La composante immobilière : un tabou à faire tomber !

IMG_1881Dans le calcul du pouvoir d’achat la composante immobilière intervient à différents niveaux. D’une part, il y a les loyers payés par les locataires qui sont imputés dans les charges. Ces loyers sont perçus par les propriétaires et sont, à ce titre, aussi des revenus. Il y a également ce que l’on appelle les loyers imputés, c’est à dire une estimation de ce que les propriétaires de leur maison d’habitation paieraient comme loyer s’ils devaient louer cette maison au prix du marché.

Tous les éléments de cette composante immobilière font état de lacunes importantes. D’une part, les loyers payés par les locataires sont sous-estimés. En cause : une très mauvaise visibilité de l’évolution du prix des locations faute d’instruments de mesure adéquats. Or, cette part du loyer est nettement plus élevée en bas de l’échelle des revenus. De plus, les ménages précaires à faibles revenus qui sont locataires ont subi des hausses de loyers plus fortes que celles reflétées par les indices officiels et d’autant plus probables que ces ménages déménagent souvent. On constate également qu’un ménage pauvre qui n’a pas accès au logement social est défavorisé par rapport à un ménage à revenu identique bénéficiant d’un tel logement. Les mesures des inégalités sont donc biaisées par de tels éléments. Du côté des revenus, les loyers génèrent également des rémunérations pour les propriétaires d’immeubles. Ces revenus ne sont pas pris correctement en compte dans le calcul des revenus disponibles. Un autre élément engendre des inégalités dans ce domaine : l’absence de péréquation cadastrale qui induit des effets pervers dans le calcul du pouvoir d’achat. La notion des loyers réels est donc très floue. Alors que c’est obligatoire, les baux ne sont pas enregistrés systématiquement et il n’y a, de ce fait, pas de possibilité de mesurer de façon objective l’évolution des loyers. Par ailleurs, l’indice des prix à la consommation belge ne tient pas compte de ce que les économistes appellent les loyers imputés qui sont une forme de revenus pour les propriétaires de biens immobiliers dans lesquels ils résident. A revenu disponible identique, un pensionné qui est propriétaire de son habitation qui est déjà payée a un pouvoir d’achat supérieur au pensionné qui est locataire.

Que proposent les économistes de l’Economic Prospective Club ?

Pour prendre en compte de façon plus correcte les loyers à la fois en tant que revenus et en tant que composante de l’indice des prix, l’enregistrement systématique des baux permettrait d’avoir une meilleure visibilité sur cette composante du pouvoir d’achat. Il est évident qu’une normalisation des loyers payés dans le calcul de l’indice des prix va augmenter la pondération du loyer dans l’indice des prix. Par ailleurs, pour ne plus favoriser ceux qui bénéficient d’un logement social par rapport à ceux qui n’y ont pas accès, pourquoi ne pas créer des chèques logement en remplacement de l’attribution des logements sociaux ?

Une péréquation cadastrale devrait enfin être mise en place de façon à ne plus induire d’effets pervers dans le calcul du pouvoir d’achat. L’indice des prix ne tient pas compte non plus des propriétaires qui remboursent leurs prêts hypothécaires. A titre d’exemple, au Royaume-Uni, les remboursements hypothécaires sont intégrés dans l’indice des prix. Pourquoi ne pas s’inspirer de cette méthode britannique ? Une estimation des revenus imputés (à savoir le « bénéfice » économique qu’apporte le fait d’être propriétaire de son logement, a fortiori quand on a fini de le payer) fait partie des données qui doivent également être réunies. Cette variable, très importante dans un pays où pratiquement 70% (80% pour les ménages âgés) des ménages sont propriétaires n’est pas exploitée en Belgique. Pourquoi s’obstine-t-on, en Belgique, à ne pas tenir compte de ces revenus pour estimer le taux de pauvreté ? L’impact de la prise en compte des loyers imputés sur le taux de pauvreté a été estimé en 2009 à -1,7% pour le taux de pauvreté global et quasiment -10% pour le taux de pauvreté des 65 ans et plus. Toucher à l’immobilier en Belgique est semble-t-il un tabou, un tabou qui pénalise souvent les classes les plus pauvres de notre société.

Pour en savoir plus : Consultez le document complet « Pistes et éclairages économiques-Pour une nouvelle conception du pouvoir d’achat »