Russie et le président aurait mis le Directeur du FBI James Comey sous pression avant de finir par le licencier. Il aurait en outre divulgué des informations secrètes à des fonctionnaires russes. L’avenir nous dira si tous ces éléments suffiront à destituer Trump. Mais quoi qu’il en soit, cela aura des répercussions politiques. Trump a été élu président dans l’espoir qu’il mènerait une politique qui s’avérerait positive pour l’économie et les entreprises, notamment par le biais de mesures de relance et de réformes fiscales. Il semble toutefois plus difficile que prévu de faire entériner ces projets par le Congrès. Les récentes complications politiques ne facilitent certainement pas la mise en œuvre de l’agenda de Trump, même s’il a décidé dans l’intervalle de se retirer de l’accord de Paris sur le climat. Une décision à laquelle une grande partie des entreprises américaines a réagi négativement.

L’économie européenne reprend le flambeau aux Etats-Unis

De plus en plus de signes annoncent un printemps économique dans la zone euro. L’indice PMI, qui mesure la croissance économique, a atteint son niveau le plus haut depuis six ans. L’indice de confiance des entrepreneurs et des consommateurs atteint pratiquement son apogée depuis dix ans. Au premier trimestre, et durant toute l’année 2016, la croissance économique dans la zone euro a été supérieure à celle des États-Unis. Tous les États membres de l’union monétaire profitent de la relance. L’accélération de la croissance est due à une combinaison de facteurs. L’économie mondiale reprend du poil de la bête, les taux sont bas grâce à la politique de la BCE et, pour la première fois depuis des années, les gouvernements stimulent la croissance via la politique budgétaire.

L’EUR/USD profite de la faiblesse du dollar…

Les récents chiffres macroéconomiques décevants aux États-Unis, notamment la hausse des prix à la consommation et les ventes au détail, ont mis fin au redressement du dollar. Les chiffres plus faibles que prévu ont entraîné une révision à la baisse des prévisions relatives aux relèvements des taux par la Banque centrale américaine (Réserve fédérale) en 2017 et 2018. En outre, les taux réels américains ont également chuté. À cela s’ajoute la publicité négative autour du gouvernement Trump, qui a atténué l’engouement pour le dollar.

… et de la force de l’euro

Le sentiment à l’égard de l’euro s’est en revanche considérablement amélioré. Les résultats électoraux aux Pays-Bas et en France ont fortement réduit les risques politiques dans la zone euro. En outre, les chiffres macroéconomiques pour la zone euro montrent une situation favorable. Enfin, la Banque centrale européenne (BCE) commence progressivement à préparer le marché à un ralentissement de son programme de rachat d’obligations en 2018 (tapering). Ces éléments ont remis du vent dans les voiles de l’euro.

L’EUR/USD peut continuer d’augmenter en 2017

Pour le reste de l’année, le dollar devrait continuer de s’affaiblir et l’euro, gagner en puissance. Le relèvement des taux de 25 pb par la Réserve fédérale en juin est d’ores et déjà totalement assimilé par le marché, ce qui est aussi en partie le cas de la prochaine augmentation de 25 pb prévue en septembre. Deuxièmement, le gouvernement Trump continuera probablement d’être dénigré par la presse, ce qui réduira l’appétit des investisseurs pour le billet vert et entraînera la fermeture des positions longues spéculatives. Enfin, la situation est devenue défavorable au niveau technique, avec un EUR/USD qui a dépassé la moyenne à 200 jours, un niveau de résistance important.

Le potentiel de hausse du cours de l’EUR/USD sera sans doute atténué par le regain d’attention que susciteront l’incertitude politique et le mauvais état structurel en Italie plus tard dans l’année.

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