Pourquoi l’évolution des grandes entreprises européennes est-elle si décevante?

BreakfastPar Frédéric de Laminne

S’il est vrai que “Big is beautiful”, l’évolution des grandes entreprises européennes a de quoi inquiéter. D’après les chiffres publiés par le site Statista.com, il n’y avait plus, à fin mars 2015, que 9 entreprises européennes dans les 50 plus grandes entreprises du monde mesurées par la capitalisation boursière : pas moins de 31 étaient américaines et 8 étaient chinoises.

Sélection d’entreprises mondiales classées par capitalisation boursière

par défaut 2016-07-25 à 17.57.49                                    Source: Statista.com-mars 2015

A la vue de ce classement, on peut s’étonner de trouver en Belgique la plus grande société de l’Union Européenne : AB Inbev. Mais AB Inbev est un peu l’arbre qui cache la forêt car, à elle seule, elle représente plus de la moitié de la valeur de l’ensemble des sociétés belges cotées.

L’Europe et l’Amérique sont des marchés économiques de taille comparable. A la fin du siècle dernier, il semblait que les entreprises européennes allaient profiter du déclin du Japon pour se partager le monde avec les entreprises du pays de l’Oncle Sam. Or, l’hebdomadaire The Economist relève qu’actuellement un seul des 24 grands secteurs économiques est dominé par un groupe européen. Il s’agit de Nestlé dans le secteur alimentaire. A noter qu’Unilever ne vaut que 60% de Procter & Gamble, Airbus ne pèse que la moitié de Boeing et Siemens le tiers de General Electric. Deutsche Bank ne représente que le dixième de la valeur de JP Morgan Chase et Walmart est dix fois plus grand que Carrefour ou Tesco, deux des plus grandes chaînes de supermarchés européennes! Actuellement, la taille des 500 plus grandes sociétés américaines vaut le double de celle des 500 plus grandes capitalisations européennes. Comment expliquer la domination américaine actuelle? Outre une faible croissance en Europe et un dollar fort, The Economist propose quatre explications:

1°) L’Europe n’a pas choisi les bons secteurs: elle s’est concentrée sur les matières premières et l’acier ainsi que la banque, au moment où de nouveaux réglements ont entraîné une dépression dans les crédits internationaux. L’Europe a régressé en technologie et n’a créé aucune firme de la taille d’un Google ou d’un Facebook. Depuis l’an 2000, les grandes sociétés technologiques et de télécom ont eu de la peine à se réinventer: il suffit de comparer l’évolution d’un Nokia à celle de Cisco ou Microsoft.

2°) L’Europe ne s’est pas concentrée sur les bonnes régions du monde. Les sociétés européennes ont trop investi dans les marchés émergents, qui représentent 31% de leurs ventes contre 17% pour les sociétés américaines d’après les calculs de la banque Morgan Stanley. Quand la croissance des pays émergents a ralenti, les groupes européens ont été fortement pénalisés, depuis les producteurs de cognac jusqu’aux fabriquants de sacs de luxe.

3°) Les groupes européens ont cessé de faire des acquisitions, alors que le reste du monde continuait à se consolider. La part des Européens dans les grandes opérations est passée d’un tiers avant la crise à un cinquième après 2008. En particulier, les sociétés américaines ont continué à se renforcer chez elles de manière à dominer leur gigantesque marché domestique.

4°) Les dirigeants européens recherchent moins agressivement la valeur actionnariale (la “shareholder value”), ce qui peut expliquer la différence de valorisation des groupes européens et américains. Les sociétés européennes ont un rendement sur fonds propres plus faible et elles génèrent moins de cash pour leurs actionnaires, que ce soit en dividendes ou en rachat d’actions. Ceci pourrait expliquer que chaque dollar de capital investi et de bénéfice attendu soit mieux valorisé en Amérique.

Face à ce constat, une question émerge cependant: la taille est-elle un critère de qualité pour tous les stakeholders de l’entreprise? A méditer!

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