
Il y a cinq ans, lors de la crise grecque les Cassandre de tous bords annonçaient la fin de l’euro, la scission de l’Union européenne entre une Europe du Nord et une Europe du Sud, la mort d’une utopie née sur des aspirations pacifiques. Aujourd’hui, en 2017, l’Union a fait preuve de résilience et l’euro est toujours là. Les dernières discussions sur la situation de la Grèce n’ont pas provoqué de remous sur les marchés. Alors, aujourd’hui, quel est l’avenir de la monnaie unique et de l’Union européenne ? Eclairage avec Bernard Keppenne, Chief economist chez CBC Banque.
La monnaie unique est-elle toujours en danger ?
Au plus fort de la crise des dettes souveraines, certains ne donnaient pas cher de la survie de l’euro. « Lors de la crise grecque, même des prix Nobel n’y croyaient pas et pourtant on n’est pas du tout dans le scénario qu’ils prédisaient. On peut être rassuré, malgré toutes les crises grecques, espagnoles et italiennes, l’euro résiste bien. Bien sûr, il y a des imperfections mais l’euro doit perdurer et il continuera à perdurer. Cependant, si je ne vois pas la disparition de l’euro, je pense que nous pourrions, à terme, aboutir à une Europe à deux vitesses », affirme Bernard Keppenne.
Pourquoi une Europe à deux vitesses ?
« La construction européenne n’est pas parfaite. Les défauts initiaux sont toujours bien présents et il faudrait aller encore plus loin dans l’intégration européenne. La structure actuelle des prises de décision est trop lourde car elle suppose des votes à l’unanimité. Certains pays voudraient plus d’intégration alors que d’autres ne jouent déjà pas le jeu actuel », souligne cet économiste. Une Europe à deux vitesses permettraient à ceux qui veulent avancer vers plus d’intégration (comme l’Allemagne, la Belgique ou les Pays-Bas) de le faire sans se formaliser de l’avis de ceux qui ne veulent pas plus d’intégration (les pays de l’Est de l’Europe comme la Pologne ou la Hongrie, par exemple).
Comment instaurer une Europe à deux vitesses ?
« Il y a beaucoup de choses à mettre en place comme, par exemple, la nomination d’un ministre des finances européen, l’harmonisation fiscale, l’harmonisation voire la mutualisation des dettes mais nous sommes encore loin d’un tel scénario ! Aujourd’hui, c’est avant tout un vœu pieux ! », reconnaît Bernard Keppenne. De plus, nous allons vivre une période assez chargée en matière électorale en Europe. Tout se fige en France, en Allemagne et aux Pays-Bas. « Nous allons perdre un an alors que certains problèmes attendent une résolution urgente comme la crise migratoire ou le cas de la Grèce », prévient Bernard Keppenne.
Quel est l’impact de l’élection de Donald Trump pour l’Europe ?
« Cela va vous surprendre, mais je pense que c’est une très bonne chose pour l’Europe. C’est même une chance. L’Europe va devoir se rendre compte qu’elle peut et doit vivre sans le soutien des Etats-Unis. Elle sera alors contrainte de mettre en place sa propre politique communautaire de défense, de l’énergie et des finances. Nous sommes à la croisée des chemins. Nous avons ici une opportunité à saisir pour sortir de l’aile protectrice des Etats-Unis. L’Europe doit déployer ses ailes avec un grand marché », préconise cet économiste. Le moment semble propice avec des prix des matières premières assez bas, une faible inflation et une croissance suffisante. Ces choix capitaux ne dépendent cependant pas des citoyens européens mais bien des hommes et des femmes politiques qui gouvernent l’Europe. Et c’est sans doute là que le bât blesse !
Cet article vous a intéressé ? Consultez aussi :
Quel futur pour l’économie collaborative ?
Pas de stagnation séculaire mais une croissance faible