Du bon usage de la société de droit commun

IMG_0630Par Puilaetco Dewaay Private Bankers

L’une des pistes souvent évoquée lorsqu’on envisage une planification successorale est la constitution d’une société de droit commun. Il ne s’agit pourtant pas de la solution miracle. Utilisée à mauvais escient, elle ne permet pas de rencontrer les objectifs poursuivis.

Il importe dès lors de redéfinir les contours de cet instrument de planification, pour en cerner les atouts.

La société de droit commun résulte d’un contrat par lequel au moins deux associés mettent des biens en commun, dans le but de réaliser un même objectif. Cette société ne bénéficie pas de la personnalité juridique, ce qui implique que les biens apportés par les associés leur appartiennent à tous en indivision.

Pourquoi constituer une société de droit commun ?

Le recours à une société civile est utile lorsqu’on souhaite transmettre un patrimoine à la génération suivante, sans le rendre immédiatement disponible.

Dans un schéma classique, les parents apportent le patrimoine qu’ils souhaitent transmettre à leurs enfants dans une société civile, où le maintien du contrôle dans le chef des parents est prévu dans le mandat de gérant statutaire qui leur est confié. Ultérieurement, ils font donation de leurs parts, ou de la nue-propriété de celle-ci, à leurs enfants. Ces derniers deviennent alors associés d’une société civile dont leurs parents sont gérants statutaires.

Jusqu’au terme du mandat – généralement viager – des gérants, les enfants ne peuvent s’immiscer dans la gestion de la société.

Comment constituer une société de droit commun ?

Une société de droit commun résulte d’un contrat conclu entre les différentes parties. Ce contrat peut être rédigé sous seing privé ou par acte authentique. Ce dernier sera cependant exigé en cas d’apport d’un patrimoine immobilier à la société.

La rédaction des statuts est une étape cruciale dans une optique de bonne gestion et de transmission patrimoniale. En effet, c’est dans ces derniers que seront entre autres définis l’objet de la société, le mode de distribution des bénéfices, la désignation des gérants et leurs pouvoirs ou encore les règles de cession des parts.

S’agissant de l’objet de la société, il est important de préciser que celui-ci doit être civil, et non commercial. Par exemple, la constitution d’une société civile dans le but de réaliser de la promotion immobilière n’est pas conforme au caractère civil que doit avoir une telle société.

Quels biens apporter dans une société de droit commun ?

Assurément, des avoirs mobiliers, tels des collections d’art, des voitures ou encore des avoirs bancaires, peuvent faire l’objet d’un apport au sein d’une société de droit commun. En effet, de tels apports n’entrainent pas d’obligation fiscale particulière.

Par contre en cas d’apport d’un bien immobilier, l’enregistrement de l’acte est obligatoire et peut entrainer des conséquences fiscales néfastes. En effet, l’apport à une société de droit commun d’un bien d’habitation s’apparente en principe à un transfert de propriété soumis à la perception d’un droit d’enregistrement de 10% (immeuble situé en Flandre) ou 12,5% (immeubles sis à Bruxelles ou en Wallonie).

Toutefois, l’apport par plusieurs indivisaires d’un immeuble d’habitation dans une société de droit commun sans qu’il y ait un changement des quotes-parts de chaque ayant droit n’est pas taxable, puisqu’il n’y pas de transfert de propriété.

Par ailleurs, l’apport de biens mobiliers combiné avec un apport ultérieur ou complémentaire d’un immeuble d’habitation par un autre associé a une incidence directe sur le pourcentage des quotes-parts détenues par chaque associé dans la société de droit commun de sorte que les droits d’enregistrement (de 10% ou 12,5%) seront dus.

Enfin, toute cession ultérieure des parts d’une société de droit commun qui détient des immeubles, sera assimilée à une cession immobilière. S’il s’agit d’une cession à titre onéreux à un coassocié ou à un tiers, cela impliquera également le paiement de droits d’enregistrement de 1% (2,5% en Flandre) entre coassociés et de 10% ou 12,5% à l’égard des tiers. En cas de donation, ce sont les droits de donations immobilières qui seront appliqués.

En raison de cette spécificité, la structure de la société de droit commun ne se révèle pas fiscalement intéressante pour gérer un patrimoine immobilier.

Comment se réalise la planification successorale ?

En soi, la constitution d’une société de droit commun n’a pas pour effet de réduire les droits de succession, puisqu’il n’y a pas de transfert de patrimoine.

Ce n’est que la donation ultérieure des parts de la société, le cas échéant en nue-propriété plutôt qu’en pleine propriété, qui permettra in fine de réduire la facture des droits de succession.

En cas de donation avec réserve d’usufruit, l’acte devra être notarié. Lors que cet acte notarié est passé en Belgique, les droits de donation sont obligatoirement dus.

Dans l’hypothèse où la passation de l’acte a lieu par devant un notaire étranger, l’obligation d’enregistrer l’acte (et de facto de payer les droits de donation) tombe si la législation dudit pays étranger ne l’impose pas. Tel est le cas par exemple de la législation aux Pays-Bas.

Cette solution était jusqu’il y a peu idéale pour planifier une transmission de patrimoine sans payer d’impôt. L’administration fiscale flamande a cependant changé son point de vue sur cette pratique : elle impose d’enregistrer en Belgique la donation faite à l’étranger, à défaut de quoi les avoirs donnés seront soumis à l’impôt de succession.

Pour les résidents bruxellois et wallons, les règles n’ont pas changé : si les parties choisissent de ne pas enregistrer la donation en Belgique, il faudra que le donateur survive trois ans après la donation que les biens donnés échappent définitivement aux droits de succession.

Conclusion

La société de droit commun est un outil de planification idéal pour préparer la transmission d’avoirs mobiliers, tout en conservant le contrôle.

Si tel est votre objectif, faites-vous accompagner par un spécialiste pour discuter des différentes clauses à insérer dans les statuts de votre société de droit commun.

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