Disposer de biens à l’étranger ou avoir des enfants qui résident dans un autre pays sont des situations qui exigent une planification patrimoniale spécifique. Lors du petit déjeuner financier organisé ce jeudi 17 novembre 2016, La Libre Belgique et le blog MoneyStore.be recevaient deux expertes spécialisées dans le domaine de la transmission et de la planification successorales : Maître Bérénice Delahaye, avocate au barreau de Bruxelles et Colette Téchy, Conseillère Juridique Wealth Analysis and Planning chez ING Private Banking.
A quoi faut-il être attentif en général en matière de succession ? « Quel que soit le lieu de résidence des parties, lors d’une succession, il convient de faire une analyse juridique préalable tant sur le plan civil que sur le plan fiscal de la situation patrimoniale. Dans le cadre des successions ou des donations dans lesquelles des biens ou des ayant-droits sont à l’étranger, il convient de voir quelle sera la législation qui sera appliquée et si des conventions préventives de double imposition existent ou non », prévient Bérénice Delahaye.
La règle de base consiste à dire que si le défunt est un résident belge, la Belgique taxe toujours l’entièreté du patrimoine mondial. « Il y a donc un risque de double imposition si le pays étranger pratique aussi une taxation. Nous avons des conventions préventives de double imposition uniquement avec deux pays : la France et la Suède dans lesquelles il est prévu quel pays aura le pouvoir d’imposition », souligne Colette Téchy.
Pour les donations, il n’y a cependant pas de telles conventions entre les pays. En cas de donation, si un enfant réside à l’étranger, il faudra donc veiller aux conséquences de cette donation pour ne pas créer davantage de problèmes civils ou fiscaux alors que le but de cette opération est de diminuer ces inconvénients. Certains pays ne connaissent, par exemple, pas la notion de réserve d’usufruit et il existe parfois un risque réel que l’enfant soit taxé sur les revenus d’une donation. Dans certains cas, les ayant-droits peuvent aussi se heurter à des difficultés pour débloquer les avoirs successoraux à l’étranger, en particulier en-dehors de l’Union européenne.
A noter que, dès 2017, l’échange d’informations financières et patrimoniales entre les pays sera de plus en plus étendu. Lors de cette conférence, certaines situations par pays ont été abordées. Dans le cas de la France, la convention préventive de double imposition relative aux droits de succession prémunit les héritiers d’un double acharnement fiscal : les droits payés en France sont ainsi déductibles en Belgique. « Il faut cependant être attentif en cas de donation car il n’existe pas de telle convention. La durée de résidence en France du bénéficiaire interviendra dans la taxation. Nous conseillerions, pour les propriétaires de biens immobiliers en France, de ne pas attendre la succession mais de faire une donation avec si possible une réserve d’usufruit car les droits y sont assez avantageux », conseille Colette Téchy. Il faudra cependant être attentif au fait de procéder à des donations tant que le bénéficiaire est résident depuis moins de 6 ans et privilégier les donations avec réserve d’usufruit plus avantageuses sur le plan fiscal. « La présence d’enfants fiscalement résidents en France nécessite la mise en place d’une véritable stratégie pour déterminer ce qu’il y a lieu de donner et comment le donner », ajoute Colette Téchy.
Dans le cas de l’Espagne, de la Suisse ou des Etats-Unis, les problèmes sont beaucoup plus complexes puisque ce sont les communautés autonomes, les cantons ou les 50 états qui sont compétents pour la perception et la définition des droits de succession et de donation. « L’Espagne impose en droits de succession les ayant-droits résidents en Espagne. Si les ayant-droits ne résident pas en Espagne, les droits sont uniquement dus sur les biens situés en Espagne », explique Bérénice Delahaye. En Suisse, les droits sont une affaire cantonale mais sont quasi inexistants ou faibles en ligne directe et entre époux. Aux Etats-Unis, la situation est beaucoup plus problématique. En effet, la double taxation peut être de mise lors d’une succession et les droits peuvent ainsi s’élever au total à près de 60%. A cela, il convient encore d’ajouter les règles imposées par FATCA et l’imposition de nommer un exécuteur testamentaire.
Comment dès lors bien planifier sa transmission quand un élément international intervient ? Nos deux expertes sont très explicites à ce sujet : une transmission dans laquelle intervient un élément international ne s’improvise pas ! C’est un domaine spécialement mouvant. Dans certains cas, comme aux Etats-Unis, l’appel à un conseiller local sera nécessaire. « Non seulement, il faut bien se faire conseiller en Belgique et à l’étranger mais il convient surtout de savoir poser les bonnes questions qui varient souvent d’un pays à l’autre », note Bérénice Delahaye. Au-delà de ces conseils, les détenteurs d’un patrimoine plus conséquent devraient aussi revoir régulièrement leur planification successorale. Il n’y a pas qu’en Belgique que les règles et régimes fiscaux sont en perpétuel changement. Comme on fait un check-up médical, n’oublions pas de faire un check-up financier et successoral régulier !
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Je suis Belge (et domicilié en Belgique) et ma femme est décédée au mois d’août. Nous sommes propriétaires ensemble d’un bien en Hollande et notre fille vit en Afrique du Sud depuis 5 ans mariée à un Belge. A quoi dois-je être attentif lors de la déclaration de succession? On me demande des formulaires de filiation européens, par exemple.
Voici la réponse de Maître Delahaye à votre question:
Je suppose que votre épouse était résidente belge.
Il faut tout d’abord vous renseigner auprès d’un notaire hollandais s’il faut déposer une déclaration de succession aux Pays-Bas pour l’immeuble et si des droits de succession seront dus aux Pays-Bas. Dans l’affirmative, les droits payés aux Pays-Bas seront déductibles des droits de succession dus sur l’immeuble aux Pays-Bas en Belgique. Il faudra en avertir votre notaire belge afin qu’il demande la déduction des droits payés aux Pays-Bas dans la déclaration de succession belge (avec certaines pièces définies dans la loi à produire).
Pour l’Afrique du Sud, votre fille doit se renseigner auprès d’un conseil local si elle a une démarche à faire en qualité d’héritière dans le cadre d’une succession belge.
Je n’ai pas connaissance de formulaire européen de filiation…
Remarquable exposé clair par deux oratrices compétentes et didactiques.
Succès : assistance très nombreuse…
Si cela continue comme cela, il faudra trouver un local plus grand !
Nous attendons avec impatience la suite du programme des petits déjeuners et des rencontres de Moneystore pour décembre !