
En cette fin d’année, la majorité des économistes et stratégistes sont optimistes concernant les fondamentaux macroéconomiques et les marchés. Globalement, en 2017, les marchés se sont mieux comportés qu’escompté et les investisseurs qui tablaient sur une correction des bourses pour y entrer ont fait un mauvais calcul.
Alors que certains ont prédit la mort de l’euro à moultes reprises, d’abord avec la crise grecque et ensuite avec la victoire de Donald Trump, l’euro s’est raffermi cette année. Finalement, le Brexit tant redouté a renforcé la cohésion européenne et les Cassandre qui prédisaient la victoire des populistes en France et aux Pays-Bas se sont fourvoyées.
Mais peut-on cependant dire que tous les voyants sont au vert et que l’on ne doit plus craindre une nouvelle crise financière ? Rappelons que la majorité des spécialistes des marchés reconnaissent n’avoir rien vu venir en 2007. « Alors que l’année 2017 a été marquée par une volatilité extrêmement faible sur les marchés boursiers, 2018 pourrait au contraire se caractériser par une reprise de cette volatilité », reconnaît Bernard Keppenne, Chief Economist chez CBC Banque.
Alors que l’on assiste à une concentration des investissements dans certaines classes d’actifs en raison des réglementations plus strictes, le risque de décompression de ces classes d’actifs ne doit pas être occulté. Avec une hausse des taux d’intérêt qui pourrait intervenir plus globalement en 2019, les stratégies conclues sur les durations longues, la volatilité faible et dans certaines classes d’actifs (obligations, real estate, immobilier, infrastructures, …) pourraient subir une amplification des mouvements qui risque de faire mal dans les portefeuilles. « Le risque de crise financière ne peut jamais être écarté, et encore moins quand personne n’y songe. On le sait, avec Nietzsche : la stabilité rend fou. Quand tout va bien, on prend plus de risque, et cela fait tout aller encore mieux, et on prend encore plus de risque, et puis, un beau jour, qui devient un vilain jour, le tonnerre éclate dans un ciel serein, et la confiance aveugle devient une peur panique. Le cercle vertueux se mue en cercle vicieux, et la crise est là », prévient Etienne de Callataÿ, Président d’Orcadia Asset Management.
Pour Peter Vanden Haute, chief economist chez ING Belgique, il y existe trois ingrédients principaux pour générer une crise : un niveau élevé de dettes dans le secteur privé, des taux d’intérêt qui remontent et une croissance qui diminue. « Pour l’instant, il est vrai que les niveaux de dettes augmentent et que l’on s’attend à une hausse des taux d’intérêt aux Etats-Unis en 2018 mais pas encore dans l’immédiat en Europe. Les nouvelles sont bonnes du côté de la croissance. Nous estimons de ce fait qu’il n’y a pas de risques de crise en 2018 », note cet économiste.
Il ne faudrait cependant pas occulter les tensions géopolitiques qui demeurent, malgré tout, un risque pour les marchés. La situation au Moyen-Orient avec le nouveau positionnement de l’Arabie Saoudite, la décision de Donald Trump sur Jérusalem et le dossier nord-coréen n’ont rien de très rassurants. D’autres facteurs pourraient attiser les craintes. « On pourrait perdre confiance dans la volonté ou dans la capacité des banques centrales à jouer aux pompiers. On pourrait redouter que les dettes publiques se trouvent sur une trajectoire insoutenable. On pourrait craindre une forte croissance des défauts de crédit à la suite d’une remontée des taux d’intérêt, d’une récession économique, de tensions internationales ou d’une vague de destruction créatrice. On pourrait aussi assister à un fort recul du prix de certains actifs financiers », ajoute Etienne de Callataÿ.
Et que penser du bitcoin ? « Cela engendre un risque d’éclatement d’une bulle qui pourrait fragiliser d’autres marchés », pense Bernard Keppenne. Cependant, il faut admettre que malgré cette hausse fulgurante (voire inquiétante) l’ensemble des crytpomonnaies ne représentent que 300 milliards de dollars. « Ce n’est pas énorme. L’impact d’une baisse du bitcoin serait assez limité. Mais si le bitcoin se développait, alors on pourrait songer à un risque de contagion plus conséquent », admet Peter Vanden Haute.
Un autre danger potentiel pourrait affecter l’ensemble des marchés de la planète : un hacking d’envergure sur les infrastructures de marchés. Avec les nouvelles avancées en matière technologique, les risques de bugs accidentels, de pannes ou d’attaques informatiques sont de plus en plus importants dans l’économie en général et sur les marchés financiers en particulier. Une attaque à grande échelle des données sur les marchés ou dans les banques pourrait être un choc pour les marchés financiers en rendant impossible le règlement des transactions et créant, de ce fait, des perturbations économiques et financières de grande envergure.
La liste des soucis et dangers qui pourraient guetter les marchés est longue et non exhaustive. Nous ne sommes pas à l’abri d’un événement de type cygne noir ! « Mais une longue liste de dangers peu probables ne fait pas un danger majeur imminent. 2018 s’annonce donc sous de bons auspices, mais sans conduire, bien entendu, à l’insouciance», conclut Etienne de Callataÿ.
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