Etienne de Callataÿ, Chief Economist à la Banque Degroof, nous rappelle que toute crise est aussi une source de changement et de réformes. La crise qui a éclaté en 2008 est une crise multiple.
« Nous devrions parler plutôt de crises au pluriel. Il y a bien sûr eu la crise économique et financière avec la crise des banques, le chômage, l’accroissement de la pauvreté. Mais cette crise est aussi sociale, intertemporelle et politique. Par ailleurs, il faut reconnaître que notre société a aussi engrangé des progrès. L’intégration européenne est renforcée et nous avons réussi à réduire la pauvreté la plus abjecte et à réduire les inégalités planétaires, par exemple », explique cet économiste. Nous vivons désormais dans un monde dans lequel nous sommes de plus en plus interdépendants et… individualistes !
Cependant, nous aurions tort de croire que tout allait bien avant la crise et que 2008 est une année qui a bouleversé un équilibre existant. Les failles de notre système étaient déjà bien présentes et la crise financière a surtout été un catalyseur, un révélateur de manquements qui la précédaient. « La corruption et le népotisme existaient déjà en Grèce. Il faut aussi admettre que le mot crise ne convient plus ; c’est un terme trop ponctuel et trop négatif. Nous vivons plutôt une transformation de nos sociétés », estime Etienne de Callataÿ.
Cette transformation est aussi source d’enseignements. Elle nous montre nos illusions perdues. Nous ne pouvons plus croire béatement à l’efficience des marchés, aux vertus de la dérégulation ou encore aux mérites de la flexibilité. La stabilité n’est pas bonne et est une illusion.
Qu’avons nous gagné dans cette crise ? « Nous avons pu constater la résilience de nos sociétés. La nécessité d’une bonne gouvernance est aussi apparue et nous avons redécouvert les vertus de l’autorité publique. Les dangers de l’endettement et les vices de l’optimisation fiscale sont également apparus au grand jour », reconnaît Etienne de Callataÿ. Nous avons aussi redécouvert la nécessité de la co-responsabilité qui est surtout apparue au niveau européen. Nous avons réalisé les dangers d’un endettement excessif. Finalement, nous devrions admettre que la première façon d’être civique c’est de payer nos impôts. La crise a aussi fait évoluer les idées comme celles du Fonds Monétaire International (FMI).
Dans cet environnement, l’économie, la science économique, est une science morale qui invite à la tempérance face aux excès. Elle n’est pas une science qui encourage à devenir le plus riche, le plus vite possible, dans un environnement de croissance. « L’économie ne détient pas LA solution miracle à la crise mais elle nous enseigne qu’il convient de réformer un ensemble de choses. Les retraites, la fiscalité, le marché du travail, l’enseignement, la politique énergétique ou le système financier appellent des réformes importantes », prévient Etienne de Callataÿ.
Nous ne sommes pas au crépuscule mais bien à l’aube d’une nouvelle ère qui nous interpelle et exige de nous que nous chaussions de nouvelles lunettes. Réformer c’est aussi renoncer à certaines certitudes. La crise a donc été à un révélateur qui nous mobilise aussi vers le changement en renonçant à une stabilité qui rend fou. Et pour conclure, reprenons cette phrase de Jean Monnet : « Les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise ».
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