Par Dieter Hein, Banque de Luxembourg
Aujourd’hui, quand on ouvre un journal financier et qu’on lit des articles traitant de l’évolution générale de l’économie, on est sans cesse confronté à la notion de « déflation » ce terme étant associé à d’autres : «peur», «souci» ou «risque». Ces associations sont d’autant plus inquiétantes que Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne, évoque inlassablement un risque de déflation qui doit être conjuré.
Puisque les banques centrales exercent une influence considérable sur les marchés financiers par leurs taux directeurs et autres mesures de politique monétaire, il importe que les investisseurs comprennent bien quel est le mobile de ces institutions et ce que signifie la déflation ou le risque de déflation.
En économie, on définit la déflation comme un recul général, significatif et durable du niveau des prix des marchandises et des services.
La cause principale d’un recul des prix est une augmentation de la productivité, c’est-à-dire la capacité d’offrir un produit ou service de meilleure qualité et/ou pour moins cher. On observe ce phénomène dans le secteur de l’informatique et de l’électronique grand public: le dernier modèle de l’iPhone coûte à peu près un tiers du prix de l’ordinateur MacIntosh en 1984, soit environ 2 500 USD à l’époque, alors que ses capacités sont incomparablement plus élevées.
Mais il existe aussi des exemples moins connus de déflation due aux gains de productivité. Ainsi, d’après l’Institut der deutschen Wirtschaft (Institut de recherche sur l’économie allemande), en Allemagne le prix de la plupart des aliments de base (beurre, sucre, lait, pain, etc.) a augmenté en valeur nominale depuis 1960, ou encore depuis 1991. D’un autre côté, le travailleur « moyen » devait travailler 51 minutes pour s’acheter 10 œufs en 1960 ; en 1991, il n’avait plus besoin que de 9 minutes et en 2009, de 8 minutes seulement. D’une manière générale, en 2009 le travailleur moyen n’avait plus qu’à travailler un tiers du temps pour s’offrir le même panier de marchandises qu’en 1960.
Une autre cause importante de la déflation – à savoir l’existence d’une offre supérieure à la demande, s’observe actuellement dans le prix du pétrole. Il faut garder à l’esprit le fait que la demande de pétrole n’est pas sensible (ou élastique) à son prix. Cela signifie par exemple qu’on utilise à peine plus sa voiture quand le prix de l’or noir baisse, ou à peine moins quand il augmente. De plus, un point clé est que l’offre peut être accrue ou réduite très rapidement et simplement : Il est assez aisé de tourner le « robinet du pétrole » dans un sens ou dans l’autre.
Etant donné que, pour diverses raisons politiques et économiques, les producteurs de brut ne sont actuellement pas sur la même longueur d’onde et que tous veulent vendre le plus de pétrole possible l’offre mondiale de pétrole est pléthorique et le prix de toutes les variétés de brut a plongé de plus de 50 % en 18 mois.[1]
Comment se fait-il alors que l’économie ne tombe que rarement en déflation ? On peut relever deux raisons principales.
D’une part, la baisse des prix laisse aux consommateurs plus d’argent pour acheter plus de produits ou pour acquérir des articles différents ou de plus grande valeur. De ce fait, la composition du panier de marchandises sur base duquel est calculé l’indice des prix à la consommation évolue. [2] Le changement de comportement des consommateurs compense l’effet déflationniste.
D’autre part, la déflation dépend naturellement aussi de la quantité d’argent disponible et de la croissance de la masse monétaire. Et bien que l’argent soit créé par les banques commerciales lorsqu’elles accordent des crédits, ce sont en définitive les banques centrales qui pilotent la croissance de la masse monétaire au moyen de leur politique monétaire. [3] Par le passé cette politique consistait à créer en permanence un peu plus d’argent que nécessaire de manière à générer une inflation (modérée).
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