Pour une meilleure efficacité des pouvoirs publics et de l’administration

IMG_1491 - Version 3Etienne de Callataÿ, Economiste à la Banque Degroof, Chargé de cours invité à l’Université de Namur, Alexandre de StreelProfesseur à l’Université de Namur, Olivier Lefebvre, Docteur en Economie, Luc Leruth, Professeur à l’ULg, Pierre Pestieau, Professeur à l’ULg et au CORE

Synthèse par Isabelle de Laminne

Il est souvent plus facile de proposer des mesures structurelles relatives aux recettes de l’Etat que de formuler des avis sur la manière de rendre les pouvoirs publics plus efficaces. Cependant, les économistes ne peuvent occulter cet aspect important et, même si l’exercice s’avère plus difficile, ils ne peuvent faire l’impasse sur ce type d’analyse. Lorsqu’on entame ce genre de réflexion, la première étape consiste à mentionner le coût des charges administratives.

Selon le Bureau du Plan, en 2012, le coût total des charges administratives des entreprises et des indépendants s’élevait à 6,36 milliards d’euros dont 5,13 milliards d’euros (soit 1,37 % du PIB) pesant sur les entreprises (surtout sur les petites entreprises) et 1,23 milliard d’euros (soit 0,33 % du PIB) supportés par les indépendants (essentiellement du secteur des services). Rappelons ici que ces charges ne représentent qu’une partie du coût de l’intervention publique. Il faut y ajouter la rémunération des fonctionnaires et, surtout, l’entrave possible à l’activité économique.

Coûts des contrôles

Une étude de la Commission Européenne, se basant sur des données collectées par l’OCDE en 2011, présente le coût moyen de la collecte des taxes dans l’Union Européenne pour 100 unités de revenus. Dans ce relevé, des pays comme la Pologne, la Slovaquie, la Belgique, la Bulgarie, la République Tchèque, l’Allemagne et le Portugal ont des coûts élevés dans cette collecte d’impôts. Au niveau des administrations, le coût des contrôles a également été épinglé par le FMI dans son rapport ROSC de 2008. Selon ce rapport, les procédures d’audit interne pourraient être améliorées, coordonnées et simplifiées en réduisant le nombre de contrôles internes et d’audit. Cela permettrait de minimiser les redondances dans les contrôles. Dans le domaine de l’efficacité des administrations fiscales, la Belgique n’est pas parmi les meilleurs élèves de la classe. Notre pays emploie, dans le domaine fiscal, autant de contrôleurs que les Pays-Bas pour une population nettement moindre. Les contrôleurs fiscaux belges sont tenus d’effectuer un certain nombre de contrôles par an. Il s’agit d’un mauvais indicateur car le contrôle peut porter sur des sommes plus ou moins importantes. De plus, les montants identifiés ne correspondent pas nécessairement aux montants effectivement récupérés. L’OCDE fait cependant remarquer que les chiffres pris dans les comparaisons entre pays concernant l’efficacité des administrations doivent être considérés avec précaution car les variables entre pays sont différentes (taux de taxation différents, variation de la nature des taxes collectées d’un pays à l’autre, …) .

Incitants et simplification

Il est certain que nos administrations pourraient être gérées de façon plus efficace. Mais, comment améliorer l’efficacité de l’administration ? Comment avoir des fonctionnaires plus performants ? Dans ce domaine, il est très difficile de proposer des mesures quantifiables. Pour atteindre ces objectifs, il sera sans doute préférable de se concentrer sur certains principes. Dans ce cadre, une première proposition serait de travailler davantage sur les incitants que sur la définition de buts à atteindre (nombre de dossiers, par exemple). Il n’existe cependant pas de bons incitants dans l’absolu. Ensuite, il faut aussi (et surtout !) penser « simple ». La simplification des règlements, l’allègement des procédures et l’appel au bon sens doivent aboutir à la mise en place de procédures plus simples, plus économes en temps et en ressources humaines. Ces dispositions doivent être prises à chaque échelon de l’administration. Cela passe aussi par l’éducation et par l’information à la fois des fonctionnaires mais aussi des citoyens. Dans cette simplification, il faut encourager l’utilisation des outils informatiques et technologiques (TIC) au sein de l’administration et vers la population.

Il faut aussi combattre le sentiment de « peur » qui est fréquent dans l’administration. Bon nombre d’actes sont posés comme des réflexes « parapluies » : pour éviter les ennuis, on multiplie les tâches ou les contrôles. Le temps est rarement un facteur dont on tient compte dans l’administration. De ce fait, le couple risque/rendement est biaisé. Le rôle du chef de service est fondamental pour augmenter la performance des fonctionnaires. Il faut donc instaurer des principes de management pour améliorer l’efficacité des services. Les bonnes pratiques de management constatées dans certains services devraient pouvoir faire l’objet de réplication dans d’autres services.

Inspiration internationale

Il est intéressant de voir ce qui se passe à l’étranger dans le domaine de la gestion des finances publiques. La Belgique pourrait ainsi s’inspirer de la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF) adoptée en France en 2001 et qui se base sur deux principes : sur une logique de performance de la gestion publique et sur une meilleure transparence de l’information budgétaire de façon à pouvoir instaurer un contrôle étroit par le Parlement. Elle poursuit une logique de résultats et non de moyens. Il a cependant fallu attendre 10 ans pour que la Cour des Comptes française en fasse l’évaluation.

On peut mentionner également l’importance des politiques d’évaluation et des études d’impact des projets qui sont engagés dans d’autres pays. Nous pourrions nous inspirer, dans ce domaine, de ce qui se fait aux Etats-Unis. Ce pays s’est doté d’une culture de l’évaluation qui fait sans doute défaut sur le vieux continent. Lorsque des politiques sont mises en place, il faudrait instaurer chez nous un système d’évaluation en continu en articulant différents outils économiques. Une approche systématique de l’évaluation des politiques mises en œuvre par les pouvoirs publics devrait permettre de mesurer et sans doute d’améliorer l’efficacité de l’action publique. Enfin, il serait faux de croire que les partenariats privés-publics pourraient être une solution miracle pour augmenter l’efficacité de l’administration. Ils ne peuvent pas toujours résoudre ou amenuiser des inefficacités dans le secteur public. Finalement, c’est surtout la culture de l’administration qu’il faudrait faire évoluer pour en améliorer l’efficacité.

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