Wim Vermeir – Chief Investment Officer d’AG Insurance
Le rachat d’obligations souveraines par la BCE (le fameux ‘quantitative easing’ ou assouplissement quantitatif) a eu l’effet escompté. Ces derniers mois, les taux d’intérêt ont chuté pour atteindre des niveaux historiquement bas. Il y a un an encore, personne n’aurait osé prédire que le taux belge à 5 ans serait négatif et que même l’Allemagne emprunterait à un taux négatif à 7 ans.
L’Irlande, l’un des pays qui menaçait de sombrer dans les problèmes au plus fort de la crise, a vu son taux à 10 ans baisser de 14 % en 2011 à 0,70 % aujourd’hui. Mario Draghi est donc bel et bien parvenu à évacuer le stress sur les marchés financiers. Le tableau ci-dessous montre qu’au fil des ans et des échéances, la couleur rouge s’estompe et les taux redeviennent positifs.
Ces taux exceptionnellement bas sont une aubaine pour ceux qui ont investi depuis un certain temps dans des obligations – ils pressentent en effet une plus-value appréciable – mais ils constituent aussi un risque pour les investisseurs qui optent aujourd’hui pour des obligations d’État. Entre-temps, une perte de capital n’est pas impensable si le taux devait progressivement remonter dans les années à venir.
Ce scénario n’a rien d’utopique : l’économie se remet petit à petit et l’inflation semble être au plus bas. De plus, si l’inflation et la croissance repartent à la hausse, le quantitave easing prendra fin en septembre 2016. Une fois cette demande artificielle supprimée, la voie sera ouverte aux hausses de taux. Historiquement parlant, il existe par ailleurs un lien entre croissance économique nominale et niveaux des taux à long terme : lorsque l’économie croît de 1 % et que l’inflation gagne 1 %, un taux d’intérêt à long terme de 2 % est justifié. Actuellement, nous sommes très clairement en dessous de ce niveau.
Aujourd’hui, la principale incertitude concerne la Grèce : une sortie de la zone euro pourrait provoquer une onde de choc sur les taux. Dans les semaines à venir, les échéances vont se succéder à un rythme soutenu. Nous restons persuadés qu’une solution sera malgré tout trouvée en dernière minute et que la Grèce continuera de faire partie de la zone euro, mais la probabilité d’une sortie a incontestablement gagné du terrain. La sortie de la Grèce pourrait avoir d’importantes répercussions sur le marché obligataire. Si un tel scénario devait se concrétiser, nous nous attendons à ce que le taux allemand reste extrêmement bas – plus bas encore qu’il ne l’est aujourd’hui – en raison d’une importante fuite vers des solutions de qualité et de l’intervention continue de la BCE, mais aussi à ce que les spreads des pays de la périphérie enregistrent une nette augmentation. Actuellement, on ne peut plus parler de certitudes, et certains spéculeront donc nécessairement sur la sortie d’autres pays. Par conséquent, l’option la plus indiquée semble la recherche d’une solution à la problématique de la dette grecque.
Pour les assureurs, l’impact d’une sortie grecque serait relativement limité. La plupart des institutions ont en effet fortement réduit leur exposition périphérique ces dernières années pour se tourner davantage vers leurs pays d’origine. Une sortie grecque et des hausses de spread n’auraient donc pas de conséquences trop graves. Le taux actuellement bas des obligations souveraines des pays du centre peut encore être compensé via des alternatives telles que les obligations d’entreprise, qui peuvent encore offrir des spreads raisonnables. À plus long terme toutefois, des taux d’intérêt plus élevés sont une nécessité absolue.
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