La Pologne nationalise les fonds de pension. Un avertissement ?

Photo128#2Depuis le 1er février dernier, l’Etat polonais a transféré manu militari les bons du Trésor polonais détenus par les fonds de pension privés (soit plus de 50% de leurs avoirs) vers un organisme étatique de sécurité sociale en s’engageant parallèlement à payer les pensions des affiliés à ces fonds de pension. Le but de cette opération ? Alléger le poids de la dette publique sur les finances de l’Etat. Cette dette représente 58% du PIB et l’objectif était de la redescendre en-dessous de 50% du PIB en raison de la charge des taux d’intérêts pesant sur elle.

Cette nationalisation, qui s’apparente à une confiscation, a ébranlé la confiance des investisseurs et la bourse de Varsovie a encaissé une forte baisse suite à cette opération radicale. Quels enseignements pouvons-nous tirer de cette intervention? Doit-on craindre, dans un environnement de croissance atone, un effet boule de neige alors que les états européens croulent sous le poids de dettes publiques astronomiques?

D’une part, il faut rappeler que nous avons déjà connu ce genre de situations. La Hongrie a aussi instauré de telles mesures en 2010. Avant la guerre, nos pays européens sont également passés par une phase de nationalisation du système des pensions. « Avant la guerre, des systèmes par capitalisation ont été nationalisés pour mettre en place des systèmes publics par répartition. Ce déplacement de structures du privé vers le public est plus fréquent qu’on ne le croit. La conception de la sécurité sociale de la plupart des pays européens est basée sur un système qui était, à l’origine, compartimenté. La question qui peut être posée est de savoir à partir de quel moment un état peut intervenir dans le privé », relève Pierre Pestieau, Professeur à l’ULg.

D’autre part, le système polonais qui avait été instauré en 1999 ne s’apparente pas totalement au régime du deuxième pilier que nous connaissons en Belgique. « En Pologne, comme dans beaucoup de pays de l’ex-bloc soviétique, il s’agit plutôt d’un premier pilier bis qui était obligatoire, basé sur la capitalisation et garanti par l’Etat. Il n’était donc pas calqué sur le modèle traditionnel européen qui, lui, se fonde sur des accords sectoriels sans intervention de l’Etat. C’était un bon début et ces efforts semblent aujourd’hui balayés », note Philippe Neyt, Président de l’Association Belge des Institutions de Pension (ABIP).

Quand un système est obligatoire et subventionné par l’Etat (aussi par une garantie), on pourrait estimer que l’Etat a un droit de regard. Parfois, l’Etat peut aussi reprendre les rennes pour assurer un rendement stable qui peut être compromis par des aléas boursiers qui influencent les placements dans les fonds gérés par le privé et qui sont garantis par l’Etat et ce, quand le système est obligatoire.

Et en Belgique ? La Belgique a une dette qui dépasse largement celle de la Pologne et notre système des pensions est fragile. Mais le deuxième pilier en Belgique est basé sur des accords sectoriels et il n’y a pas d’intervention de l’Etat. Le nombre d’affiliés à ce régime est en croissance et atteint aujourd’hui 2,8 millions de bénéficiaires. Le poids des obligations gouvernementales belges dans ces fonds est limité à 3-4%. Il n’y a donc pas lieu de craindre une telle nationalisation. Cependant, il convient de rester vigilants. «Dans la déclaration gouvernementale, on parle d’une possibilité d’instaurer un premier pilier bis. Il ne s’agit pas de confisquer ou de nationaliser les fonds de pension mais bien d’instaurer un système de deuxième pilier obligatoire qui capterait une partie des cotisations qui vont vers le deuxième pilier aujourd’hui et en créant des comptes notionnels (un droit à la pension non capitalisé). La décision n’est pas prise mais on commence à l’évoquer », ajoute Philippe Neyt.

La problématique des pensions n’est pas un thème porteur dans une campagne électorale. On constate, avec dépit, la discrétion dont font preuve nos hommes et femmes politiques sur ce sujet. Or, notre système des retraites a besoin de réformes urgentes. Dans ce système de retraites, les quatre piliers sont nécessaires et ont un rôle à jouer. Il appelle à des refontes urgentes qui restent malheureusement sous silence.

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