Il faudra s’habituer à une faible croissance

IMG_1457C’est l’avis des économistes que la Société Royale d’Economie Politique de Belgique (SREPB) recevait pour son débat annuel des économistes: Philippe Eulaerts, Chief Economist chez SKF, Philippe Donnay, Commissaire au Plan et Philippe Ledent, Senior Economist chez ING Belgique.

Si, au niveau mondial, on a assisté à une amélioration de la croissance en 2014, celle-ci  était loin d’être homogène. « Les Etats-Unis ont enregistré une reprise tirée par la demande domestique. Tout semble indiquer que cette croissance restera soutenue en 2015. La confiance est revenue, les salaires horaires moyens sont en hausse, les marchés financiers sont solides et les prix du pétrole sont bas. On assiste aussi à une reprise des investissements, élément-clef de la croissance aux Etats-Unis. Par contre, le Japon est en récession technique et les émergents, avec une croissance de 4%, sont en retrait par rapport aux années antérieures », constate Philippe Eulaerts. Les éléments géopolitiques ont également miné la confiance sur les marchés en 2014.

En Europe, nous sommes engagés dans un contexte de croissance plus faible que par le passé. Nous ne sommes toujours pas revenus à des niveaux d’avant la crise. « Une nouvelle norme de croissance est-elle en train de s’installer en Europe dans un contexte de vieillissement de la population et de faible productivité ? Le monde est plus risqué et cela mine la confiance », reconnaît Philippe Ledent. La BCE a changé son fusil d’épaule : elle a enclenché deux baisses des taux d’intérêt et annoncé un élargissement du quantitative easing aux dettes publiques. « Elle pratique des taux négatifs pour les dépôts bancaires, ce qui est hors normes », ajoute Philippe Ledent. Cependant, les divergences entre pays sont encore très importantes. « Les perspectives pour l’année 2015 en Europe ne sont pas catastrophiques mais nous resterons dans un environnement de croissance faible avec des problèmes structurels à régler », estime Philippe Ledent.

En ce qui concerne la Belgique, les prévisions conjoncturelles ont été revues à la baisse avec un taux de croissance estimé pour 2015 à 0,9% par la Banque Nationale. « Ces prévisions ne tiennent cependant pas compte de la politique budgétaire fédérale et des régions. Il faudra s’habituer à de faibles taux de croissance et à une stagnation séculaire. Au Bureau du Plan, on annonce toujours une reprise et nous devons chaque fois revoir nos perspectives à la baisse », constate Philippe Donnay.

Pourquoi tant d’ombres au tableau à la veille de 2015 ? D’une part, le contexte international n’encourage pas un climat de confiance favorable. C’est la confiance qui est le moteur de la croissance. Or, en Belgique, la confiance des consommateurs et des entreprises s’est dégradée et pèse sur les prévisions. Et l’inflation ? La Belgique va-t-elle verser dans un scénario de déflation ? « Nous ne pensons pas que nous allons tomber en déflation. Il y a des mesures qui poussent l’inflation à la baisse mais nous sommes encore avec une inflation positive. La Belgique n’est pas une île et les risques sont aussi externes. Les chiffres de croissance et d’inflation sont revus à la baisse. Nous entrons dans une zone de croissance structurellement faible. Ce phénomène n’est pas nouveau et n’est pas dû à la crise de 2008. Chaque décade connaît une baisse de productivité », prévient Philippe Donnay.

Cet économiste fait remarquer que ce recul de productivité existe depuis 20 à 40 ans. «C’est un véritable problème et nous devons absolument entamer des réformes structurelles. Nous souffrons d’un manque d’instruments au niveau politique. Les Etats n’ont pas pris la pleine mesure de la nécessité d’oser enclencher des mesures structurelles. Mais restons optimistes », conclut le Commissaire au Plan. Car c’est bien d’optimisme dont nous devrons nous armer pour aborder l’année qui vient dans un contexte où les réformes structurelles se font attendre.

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