Vers une mise en pratique des promesses de la COP21 ?

IMG_0968Par Dirk Hoozemans, analyste des secteurs de l’énergie et des services aux collectivités au sein de l’équipe Actions internationales de Robeco.

L’objectif central de la COP21 visant à limiter le réchauffement climatique à 2 degrés pourra-t-il réellement être atteint ? Ou les gouvernements continueront-ils de faire l’autruche en matière de changements climatiques ?

Les gouvernements ont désormais assez bien renoncé à leur politique de l’autruche et ont tout à fait conscience de l’importance de répondre à cette problématique. La COP21 a reçu la participation de 196 pays, dont 187 ont été signataires. L’adoption d’une approche ascendante constitue un développement positif. Chaque pays soumettant sa propre contribution nationale (NDC – Nationally Defined Contribution) en matière de réduction d’émissions, il semblerait que l’on soit plus engagé qu’avant à atteindre l’objectif de limitation du réchauffement climatique à 2 °C, et au mieux à 1,5 °C.

Lors de cette conférence, il est également ressorti qu’un scénario de 2 °C ne sera pas soutenu par les contributions nationales actuelles. C’est donc la raison pour laquelle les pays doivent mettre en place un mécanisme d’examen visant à vérifier les progrès enregistrés par chaque pays tous les cinq ans. Il est par ailleurs très probable que l’on assiste à un durcissement continu des objectifs. En ce sens, il s’agit donc là d’une étape clé et les pays semblent assez prêts à s’engager sur cette voie. Une approche ascendante est plus efficace en matière de réduction des émissions qu’une approche descendante, dont la mise en œuvre est plus délicate.

Ces efforts pour lutter contre le changement climatique auront-ils un impact sur le secteur de l’énergie ?

Nous assisterons à un nouveau durcissement des politiques en matière de climat visant à réduire les émissions carbone en s’attaquant en premier lieu aux plus grands émetteurs de carbone qui utilisent les énergies fossiles. Des objectifs seront fixés en premier pour le charbon – qui représente environ 45 % des émissions carbones totales du secteur de l’énergie – ensuite pour le pétrole et, en dernier lieu, pour le gaz en raison de leurs émissions carbones plus réduites. Dans le même temps, les pays devront investir plus dans les sources d’énergies renouvelables telles que l’énergie solaire ou éolienne. Le faible prix du pétrole constitue toutefois un problème. En effet, il y a un an, le prix du pétrole était très élevé et les coûts relatifs à l’énergie éolienne et solaire étaient en baisse. Les énergies renouvelables étaient, de ce fait, plus compétitives. Toutefois, en ce moment, les hydrocarbures sont de nouveau très compétitifs par rapport aux énergies renouvelables. La grande question est donc de savoir quelle attitude va être adoptée par chacun des pays vis-à-vis de cette situation. Leur approche est-elle axée sur le long terme et font-ils des investissements importants dans les énergies renouvelables, ou privilégient-ils la compétitivité économique en prévoyant de retarder leurs investissements tant que les prix du pétrole sont si bas ?

Il y aura aussi un autre changement. Le Conseil de stabilité financière du G20 exercera plus de pression sur la manière dont les entreprises rendront publique leur exposition au changement climatique. Toutefois, il n’est pas toujours facile de chiffrer en termes monétaires le risque carbone. C’est plus simple si vous êtes producteur d’hydrocarbures ou une compagnie aérienne que si vous êtes, par exemple, une banque ou un détaillant. Nous sommes par ailleurs confrontés à des tendances à la décarbonation au sein du secteur de l’investissement. La Portfolio Decarbonization Coalition (PDC) a été créée pour examiner la manière dont les investisseurs mesurent les risques carbone au sein des portefeuilles et leur attitude vis-à-vis de cette question. Ont-ils recours à l’exclusion ou à une sorte d’ajustement du risque ? Cette approche est donc multidimensionnelle.

Les entreprises du secteur de l’énergie adapteront-elles de manière réaliste leurs modèles commerciaux pour opérer une transition des énergies fossiles vers les énergies renouvelables ?

Il s’agit là d’une évolution et non pas d’une révolution. S’il est évident que les entreprises du secteur de l’énergie ont un intérêt direct dans une économie axée sur les hydrocarbures, elles sont toutefois parfaitement conscientes des développements actuels. Les grandes compagnies pétrolières opèrent une transition dans leurs portefeuilles en passant du pétrole au gaz, qui est une source d’énergie plus propre. Il est néanmoins impossible d’abandonner les sources d’énergies traditionnelles du jour au lendemain. Dans le scénario qui limiterait sérieusement le réchauffement climatique, les véhicules électriques devraient représenter un quart du parc automobile mondial d’ici à 2030. À l’heure actuelle, ces véhicules représentent moins de 1 %. Pour cela, il faudrait une croissance considérable, soutenue par des investissements massifs en infrastructures dans ce domaine. Lorsque les prix du pétrole sont élevés, les consommateurs ont plus facilement tendance à changer de type de véhicule, ce qui n’est pas le cas quand l’essence est de nouveau bon marché à la pompe. En outre, les économies émergentes sont toujours fortement dépendantes du charbon pour leurs besoins en matière de production d’électricité. Le remplacement des énergies fossiles se fera de manière progressive.

Comment les investisseurs peuvent-ils s’adapter à la tendance visant à lutter contre le changement climatique en utilisant des énergies alternatives ?

Désinvestir des pollueurs comme le charbon est une manière de voter avec ses pieds. L’engagement est une autre manière de faire une différence. On ne peut ignorer ce qui se passe sous son nez. Toutefois, la transition vers les énergies renouvelables nécessite des investissements massifs. La COP21 a ainsi également permis de déterminer comment doit être assuré le financement à hauteur de plus de 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 qui permettra aux marchés émergents de développer leurs infrastructures en matière d’énergies renouvelables.

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