Wim Vermeir – Chief Investment Officer d’AG Insurance
Un seul sujet continue d’animer l’actualité et les marchés financiers : la problématique grecque finira-t-elle par accoucher d’une solution ? La saga grecque s’éternise et la moindre communication, qu’elle soit positive ou négative, suscite la nervosité des marchés.
Une solution devra pourtant être trouvée à court terme : chaque jour, les épargnants grecs retirent plus d’un milliard d’euros des banques, renforçant un peu plus encore la pression financière exercée sur les épaules des établissements bancaires. Jusqu’ici, la Banque centrale européenne a déjà été contrainte d’autoriser pour 86 milliards d’euros de crédits d’urgence pour permettre au secteur bancaire de disposer de suffisamment de moyens afin de faire face à l’exode des capitaux.
Que faut-il faire maintenant ? Un accord semble plus éloigné que jamais puisque le gouvernement grec a encore compliqué la situation en instaurant un référendum mal formulé. Néanmoins, nous continuons à penser qu’un accord pourra être dégagé. Les intérêts (et les pertes potentielles) sont en effet trop importants pour les deux parties. En cas de Grexit (sortie de la Grèce de la zone euro), la population grecque serait le plus durement touchée. Le secteur bancaire du pays, qui survit aujourd’hui par la grâce de la BCE, ferait faillite. Des contrôles des capitaux devront (devraient ?) être mis en place afin d’éviter que l’argent ne quitte le pays. Un retour à la drachme se traduirait par une dévaluation considérable de la devise, ce qui provoquerait un effondrement partiel du patrimoine privé. De plus, Athènes ne profiterait que modérément d’une dévaluation monétaire et du regain de compétitivité qui en résulterait puisque les produits d’exportation ne sont pas légion dans le pays. À court terme, une reprise économique basée sur les exportations n’est donc pas réaliste.
Mais pour les bailleurs de fonds également, un Grexit aurait de douloureuses répercussions. Outre l’argent nécessaire pour épauler le secteur bancaire, une grande partie de la dette publique (320 milliards d’euros) se trouve entre les mains de la BCE, et donc de l’ensemble des États membres de la zone euro. En cas de Grexit, ce montant devra en grande partie être amorti. De plus, le risque de voir d’autres mouvements nationalistes gagner de l’importance dans d’autres États membres – Podemos est actuellement le premier parti dans les sondages d’opinion en Espagne – est réel et pourrait mettre à mal la poursuite du projet européen. Une telle incertitude risque de pousser à la hausse les taux d’intérêt que certains pays doivent payer, ce qui pourrait alors gonfler la dette publique. L’incertitude croissante et la possibilité de rétracter son adhésion à l’euro pourraient effrayer les investisseurs étrangers, ce qui n’est bien entendu pas bon signe pour la croissance économique à plus long terme. Enfin, il ne faut pas non plus négliger certaines considérations d’ordre géopolitique : la présence d’un ‘état failli’ à la lisière de la zone euro constituerait une porte d’accès idéale pour les extrémistes et les combattants syriens. La Russie et la Chine auraient également la possibilité de renforcer leur influence dans le sud de l’Europe.
D’un point de vue objectif, un accord devrait donc pouvoir être trouvé. Pourtant, la frustration qui règne dans les deux camps est telle qu’il se pourrait que des décisions soient adoptées sur une base émotionnelle. Syriza a fait à ses électeurs des promesses inconsidérées, auxquelles le parti ne peut ou ne veut pas contre toute raison renoncer. De son côté, l’Europe ne peut accorder trop de concessions : une telle attitude serait injuste pour des pays qui ont travaillé d’arrache-pied pour faire des économies et des réformes, à l’image de l’Irlande et du Portugal. Si la dette grecque peut être annulée, d’autres pays lui emboîteront le pas avec la même demande. Tout ceci explique pourquoi les négociations se trouvent aujourd’hui dans l’impasse. Dans le meilleur des cas, nous pouvons espérer voir surgir un compromis par lequel aucun des deux camps ne perdrait trop la face. Dans le pire des cas, les deux parties ne trouvent pas d’accord et en sortent perdantes : l’Union européenne, qui subirait un grave revers politique et, surtout, la population grecque, qui sombrerait un peu plus encore dans la pauvreté.
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La situation est extrêmement délicate en Grèce et en Europe et bien malin celui qui parviendra à prédire ce qui se passera dans les prochains jours. On ne peut que croiser les doigts pour qu’un accord soit trouvé sans que l’UE et la Grèce ne perdent la face, mais à partir du moment où il est question de telles sommes d’argent, cela complique les choses.