Par la Banque Degroof Petercam
Alors que les frontières européennes sont assaillies de vagues d’émigrants tentant désespérément de rejoindre nos côtes, les discours nationalistes de barrières à l’immigration se confrontent à ceux prônant une plus grande ouverture et un accueil plus important.
Le recul du processus démocratique, les guerres civiles et le terrorisme expliquent en partie ces mouvements migratoires, qui ont été observés durant les grandes vagues fin du 19e et 20e siècles. Mais il s’agit également de la conséquence de la globalisation ; après le commerce et les capitaux, ce sont aux populations de se globaliser et de s’inter-changer librement.
Si certains craignent cette menace pour leurs marchés internes, elle peut être cependant une opportunité importante, et davantage au regard des évolutions démographiques de notre Europe vieillissante.
Notre planète compte aujourd’hui 7.3 milliards d’habitants. Elle en comptera plus de 11 milliards d’ici 2100. Avec cependant de grandes disparités en termes de croissance de population entre les continents et les pays mais également en groupes d’âge.
Le vieillissement de l’Europe est bien connu de tous. Il en va de même pour la plupart des pays développés à hauts revenus où la migration est souvent la seule source d’accroissement de la population. Cependant le vieillissement de la population n’est pas l’exclusivité de l’Europe : d’ici 2050 le nombre de quadragénaires aura aussi explosé en Afrique et en Asie, avec les conséquences connues en termes de marché d’emploi ou de ratio de dépendance vieillesse (nombre de personnes actives pour le nombre de personnes au-delà de 65 ans).
Aujourd’hui, les 34 membres de l’OCDE comptent près de 115 millions d’émigrants soit 10% de sa population. Ceux-ci contribuent pour plus des 2/3 de la croissance de la force de travail, facteur important face aux tendances d’emploi actuelles de la région.
Les Etats-Unis restent de loin la destination première des émigrants. L’Allemagne compte aussi parmi les destinations visées, suivie par la France et l’Espagne sur notre continent.
Les dernières données d’émigration en OCDE montrent plusieurs tendances. Tout d’abord, l’origine des migrants : de plus en plus d’Asie (notamment Chine et Inde) mais aussi d’Union Européenne (Roumanie e Pologne). Ensuite, le niveau d’éducation plus élevé que dans le passé : plus de 30% des émigrants ont un niveau d’éducation supérieure avec un diplôme universitaire selon les dernières statistiques de l’OCDE. Et pourtant, les émigrants font toujours face à une discrimination sévère en matière de travail ; un immigrant a deux fois plus de chance d’être surqualifié pour le job qu’il obtient qu’un natif. C’est ici tout le défi pour les pays dits riches car il y a une perte considérable en matière de développement économique potentiel. L’importance du chômage parmi la population émigrée est également un défi important à relever. Malheureusement, l’écart entre le chômage des émigrants et des natifs tend à s’accroitre en Europe (de 4.1% à 5.3% entre 2008 et 2013) alors qu’il se réduit aux Etats-Unis sur la même période.
Face à l’importante émigration de l’Amérique Latine, les Etats-Unis ont-ils adopté de meilleures politiques d’intégration que l’Europe ? Sont-ils plus conscients du potentiel que représente la population latino-américaine pour la force de travail ? Ou le haut taux d’emploi des émigrants s’explique principalement par des emplois sous-qualifiés et sous-payés surnommés « Mc Donald’s job » ? la réponse est sans doute à mi-chemin. Cependant, il est intéressant d’observer que les deux tiers des migrants accueillis par les Etats-Unis et le Canada sont diplômés du tertiaire, soit près du double de celui observé en Europe.
Migrants par niveau d’éducation en % du total | Union Européenne | Etats-Unis |
Primaire | 48 | 22 |
Secondaire | 28 | 36 |
Tertiaire | 24 | 42 |
Source : OCDE (2000)
L’Europe doit donc trouver une solution à la faible qualification de ses immigrés.
Et les chiffres publiés pour notre pays ne sont guère plus encourageants. Si les flux d’immigration sont finalement limités dans notre pays comparés à la moyenne de l’OCDE, la population émigrée constitue une part importante de la population totale en Belgique, classant notre pays dans le top 10 des membres de l’OCDE.
Source: OECD Migration Outlook 2014
Mais les chiffres d’emploi montrent les progrès encore à faire en matière d’intégration ; les immigrés devant faire face à un taux de chômage plus élevé que les natifs.
Et alors que nous fêtions le 8 septembre dernier le jour de l’alphabétisme, encore un nombre important d’analphabètes se compte dans notre pays parmi les immigrants. Sans surprise, ce chiffre est plus élevé pour les femmes.
Source: OECD Migration Outlook 2014
L’essoufflement du progrès technique et le vieillissement de notre population minimisent le potentiel de croissance de nos économies. En effet, le gain de productivité est réduit et la population active ne croit plus. L’immigration est alors un levier potentiel de croissance. Dès lors, elle ne devrait pas être crainte mais intégrée dans nos politiques de développement comme vecteur de croissance au-delà d’une logique budgétaire. Face à une population vieillissante, il faut hausser la qualité de cette main d’œuvre potentielle afin d’accroître réellement la population active et le marché de la demande avec une population disposant d’un réel pouvoir d’achat, porteur pour notre économie.
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Pourriez-vous indiquer le lien vers les sources de l’OCDE que vous reprenez dans votre billet ? Merci.
Les graphes et autres proviennent de l’outlook 2015 “International migration outlook 2015”; en grande partie disponible sur le net: http://www.oecd.org/migration/international-migration-outlook-1999124x.htm