Clinton versus Trump, quel impact pour l’économie américaine ?

sunset-flag-america-fields-mediumPar Erik JOLY, Economiste en Chef, ABN AMRO Belgique

À l’approche des élections présidentielles américaines, nous nous sommes penchés sur les vraisemblables répercussions économiques découlant du résultat du scrutin, entre Hillary Clinton et Donald Trump. Même si les programmes économiques des deux candidats ne sont pas assez spécifiques pour obtenir des données chiffrées suffisantes, nous avons tâché de comparer les principaux thèmes abordés par les deux adversaires.

Hillary Clinton derrière le Bureau ovale

Début novembre se tiendront les élections présidentielles américaines, ainsi que celles des représentants et des sénateurs qui siègeront à l’un des deux organes du pouvoir législatif national. À la veille des conventions nationales de juillet, Hillary Clinton jouissait d’une avance confortable de quatre points sur son concurrent, et ce, dans la plupart des sondages. Par le passé, la fiabilité des sondages dépendait de la proximité de la date de dépouillement du scrutin. Par conséquent, la victoire de la candidate démocrate aux élections présidentielles paraît presque inéluctable, tandis que les Républicains conserveront très certainement la majorité à la Chambre de représentants, étant donné qu’il ne leur reste plus qu’à remporter 5 sièges, contre 30 pour les Démocrates. Dès lors, la probabilité que les Démocrates contrôlent la Chambre des représentants est relativement faible. En ce qui concerne le Sénat, les résultats se montrent bien plus imprévisibles.

Dans le cadre de ces élections, le débat économique a été relégué au second plan…

Cette année, le processus électoral américain en a surpris plus d’un en raison de son caractère contestataire. Les candidats à la présidentielle, dont Donald Trump, ont misé sur le sentiment anti-immigration et anti-mondialisation, l’inégalité et le désir de défendre les intérêts de la nation. En réalité, au cours de la campagne électorale, le programme économique a été relégué au second plan et les discours ont davantage joué sur la peur, dans l’optique d’attirer les électeurs sceptiques à l’égard de la mondialisation.

… et les programmes économiques restent vagues

L’agenda économique de Donald Trump se contente d’exposer quelques points concrets, alors que l’approche d’Hillary Clinton aborde 37 priorités/problématiques essentielles tout en restant vague sur bien des aspects. Dans une certaine mesure, les candidats partagent la même vision sur l’opposition aux accords de libre-échange et l’augmentation des dépenses publiques. Toutefois, les convictions de Donald Trump sont nettement plus fortes. En effet, il rejette catégoriquement les accords commerciaux et a fait la promesse d’adopter une approche plus agressive contre la Chine et le Mexique en vue de rééquilibrer les relations commerciales. Ces politiques pourraient conduire à une doctrine isolationniste en raison des probables ripostes des pays concernés. Par ailleurs, la croissance des exportations américaines ne tarderait pas à ralentir. Les principales différences politiques sont liées à l’immigration et aux soins de santé. À cet égard, Hillary Clinton s’inscrit dans la lignée de l’administration Obama, tandis que Donald Trump prévoit de réduire l’immigration, notamment par la construction d’un mur à la frontière avec le Mexique. Ce genre de politiques d’immigration resserrerait le marché du travail à mesure que la main-d’œuvre disponible se fait plus rare. Si la nation se rapproche du plein emploi, les pénuries de travailleurs pourraient avoir une incidence considérable sur les salaires, et conduire par la suite à une offre d’emplois réduite.

Quant aux dépenses publiques, les deux candidats projettent de les augmenter. Néanmoins, Donald Trump prévoit une hausse bien plus significative que son adversaire, laquelle donne la priorité aux soins de santé et à la sécurité sociale, compensés par de nouveaux impôts. Donald Trump prévoit, quant à lui, de réduire les impôts sur les sociétés, de 35 % à 15 %, alors que la candidate démocrate propose de compenser les nouvelles dépenses publiques par une augmentation de l’impôt sur le revenu, visant principalement les contribuables à hauts revenus. Selon les estimations du Committee for a Responsible Federal Budget, l’incidence budgétaire totale de la proposition de Donald Trump génèrerait une augmentation du ratio dette publique/PIB de 52 points d’ici à 2026, contre 12 points sous la présidence des Démocrates. D’après nous, l’augmentation significative de la dette découlant du programme du candidat républicain n’est pas viable. Par ailleurs, elle ferait l’objet d’une certaine résistance, et ce, même au sein du Parti républicain, étant donné que le ratio dette publique/PIB deviendrait ingérable (120 %).

En réalité, les électeurs républicains expriment un scepticisme plus profond que les partisans démocrates dans ce domaine, bien que dans les deux camps, le doute plane de plus en plus. Selon les enquêtes menées par YouGov, moins de 10 % des électeurs républicains s’attendent à un redressement de l’économie, et ce, depuis le deuxième semestre de l’année 2015. Les électeurs démocrates, quant à eux, se montrent davantage optimistes, même s’ils ne sont que 30 % à croire en une reprise économique. Cependant, leur optimisme s’est entaché en un an à peine, puisqu’ils étaient au départ près de 50 % à espérer une réelle amélioration. Ces différences justifient l’ampleur de la transformation proposée sur ce terrain. Manifestement, le candidat républicain aspire à un remaniement d’une multitude de questions politiques, notamment des réformes fiscales, du thème de l’immigration, du commerce et de la sécurité nationale.

Comportement du dollar américain lors des présidences précédentes

Nos recherches ont démontré que les développements économiques ainsi que l’opinion à l’égard du marché financier ont une incidence bien plus importante sur la devise américaine que les transformations politiques. Le billet vert affiche une nature des plus spécifiques. Tantôt, il s’agit d’une devise cyclique, tantôt d’une valeur refuge. Autrement dit, les facteurs cycliques prennent parfois le dessus et influencent la force du dollar américain, alors qu’à d’autres moments les caractéristiques de valeur refuge de cette monnaie prévalent. C’est pourquoi la connaissance des facteurs dominants dans un environnement donné revêt une importance capitale. Une vue d’ensemble du comportement adopté par le dollar américain lors des présidences précédentes est présentée ci-dessous.

La combinaison la plus favorable pour le dollar américain serait une croissance économique supérieure à la tendance, avec l’amélioration de la dynamique de croissance, l’obtention d’un ratio positif entre la croissance et l’inflation (c’est-à-dire une croissance supérieure à l’inflation) et l’augmentation ou le maintien à des taux élevés des rendements réels (taux d’intérêt nominal – inflation). Ce contexte favoriserait l’apparition du billet vert comme devise cyclique. Le président Reagan, lors de son premier mandat, a été le seul à démontrer cette combinaison unique, alors que la situation du dollar américain s’était totalement inversée au cours de son second mandat. De surcroît, lorsque Reagan est arrivé à la Maison-Blanche en 1981, il est parvenu à remonter le moral et l’estime de soi de son peuple. Par conséquent, les États-Unis étaient considérés comme une grande puissance mondiale, ce qui a grandement renforcé le statut de la devise du pays. Bien souvent, les facteurs cycliques ne pointent pas tous dans la même direction et leur incidence peut dès lors être nulle. La demande pour cette devise en tant que valeur refuge peut également être particulièrement élevée lors de crises majeures. Le dollar américain est fortement remonté lors du second mandat de Bill Clinton, en raison des multiples crises (marché des changes en Asie, fonds spéculatif Long Term Capital Management, Russie, Amérique latine), et de Barack Obama

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