Interviewés par Daniel Franklin et Matthew Bishop du journal The Economist, Bill et Melinda Gates étaient à Bruxelles ce 22 janvier pour faire le point sur les 15 années d’activité de leur fondation et aborder leur vision pour 2030.
Des « optimistes impatients »
Ce couple soudé qui aime se présenter comme des « optimistes impatients » fait le pari ambitieux qu’à l’issue des 15 prochaines années, la mortalité infantile sera diminuée de moitié, l’Afrique sera capable de se nourrir elle-même, la banque digitale sera accessible aux plus pauvres et que l’enseignement sera révolutionné grâce à la digitalisation du savoir. Pour eux, les 15 années à venir seront synonymes d’un progrès sans précédent pour les conditions de vie des populations les plus pauvres.
Aujourd’hui, actifs à temps plein dans leur fondation, Bill et Melinda sont devenus de véritables partenaires dans ce parcours qu’ils qualifient volontiers « d’initiatique ». Là où Bill se penche sur la stratégie globale et se concentre plutôt sur les chiffres et statistiques, Melinda a une approche intuitive et empirique nourrie par ses rencontres avec les bénéficiaires sur le terrain. Ce sont ces différents angles complémentaires qui leur ont permis de progresser pendant ces 15 années.
La force du progrès
L’aventure remonte à 1993 lors d’un voyage en Afrique. C’est à ce moment là que Bill et Melinda décident que la philanthropie serait leur projet commun « post-Microsoft ». S’ensuit une période de recherche et de collecte d’informations qui les mena à développer une certaine expertise sur les maladies infantiles dans les pays où ce problème est chronique. Ce sera le premier thème principal de leur fondation. Bill et Melinda ont choisi de s’attaquer aux causes, souvent invisibles, de problèmes majeurs qui sont aussi source d’importants changements. C’est ainsi qu’ils choisissent l’enseignement comme second pilier de leur fondation, en tant que principal vecteur de changement à long terme. La Bill and Melinda Gates Foundation vit le jour en 2000, avec en tête le même pari que Bill fit avec Microsoft une trentaine d’années auparavant : amener le progrès grâce aux nouvelles technologies dans la santé et l’éducation, tout comme le progrès avait été apporté dans le travail et la communication grâce à l’arrivée du PC.
Ils connurent bien sûr des échecs, comme une de leurs campagnes de vaccination en Inde qui nécessita d’énormes moyens et ne livra que des résultats modestes. Ils avouent aussi avoir été naïfs lorsqu’ils pensaient que les petites écoles étaient la solution de l’enseignement alors qu’ils réalisent aujourd’hui que c’est l’enseignant qui est à la base du changement, peu importe la taille de l’école.
Changer le monde
Forts de leurs convictions et de leur enthousiasme, le couple Gates lance en 2010 avec Warren Buffet l’initiative du « Giving Pledge » par laquelle ils encouragent les personnes les plus fortunées à s’engager en donnant la plus grande partie de leur patrimoine. Par ce geste de générosité, ils souhaitent voir la philanthropie passer à une étape supérieure. Comme ils le disent, si l’on change la philanthropie, on peut changer le monde. Quelle est la place de leurs enfants dans cette décision ? Pour Bill, ce ne serait pas un service de leur offrir d’être des millionnaires-nés. Il ne les force pas non plus à suivre le modèle de leurs parents. Ses enfants auront à choisir leur voie et choisiront leurs propres passions. Melinda a voulu transmettre à sa famille la responsabilité, conviction partagée entièrement avec les enfants qui soutiennent leurs parents dans cette mission.
Lorsqu’on entend de l’homme d’affaires que la philanthropie partagée avec Melinda est « la chose la plus satisfaisante que nous ayons faite », on imagine aisément que leur horizon ne s’arrêtera pas à 2030.
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